Simples Entretiens sur le Tentateur (S. D. GORDON)


Traduit de l'anglais par Mlle Jeanne EBERHARD

NOUVELLE SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS DE TOULOUSE — DIEULEFIT Drôme


TABLE DES MATIERES

·              Préface                 

·              Introduction              

·              I. La tentation           

·              II. Le tentateur                  

·              III. Son combat actuel                   

·              IV. Tentations-types            

·              V. Le secret de la victoire   


PRÉFACE

Les bons livres sur Satan sont rares. La littérature religieuse de toute langue en est relativement pauvre. En français, à part certains volumes d'une théologie spéciale, nous serions bien en peine de nommer des oeuvres de pensée sûre et d'expression juste. Nous connaissons les « Discours sur le Tentateur » d'Adolphe Monod, quelques études de G. Tophel, et, ci et là, dans certains ouvrages sur la Puissance de Dieu et le Problème du Mal, des pages plus ou moins complètes pour un si vaste sujet.

Nous n'avons certes pas la prétention d'offrir au public religieux un recueil d'Entretiens qui épuiseraient la question. Nous avouons volontiers que S. Gordon est loin d'avoir, en la matière, les aperçus théologiques d'un saint Thomas d'Aquin. Le Docteur Angélique, en effet, a apporté aux questions que l'on se pose et se posera toujours : D'où vient Satan ? Qui donc l'a fait tomber ? Pourquoi Satan ? des réponses admirables par leur profondeur de pensée, sur lesquelles nous ne pouvons pas revenir ici. Sur les données de ces réponses, on le sait, toute une doctrine de la destinée humaine et chrétienne a été construite.

S. Gordon, prédicateur biblique et peu théologien, sans manquer de grandeur, s'il avait lu la Somme, aurait certainement plus d'envergure.

Adolphe Monod lui-même, dans ses discours, pose des problèmes essentiels qui échappent à notre auteur. Il est vrai que ce grand prédicateur ne leur donne aucune solution. Du moins, il les résout par la foi. Gordon, qui s'en tient à l'enseignement de la Bible et l'accepte tel qu'il est, aboutit au même résultat.

Et c'est là tout le charme profond de ce livre, déjà ressenti dans les autres oeuvres de S. Gordon qui ont été traduites : « Simples Entretiens sur la Puissance Spirituelle » et « Simples Entretiens sur la Prière ». Notre auteur est foncièrement biblique. A tout ce qu'il avance, il ajoute un texte. Non un texte détaché de l'ensemble scripturaire, mais apporté avec tout le respect dû aux principes de l'analogie de la foi.

De ce fait, ces Entretiens, sur un sujet si délicat, observent une mesure, une sagesse, une pondération, un équilibre parfait. D'autres livres sur le Tentateur insistaient tant sur la puissance de notre Ennemi et sur sa force que le lecteur les refermait avec effroi. Nous connaissons même des cas de troubles mentaux causés par une telle lecture. Au contraire, ici, tout est tonique et bienfaisant. Satan, sans doute, est montré comme « celui qui est fort », mais le Fils de Dieu est démontré le « plus fort ». A insister sur la victoire de Jésus, comme notre auteur le fait ; à expliquer comment et pourquoi le Maître l'a remportée pour nous ; à prouver que cette victoire est toujours à notre disposition, Gordon détourne de Satan les regards du lecteur et les reporte sur le Vainqueur. Tel est le secret de la valeur et de la beauté de ces Entretiens. L'Ennemi perd sa place dans nos préoccupations ; il n'est plus le premier. « Celui qui résume toute chose » devient le centre même de ces études.

Et cependant, le Tentateur, son histoire, son rôle, son sens, ses méthodes, ses ruses, sa force, ses limites, sa défaite, sont admirablement décrits. Que de conseils précieux nous sont donnés avec une incomparable perspicacité

Or, à l'heure que nous vivons, nous avons particulièrement besoin de ces conseils.

Un peu partout, nous entendons parler de chutes retentissantes de chrétiens marquants. D'autant plus retentissantes que ces chrétiens étaient marquants. Église en est honteuse et perplexe. Elle se prend parfois à douter. Elle se demande si Évangile détient vraiment cette puissance qu'il prétend posséder, ou du moins, si la force reçue par les enfants de Dieu n'est pas un leurre. Elle connaît des heures de défaite.

Nous croyons, nous, qu'à cet état de chose, deux causes profondes sont à affirmer. Notre piété moderne est trop sentimentale, charnelle, et pas assez spirituelle. Et puis, elle ignore trop, précisément, le Tentateur. Elle se croit forte de l'ignorer. Elle voit là une marque de sagesse et de libération de préjugés passés. Politique d'autruche qui cache sa tête dans le sable pour ne plus voir son ennemi devant elle. Or, l'Ennemi le sait et en profite. Que de frères en la foi, s'ils avaient été mieux avertis, ne seraient pas tombés. Mieux armés, ils eussent été vainqueurs. Ignorants du vrai sens de la tentation et de ses pièges, ils ont été vaincus.

Ces « Entretiens » viennent à leur heure, croyons-nous. Ils n'ont rien d'effroyable. Toujours calmes, empreints de paix et de sérénité vraies, puisées en Jésus, le Vainqueur, ils n'inquiètent personne. Au contraire, ils peuvent être mis entre les mains de chrétiens jeunes en la foi, débutants ou hésitants sur le chemin du « bon combat ».

// nous faut remercier la traductrice de l'effort qu'elle a fait pour rendre simple son expression et claire sa traduction. Celle-ci n'a rien de théologique. Le livre anglais a été, aussi, abrégé, car certaines répétitions sont moins utiles au lecteur qu'à l'auditeur d'un message.

Nous avons nous-mêmes revu les épreuves avec soin et travaillé, dans la mesure de nos moyens, à la netteté du style et de la pensée. Nous avons retiré de ce travail le plus grand bien spirituel. C'est pourquoi nous recommandons ce livre.

Que Dieu bénisse, pour beaucoup d'âmes, cette lecture.

Henri Eberhard, Pasteur.


INTRODUCTION

Ces simples entretiens sur le Tentateur sont, au fond, des entretiens sur la vie de l'Esprit. De ce fait, la place prédominante y est réservée au Seigneur Jésus, le Vainqueur ; au Calvaire, lieu de la Victoire ; à l'Obéissance, chemin de la Victoire ; à l'étude de la Bible, à la Prière, les armes de la Victoire ; et au Courage — foi dans le combat — esprit de la Victoire.

Ce sont d'humbles entretiens, d'une grande simplicité, qui vont droit au but. Les répétitions qui s'y trouvent sont voulues. Elles sont le propre de la conversation (1). Ces discours furent prononcés devant des foules à qui le tourbillon du monde faisait perdre l'équilibre de la vie spirituelle. Pour répondre au désir de beaucoup d'auditeurs, ils ont été imprimés tels quels ou à peu près, dans le dessein d'aider et d'encourager ceux qui luttent et de les conduire plus rapidement et plus sûrement à la victoire.

(1) Nous en avons toutefois supprimé plusieurs. L'esprit français n'aime guère, en effet, les répétitions. Nous avons gardé celles qui apportaient avec elles quelques idées nouvelles. (N. du traducteur).

Ils ne sont ni pour le savant ni pour le critique, à moins que ceux-ci ne consentent à s'abaisser jusqu'à leurs frères qui, sur le chemin de la vie, cherchent humblement à être éclairés. Si, par la grâce du Maître, ces entretiens pouvaient relever ceux qui sombrent dans la lutte, et leur permettre dorénavant de combattre mieux armés, de chanter plus joyeusement, de suivre Jésus plus fidèlement ; s'ils orientaient, ne serait-ce qu'un petit nombre de vies, vers plus de pureté, plus de compréhension, plus de consécration dans le service, plus de vigilance, plus d'esprit de prière, ils auraient accompli l'oeuvre pour laquelle ils ont été écrits, à la gloire de notre souverain Maître et Sauveur, Jésus-Christ.


I. LA TENTATION

Elle emprunte les chemins de Dieu

Nous connaissons tous la tentation. Tout homme qui respire est tenté. Ce corps, dans lequel il habite, lui est une cause de tentation. Ce cerveau même, avec lequel il pense, peut lui dresser des embûches. C'est une tentation pour un tempérament sociable que d'accorder trop d'importance aux humains, ses frères. C'est une tentation que l'ambition, même légitime, de jouer un rôle dans la vie, de lutter avec ses propres moyens et — dans un bon sentiment — de remporter des victoires personnelles.

Car la tentation ne s'égare pas. Elle suit les voies naturelles de la vie. Satan chemine sur les sentiers de Dieu. Il n'en crée jamais de particuliers. Il se sert de ceux que Dieu a tracés. Rien n'est mauvais en soi. Mais tout peut devenir condamnable. Le péché réside dans le mauvais motif d'une action ou dans le mauvais mobile qui l'inspire. Il se trouve dans tout excès, dans toute exagération.

La parole est un don de Dieu. Mais le désir de tromper par elle et de faire usage de sa langue pour dire ce qui n'est pas vrai vient du malin. L'action d'ouvrir un tiroir, d'y plonger la main pour en sortir de l'argent peut être bonne ou mauvaise. Tout dépend de la main qui pénètre dans ce tiroir et du mobile qui la meut.

Cet acte peut devenir la manifestation de ces deux extrêmes : le bien ou le mal.

Si ce tiroir et son contenu sont à moi, et que dans un esprit de prière je me saisisse de l'argent pour le faire servir à répandre Évangile dans les pays païens, l'acte est non seulement bon, mais louable. Car les païens ont besoin de l'Évangile et l'argent donné peut ainsi, par la grâce du Saint-Esprit, être transformé en moyen d'amener une âme au salut. Si, au contraire, ni le tiroir, ni l'argent ne sont à moi, l'acte est alors condamnable et par la justice des hommes et par la justice de Dieu. C'est tout à la fois crime et péché.

Si le tiroir est à moi ainsi que l'argent qu'il contient (autant qu'il m'est possible de le déclarer) et que je m'en serve pour satisfaire mes goûts de luxe, je commets un péché et non un crime. C'est le péché d'égoïsme. Il n'en est pas de plus grave ni de plus commun. C'est un détournement, pour des jouissances personnelles, de biens que Dieu m'avait confiés pour être employés à la divulgation de son Évangile parmi ceux qui ne le connaissent pas encore. Car c'est ici la seule préoccupation qui devrait nous guider dans la gestion de nos biens. J'ai donc commis exactement un abus de confiance.

Il en va de même dans tous les actes de la vie. Le motif ou l'intention les rendent bons ou mauvais. Le même acte peut être saint ou diaboliquement égoïste.

Satan hardiment ou sournoisement s'approprie tout pour son usage et pour accomplir ses desseins. Ses longs doigts s'emparent de tout ; ils ne respectent rien. Il détourne de leur but véritable pour servir à ses fins les occupations les plus pures, les passe-temps les plus innocents. C'est parce que nous sommes sur la terre où le péché règne, où les choses sont ce qu'elles sont, que nous sommes tentés et que nous serons toujours tentés, jusqu'à notre dernier souffle. Le démon le sait. Sans se lasser, usant de ruse et de perfidie, il tend ses pièges.

Comment marcher à la rencontre de la tentation

Il est navrant de constater avec quelle facilité certains succombent à la tentation sans lui offrir la moindre résistance. Mollement couchés sur le sol, ils s'endorment et se laissent piétiner — comment dirai-je? —comme un chien ! et j'ajoute : comme un chien mort, car quel est le chien vivant qui le tolérerait ? Un homme, c'est tout différent !

D'autres jouent avec la tentation. Leur conscience, bien que rouillée par le manque d'exercice, n'est pas morte. Ils feignent un semblant de résistance et satisfaits d'avoir ainsi calmé les reproches intérieurs, ils se couchent et se laissent aussi fouler aux pieds.

D'autres encore luttent contre la tentation. Ils la pressentent et lui résistent. « Veillez et priez », c'est leur mot d'ordre. Veiller, c'est la part de l'homme; prier, c'est la part de Dieu. Le veilleur, dans sa tour, est fidèle au poste ; il a découvert que Satan et ses aides ne sommeillent jamais. Aussi raffermit-il sa volonté, assouplit-il ses genoux pour la lutte. Il se dit : même si je bronche, je tiendrai jusqu'au bout, face à l'ennemi, les armes à la main. La lame de mon épée se romprait-elle, que je frapperais du fourreau. Je ne reculerai pas d'un pouce. Tel est l'esprit qui l'anime.

Dans une importante aciérie, un Ecossais d'une force herculéenne était réputé, parmi ses camarades, pour son coup de marteau. Presque tous les ouvriers de sa partie étaient de grands buveurs, et lui ne faisait pas exception à la règle. Un changement survint. Il se convertit. Désormais, lorsque ses camarades le pressaient de boire, il refusait. « Plus jamais je ne toucherai à la boisson, leur disait-il, d'un ton calme et décidé, car il est écrit qu'aucun buveur n'héritera la vie éternelle. » Ils le narguaient et lui disaient :

« Tu verras quand la grosse chaleur sera revenue ! Nous t'attendons au mois de juillet... et nous verrons, quand ton palais sera desséché comme une sablonnière, si tu résisteras longtemps. »

Les grosses chaleurs survinrent. Le lourd marteau frappait avec la même ardeur et du même mouvement lent et cadencé. La sueur inondait le corps de l'homme et pourtant la tentation ne semblait avoir aucune prise sur lui — elle avait fuit.

Le surveillant de l'usine, étonné du changement survenu chez cet ouvrier, le questionna :

« Vous buviez beaucoup autrefois. Cela ne vous manque-t-il pas ?

Oh si ! répondit l'homme.

Alors, comment pouvez-vous résister ?

Eh bien, voilà, je procède ainsi. Quelle heure est-il en ce moment ? — dix heures ?

Exactement.

Nous sommes le 20 du mois. De sept heures à huit heures, j'ai demandé au Seigneur de m'aider. Il a exaucé ma prière et j'ai mis un point contre le 20 du calendrier. De huit à neuf, Il m'a de nouveau gardé de la tentation et j'ai ajouté un autre point. De 9 à 10, il en a été de même. Et en faisant ce point, je Lui rends grâce. Et chaque fois, je prie. « O Seigneur, aide-moi, aide-moi à repousser la tentation pendant l'heure qui vient. »

Voilà dans quel esprit il faut combattre. Quelle que soit la tentation, ce n'est que par une lutte acharnée et incessante qu'on lui résiste avec succès.

Du point faible de la tentation

J'aimerais maintenant attirer votre attention de façon toute particulière sur ceci : la tentation n'a aucune puissance par elle-même. Il lui faut l'aide de l'homme qui est tenté. Rien n'est plus faible, plus ridiculement faible, qu'une tentation. Elle ne peut rien faire, absolument rien, sans le consentement de l'homme tenté. Elle peut séduire, elle peut chanter des airs ensorceleurs, elle peut créer une atmosphère irrespirable autour de nous, mais elle ne peut s'infiltrer dans la vie d'un homme sans qu'il y ait consenti. Tant qu'elle n'a pas pénétré à l'intérieur, son impuissance est comparable à celle d'un petit enfant.

La vie d'un homme ne s'ouvre que par un seul bouton de porte. Ce bouton se trouve à l'intérieur. Et c'est avec le plus grand respect que nous ajouterons : Dieu ne rentrera pas sans notre joyeux consentement. Dieu ne forcera jamais notre porte. Il ne rentre que sur notre libre permission. Et remarquez-le bien, Satan ne peut pas entrer non plus sans la volonté consentante de l'homme. Que celui qui est tenté souligne à gros traits cette affirmation afin qu'elle ressorte clairement et nettement. Ensuite, il pourra souligner à nouveau et de manière plus évidente encore cette autre affirmation dans le livre de son expérience : il faut être deux pour qu'une tentation ait chance de succès et il est l'un de ces deux. Sans notre autorisation, la tentation est infailliblement condamnée à l'insuccès, elle devra se retirer, totalement défaite, et démoralisée.

Un jeune homme de dix-sept ans narrait l'une de ses expériences à un ami plus âgé. C'était l'apprenti d'un menuisier. Celui-ci l'avait envoyé prendre les mesures d'un nouveau comptoir chez un cafetier. Le froid était vif et son paletot bien mince. Il arriva claquant des dents. Le cabaretier lui prépara un grog chaud qu'il lui présenta.

« Tiens, dit-il, avale-moi ça et ton tremblement ne tardera pas à cesser. Bois vite, c'est moi qui te le paie. » - « C'était vraiment un bon mouvement de sa part. Il était loin de penser à mal », ajouta le garçon, en racontant l'histoire. « Cette considération rendait mon refus moins facile et le geste de repousser la boisson plus pénible. »

« La lutte a dû être fameuse ! dit l'ami. Ce cafetier aurait pu vous induire en tentation et vous faire faire le premier pas sur le chemin de la ruine !

— Oh ! répondit franchement le jeune homme, je préférais celle-ci à une autre. Car après tout, il faut l'accord de deux volontés pour qu'une tentation l'emporte. Ni temps froid ni cafetier ne peuvent me pousser à boire. La tentation dont j'ai peur est celle qui me trouvera désarmé par le désir ardent que j'aurai de lui céder. Et si j'avais absorbé ce breuvage, je ne m'en serais certes pas pris au cafetier ! Pour qu'une tentation ait quelque chance de succès, il faut être deux parties consentantes. »

Par elle-même la tentation est donc totalement impuissante. L'homme qui cède est naturellement vaincu dès le début. Toute chance de victoire s'éloigne sans que le moindre combat digne de ce nom ait été esquissé. Si un homme s'amuse avec la tentation, ce qui est souvent le cas, s'il badine et plaisante avec elle, s'il joue avec le feu en y jetant des fétus de paille sèche, comme tant le font, lui aussi, à son tour, se brûle. Sa défaite est certaine. Il donne toutes les chances de la victoire à son assaillant sans même lui avoir opposé une lutte honorable. Que l'homme accepte le combat, qu'il ait vraiment pris la décision de lutter, et il gagnera. Car un tel homme se saisira de toutes les possibilités de secours à sa portée. Or, il en est Un qui est là tout proche, qui connaît tout ce qui concerne la tentation, les tentations de toutes sortes, qui a Lui-même été tenté et qui est toujours prêt à donner son appui.

Un homme peut se sentir faible et la tentation lui paraîtra bien subtile et bien forte. Elle peut fondre sur lui avec la violence d'une tempête balayant la vallée. Ou bien, elle peut s'avancer sournoisement avec la ruse du serpent glissant à travers les hautes herbes pour mordre au moment où l'on s'y attend le moins. Mais cet homme dit : « Je veux rester dans le bon chemin. Je veux être bon, foncièrement bon. Mon désir est d'être pur, oui, pur, envers et contre tous ». Et le voilà qui concentre toutes les facultés de sa volonté, qui s'appuie de toute la force de son âme sur l'Aide qui demeure à ses côtés, et il lutte. Celui-là, triomphe. Toute tentation ainsi traitée et combattue est déjà refoulée.

Comment remporter la victoire

Voulez-vous faire cette remarque et la faire de façon à en être profondément pénétré : il doit y avoir deux facteurs de victoire du côté du gagnant du combat. Sa volonté opiniâtre et, à ses côtés, l'Homme qui fut tenté en toutes choses, tout comme nous, mais qui n'a jamais failli et qui ne faillira jamais. Mettez bien ceci en relief : l'un ne peut se passer de l'autre.

Il faut une détermination inébranlable de ne pas céder. Avec le plus profond respect, nous disons que le Seigneur Jésus seul, sans notre volonté, ne peut suffire. Il agit par la volonté de l'homme. Il oeuvre avec nous. Ce n'est qu'avec notre collaboration qu'il peut travailler. Il fortifie la volonté. Cette volonté peut être faible. Elle peut n'être plus qu'un reste de volonté, décimée, brisée, amoindrie par notre faiblesse à l'égard du péché. Mais qu'il vous en souvienne : si petite qu'elle soit, elle n'est jamais quantité négligeable. Tant qu'il y a manifestation de vie, il y a pouvoir de choisir. Toute faible qu'elle soit, cette volonté a capacité d'option. Et notre Seigneur Jésus, le Vainqueur de la tentation, l'aidera à agir et à bien agir quelle que soit la difficulté. Et quand le choix est fait, Jésus aide.

Il accordera une nouvelle vie et de nouvelles forces au moment même où la résolution sera prise. C'est ainsi que petit à petit, lentement peut-être, mais immanquablement, ces forces nouvelles pénètreront la volonté. C'est donc avec notre choix de résister au mal et de faire le bien, que notre victorieux Ami insuffle des forces nouvelles et donne l'inestimable avantage de sa Victoire et de sa Présence. Mais notre volonté seule n'est pas suffisante. Que ceci soit absolument compris. Un homme peut avoir le front bombé, le poing redoutable, une mâchoire proéminente ; en d'autres termes posséder tous les signes extérieurs d'une volonté forte et indomptable ; malgré la sûreté avec laquelle il pourra marcher seul, il trébuchera et sera précipité à terre. Il s'y traînera lamentablement et portera visiblement les signes de sa chute jusqu'à la fin de sa vie.

 Il se peut que la chute tarde à venir et que de ce fait, il se fasse des illusions qui accroîtront sa confiance en lui-même ; infailliblement, la chute sera le lot de celui qui va seul. « Aller seul » c'est fatalement tomber avant d'avoir touché le but. Et plus la chute sera retardée, plus grave et plus douloureuse elle sera quand elle surviendra. Il faut de la volonté mais il faut davantage. Il faut aussi un Sauveur, un Ami, un Appui. Non pas l'un ou l'autre, mais l'un et l'autre. Une volonté et un Sauveur. Une volonté rendue forte et soutenue par un Sauveur. Un Sauveur tenté en tous points, qui peut donc sympathiser. Vainqueur en toute chose, il peut aider avec efficacité. Et c'est Celui-là même qui agit à travers notre volonté.

Si nous refusions à ce merveilleux Vainqueur du Désert et du Calvaire l'aide qu'Il nous offre, il y aurait dans nos vies un Waterloo. Les Français ne parlent jamais de leur Waterloo. Ils feignent ne pas entendre quand la conversation tombe sur ce sujet. Waterloo a été omis sur le fameux monument de Napoléon à Paris. Il y eut certainement un « blanc » fort commode dans la mémoire du sculpteur. La bataille la plus décisive fut oubliée.

Si vous ne permettez à ce Sauveur qui fut humain et divin tout à la fois, de se tenir à vos côtés et de vous aider, il y aura un Waterloo dans votre vie.

Toute tentation peut être changée en victoire. C'est un signal pour faire flotter le drapeau de notre Vainqueur. C'est une occasion nouvelle de faire savoir au Tentateur qu'il est défait. C'est le moment d'entonner un chant de triomphe. Écoutez, écoutez bien : Une volonté est au-dedans de nous et un Ami la soutient. Une victoire est à venir dont le drapeau est déjà hissé. Que des chants d'allégresse retentissent !

 « Reste ferme dans ta foi, ô mon coeur Une couronne est pour qui persévère. Quand déferlent les vagues en fureur, Reste ferme dans ta foi, lutte et espère I

**

Reste ferme ! Les larmes tariront.

L'espoir, vainqueur, naîtra de ta poussière ; Les sombres jours d'orage finiront.

La Croix triomphera au ciel du Père.

**

Tiens ferme, mon coeur, jusqu'à la fin, tiens bon ! » (1)

 (1) Schmolke.


II. LE TENTATEUR

Récit de sa carrière

La note qui donne le ton

Là où est la tentation, là aussi est le Tentateur. Elle le démasque. A quelque moment qu'elle vienne, si vous voulez bien vous donner la peine de chercher un instant, vous le découvrirez immanquablement. La tentation peut provenir de la méchanceté du coeur, donc de l'intérieur. C'est fréquent. Mais elle n'en contient pas moins un élément extérieur et cet élément tient presque sûrement quelqu'un de caché en lui. Il se peut encore que la tentation jaillisse d'un désir intérieur et d'une circonstance extérieure. Mais quelle qu'en soit l'origine, que ce soit de l'intérieur, de l'extérieur ou des deux combinés, la tentation vient toujours du Tentateur. L'ardeur de l'envie qui vient du dedans et les sollicitations du dehors ne sont que des manoeuvres pour cacher son approche. Il se sert de tout ce qui lui tombe sous la main, de tout ce qui est le plus à sa portée et le plus propre à ses fins.

Ce nom même de « Tentateur » fait tout de suite ressortir ses traits caractéristiques essentiels. Il laisse entendre que quelque chose ne va pas. Sommes-nous poussés à faire le mal ? C'est que, plus ou moins visible à nos yeux, quelqu'un nous excite.

Mais ne l'oubliez pas : un Autre aussi est présent. Si le mal fait penser au bien, le bien fait penser à Celui qui est tout près, qui désire ardemment que nous fassions le bien et qui s'empresse à nous y aider. C'est Celui qui nous a créés à son image. Il ne s'arrêtera devant aucune difficulté pour nous soutenir dans la lutte contre le mal.

Je voudrais maintenant vous entretenir un instant du Tentateur qui, sournoisement, se cache derrière la tentation. Il est frappant de constater que Celui qui donne le vrai ton à un entretien sur le Tentateur est Celui-là même qui lui est opposé. Le nom de Jésus est comme la note qui donne le ton en musique. Car ce nom de Jésus signifie le « Vainqueur », littéralement : Jéhovah-Vainqueur. C'est un mot qui passa en entier de l'ancienne langue hébraïque au grec ou araméen du temps de notre Seigneur. De là, il se répandit dans toutes les langues où nous le retrouvons aujourd'hui. Un cri, comme un cri de victoire, résonne dans ce nom même.

Et « Vainqueur » implique l'idée de victoire. Et la victoire, celle de bataille, de lutte. Il faut que le combat ait été acharné pour justifier l'emploi d'un mot aussi fort que « vainqueur » pour désigner le héros de la lutte. Et ces deux mots « bataille » et « victoire » impliquent un ennemi. Plus encore, un ennemi qui a combattu et qui a été défait.

Et ce grand nom de « Jésus » éveille dans l'esprit le souvenir d'un lieu, d'un événement, d'une expérience : le Calvaire. C'est lui qui ressort avec éclat de la vie terrestre du Seigneur Jésus. Ce lieu fut le témoin de la bataille rangée, du long combat qui commença dès la crèche, pour continuer à Nazareth et se poursuivre pendant un ministère de trois ans et demi.

Là, le Tentateur joua tous ses atouts et déploya toutes ses forces. Là, notre Sauveur, par son sacrifice, fit éclater la justice de son Père, révéla le grand amour qui se trouvait dans son coeur et vainquit à jamais le Méchant, nous libérant de toutes les prétentions qu'il avait sur nous. Ce sont là les deux notes à faire résonner quand on parle du Tentateur. Le nom même du Seigneur Jésus rappelle celui qu'Il a vaincu, et le Calvaire, le lieu, le temps et le fait béni de la défaite du Tentateur.

De notre ignorance en ce qui concerne ses desseins

Ces simples entretiens sur le Tentateur doivent être entièrement d'ordre pratique. Il nous faut savoir discerner notre ennemi pour être en mesure de lui résister. Je n'ai nullement l'intention de me livrer à la spéculation. Je voudrais seulement apporter quelques claires révélations puisées dans le vieux Livre de Dieu. Avec cette lumière nous pourrons mieux résister à la tentation et mener une vie victorieuse et pure.

Saint Paul, en parlant de Satan à la génération de chrétiens qui était la sienne, disait : « Nous n'ignorons pas ses desseins » (II Corinth. 2 : 11). Cette connaissance provenait certainement de l'enseignement fidèle de l'apôtre et de l'acceptation pure et simple des vérités du vieux Livre. On ne peut en dire autant d'un nombre considérable de gens qui, aujourd'hui, se réclament du titre de chrétiens. Ces desseins paraissent être plus souvent ignorés que connus.

En conséquence, la prière perd de son efficacité. La foi confiante qui met à l'épreuve les promesses de Dieu est très rare et considérée comme extraordinaire.

Les vies chrétiennes sont enchevêtrées avec quantité d'éléments qui, dans la plupart des cas, servent aux plans de Satan. Les chrétiens ne s'en rendent pas toujours compte. Et nos esprits sont farcis d'idées si vagues, si imprécises en ce qui concerne le Malin, que nos activités et nos intercessions en sont considérablement entravées.

Il est étonnant de constater combien d'enfants de Dieu dans l'Église d'aujourd'hui (et c'est là un de ses traits caractéristiques) se vantent de ne pas croire à l'existence personnelle de Satan. Douter de son existence, c'est faire preuve d'un grand esprit. Y croire, au contraire, ainsi qu'à sa puissance, c'est ajouter foi à des enfantillages démodés. Nombreux sont ceux qui professent cette manière de voir, plus nombreux encore sont ceux qui la partagent sans oser l'exprimer.

A cet égard, un changement radical s'est produit dans l'espace, disons, d'une centaine d'années. Satan, en effet, au XVIII° siècle, prenait trop d'importance dans les préoccupations des croyants. On l'accusait de certains événements qui pouvaient fort bien être attribués à des causes ou à des raisons naturelles. Par contre, on négligeait de se souvenir de son Vainqueur.

Aujourd'hui, nous tombons dans l'autre extrême. Il est fréquent de rencontrer des gens qui émettent des doutes sur l'existence même de Satan. Et ceux qui connaissent ses traits caractéristiques peuvent aisément découvrir dans ces négations les traces de sa maligne influence. Le doute qui plane sur son action est une preuve de son existence. Il est si rusé qu'il cherche à égarer les hommes en les faisant douter de lui, ce qui lui permet de resserrer son étreinte.

Il est intéressant de noter que ce doute n'existe qu'en terre chrétienne. Ce n'est que dans les pays où la défaite de Satan ainsi que le nom de son Vainqueur sont connus que la réalité de son existence est mise en doute. Par cela même, et sans hésitation, nous pouvons facilement suivre la trace de sa « queue de serpent ». Là où sa défaite et son irrémédiable faiblesse sont connues, il voudrait qu'une incertitude planât sur lui et par cette incertitude, immobiliser les armes de notre résistance. Il est bien évident que s'il était mieux connu, il serait plus franchement haï. Par là, je veux dire qu'il serait détesté, combattu et qu'on lui résisterait d'une manière plus efficace. Bientôt, il serait condamné à une nouvelle défaite, au nom de son Vainqueur.

Cet état d'esprit contraste étonnamment avec celui des pays païens où semblable doute n'existe pas, exprimé ou non. Là, Satan est craint et même servilement adoré, à cause de sa puissance.

Trois preuves différentes

Je voudrais maintenant brosser devant vos yeux, une rapide ébauche de la carrière de Satan. Et, ce faisant, je m'abstiendrai de faire allusion à aucune légende spéculative ni à aucun mythe dont on se sert habituellement. Nous nous efforcerons simplement de recueillir les données de la Parole de Dieu.

Avant de prendre le Livre en mains, nous vous ferons remarquer qu'il existe trois manières distinctes de prouver la personnalité de Satan. En premier lieu, par la Bible. C'est vers elle que nous nous tournerons constamment dans ces entretiens. Pour ceux qui sont prêts à accepter le simple enseignement des Écritures, il n'y a aucune nécessité de chercher ailleurs. Elles démontrent clairement l'existence de sa personne, de sa grande activité et de sa puissance.

Mais pour ceux qui ne se contentent pas de cet argument, il est encore deux autres preuves, de source différente. Pour le chercheur sincère, chacune est, en elle-même, parfaitement concluante.

Voici une preuve philosophique : « Peut-il exister une puissance intelligente et organisée qui ne suppose derrière elle aucune Personne ? Le problème se pose devant la Raison. Il peut certes exister des forces naturelles qui n'émanent directement d'aucune Personne, mais une puissance qui agit avec ordre et méthode au point que l'on peut, à la longue, en discerner les lois, ne suppose-t-elle pas derrière elle, les caractères d'une individualité consciente ? Or, il est certain qu'une puissance de mal agit dans le monde. Partout on en tombe d'accord. Et cette présence d'une puissance mauvaise soutient clairement la thèse de la personnalité d'un être malin activement au travail derrière la scène.

Il y a encore une troisième preuve à donner, tout à fait distincte des deux premières et tout aussi concluante. C'est celle qui procède de l'expérience, ou : l'évidence par l'expérience. Qu'un homme ayant eu l'habitude de céder à la tentation essaie de rompre avec le péché auquel il s'est laissé entraîner ; il s'apercevra immédiatement que c'est une véritable bataille qu'il devra livrer. Il aura conscience d'une force réelle multipliant des assauts d'une terrifiante brutalité. Cet homme-là n'en aura pas le moindre doute. Cette puissance se déchaînera sur lui avec un acharnement inouï, avec une astucieuse subtilité. Elle se cramponnera à lui avec ténacité et persistance.

Des milliers d'hommes sont aujourd'hui au fort de cette bataille. Tant qu'un homme cède au mal, il n'a pas de lutte à soutenir. Mais lorsqu'il cherche à s'en écarter, c'est alors que la bataille commence. Et alors même qu'il aurait mis toute sa confiance en Celui dont le Nom est au-dessus de tout autre nom et qu'il aurait remporté la victoire par ce Nom, ainsi qu'il le peut s'il le veut, ce n'en sera pas moins une victoire obtenue par une lutte intense, les dents serrées, les poings crispés, le front humide et par la prière incessante. Cet homme ne sera plus désormais tourmenté par le problème à résoudre de la personnalité intelligente, pénétrante et persistante du Malin. Cette assurance lui deviendra de plus en plus certaine, au fur et à mesure que la lutte contre le mal et ses compromis durera. Et cela, même s'il possède la certitude bénie qu'un plus grand que lui est au-dedans de lui. La victoire ne peut être remportée qu'en luttant.

Et maintenant dans l'ensemble de ces entretiens, nous nous appuierons presque entièrement sur la preuve biblique considérant qu'elle est suffisamment concluante et tout à fait satisfaisante.

Du point de vue biblique

Nous allons maintenant nous tourner vers le Livre de Dieu. C'est dans le Nouveau Testament que nous trouverons les lumières les plus vives en ce qui concerne Satan et ce sont elles qui nous fourniront la meilleure explication de ce qui est dit dans l'Ancien Testament. Grâce à cette clarté que le Nouveau Testament jette sur l'Ancien, les enseignements de ce dernier deviendront lumineux.

Le dernier des livres, l'Apocalypse de saint Jean, contient l'enseignement le plus direct et le plus explicite sur Satan. Là, il est dit nettement que le serpent d'Eden, c'est Satan lui-même (Apocalypse 12 : 9). Un être était à l'oeuvre derrière le serpent d'Eden possédant tous les traits caractéristiques que l'on attribue à ce reptile redouté.

Les Évangiles racontent la plus grande activité satanique et démoniaque qui soit enregistrée dans l'Histoire. Satan et tout un monde d'esprits malins à son service y sont considérés comme des êtres réels possédant une puissance effective. Le Seigneur Jésus croyait en eux puisqu'Il a donné sur eux un enseignement cohérent. Les expériences qu'Il fit au Désert et probablement auparavant à Nazareth, plus tard certainement pendant plus de trois années, au cours de son ministère, font admettre sans difficulté que Jésus croyait à Satan et à ses anges et que son chemin fut marqué pas à pas par des luttes soutenues avec la sereine assurance de la victoire.

Son enseignement sur Satan est clair et précis. Satan est l'ennemi juré de Dieu et de tout ce qui est bon. Il est le « Prince de ce monde ». Il est le généralissime d'une guerre offensive contre tout ce qui est divin. Tout le sens de notre destinée est de se défendre contre lui. Et il est vaincu. Tous ceux qui lui résisteront et le combattront peuvent avoir la certitude de la Victoire.

Les lettres de saint Paul comme les autres épîtres sont pleines de ces vérités. Ces hommes qui vécurent dans le plus étroit contact avec le Seigneur, qui accomplirent un travail colossal, qui luttèrent avec tant d'énergie au nom et par la puissance de leur Maître, ces géants des premiers temps à la foi inébranlable, au service inlassable et à la souffrance héroïque, ces hommes ne laissent percer aucune hésitation, aucune incertitude sur la réalité de l'existence de Satan. Leurs luttes contre lui ont été trop intenses pour être imaginaires. Le corps à corps a été trop serré pour que l'ombre d'un doute plane sur leur pensée.

Et ils ont connu la victoire aussi. Une victoire constante et incontestable. Elle fortifia leur conviction que celui qu'ils combattaient existait vraiment. Dans le problème qui nous occupe, le meilleur remède contre le doute est de lutter et de lutter avec acharnement ; de résister et de résister opiniâtrement, tout en se reposant sur la volonté et la Victoire de Jésus.

Or, ai-je dit, ces enseignements du Nouveau Testament, par leur simplicité et leur clarté, inondent de lumière les passages de l'Ancien Testament sur le sujet qui nous préoccupe. Retournez en Eden après avoir quitté les pages plus récentes de l'Apocalypse ; retournez à Job ; au chapitre XXI de I Chroniques, au Psaume 109 et au troisième chapitre du livre de Zacharie et vous comprendrez alors qui est cette personnalité qui cherche à semer partout la mort avec une haine aussi implacable. Le Nouveau Testament nous rend plus aptes à déceler la trace du serpent. Et une fois que nos yeux sont exercés à le reconnaître, nous le dépistons avec une netteté extraordinaire à travers les vieilles pages du Livre et dans toutes les pages de la vie quotidienne ordinaire.

En remontant aux origines

Que celui qui voudra se rendre compte par lui-même des enseignements de la Bible, en parcoure rapidement, mais soigneusement, toutes ses pages et note les allusions concernant l'Ennemi qu'il y découvrira. Muni de feuilles blanches, il y transcrira chaque texte dans un ordre établi, recopiant simplement les seules paroles nécessaires et suffisantes pour que tout le contenu du passage lui revienne facilement à la mémoire. Il aura soin de laisser une bonne marge à droite, au cas où il lui semblerait bon d'adjoindre des notes.

Une bonne concordance (1) sera également d'un appréciable secours dans ce travail. Toutefois, l'habitude de lire la Bible page après page, régulièrement et sur une large échelle, est à la base de recherches de ce genre. Elle les facilite et les agrémente. Plus encore : les conclusions que vous en tirerez seront plus exactes, plus dignes de confiance, puisque chaque passage aura été pris dans son contexte. Or, ce contexte apporte aux paroles mêmes du passage le sens vrai qu'il faut leur prêter. Relevez les endroits où se trouveront les noms, les titres qualifiant Satan, les démons, le diable, et écrivez-les. Au fond, cette étude n'est pas aussi laborieuse qu'on se le figure. Elle devient même très prenante.

(1) Sorte de dictionnaire des textes sacrés.

Ce simple travail qui consiste à rassembler et grouper les affirmations de la Parole de Dieu que nous bénissons, non seulement changera votre manière de voir en ce qui concerne notre Ennemi mais il fera davantage. Il aura une répercussion sur vos vies, sur votre consécration et votre soumission si vous êtes déterminés à être fidèles à notre Seigneur. Votre manière de prier en sera modifiée. Votre prière deviendra plus hardie, plus exigeante. Elle s'appropriera des promesses précises ; que dis-je ! d'autres avantages encore et bien plus grands seront votre partage. Vous acquerrez le sentiment intime et profond de l'existence de Quelqu'un, d'une Réalité qui vous résiste, qui essaie de vous détourner ou de vous faire trébucher.

Et si le courage ne vous abandonne pas et que vous persévériez sans faiblir, le sens d'un verset, tel que celui-ci, ne vous échappera pas : « Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde. » (I Jean 4 : 4).

L'expérience vécue sera pour vous le meilleur des commentaires et inondera cette parole d'une clarté qu'aucun livre ne saurait apporter. Toutes les fibres de votre être seront saisies par cette vérité : Celui qui est dans le monde est grand, immensément grand, bien trop grand pour que vous l'attaquiez seul. Mais plus grand, oui, plus grand est l'Autre. De ce comparatif, aucun livre ne saurait donner une explication suffisante. « Grand » se rapporte à l'Ennemi. Celui-là seul qui résiste peut comprendre l'étendue de ce qualificatif. Mais, — ah ! voilà un mais que nous accueillerons de nos bénédictions ! Tout Évangile est là, dans ce mais. Toute la puissance d'une vie d'obéissance parfaite à Nazareth, le sacrifice d'une vie sur le Calvaire, et un matin de Résurrection triomphante sont dans ce mais. — Mais, Lui, le Vainqueur est plus grand. L'intensité du combat que vous livrez vous donne la mesure de la puissance du comparatif « plus grand ».

Revenons maintenant à la biographie de Satan. Elle contient sept chapitres. Mais chacun peut être abrégé et réduit de manière à ce que l'ensemble puisse être facilement gardé par nos mémoires.

I. Le premier traitera de ce qu'était Satan à l'origine, avant qu'il devînt Satan. Il fut appelé ainsi plus tard, après que son caractère se fût transformé. Au premier abord, quand il était tel que Dieu le créa dans son grand Amour, ce « Prince » était une créature dont la personne était d'une rare beauté et possédait la sagesse remarquable, la puissance immense et l'élévation d'un haut dignitaire.

Ces paroles de Jésus si pleines de clarté : « Je voyais Satan tomber du ciel comme un éclair » (Luc 10 : 18), permettent de faire des déductions sur cette première phase de la carrière de Satan. Weymouth, dans une note, donne cette autre traduction plus longue, mais plus exacte : « Je contemplais (1) et voilà, Satan fut précipité avec la rapidité de l'éclair traversant le ciel. »

Rapprochons cette parole d'autres passages analogues que contiennent les différents livres des Écritures, et l'on se rendra compte qu'elle se rapporte clairement au début glorieux de la carrière de Satan.

(1) Autrefois, dans le passé.

Le tableau d'Ézéchiel

Dans le livre de ce prophète, notre attention est attirée par un passage remarquable concernant Satan. Trois chapitres s'étendent sur le royaume de Tyr. L'une de ces villes-royaumes des temps antiques située en Phénicie, sur la côte méditerranéenne, au nord-ouest du territoire occupé par Israël, Tyr, était l'un des plus prospères, des plus puissants, des plus arrogants royaumes de ce temps-là. Sur ce point, il n'y a pas l'ombre d'un doute. L'on pourrait même renforcer de beaucoup les qualificatifs sans dépasser les limites du vrai. Ézéchiel commence par prophétiser sur toutes les grandes nations qui entouraient alors Israël. Puis, les chapitres 26, 27 et une bonne partie du 28° contiennent un message qui est le jugement de Tyr et qui se termine par une péricope remarquable entre toutes : chapitre 28, versets 1 à 19. Les 10 premiers versets s'adressent au « Prince de Tyr ». Les neuf derniers concernent le « Roi de Tyr ». Les premiers renferment un appel pour le « Prince ». Les autres sont des lamentations sur le Roi ». Nous remarquerons que le titre de « Prince » est inférieur à celui de « Roi ». Un prince est sous l'autorité du roi. Un roi règne sur ses princes qui, à leur tour, peuvent gouverner ceux qui sont au-dessous d'eux.

Le langage employé ici en s'adressant au prince, pourrait fort bien convenir à un homme quelconque. On va même jusqu'à le désigner sous le nom d' « homme ». Tandis que le langage qui s'adresse au roi diffère totalement de celui dont on se servirait pour un homme. Il ne peut convenir que pour un roi. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est ce même esprit qui anime le prince et le roi. Le même trait essentiel les rapproche. Le prince paraît être la réplique du roi. Une même beauté, une même sagesse, une même puissance et une même insubordination envers Dieu les caractérisent tous deux.

Gardons toujours présent à l'esprit que le Livre de Dieu est écrit du point de vue de Dieu. Les choses terrestres sont vues comme Dieu les voit. Il faudrait ne jamais l'oublier. Le Saint-Esprit semble nous peindre ici le tableau des choses humaines telles qu'Il les voit du haut des cieux.

Un homme parmi les humains est reconnu souverain du Royaume de Tyr. Un autre souverain, que les hommes ne peuvent voir, règne sur le souverain de Tyr et le domine si entièrement que ce lieutenant accomplit parfaitement les desseins de son chef. Et pourtant ce prince de Tyr est un des plus puissants rois de la terre de ce temps-là. Ainsi, tous les rois de la terre seraient des « princes » et Celui qui est Esprit, Celui qui est invisible et d'un rang supérieur serait leur souverain.

C'est là l'exemple parfait d'une organisation impeccable. Celui qui est le plus grand, invisible aux yeux de ceux qui sont dans l'action sur la terre, accomplit ses desseins par l'intermédiaire d'un subordonné.

Le second passage (vers. 11-19) se rapporte au « Roi ». Il semble simplement décrire à grands traits cet Esprit dominateur, invisible, dont l'emprise sur ce puissant roi de Tyr, son lieutenant, est absolue. L'image qui le dépeint au début de sa carrière est magistrale, d'une richesse et d'une précision remarquables. Non seulement sa beauté physique et sa sagesse étaient prodigieuses, mais son langage était aussi ineffable que s'il venait de Dieu Lui-même. Ses qualités avaient atteint les limites extrêmes de la plénitude.

Ses rapports avec Dieu étaient des plus étroits. Écoutez : « Tu étais un chérubin protecteur, aux ailes déployées ; tu étais sur la sainte Montagne de Dieu ! tu marchais au milieu des pierres étincelantes

Sans aller chercher pour l'instant l'exacte signification de ces paroles, disons qu'elles évoquent clairement l'étroite intimité et l'entente qui régnaient entre Dieu et cette exceptionnelle créature » (Ézéchiel 28 : 14-15).

La rupture avec Dieu

II. Après le premier chapitre de cette étrange biographie, voici le suivant : « Ton coeur s'est élevé à cause de ta beauté ; tu as corrompu ta sagesse par ton éclat. » « L'iniquité a été trouvée chez toi, tu as péché. (Ezéch. 28 : 15-16). C'est là le simple exposé de la cause initiale (de la racine) de son péché et vous reconnaîtrez sans difficulté que c'est là l'origine commune à tout péché. Son péché et le nôtre sont cousins germains. Il s'est préféré à Dieu. Il considérait sa beauté et sa sagesse comme des biens personnels, qu'il possédait en propre. Plus encore : il voulut les faire servir à sa cause au lieu de les consacrer à Dieu et de les employer pour sa gloire. Ils venaient de Dieu, la source de tous dons parfaits ; ils dépendaient de Dieu, leur aliment ; ils étaient pour Dieu, leur raison d'être. Satan ramena tout à lui. L'essence du péché est là tout entiere : se préférer soi-même à notre Dieu d'amour.

Les paroles que prononce le lieutenant de Satan sur la terre, ce dernier le dominant si pleinement, dévoilent plus clairement encore les desseins les plus intimes de son coeur. Tu as dit : « Je suis Dieu ; je suis assis sur le siège de Dieu . Tu prends ta volonté pour la volonté de Dieu. Rediras-tu encore : « Je suis Dieu ? » (Ezéchiel 28 : 2 et 9).

Nous mettons ainsi le doigt sur le péché lui-même. Il est une rébellion contre Dieu, une usurpation de son trône. L'étonnant est qu'il en soit toujours ainsi entre l'homme et Dieu. Il est rare, sans doute, que l'homme exprime des pensées aussi nettes, aussi précises et aussi hardies que celles rapportées plus haut. Il les fait pourtant passer dans sa vie avec non moins d'audace. Et le résultat fatal, conséquence logique d'une telle attitude, ne se fait pas longtemps attendre. « Je t'ai précipité de la montagne de Dieu, et je t'ai fait disparaître, chérubin protecteur, du milieu des pierres étincelantes. » (Ézéchiel 28 : 16). Tel est le passage impressionnant où Ézéchiel parle de la part de Dieu Lui-même. Il décrit simplement, avec concision et clarté, les deux premières phases de la carrière de ce prince. D'abord, la grande beauté, la rare sagesse et l'étroite amitié avec Dieu. Puis, la triste rupture.

L'expression par trois fois répétée par notre Seigneur (Jean 12 : 31 ; 14 : 30 ; 16 : 11.) « Le Prince de ce monde » autorise à conclure, en ce qui nous concerne, que la terre lui fut assignée comme royaume à administrer. Il paraît en avoir été le Prince légitime, mais il s'est montré traître à son 'maître en devenant infidèle à la charge qui lui avait été confiée. L'Usurpateur tenta de s'approprier le contrôle de ce monde comme s'il lui appartenait en propre et trompa l'homme (à qui le pouvoir sur la terre avait été donné) et le persuada de lui obéir à lui, Satan, en s'opposant à Dieu de toutes ses forces.

III. Le troisième chapitre concernant Satan correspond aux temps présents. Il est extrêmement long. Il commence à sa rupture avec Dieu pour s'étendre, à travers les siècles, dans l'histoire de notre terre et se continuer jusqu'à la fin du présent état de choses. Le but de Satan est d'arracher complètement l'homme et la terre à Dieu pour se les attacher entièrement à lui. Aux deux tiers de ce chapitre, la grande crise qui bouleverse sa carrière survient : c'est le prodigieux événement du Calvaire où son compte est réglé définitivement, tout au moins en ce qui concerne notre terre et notre race.

IV. Le quatrième chapitre se rapporte aux temps qui suivront la période actuelle, quand notre Seigneur reviendra établir son Royaume sur la terre et quand Satan sera « lié », selon le simple langage du Livre (Apoc. 20 : 1-3.) et mis dans l'impossibilité de séduire les hommes pendant une longue période de mille ans.

V. Le cinquième chapitre nous révèle qu'il faut qu'il soit « délié » (Apoc. 20 : 7 à 9) pour un peu de temps. Ceci peut surprendre. Il aurait semblé qu'après avoir été saisi et enchaîné une fois, il ne dût jamais lui être possible de recouvrer la liberté. Mais notre Dieu est un incomparable Souverain. C'est un Dieu d'amour. Il veut que notre amour, pur, joyeux lui soit voué librement. Ce Royaume du Millénium se composera de beaucoup d'hommes dont le serment de fidélité sera entaché de fausseté. Ils iront avec la foule et suivront le courant de leur époque. Mais au fond, ce ne seront pas les voies de Dieu qu'ils préféreront.

VI. Viendra ensuite un temps de crible final où chacun sera mis à l'épreuve. Ceux qui, au fond du coeur, préféreront le règne du Prince-Usurpateur qui rentrera en lice — et leur nombre surprendra, même parmi les gens Église — pourront en toute liberté se décider pour lui et suivre leur secret désir. Car Dieu veut un amour capable de Le suivre et des coeurs attachés à son service. C'est pour cela qu'il permettra ce temps d'épreuve — moment terrible où chacun passera par le crible (Apoc. 20 : 7-8).

Puis le dernier chapitre s'accomplira, (Apoc. 20 : 10) quand la crise finale sera terminée et Satan jugé. Il sera anéanti aux siècles des siècles. Telle est l'histoire de la triste carrière passée, présente et future de cette créature céleste.

Une vie humaine à sa ressemblance

Il est à la fois curieux et surprenant de trouver dans l'histoire humaine une image de Satan. Un homme, en effet, en a été le type et l'a incarné, pour ainsi dire, dans sa personne et dans sa vie. Pour notre profit, le Saint-Esprit a transmis cette ressemblance avec une minutieuse fidélité. Il s'agit du caractère et de la carrière d'un roi d'Israël qui sont la réplique même du caractère et de la carrière de Satan : Saül. Avec ce souci de vérité qui est le propre du Livre de Dieu, la destinée de cet homme nous est décrite pour servir à notre instruction. Tout lecteur attentif ne peut qu'être frappé par la portée pratique de ce récit.

Faites-en la lecture rapide. Quatorze pages environ du premier livre de Samuel (I Samuel 9 à 31), suffisent à contenir la vie de Saül. Cet homme était d'une beauté remarquable et ses dispositions excellentes. Dieu le choisit pour être prince de Son peuple et pour accomplir cette mission. Il lui fit un don spécial de Son Esprit. Pendant un temps, Saül régna avec une sagesse rare. Il se montra fidèle et obéissant dans l'exécution des desseins de Dieu. Puis, il voulut s'affranchir de Dieu et agir selon sa volonté propre. Il s'obstina dans cette voie et s'y maintint. Dieu rejeta son élu et s'en choisit un autre pour le remplacer dans ses fonctions. Celui-ci devint le prince de Dieu sur son peuple. Mais Saül refusa de céder le royaume à celui que Dieu désigna pour être son successeur bien qu'il sût pertinemment que ce successeur était l'élu de Dieu et qu'il reconnût que Dieu l'avait choisi pour régner à sa place. Non seulement, il s'y refusa, mais, jusqu'à la fin de ses jours, il le combattit sans cesse avec une ténacité et une persistance sataniques. Il fut défait. A la fin de sa vie, ne sachant plus vers qui se tourner dans son inconcevable désarroi, il alla jusqu'à rechercher l'aide des démons et des esprits malins et finalement se donna lui-même la mort.

A la fin du récit une chose étonne. C'est le grand chagrin de David et les lamentations qu'il fait entendre en apprenant sa mort. Quand on songe à la méchanceté et à l'endurcissement de ce Saül, il y a bien là sujet d'être surpris.

Et pourtant celui qui connaît le cœur de Dieu, ainsi que le décrit le « Livre », un coeur si plein de tendresse, si compréhensif, celui-là sait aussi que sa sainteté ne peut que s'irriter contre le péché, le dénoncer, le condamner, le consumer et le détruire. Toutefois le grand coeur de Dieu souffre pour Ses enfants, les folies des hommes, comme pour les esprits des sphères plus élevées qui sont si tristement tombés.

Ce parallèle entre les deux princes Saül et Satan n'est-il pas extraordinaire ? Le premier prince d'Israël et le premier des chefs des Princes de l'autre monde ! Mais, à mon avis, il y a quelque chose de plus. Il y a quelque chose qui intéresse chacun de nous en particulier. Saül incarne parfaitement la vie de Satan à partir du jour où il rompit avec Dieu. La vie d'un homme peut très bien revêtir tous les traits distinctifs du caractère de Satan, le Prince-traître, et les refléter avec la fidélité d'un miroir.

Que ceci retienne votre attention et fasse l'objet de votre méditation. Et vous reconnaîtrez ensuite que l'origine, la cause de la rébellion de Satan, c'est de s'être préféré à Dieu. Il voulait faire sa volonté propre. C'était tout. Mais quelle faute terrible ! Il fut entêté et s'obstina dans cette voie. Voilà le germe, la fatale semence qui donna naissance à cette vie, à ce caractère, dont le développement atteignit de si tragiques proportions. Je me permets, très doucement, de vous poser une question : Ne se trouverait-il pas en vous une graine de ce genre ? Répondez à vous-même, dans le silence de votre sanctuaire, comme en la présence de Dieu, ayant devant vos yeux sa Sainte Parole qui sonde si profondément. Alors seulement, le Saint-Esprit toujours prompt à secourir vous aidera à mettre à nu vos mobiles les plus secrets.

Et maintenant, en terminant, ne serait-il pas bon de présenter cette requête qui s'élève de nos coeurs et de répéter cette magnifique prière de David (Psaume 139 :23-24.) « Sonde-moi, ô Dieu, et connais mon coeur I Eprouve-moi et connais mes pensées », c'est-à-dire, mes plus secrets désirs, mes desseins les plus intimes, mes ambitions les mieux cachées — ce ferment qui travaille sous tout le reste et qui est vraiment le mobile des actes de ma vie ! Eprouve-moi !

« Eprouve » éveille l'image du feu. Dans un creuset chauffé à blanc, un métal se réduit à l'état liquide par la chaleur, les scories se détachent et montent à la surface, en pleine lumière, pour être laborieusement enlevées. « Eprouve-moi. » Prière difficile à formuler, et pourtant, la seule acceptable maintenant. « Eprouve-moi », découvre et détruit. Que le feu m'épure ! Pouvez-vous faire cette prière ? En vérité, cela vous est possible, mais le voulez-vous ? Il y a toute une vie magnifique de pureté et de puissance au terme de cet effort. Abaisse-toi jusqu'à moi et me révèle si dans mes voies quelque chose t'attriste. Aide-moi à voir ce que tu vois ; aide-moi à m'en attrister comme toi tu t'en attristes, et conduis-moi. Et c'est ici que la volonté inébranlable de l'homme intervient : conduis-moi. Me voici, disposé à être conduit.

Dans le passé, je ne demandais point : Toi, conduis-moi !

Je voulais voir s'ouvrir la route au loin. Toi, conduis-moi !

Mais maintenant, Jésus, j'ai fait mon choix : Il me suffit d'un seul pas à la fois.

 Me voici prêt à me laisser conduire là où tu veux me mener. Détourne-moi de mes voies et me mène dans tes sentiers, dans la voie royale de l'Éternité.

Son but et son ambition

« Trois acteurs »

Il existe une autre Trinité que tout homme sincère devrait connaître. Je dis s une autre Trinité ». Par cela il faut entendre que celle-ci est moins connue que l'Autre, parce qu'on en parle peu. C'est une Trinité d'acteurs. Trois personnes entrent en contact dans l'action de la vie. Trois personnes dans une même action. L'homme sincère qui, à tout prix, veut remporter la victoire dans le combat de la vie doit apprendre à connaître cette Trinité d'acteurs.

L'homme qui aspire à la pureté, qui veut être victorieux, qui refuse toute compromission clandestine ou autre avec le péché, devra être fort. Qu'il veuille écarter de lui ce sentiment rusé, sournois, subtil et tenace qui s'appelle l'égoïsme, ou qu'il cherche à le chasser et à l'anéantir complètement, sans en oublier quelque part un reste quelconque ; ou bien qu'il veuille se maintenir dans l'humilité, une humilité capable d'oubli de soi-même et de désintéressement complet, cet homme-là devra lutter. S'il veut se libérer de cet esclavage particulier qu'est l'argent par exemple, dont les entraves sont constamment à portée de vue et dont les bruits de chaînes l'assourdissent perpétuellement, où qu'il aille ; ou, s'il veut connaître la rare douceur de la possession de soi-même, il lui faudra affronter de rudes et opiniâtres combats.

L'homme sincère sait que la vie est un combat. C'est la présence du Tentateur qui la rend telle. Celui qui aura résolu en son coeur d'être fidèle à lui-même et à son Maître, aura une guerre à déclarer, des batailles à livrer, qui deviendront pour lui de véritables corps à corps.

Or cet homme, qui est ainsi aux prises avec l'Ennemi, a besoin de connaître cette Trinité. Sinon, la défaite l'attend.

Vous savez que la lutte de la vie peut avoir trois issues : l'homme peut être vaincu. Il peut avoir combattu vaillamment et pourtant être vaincu. Le cas est fréquent. Ou bien, il peut s'accorder une sorte de trêve, de compromis, et battre en retraite. Il peut décider de ne pas lutter, c'est-à-dire, de ne pas opposer de résistance à la puissance du Malin, de s'esquiver du théâtre de la lutte et jouer un rôle neutre.

Cette manière d'agir équivaut à une défaite — mais c'est une défaite déshonorante. C'est une lâcheté. Il n'y a pas de neutralité à observer là où le bien et le mal sont aux prises. L'homme que la lutte a meurtri a le réconfort de se dire qu'il a combattu. Il n'est pas un lâche. Mais notre ami « neutre » n'a pas eu le cœur de livrer un vrai combat. C'est un trop bon diplomate. Les lâches sont d'excellents diplomates. Et c'est surprenant de constater le nombre de ceux qui reculent devant la lutte à soutenir et l'abandonnent sans coup férir.

La lutte peut en troisième lieu se terminer par la victoire. L'homme résolu luttera et pourra triompher — que dis-je ? — il triomphera, s'il confie sa vie à Celui que nous bénissons, notre bien-aimé Seigneur.

Il y a donc Trinité d'Acteurs. Le premier en, tête de cette Trinité sera le Tentateur, le Prince-esprit de ce monde. Je commence par lui parce c'est lui l'agresseur. C'est lui qui attaque. C'est lui qui attire et qui perpétue la lutte à jamais. Je le nomme en premier aussi parce que nous sommes sur la terre et qu'il est le « Prince de ce monde ». Le champ de bataille est ici-bas et le Prince de ce monde s'y sent chez lui. Il en connaît les moindres recoins. Il se bat sur un terrain qui est le sien, ce qui est pour lui un grand avantage. Le lutteur doit désirer posséder des renseignements clairs et précis sur le terrain ; ils l'aideront dans son effort.

Le champ de bataille humain

Dans cette Trinité, la seconde place revient à l'homme. Il est le lieu du conflit. J'ai dit que la terre est un champ de bataille et j'ai dit vrai. L'homme est sur la terre. C'est à cause de notre présence ici-bas qu'elle devient champ de bataille. Cette terre est à nous. Elle est notre présente demeure. La domination nous a été donnée sur toutes ses richesses et sur toutes ses forces. C'est donc notre présence ici-bas qui déclenche le combat. C'est nous, les hommes, qui sommes en réalité le champ de bataille. Le Tentateur opère sur nous et en nous. Il ne peut rien sans nous. Ce n'est que par le concours de l'homme qu'il peut mener à bien ses ambitions terrestres. Tout homme est donc un champ de bataille spirituel. Il a un siège à soutenir. Si le Malin réussissait à être maître en nous — et malheureusement peu nombreux sont ceux qui savent l'écarter de leurs sentiers, même sachant que c'est lui qui est à l'oeuvre — s'il était notre maître, ce serait alors le Seigneur Jésus qui ferait le siège et chercherait par son tact, son amour, sa patience, à gagner l'accès de notre coeur. Mais nous sommes chrétiens, c'est alors Satan qui nous attaque. Et quel que soit le coeur où Jésus règne, l'Ennemi, par tous les artifices que peuvent imaginer la tromperie et la ruse, essaie avec une malicieuse perversité d'y pénétrer par quelque coin obscur ou quelque fissure. Mais — redisons-le, — mais c'est l'homme à l'intérieur qui décide. L'homme décide qui entrera et qui règnera sur sa vie. Le coeur de l'homme est un château fort. Là, il est maître-souverain. Nul ne peut entrer sans son autorisation. Il n'y a qu'un bouton à la porte du cœur de l'homme et il se trouve à l'intérieur. Le tentateur ne peut y pénétrer à moins que, de l'intérieur, ne soit tourné le bouton et qu'il ne lui soit permis d'entrer. Selon la décision de l'homme, le plateau de la balance penchera du côté de l'échec ou du côté de la victoire. Nul ne peut être meurtri par la lutte sans y avoir consenti. Et chacun peut goûter les délices de la victoire complète s'il la désire. L'homme vient donc en second dans cette Trinité, c'est lui qui est entre les deux autres. Il est au centre, au fort du combat qui fait rage autour de lui.

Un sûr allié

Et en troisième lieu vient le Saint-Esprit. La terre est aussi pour lui, momentanément, son champ d'action. Il est le représentant de notre Seigneur Jésus, et, à ce titre, revêt toute Sa puissance. Quand Jésus était sur la terre, Il se soumettait à l'autorité du Saint-Esprit et se laissait conduire par Lui. Quand Il eut achevé son oeuvre ici-bas et qu'Il eût regagné sa demeure céleste, le Saint-Esprit se soumit à son tour à Son autorité et la puissance de Jésus se manifesta en Lui. Et Il est maintenant sur la terre, le messager et le représentant de notre Seigneur Jésus, revêtu de Sa force victorieuse. C'est le Remplaçant du Seigneur Jésus Lui-même qui a été envoyé auprès de nous pour exécuter Ses plans et pour que la Victoire remportée par le Christ ici-bas, soit réalisée et vécue dans votre vie et la mienne.

C'est ici la troisième et grande personne de cette Trinité d'acteurs. C'est Lui qui, avec cet amour indicible et cette infinie patience qui le caractérise, fait le siège du coeur des hommes. Il opère entièrement par le moyen de notre volonté. Il veut entrer dans nos vies. Il désire surveiller nos tentations. Il veut être le général à la tête des forces luttant pour nous dans tous les combats. Il veut nous rendre bénéficiaires de la plénitude de la victoire de Jésus sur Satan. Cette victoire remportée il y a des siècles, Il veut la rendre présente dans votre vie et la mienne.

Il met à notre disposition toute cette science, cette habileté, cette puissance et l'énorme prestige d'une victoire déjà gagnée. Notre certitude de vaincre devient aussi réelle que la réalité même du triomphe de Jésus, le Vainqueur. Ce Saint-Esprit est notre ami personnel. Il est toujours à nos côtés et au-dedans de nous pour nous aider. Il se consacre à nous. Et par Sa présence, nous avons à notre disposition dans la lutte de la vie, toute la puissance de Dieu et toute la victoire de Jésus.

Voici donc la Trinité d'acteurs : un démon auquel il faut non seulement résister, mais qui doit être combattu ; un Esprit-Saint, dévoué à notre cause ; et l'homme, entre les deux, qui décide de la bataille par son choix. Nous savons, nous, les hommes, que notre existence est réelle. Ceci ne soulève aucun doute. Nous savons que les combats de la vie ne sont pas une illusion. L'homme qui réfléchit en convient. Eh bien ! l'existence des deux autres personnes qui animent tout le drame : Satan et le Saint-Esprit, est aussi réelle, bien que leur présence soit invisible. Il faut fixer nos regards non pas tant sur les réalités et sur les personnes visibles que sur les invisibles, car celles-ci, dans la lutte, sont de toute importance.

Le Malin doit être combattu. Et quel tenace et rude adversaire ! Mais il a contre Lui l'énorme désavantage d'avoir connu une écrasante défaite. Le Saint-Esprit lui aussi est là. Il est prêt à prendre le combat en mains, à lutter avec nous, par notre moyen. Il n'a jamais encore connu la défaite. En lui souffle l'Esprit de Jésus, le Vainqueur du Malin. Il demeure avec nous. Grâce à Lui, la victoire de Jésus se réalisera en nous. Par sa présence, la victoire nous est assurée. Combat et victoire marcheront ensemble. Mais ne l'oublions jamais, entre Satan et le Saint-Esprit se trouve l'homme qui, par son choix, décide de l'issue.

De la Puissance

Une connaissance plus parfaite du Malin nous aiderait certainement à mieux le reconnaître et à mieux lui résister. Cette connaissance nous conduirait à la Puissance spirituelle. J'aimerais donc maintenant vous entretenir sur le but et les ambitions du Malin. Savoir ce qu'il veut, connaître le motif qui le fait agir, cela nous aiderait à le démasquer quand il rôde autour de nous, quel que soit le déguisement qu'il puisse emprunter.

Dans cette recherche, il peut être utile de nous arrêter sur le sens des mots « but » et « ambition ». Le but, c'est l'orientation d'une vie. L'ambition, c'est la passion qui l'anime. Le but est ce vers quoi l'on tend. L'ambition est l'aliment de l'action qui entraîne vers le but. Le but est le terme. L'ambition est l'énergie. Le but est le point de mire. L'ambition est l'agent de propulsion.

Quel est le but de Satan ? Quelle est son ambition ? Quels sont ses desseins ? Quelle est la passion qui le dévore ? Il me semble qu'en nous arrêtant un instant pour étudier les conséquences de la possession de la puissance chez un homme, nous trouverions plus rapidement une réponse claire et précise à ces questions.

Le mot de puissance étant entendu dans son sens général : forte capacité d'action, cette puissance exerce toujours une influence déterminée sur ceux qui la possèdent. Cette influence peut être salutaire ou néfaste. La puissance, ou bien remplit de crainte et de respect celui qui la détient, ou bien elle le « démange ». Ou bien les responsabilités qu'elle entraîne peuvent lui inspirer de l'inquiétude, ou bien elle peut susciter en lui une sorte de « démangeaison ». Ce mot peut paraître déplacé, mais il est, à mon avis, si adéquat et si expressif que son emploi s'impose pour nous aider à comprendre.

Chacun possède, sous une forme ou sous une autre, de la puissance. Les uns plus, les autres moins. La beauté peut être une puissance. Elle exerce une domination sur les autres. La puissance peut encore provenir d'une intelligence supérieure, de la culture de l'esprit, d'une personnalité qui s'impose, de la sagesse. Il y a la puissance du meneur, du chef. Celle qui procède de l'expérience de ce que l'on a déjà accompli. Il y a aussi la puissance donnée par la richesse et celle-là n'est pas des moindres, la puissance due à une haute position, officielle ou autre. Or, quels que soient notre puissance et le degré auquel nous la possédons, elle produit toujours sur nous un effet.

La possession de la puissance devrait remplir de crainte et de prudence. C'est là l'effet vrai, le bon. Car la puissance procède entièrement de Dieu. C'est Lui qui nous la donne. Elle ne s'acquiert pas. C'est un don. La pensée que Dieu nous l'a confié devrait nous remplir d'humilité et de timidité.

Et c'est aussi un dépôt de Dieu. Nous en sommes les administrateurs. Lorsque nous l'avons compris, notre humilité ne peut que grandir. Nous serons portés à prier davantage afin d'être dignes de ce dépôt et de l'utiliser de notre mieux.

Alors seulement nous pourrons le mettre au service des autres. C'est pour cette fin qu'il nous a été légué : pour les autres. Pour le bien des hommes, au nom de Dieu et pour Sa gloire ! Voilà le dessein de Dieu. Voilà la triple vérité qui se rapporte à toute la puissance que vous et moi pouvons posséder. Et cette simple constatation est suffisante pour nous faire réfléchir et nous amener à prier davantage pour que nous apprenions à nous en servir comme Dieu le désire. La possession de la puissance doit nous remplir de modestie ; c'est là l'effet désirable et salutaire.

La démangeaison de la puissance

Puis il y a l'action néfaste, par où le péché s'infiltre. C'est la « démangeaison » de tourner ses regards vers le don que l'on possède. Cela conduit à la satisfaction de soi. Le fait d'avoir de la puissance séduit. — Quelle beauté ! quelle vive intelligence ! Rien ne résiste à ma volonté, ni homme, ni chose ! Quelle habileté dans l'accomplissement de certains projets ! Je n'ai qu'à lever le petit doigt et comme tout marche ! Un seul regard, une seule parole et cela suffit ! — Il se peut que ces sentiments soient exprimés en moins de paroles et soient dissimulés sous des apparences d'humilité, mais chacun les ressent au-dedans de soi-même ; nous savons bien qu'il en est ainsi. Ils forment le fond de nos pensées. C'est un commencement de « démangeaison ». A cela s'ajoute la supposition ou même le sentiment très net que cette puissance vient de soi. On s'en attribue le mérite. C'est sa production à soi. De là cet orgueil prodigieux qui nous gonfle. Le moi prend tant d'importance que tout le reste pâlit devant lui ; on en oublie que c'est un don de Dieu. Celui qui nous a donné cette puissance est méconnu. Les regards ne s'élèvent plus vers Lui ; ils convergent sur soi-même. Au lieu de regarder à Lui, on a vite oublié que l'on n'est qu'un simple dépositaire, un administrateur.

Ce premier pas glissant entraîne vers cet autre : utiliser pour soi cette puissance. La seule passion qui nous anime alors est de rechercher par tous les moyens à faire servir notre puissance à nos fins particulières. Il se peut que de temps à autre, on enregistre des gestes pour autrui ; mais ce sont là des manifestations accidentelles que l'on est porté — et pour cause — à grossir le plus possible. Au fond, que ce soit le geste de donner ou de faire quelque chose pour les autres, le principal mobile est un sentiment d'orgueil et l'espoir d'en retirer quelque gloire.

Toute possession de puissance produit donc l'un de ces deux effets, bon ou mauvais, naturel ou pas : ou un sentiment qui porte à la crainte de Dieu, ou un sentiment grandissant de sa propre valeur.

Le grand Prince-Esprit, devenu Satan, possédait une puissance considérable par sa beauté, ses dons spirituels et intellectuels et sa haute dignité. Elle lui avait été confiée en dépôt pour la gloire de Dieu. Le véritable but de sa vie était de glorifier Dieu. C'était là le dessein de Dieu en le dotant si princièrement. Il devait administrer ce monde au nom de Dieu. Son rôle ici-bas consistait à faire ce que le Seigneur Jésus fera quand il reviendra pour établir son Royaume sur la terre. Son caractère propre était — je dis ceci très respectueusement — d'être ici-bas ce qu'a été le Seigneur Jésus. Voilà sa véritable vocation. L'exceptionnelle puissance qu'il possédait aurait dû le remplir de crainte, d'amour respectueux pour le Donateur et d'un ardent désir de fidélité dans l'administration du dépôt reçu.

La seule ambition qui aurait dû l'animer était d'aimer Dieu avec l'ardeur de la passion, d'entourer son nom de tendresse infinie. La soif de Dieu, le désir intense de Lui plaire, voilà quelle flamme eût dû brûler en son coeur. Or, quel est son but ? Quelle est son ambition ? Ils ont l'apparence de la fidélité, de la vérité, mais avec cette différence : c'est pour lui qu'il manoeuvre. Il se substitue à Dieu. Gagner le monde à lui, voilà sa seule préoccupation. Chasser Dieu pour prendre sa place ; le détrôner pour usurper son trône l'anéantir pour avoir la suprématie sur l'Univers, telle est l'oeuvre de Satan.

Il est malaisé de prononcer ou d'écrire de semblables paroles. Elles paraissent blasphématoires. Elles le sont. Tout le désir du Diable, le but vers lequel il tend avec tant d'ardeur et tant d'énergie peuvent se résumer en un seul mot : « blasphème ». Et ce blasphème est, hélas ! d'une triste fréquence dans la vie des hommes.

L'adoration de Satan

Ce qui dévore Satan, dans toute son oeuvre, c'est lui-même. Il est sa propre ambition. Une passion pour « sa personne » brûle en son coeur et avec une telle force que tout est consumé dans cette flamme. Le mot Satan peut se réduire à trois lettres : Moi. Il s'adore et veut qu'on l'adore. En Afrique et en d'autres pays païens, le culte des démons est chose banale. Mais en ce qui nous concerne, point n'est besoin d'aller en terre païenne pour découvrir des adorateurs de Satan. Car adorer c'est aimer. Et l'esprit de Satan est tout simplement l'amour de soi, sous l'une de ses nombreuses formes. Il n'y a rien de plus commun en cette vie que l'amour de soi. Il est parfois raffiné à l'extrême. Il aime à se revêtir de phraséologie religieuse. Et cependant, partout où cet amour de soi, cette recherche de soi dominent, là sont Satan et sa convoitise. Cette affirmation exprimée si crûment ne peut que déplaire, et pour cause. On repousse même l'idée que l'un d'entre nous puisse s'adonner au culte de Satan (Il va de soi que nul n'a le droit d'en accuser son prochain). Mais si je parle de cette manière un peu brutale et si je dirige les feux de ce puissant projecteur sur les traits distinctifs de Satan, c'est afin de nous amener, vous et moi, aux pieds de Dieu, pour que Seul à seul, en sa présence, nous puissions voir en nous ce qu'Il y voit. Satan devient notre miroir. N'y aurait-il pas dans ses traits quelque chose qui rappelât les nôtres ? En attirant ainsi l'attention sur son but et son ambition avec tant d'insistance, cela ne nous ouvrirait-il pas un peu (ou même complètement) les yeux sur nos propres desseins ? — sensiblement atténués, peut-être — et encore ! Avouons que nul de nous ne peut se trouver en face de ce portrait de Satan sans être frappé de la ressemblance de certains de ses traits avec les nôtres ! Nous admettons jusqu'à un certain point que ce défaut si commun, l'égoïsme, se trouve en nous. Combien il est humiliant de découvrir que cet égoïsme est tout simplement l'esprit de Satan ! En recherchant, dans un esprit de prière, ces empreintes de Satan en nous, l'on ne peut être que péniblement affecté. Il est extrêmement douloureux de constater que, d'une façon ou d'une autre, nous l'avons servi et qu'il a compté sur notre appui pour mener à bien ses ambitieux desseins. Et pourtant, il faut bien le dire, une seule manifestation d'égoïsme est la preuve de notre association avec lui. L'égoïsme, l'amour de soi, le désir de conserver pour soi tout ce qui n'est pas indispensable à sa subsistance et de le détourner ainsi des besoins du service du Maître, cela participe déjà de l'esprit de Satan. C'est pour lui, déjà, l'accès dans nos vies. Cela ne signifie pas seulement que nous nous refusons la présence et la puissance de Dieu dans nos vies, mais aussi — ce qui est plus angoissant et plus grave encore — que nous prêtons main forte à l'Ennemi dans la réalisation de ses ambitions. Satan est un miroir qui reflète et met en relief, tout ce qui, en nous, est à son image.

Le vrai but

Il existe un autre miroir que la Parole de Dieu place devant nos yeux. C'est l'exemple du Seigneur Jésus. Je le nomme ici parce que Lui et Satan désirent tous deux nous conquérir. La grande figure de notre Seigneur ne saurait être mieux décrite que par les propres paroles qu'Il prononça sur Lui-même. Et  tous les hommes s'accordent à reconnaître leur absolue vérité. Il a dit: « Je suis venu... non pour faire ma volonté, mais la volonté de Dieu qui m'a envoyé ». Tel fut l'unique but de sa vie jusqu'à la fin. En premier lieu, à Nazareth, le village qui le vit croître, dans l'échoppe du charpentier, puis pendant ses années de ministère auprès des foules affamées ; puis dans l'amertume de la souffrance de Gethsémané et dans l'indescriptible agonie de la Croix. La volonté de son Père fut pour Lui comme un doux accompagnement de musique qui ne cessa sa vie durant. Il consentit joyeusement à tous les sacrifices. Il endura sans murmurer toutes les douleurs, même lorsque le couteau incisait au plus profond de sa chair ou de son âme. Il servit avec joie parce qu'Il savait que, ce faisant, Il accomplissait le plan divin.

Le but de Sa vie fut de faire la volonté de son Père et son Père lui-même fut Sa passion. La seule recherche qui le préoccupait, le poussait, la seule fin toujours en vue, était le plan de Son Père. L'ambition qui le consumait était un amour tendre et passionné pour son Père.

Ce miroir placé devant nos yeux fait un contraste étrange avec le précédent. Peut-être n'aurons-nous pas la hardiesse de nous comparer à Jésus. Et pourtant, il se peut qu'au tréfonds de notre être, notre désir le plus ardent et le plus cher, celui qui prédomine sur tous les autres, soit de Lui ressembler. Ce fut le désir, l'ambition, la passion de tous Ses disciples à travers les âges. Partout où l'on permet à son Esprit de régner, cette volonté triomphe et devient la plus forte. Remarquons que l'un ou l'autre de ces deux exemples doit inspirer la vie d'un homme : ou celui de Jésus, ou celui de Satan. Et si nous n'appartenons pas à un camp, nous appartiendrons à l'autre. Pas de juste milieu. Si nous nous éloignons de la volonté de Dieu, c'est du côté de Satan que nous irons. Il en profitera pour se servir de nous. Et de la même manière que nous aurions été soumis à Dieu, de la même manière nous le serons à Satan. Car la consécration et la soumission qu'il exige sont semblables à celles de Dieu, ni plus ni moins.

Un thermomètre sensible

Que l'homme réfléchi et intègre examine un instant ses mobiles les plus intimes à la lumière de ce qui suit, non point avec un esprit morbide d'extrême introspection, mais avec un simple et sain regard intérieur.  Il n'est pas de thermomètre plus sensible que celui de l'argent. Plus que tout autre, il peut nous renseigner sur le degré de notre passion à faire la volonté de Dieu. Que chacun de nous se demande à soi-même, dans le secret du sanctuaire intérieur, si l'argent dont il dispose est employé comme Dieu le voudrait, ou s'il sert à satisfaire ses propres désirs. Rappelons-nous qu'il est juste de l'employer, dans une certaine mesure, pour soi, et de mettre à part ce qu'il faut pour son bien-être et le maintien de ses forces. Mais rappelons-nous aussi que la passion qui brûle dans le coeur de notre Seigneur est que tous les hommes parviennent à la parfaite connaissance de son amour et de la mort qu'Il souffrit pour eux. Aujourd'hui les deux tiers de l'humanité n'ont pas encore entendu parler de Lui et l'autre tiers Le connaît fort mal.

Je ne fais pas ici allusion à cette règle excellente, que certains se sont imposés, de donner consciencieusement la dixième partie de leurs revenus. La question placée devant vous est bien plus haute. Jusqu'à quel point la préoccupation de l'emploi de l'argent que je possède est-elle subordonnée à la passion de mon Seigneur pour ceux qui ne le connaissent pas ? La réponse à cette question ne peut être faite qu'à soi-même et à son Maître, non du bout des lèvres, mais en s'appuyant sur des faits. Quelle est exactement la proportion de l'argent gardé en notre possession pour nos besoins personnels et quelle est celle réservée à satisfaire l'amour qui brûle dans le coeur de Dieu pour le Monde ?

Ce thermomètre n'est pas le seul dont on puisse se servir, mais c'est peut-être le plus sensible. C'est souvent celui qui peut le mieux nous faire toucher du doigt jusqu'à quel point l'intensité de l'amour de Dieu influe sur l'intensité du nôtre. L'écart entre la plénitude de l'amour de Dieu et le nôtre laisse un espace dont Satan profitera pour se servir de nous.

C'est donc une angoissante question ! La prière de David peut être citée ici à nouveau. Elle prendra un sens tout autre à la clarté de ce qui vient d'être dit : — Sonde-moi, ô Dieu, sonde mon coeur et révèle-moi ce que tu y découvres. Eprouve par le feu mes passions et mes désirs et montre-moi les impuretés que tu y trouves. Vois s'il est en moi des fautes qui te peinent et révèle-les moi une à une et autant que je puisse le supporter. Et — je me demande si notre courage ne faillira pas et n'hésitera pas devant cette dernière requête — détourne-moi de cette voie et me mène dans tes sentiers, les sentiers tracés par notre Seigneur Jésus, la route royale de l'éternité.

Sa défaite

Grand — plus grand

Satan est en voie de tomber dans l'oubli. Il en résulte un grand danger aujourd'hui, non seulement pour les peuples chrétiens, mais pour les autres. On l'ignore là même où sa présence ne fait pas l'ombre d'un doute. Il existe parmi les gens sérieux et pieux une mentalité qui étonne. Ils estiment que tout ce qui concerne Satan est un sujet effrayant qu'il vaut mieux laisser dans l'ombre et qu'il faut continuer à faire de son mieux en comptant sur la grâce de Dieu. A la pensée du Diable, un frisson d'effroi, voisin de l'horreur, parcourt tout leur être. Cette attitude contrecarre celle, claire et précise, par laquelle on pourrait lui résister avec plus d'intelligence et de succès au nom du grand Vainqueur. Satan ignoré et oublié garde ainsi toute sa liberté d'action. C'est un immense danger.

Il est un autre risque, moins fréquent celui-là, mais non moins réel. Une étude mal faite de la Bible peut nous entraîner à attacher trop d'importance à notre Ennemi. A moins de se tenir sur ses gardes, on serait facilement porté à se le représenter plus puissant et plus fort qu'il n'est. Cela aussi est un piège. Les extrêmes participent toujours de l'erreur. Nous essaierons de nous maintenir dans l'équilibre, bien que ce soit l'attitude la plus difficile et la plus rare : ni diminuer ni exagérer l'importance de Satan. Un clair aperçu tracé à grands traits, qui nous le représenterait ni trop petit, ni trop grand, serait d'une considérable utilité pour la résistance qu'il nous est demandé de lui opposer. Ainsi notre lutte contre lui serait vraiment efficace.

Pour éviter une crainte exagérée de notre Ennemi, ne perdons pas de vue une double tactique.

PREMIÈRE TACTIQUE : rapprocher toujours le nom de Jésus de celui de Satan.

Avoir constamment à la pensée la présence de Satan, grand, hardi, malin, toujours aux aguets, dépasse nos pauvres moyens. Souvenons-nous de Jésus. Il a vaincu le Malin. Il est son plus redoutable adversaire. Vous et moi ne sommes pas de taille à nous mesurer avec Satan. Nous serions rapidement mis hors de combat. Seuls, nous ne saurions tenir longtemps contre lui, et lui — quelle ineffable bénédiction pour nous — lui, ne peut tenir tête, un seul instant, à notre Seigneur Jésus. Rapprochons donc toujours ces deux noms. SATAN puissant, rempli d'artifices, tenace et agressif. Prudents à son égard, ayons une perspicacité intelligente, éveillée et profonde pour le dépister. Et JÉSUS, plus grand, plus fort que lui, jusqu'au point d'être le Tout-Puissant, inspirateur de sagesse dans les conflits, plein de ressources dans la lutte et qui se charge de toutes les initiatives.

DEUXIÈME TACTIQUE : ouvrir la voie à Dieu.

L'avantage de lutter contre un Ennemi déjà vaincu est considérable. Il connaît les aiguillons, la déception et le découragement de la défaite. Tandis que tout l'élan, l'entrain, la joie et la facilité du combat que crée l'assurance de la victoire déjà gagnée, nous sont acquis par le Seigneur Jésus. Nous devrions chanter en luttant. Au Psaume 50, il se trouve un magnifique verset qui est d'un grand secours au fort de la bataille. Le voici : « Offre pour sacrifices à Dieu tes actions de grâce, et invoque-moi au jour de la détresse. Je te délivrerai et tu me glorifieras. » Cette délivrance est déjà accomplie. Par nos actions de grâces (qui représentent la plus haute expression de la foi) nous fournissons à Dieu le moyen de Se manifester à nouveau dans nos vies par la victoire gagnée.

Chantez en combattant ! Tonnez, vous, orgues puissantes ; éclatez en torrents de mélodieux accords et que vos voix entonnent de joyeux chants d'allégresse et de triomphe. Car notre Ennemi est vaincu ! Le Seigneur, notre Ami, est le Vainqueur. Notre résistance permettra que sa défaite devienne une réalité dans nos vies et nous la mettrons au service des autres !

Il semble étrange peut-être de parler de lutte quand l'Ennemi est vaincu et bien vaincu. Généralement, une bataille décisive, une défaite écrasante règle un conflit. Nous nous expliquerons sur ce point dans un prochain entretien. Pour le moment, il nous suffit de savoir que celui qui lutte contre nous a déjà goûté l'amertume d'une défaite accablante.

Nous comprendrons d'autant mieux cette défaite que nous aurons clairement établi la différence qui existe entre l'Esprit de Jésus et celui de Satan.

Le « moi » domine l'Esprit de Satan, nous l'avons vu, et aussi l'orgueil qui est une affirmation du moi et un sentiment de satisfaction personnelle, de suffisance et de vanité, d’affranchissement de toute dépendance, y compris de celle de Dieu.

Le sentiment de sa propre compétence a pour conséquence immédiate la séparation d'avec Dieu. Nous n'avons plus besoin de Lui. Son aide ne nous est plus nécessaire...

L'égoïsme ne se contente pas d'ignorer Dieu. Il est sourd aux besoins des autres. C'est directement de Satan que nous vient l'amour du luxe qui est de l'égoïsme pur et simple. Tout ce qui contribue au maintien de nos forces est une nécessité ; tout ce qui dépasse cette limite devient du luxe. L'amour de soi engendre toujours l'amour du luxe, et le luxe, on peut le supposer, produit quelque part de la souffrance.

L'Esprit qui remporta la victoire

Il est un Esprit diamétralement opposé à celui que nous venons de décrire. C'est celui dont Jésus était animé quand Il vivait sur la terre. Il fut la personnification de l'Esprit d'abnégation et de total renoncement à soi-même. Il ne tomba jamais dans les extrêmes. Il n'alla pas jusqu'au mépris des choses nécessaires au maintien des forces dont un homme a besoin. Il n'abusa pas non plus de ses forces, bien que ce fût là une de ses constantes tentations, comme chez tout homme qui prend à coeur les besoins des autres et qui en souffre. Pour l'amour des multitudes, Il tint à conserver ses réserves afin de prolonger le plus possible un ministère fécond parmi elles. Le souci des autres inspira sa vie entière.

C'est un sentiment plus profond encore qui explique l'attitude du Maître dans sa vie quotidienne. Il gardait en son coeur la passion pour la volonté de son Père. Oui, au lieu d'un amour immodéré pour soi, la passion pour Dieu ! C'est par l'obéissance constante de sa vie que cet amour se fait le mieux saisir. Jésus sut obéir. Toute sa vie n'est qu'obéissance. Tel est le secret de son action. Cherchez à pénétrer, comme par une incision profonde, tel trait de son caractère et vous découvrirez toujours que c'est l'obéissance qui demeure à la base. L'obéissance est le summum de l'amour. C'est dans l'obéissance qu'il trouve son expression parfaite. Jésus fut obéissant non seulement dans la vie, mais jusque dans la mort, dans la mort la plus ignominieuse qui se puisse imaginer, accompagnée des cruautés et des indignités que seul le péché pouvait inventer.

L'esprit de Jésus est donc en résumé une passion pour son Père qui va jusqu'à l'oubli de soi, dans une joyeuse obéissance, même dans la plus vive souffrance et jusqu'au sacrifice le plus dur de sa vie.

Ce vif contraste entre les deux esprits, celui de Jésus et celui de Satan nous aidera à comprendre combien la défaite du Malin fut décisive. Il nous fera entrevoir aussi la voie que, de notre côté, nous devrons suivre, la seule voie par laquelle nous puissions vaincre sur le champ de bataille de chacune de nos vies.

Vaincu par une vie

Le Seigneur Jésus a vaincu Satan. Il y eut deux phases dans cette victoire. La première fut la vie qu'Il vécut. Cette vie embrasse trente-trois années environ. Elle fut une longue bataille et l'apparente et retentissante défaite qui la termina ne rendit que plus décisive sa victoire sur Satan.

La vie à Nazareth vient en premier lieu. Un seul mot la résume et la décrit : l'obéissance, mot si simple et si sublime à la fois. Il obéit depuis les premiers moments où Il commença à prendre conscience de sa mission jusqu'aux années de croissance et de maturité.

Il accepta la routine de la vie ordinaire : maison blanchie à la chaux, société d'ouvriers, ses compagnons de travail, rustres villageois. Il accepta les heures de travail prolongées dans l'atelier de menuiserie, à planter des clous, raboter, réparer les charrues et les jougs pour des clients parfois difficiles à satisfaire. C'était ce que son Père voulait pour lui. Si nous rapprochons cette description de la vie à Nazareth de celle qu'Il avait vécue auprès de son Père, nous serons confondus par tant d'humilité.

N'eut-il jamais la tentation, à certains jours de cette vie à Nazareth, de quitter cet humble cercle ignoré, et d'aller au loin pour annoncer aux hommes qui Il était et pourquoi Il était venu ? Observez-le. Il est, disons, dans sa vingt-huitième année, dans la force de l'âge. Et pourtant, Il continue à vivre la vie fermée et routinière de ce coin retiré, dans les limites étroites de sa petite demeure aux murs étriqués, se levant tôt, vaquant aux occupations habituelles d'un foyer, descendant dans la rue et saluant d'un joyeux « bonjour » voisins et compagnons de labeur ; puis à l'atelier, le voilà réparant une table, polissant soigneusement le manche d'une charrue, besognant jusqu'à l'heure où Il se dirige vers sa demeure pour le repas frugal dans le cercle intime de sa famille et prenant part à la conversation. Puis, très vraisemblablement, le voilà causant avec sa mère du budget familial, partageant ses soucis et l'aidant à établir l'équilibre entre les ressources et les besoins de chaque jour, et ainsi de suite...

Quelqu'un ici aurait-il des doutes sur la réalité des tentations s'insinuant traîtreusement à cette époque dans le coeur de Jésus ? : « Que fais-tu ici, dans ce coin perdu ? Toi, le Fils de Dieu ! (ce n'est pas alors le « si tu es » de la première tentation). Tu as une mission pour le monde entier. Ce monde est un pauvre monde aux besoins nombreux et urgents ! Ce monde, tu dois le racheter ! Tu n'es pas à ta place ici ! Proclame-toi fils de Dieu, pour le bien du monde. »

Ne pensez-vous pas que des voix subtiles ont dû lui souffler de semblables paroles aux oreilles et qu'il a dû les entendre ? Mais fidèlement, sans broncher, Il continua à vivre dans le cercle tracé, avec une obéissance parfaite, jusqu'au moment où la voix du Père lui permit d'aller de l'avant.

Un combat ininterrompu

Par son obéissance, Il s'opposa ensuite à la personne et à la vie du Prince-traître de ce monde, devenu indigne du titre que Dieu lui avait donné. Il sapa et mina la domination que Satan avait acquise sur les hommes et sur la terre. La constante tentation qui le guetta fut de se détourner, ne serait-ce que de l'épaisseur d'un cheveu, de la volonté de Dieu. Il lui résista toujours par la soumission. Et par elle, Il fut l'ouvrier de la défaite finale du Prince-Usurpateur.

Vint la tentation dans la solitude du Désert. Son ministère public eut pour prélude ce formidable et subtil assaut du Tentateur. Mais, à nouveau, notre Seigneur maintint ses positions, inébranlable dans l'acomplissement de la volonté de son Père. La même obéissance qui fit la victoire de Jésus à Nazareth, fit son triomphe au Désert.

Ensuite, s'écoulèrent les trois années et demi de ministère public. Années où la tentation se fit plus raffinée et plus violente encore, les assauts plus intenses et plus variés, la lutte plus acharnée et plus serrée. Il est impressionnant, effrayant même de se pencher sur notre Seigneur et de constater l'extrême tension de son Esprit à certaines heures d'assauts redoutables. On entend sa respiration profonde. On recule devant la sueur dont ses tempes sont humides, ses mâchoires serrées et l'on peut saisir la prière intense et muette qui s'échappe de ses lèvres. Il ne broncha ni ne faillit jamais. Il fut un vainqueur de tous les instants grâce à cette fidélité au chemin tracé par Dieu. Et sa victoire, c'est la défaite de l'Ennemi. Chaque heure qui, une à une s'égrène, approfondit et intensifie cette défaite. C'est déjà dans sa vie et par sa vie que Jésus vainquit Satan.

Le point culminant

Et le point culminant fut atteint : la défaite par la mort. Jésus fut obéissant non seulement dans sa vie mais jusque dans la terrible épreuve qu'est la mort, que dis-je, dans la plus cruelle, la plus ignominieuse de toutes les morts, dans la mort de la Croix. Il n'a pas hésité à accepter cette mort. Et puisque Jésus persistait à vouloir obéir jusque dans la mort, Satan, lui, voulut y ajouter des raffinements de souffrances pour que le Christ en connût les plus terribles atteintes.

Or, par sa mort, Jésus remporta une triple victoire qui fut pour Satan une triple défaite. Le péché de Satan avait, en effet, jeté du désordre dans le gouvernement divin de l'Univers ; il avait terni la gloire de Dieu et rendu l'homme esclave. La mort de Jésus fut un coup porté à l'emboîture de la hanche de l'Ennemi : il compromit ces trois résultats. Il vengea la Souveraineté de Dieu et sa Gloire bafouée. Il délivra l'homme de tout esclavage. Il fléchit son coeur par l'Amour.

L'homme dont le coeur est brisé par cet amour sans pareil retourne à Dieu. « Et par la mort de Jésus, la justice de Dieu est manifestée en proclamant juste tout homme qui croit en Jésus. » (Romains 3, vers. 26, traduction . Et l'empire de Satan fut à jamais ébranlé dans ses fondements.

De même que sa mort fut le point culminant de son ministère, de même la Résurrection fut celui de sa mort. Notre Seigneur, de Lui-même, se livra aux étreintes de la mort, puis descendit dans les entrailles de l'enfer en notre nom, à notre place, comme notre substitut. Ayant complètement défait Satan par cet acte, Il ressuscita de sa propre Volonté et reprit vie. Par la Croix, Il fut vainqueur du péché. Par sa Résurrection, Il fut vainqueur de la mort. Ce fut autant de victoires remportées sur l'Ennemi.

Et toutes les fois que l'on articule le mot « Victoire », c'est le mot défaite que l'on épelle en accentuant chaque syllabe. Détachez les cordes et carillonnez. Tintez clair et haut, vous, cloches bénies ! Résonnez, orgues puissantes en des accords d'une allégresse nouvelle ! Notre Seigneur est Vainqueur ! Notre Adversaire n'est plus qu'un ennemi tristement frappé.

La seconde défaite

Puis il est une seconde défaite. Mais, dites-vous en vous-même, pourquoi une seconde ? La réponse à cette question est d'une portée extrêmement pratique pour votre vie et la mienne. La première défaite fut infligée sur le champ de bataille de la terre. La deuxième doit avoir lieu sur le champ de bataille de la vie de chaque homme. Tout homme décide de sa propre vie et de l'issue de ses batailles (nous l'avons vu) par son choix personnel. Tout homme est le maître de sa propre volonté. Or, chacun peut se réclamer de ce que le Seigneur a fait pour lui. En notre nom, Il a vaincu Satan. Nous devons, chacun, nous réclamer de la puissance de cette victoire sur le champ de bataille de nos vies.

Jésus nous a enseigné à prier ainsi : « Ne nous laisse pas tomber dans la tentation, mais délivre-nous du Malin . Il fut induit en tentation, mais Il remporta la victoire sur la tentation. Tandis que nous, les hommes, nous avons été tentés et nous n'avons pas su triompher. Mais au nom de Jésus, le Vainqueur, nous pouvons, au milieu de nos tentations, nous réclamer de la victoire du Maître. En dehors de cet appui, nous sommes faibles. Le jardin d'Eden le prouve, ainsi que l'expérience de tout homme, dans sa vie de chaque jour, depuis la création du monde.

Ainsi, seuls, nous ne saurions supporter la tentation. Il faut nous pénétrer de la force d'un Autre, de la victoire d'un Autre.

« Ne nous laisse pas tomber dans la tentation », signifie que nous nous attachons aux pas de notre Vainqueur et que nous nous réclamons de ce qu'Il a fait pour nous. Mais c'est à chacun de nous de comprendre tout cela. Et avec le plus grand respect, j'ajoute, que notre Seigneur ne peut pas livrer mes batailles et lutter contre mes tentations à ma place. C'est Lui qui a remporté ma victoire, mais il m'appartient à moi, par ma ferme volonté, de m'approprier cette victoire.

La seconde bataille se livre donc sur le terrain de ma volonté fortifiée par la puissance du Seigneur Jésus. Et cette victoire peut devenir aussi radicale et décisive dans ma vie que celle remportée par Jésus sur la Croix et au matin de la Résurrection.

Permettez-moi de clore cet entretien en vous expliquant brièvement comment cette victoire peut devenir pour moi une réalité de chaque jour ? Tout d'abord je me confie dans la puissance du sang de Jésus. Nous remportons la victoire à cause du sang de l'Agneau (Apoc. 12 : 11). Nous nous réclamons de son efficace et nous nous attendons à sa toute-puissance, dans nos conflits.

Et puis vient l'entier et joyeux abandon de notre vie à la domination de notre grand Ami, le Vainqueur. Par cet acte, nous reconnaissons la souveraineté ineffable du Saint-Esprit et nous nous y soumettons. Nous lui cédons le pas dans toutes les circonstances et dans tous les gestes de notre vie, si bien que cette habitude devient comme une fonction naturelle, comme la respiration, par exemple.

Et ce faisant, nous acquerrons aussi la même facilité d'obéissance, la même humilité, la même sympathie tendre et aimante pour les hommes, la même simplicité de vie, la même bonne volonté à se sacrifier pour les besoins d'autrui, qui furent les caractéristiques de Jésus, notre Seigneur.

Ce sera là le niveau spirituel qui deviendra notre cible habituelle. Car le Saint-Esprit verse en nous la vie et l'esprit de Jésus.

Puis, en ce qui concerne Satan, nous apprendrons à mieux le reconnaître. Reconnaître la tentation là où elle est, c'est déjà une bataille à moitié gagnée. Et, dépistée, la tentation devra être combattue avec une résistance acharnée et constante.

« Résistez au diable et il fuira loin de vous. » (Jacques 4 : 7, I Pierre 5 : 8-9). Il sait qu'il est vaincu. Il sait qu'il lui est impossible de résister quand on lui oppose la victoire de Jésus. Alors, il s'éloigne à contrecoeur et furieux peut-être, mais il s'éloigne quand même devant la puissance du nom de Jésus.

Résistez à Satan sans relâche et avec audace. Apprenez à discerner son pas, sa voix et ses supercheries. Ensuite, livrez-lui le combat au nom du Vainqueur et Satan connaîtra sa deuxième grande défaite sur le champ de bataille de votre vie.

 


III. SON COMBAT ACTUEL

Il faut que chacun décide pour soi-même

Nul ne peut choisir pour un autre. Nous pouvons quelquefois accepter le choix d'un autre, mais, dans ce cas, nous acceptons simplement qu'un autre nous aide à choisir. Encore faut-il que ce soit nous qui prenions la décision de faire nôtre son choix. Sans notre adhésion, un autre ne pourrait choisir pour nous. Ce n'est vrai, naturellement, que lorsque ni la force ni la contrainte n'entrent en jeu. Car Dieu veut que l'homme soit pleinement libre pour choisir, pour lutter et perdre ou gagner la bataille.

Dieu agit par nous. Et par la force qu'Il met à notre disposition, notre victoire devient aussi certaine, aussi écrasante que la sienne. C'est grâce à Sa force manifestée par notre libre décision que toute victoire est remportée.

Ainsi s'explique le pourquoi de cette lutte constante et toujours présente que mène Satan. De prime abord, il semble étrange qu'après avoir été défait, le Vaincu puisse encore avoir la liberté de recommencer le combat. Une défaite aussi radicale et décisive que celle infligée à Satan par notre Seigneur, devrait impliquer que le conflit a pris fin. Une victoire met généralement un terme aux hostilités. Satan fait exception à la règle. Quoique vaincu, il a poursuivi et poursuit encore ses attaques et avec des succès retentissants. Pourquoi cela ? Nous venons de le dire et c'est d'une importance capitale. C'est à cause de nous que la lutte continue. Si ce n'était nous et le rôle qui nous est échu dans l'affaire, il y a longtemps que l'activité de Satan aurait cessé. Prêtons attention au fait que Jésus a agi à notre place, et nous comprendrons immédiatement pourquoi la lutte continue. Il vécut et mourut en notre nom. C'est pour nous qu'Il descendit sur cette terre et vécut comme Il l'a fait, qu'Il endura la tentation, souffrit et mourut. Toute sa pensée a été de faire quelque chose à notre place. Mais à notre tour maintenant de refaire ce qu'Il a fait, avec toute la force que nous acquiert sa victoire.

Le champ de bataille

Nous voici conduits normalement à la sphère d'activité de Satan.

Remarquez que, dans la Parole de Dieu, cinq quartiers sont assignés à Satan pour déployer son activité. En premier lieu, en présence de Dieu (Ézéchiel 28 : 13-17). Puis, après sa chute, il fut rejeté en dehors de cette présence. Son quartier général fut alors transféré au-dessous du trône de Dieu, au-dessus de la terre (Ézéchiel 28 : 16; Luc 10 : 18 ; Eph. 2 : 2 ; 6 : 12).

Ce théâtre d'action est toujours le sien. Il le sera jusqu'à la fin du présent ordre de choses. Après un temps, Satan doit être précipité sur la terre. (Apoc. 12 : 7-9). Puis viendra le moment où il sera jeté dans « l'abîme » (Apoc. 20 : 2-3) et enfin sa demeure dernière sera un lieu nommé « l'étang de soufre et de feu. » (Apoc. 20 : 10).

Mais c'est sa sphère d'activité et son quartier général actuels qui nous intéressent maintenant.

Son lieu de résidence, avons-nous dit, se trouve quelque part au-dessus de la terre. Sa sphère d'activité, c'est la terre et l'atmosphère qui l'enveloppe. Ses titres l'indiquent : « Prince de ce monde » (Jean 12 : 31 ; 14 : 30 ; 16 : 11), « Prince de la puissance de l'air » (Eph. 2 : 2), « dieu de ce siècle » (II Corinthiens 4 : 4). Les deux grandes tentations dont il fut l'auteur principal se situent sur la terre, en Eden et dans le Désert.

Quand Satan s'attaqua à Job, deux des calamités qui fondirent sur lui furent la guerre — esprit du mal réveillé parmi les hommes — (Job 1 : 15 et 17) et deux autres furent causées par de violentes perturbations dans l'atmosphère (Job 1 : 16 et 19).

Dans la remarquable histoire de Daniel, au dixième chapitre, une créature animée de l'esprit malin s'opposa à la prière de Daniel, en voilant à ses regards le messager de Dieu descendu du Ciel sur la terre où se trouvait Daniel. Pendant que le vieillard priait à genoux dans les bois, près du Tigre, deux Esprits, l'un venant de Dieu, l'autre du camp de l'Ennemi, pour s'opposer au messager de Dieu, luttaient dans le royaume des esprits au-dessus de la terre. Et ce corps à corps acharné se livrait au sujet d'un événement terrestre (Daniel X).

Un passage très frappant dans Évangile de Marc (IV : 35-41) projette, sur cette sphère d'activité, de lumineuses clartés. Une grande tempête s'éleva pendant que notre Seigneur dormait à la poupe de la barque, la tête sur un coussin. Il fallait que cette tempête fût d'une exceptionnelle violence pour qu'elle terrorisât ainsi ces vieux marins. Dans leur détresse et leur frayeur, ils éveillèrent Jésus et implorèrent son aide. Remarquez son geste et les paroles qu'Il prononça : Il menaça le vent et dit avec autorité à la mer : « Silence ! tais-toi ! » Il employa la forme de langage dont on se sert pour parler à un chien qu'on reprend.

Ce passage tout entier est significatif. On ne parle pas de cette manière au vent et à la mer, surtout lorsqu'on est aussi calme que pouvait l'être Jésus. Cette tempête, d'une violence exceptionnelle, fait songer immédiatement à l'oeuvre d'un esprit malin ou même de plusieurs mauvais esprits.

Les paroles de Jésus obligent à admettre qu'il a reconnu, dans cette tempête, l'action d'une personne. Quelqu'un était à l'oeuvre derrière le vent et l'eau, à qui Il ordonna de se tenir tranquille. Ce quelqu'un obéit. Un grand calme se fit. Ainsi, la sphère d'action du Malin s'étend, non seulement à la terre, mais à l'eau et au vent. Il en est ainsi parce que ces éléments sont aussi notre habitat. Là où nous sommes, Satan s'y trouve. C'est nous qu'il veut, et par nous, la domination de la terre.

Provision d'air pur

Nous vivons, vous et moi, en plein champ de bataille. Nous sommes au fort du combat qui se livre en ce moment. Il faut que nous prenions parti pour l'une ou l'autre des forces aux prises. Et notre décision déterminera le résultat final de la lutte puisque c'est à cause de nous qu'elle se poursuit.

Un scaphandrier qui travaille au fond des mers ou d'un fleuve, doit se munir d'une quantité d'air suffisante pour son séjour dans l'eau. Et cet air doit être constamment purifié. Ainsi, remarquez-le, il a besoin d'air, et d'air qui se renouvelle.

Le Prince de la puissance de l'air, par ses agissements, a corrompu l'atmosphère morale de la terre ; il l'a empoisonnée. Une atmosphère de doute, de compromis, de déloyauté envers Dieu nous entoure. Et pourtant, il nous y faut demeurer et combattre. Que la lutte est pénible dans cet air vicié ! Il nous faut une chambre à air intérieure, remplie d'un air qui soit celui qui nous convient, notre air natal. Et il faudra que cette chambre à air soit, non seulement remplie de cet air pur, mais que des conduites nous relient à la source d'air pur du Dieu du ciel. Voulez-vous la formule de cet air que devra contenir votre chambre à air intérieure ? Elle est simple. Elle se compose de cinq éléments qui ont chacun une importance égale. Voici le premier: « Le sang de Jésus purifie de tout péché » et le second : « Que votre vie tout entière et vos activités soient soumises à l'action du Saint-Esprit ». Et le troisième : « Obéissance ininterrompue à sa voix. » Le quatrième :

Étude quotidienne du Livre sacré » dans le calme et la solitude, afin que nos oreilles soient attentives à Sa parole et nos esprits portés à la connaissance de Sa volonté. Enfin, le cinquième « reconnaître l'Ennemi, lui résister énergiquement au nom de Jésus ».

Veillez, mais priez aussi

« Étudiez l'ennemi » est l'une des maximes établies par l'Art militaire. Les gouvernements d'Europe, d'Amérique et, en ces derniers temps, ceux d'Orient, dépensent annuellement des millions dans ce seul but. Ils dépensent même de l'argent pour l'étude des forces militaires et la tactique des nations qui leur sont alliées, mais qui pourraient éventuellement devenir leurs ennemies.

Tout général qui s'engagerait dans un conflit sans avoir, au préalable, une connaissance approfondie de son ennemi serait considéré comme manquant de sagesse, s'il n'était carrément traité d'imbécile.

Notre Ennemi n'est pas un ennemi possible, c'est un Ennemi réel. La guerre est déclarée et il la mène. Il est évident que Dieu désire que nous le connaissions, puisque, dans Sa Parole, il nous a donné tant de renseignements sur lui et sur ses forces. Notre Seigneur nous a dit : « Veillez et priez afin que vous ne tombiez pas dans la tentation. »

La tentation est là. Elle révèle le Tentateur et ses embuscades. « Prier » ne suffit pas. « Veiller » ne suffit pas. Il faut accomplir les deux. Les yeux et les genoux doivent accomplir ensemble leur labeur. « Veiller », c'est l'attitude devant l'Ennemi, « prier », l'attitude devant Dieu. Nous devons avoir, non seulement l'oeil aux aguets, mais aussi les regards fixés En Haut. On n'a pas trop prié, mais on a trop négligé d'épier l'Ennemi. Tandis que certains d'entre nous, à genoux, se confinaient dans la prière, l'Ennemi s'est glissé en eux et les a fait trébucher. Nous devons apprendre à prier les yeux aux aguets et les oreilles aux écoutes, car notre Ennemi rôde autour de nous, avec ses ruses. La prière de celui qui ne veille pas est affaiblie. Les genoux ont besoin des yeux.

Plus nous veillerons, plus nous prierons. Nous réaliserons toujours mieux le danger qui nous menace et notre propre impuissance. En veillant davantage, en exerçant nos yeux à percer l'obscurité, notre prière s'élèvera plus fervente et plus assidue.

Cette surveillance harcèlera l''Ennemi. Il redoublera d'ardeur peut-être, mais notre prière sera plus précise et plus énergique. « Veiller » permet à la prière de nous révéler notre faiblesse. Nous nous sentons alors poussés à rendre les armes à notre Vainqueur, nous reposant entièrement sur Lui pour nous délivrer. Nous ne saurions mieux faire devant notre adversaire. Nous apprenons ainsi à nous appuyer sur Lui, dans nos difficultés les plus grandes. Et cet abandon complet de tout entre Ses mains assure et active les résultats.

L'importance de certains « pas »

Maintenant que nos yeux se sont exercés à veiller avec plus d'ardeur, je voudrais que nos entretiens recherchent mieux encore les traits distinctifs de la personne de notre Ennemi, le Tentateur. Nous voudrions le connaître davantage afin de mieux le dépister et de lui résister plus efficacement.

C'est un être doué d'une grande beauté physique. Il possède donc un charme incontestable. Et pourtant, remarquons-le, sa beauté est bien diminuée. Rien ne défigure comme l'égoïsme. Le visage le plus charmant devient le plus laid. Le péché rend laid. La beauté de Satan s'est dégradée, jusqu'à devenir la fausse beauté de poudre et de peinture, des vêtements somptueux et des vives couleurs. Il vient sous un déguisement de beauté et de fard.

Il possède une immense puissance et une grande dignité. Il nous est raconté que l'archange Michel, alors qu'il contestait avec le diable en une certaine circonstance, lui parla respectueusement, ainsi que l'on parle à quelqu'un qui occupe une très haute position (Jude, verset 9).

Il est à la tête d'une forte organisation d'esprits. La description de cette organisation par saint Paul nous révèle combien les forces dont il dispose sont parfaitement organisées et disciplinées (Eph. 6: 12). Et quoique, dans les rangs de son armée, souffle un fort vent d'indépendance et de mépris de toute autorité, elle jouit d'une discipline dans le mal qui l'emporte pour mieux aboutir au succès.

Paul dit que nous avons à lutter « contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. » Ces mondes si bien organisés, issus du cerveau de Satan, nous révèlent l'étendue de son génie.

Mais contre lui s'élèvent certaines négations que nous devons inscrire en grosses lettres et en encre indélébile. Nous serons immédiatement fixés sur ses limites. Il n'est pas omnipotent, bien que l'autorité qu'il détient soit plus grande que nous le réalisions. Il n'est pas omniprésent, bien que la superbe organisation dont il dispose puisse le laisser supposer. Il ne possède pas la prescience, bien qu'il devine avec sagacité. Et il n'est pas omniscient, c'est-à-dire qu'il n'a pas la connaissance de toutes choses, bien qu'à travers les siècles il ait accumulé un grand savoir. Ces traits sont le propre de Dieu seul.

Satan, lui, au contraire, rappelons-le, ne peut agir que si nous le lui permettons. Ceci est en partie la raison de sa faiblesse inhérente. Et une bonne partie de la puissance qu'il possède parmi les hommes, il la détient de leur ignorance de son existence ou de leur volonté de l'ignorer — ou enfin de leur active coopération avec lui.

Ses facultés mentales

On attribue à Satan une grande et puissante intelligence. Il passe pour un géant intellectuel. Il y a là certainement un fond de vérité. Le récit de sa création, son amitié avec Dieu, au début de son histoire, et l'oeuvre qui lui fut confiée portent à conclure que ses ressources mentales devaient être immenses.

Et pourtant, en regardant les choses de plus près, on en tirera de toutes autres conclusions. Bien des traits de son intelligence nous forcent en effet à admettre qu'elle est nettement d'ordre secondaire. Il ne possède pas des facultés de premier plan. Souvenons-nous en lorsque nous aurons affaire à lui.

Remarquons que c'est la ruse et l'astuce qui dominent chez lui. Il a le don de s'acharner, d'insister sans se laisser abattre. Sa puissance de séduction est considérable. Ce sont là, en fait, ses remarquables facultés. Mais les animaux ne sont-ils pas malins, eux aussi, rusés, doués de pénétration et d'énergie ? Ce ne sont donc pas là des facultés de premier ordre. Et ce sont les traits dominants chez Satan !

Il ne possède certainement pas la sagesse. On ne peut, avec la meilleure volonté du monde, lui décerner cette qualité. Il est même curieux de découvrir combien son jugement est court. Il s'abuse fréquemment lui-même et va souvent à l'encontre de son but. Et cela nous laisse entendre que sa perspicacité n'est, au fond, que le résultat d'une longue et ancienne habitude de deviner. Il est passé maître dans cet art. Une grande partie de ce qui est attribué à sa clairvoyance, à ses connaissances étendues, voire même à sa prescience, n'est de sa part que ruse et finesse de sorcier !

Et puis, c'est par-dessus tout un plagiaire. On l'a dénommé le « singe de Dieu ». Relisez l'Apocalypse et vous remarquerez que, dans tout ce qu'il fait, il cherche tout simplement à copier Dieu. C'est ainsi que l'un de ses agents principaux se présente sous la forme d'un agneau (Apoc. XIII : 11).

Imiter est, à vrai dire, une des lois fondamentales de la vie. C'est la loi commune qui régit toute action depuis l'enfance jusqu'à la blanche vieillesse. L'originalité n'implique pas l'absence d'imitation. Elle consiste dans le goût, l'art et l'habileté d'arrangement des découvertes d'autrui. Le Prince-traître, lui, a plagié.

On ne découvre, en ses oeuvres, aucune trace d'originalité. Là encore, ses facultés sont d'ordre secondaire.

Ce n'est pas étonnant, somme toute. Il s'est séparé de Dieu, source de vie et de sagesse. Toute vie physique, morale et spirituelle est en Dieu. Satan existe, mais par sa rupture avec Dieu, il ne peut user que de ce qu'il a reçu et ne produit plus rien de nouveau.

Considérable puissance de l'expérience

Et pourtant, tel qu'il est, nous ne sommes pas de taille à nous mesurer avec lui. C'est là peut-être une confession humiliante. Mais elle est aussi vraie qu'humiliante.

Voulez-vous savoir pourquoi ? C'est, tout d'abord, à cause de sa longue expérience. Dans la vie pratique, l'expérience a plus de valeur que tout autre chose. Un homme d'intelligence moyenne ou plus que moyenne, par exemple, mais qui a acquis une longue expérience, surpassera de beaucoup un autre dont l'intelligence sera de premier ordre, mais sans expérience.

Aucun talent, quelle qu'en soit l'exceptionnelle valeur, ni les avantages incalculables de la plus solide instruction, s'ils sont dépourvus d'expérience, ne peuvent résister un seul instant dans la vie à une expérience mûrie et utilisée avec savoir-faire.

L'expérience surpasse toute autre capacité inexpérimentée. Pour avoir traversé une fois des circonstances difficiles, nous acquerrons à l'instant plus de confiance en nous et de maîtrise lorsqu'une situation analogue se représentera. Toute situation nouvelle nous effraie. L'ignorance engendre la crainte mais nous prenons confiance en nous-même après avoir fait la même chose cent fois, mille fois. L'expérience est créatrice de hardiesse. L'expérience, c'est déjà la science.

Satan a une longue expérience. Il y a des milliers d'années qu'il est à l'oeuvre. Il nous connaît parfaitement. Nous ne sommes devant lui que des enfants, des débutants, des maladroits.

Voici une deuxième raison qui explique notre incapacité à lui résister ici-bas. Cette raison est humiliante, mais, une fois de plus, aussi vraie qu'humiliante : notre intelligence spirituelle n'est pas de premier plan non plus ; elle ne l'est, du moins, que lorsque l'Esprit de Dieu s'est emparé de nous. Le cerveau le mieux organisé, tant qu'il pense sans Dieu, est privé de son meilleur aliment.

Nous aussi, nous sommes séparés de Dieu par le péché. Et même, lorsque nous sommes revenus à Lui par la rédemption, tant que nous Lui refusons la suprématie sur notre intelligence, nous sommes au-dessous de notre vrai niveau. Nous ne possédons pas la plénitude des facultés qui nous étaient échues.

Aussi, sommes-nous tous d'accord pour reconnaître avec tristesse que ce compromis avec le mal et l'égoïsme a pris force de loi parmi nous, même si nous sommes considérés comme chrétiens. Et devant notre Ennemi, nous en sommes diminués.

Intelligence non livrée

On peut aller encore plus loin. Il existe des gens sincères et vraiment pieux qui se sont livrés au Seigneur Jésus, mais qui ne Lui ont pas consacré leur intelligence. C'est une faute. Non qu'il s'agisse d'annihiler sa raison et de suivre aveuglément un magister quelconque, ce que certains cependant considèrent comme une grâce. Mais quand le Saint-Esprit a saisi une âme, il se produit un renouvellement de l'intelligence aussi bien que du coeur. Il crée en nous une compréhension nouvelle des choses comme une nouvelle ardeur et une nouvelle force. Il faut une « nouvelle intelligence » pour comprendre les vérités révélées. Si nous ne la possédons pas, le Saint-Esprit ne peut entièrement régner sur nous. Cette défaillance est encore pour nous une cause de moindre résistance à Satan.

On pourrait faire ressortir d'autres traits encore. Satan est un menteur. On ne peut ajouter foi à ce qu'il dit. Il est d'une rare habileté à dissimuler. Il sait mélanger la vérité et le mensonge, le vrai et le faux avec tant d'adresse, tant de sagacité que même les élus s'y laissent prendre.

Seule la prière constante peut jeter de la lumière dans ces zones troubles. Seuls les yeux exercés par la lecture assidue de la Parole savent discerner le vrai du faux et ce qui est la réalité de l'invention.

Toutes sortes de mensonges viennent de Satan, grands et petits ; mensonges... noirs et blancs, de ce blanc sale, de ce blanc gris de fumée qui parait être sa couleur favorite, mensonges mondains, mensonges d'affaires, mensonges personnels, mensonges d'Église, mensonges pieux, mensonges de la vie et des actes, mensonges habillés. Tout vient de lui. Il se plait dans les déguisements et s'en sert avec délices. Il est l'ennemi irréductible de la vérité.

L'arme d'un lâche

Et puis, il aime à employer la force. La violence est son arme favorite ; soit qu'il menace, soit qu'il se mette en action par l'intermédiaire d'une personne ou utilise des combinaisons de force.

Si un homme en tue un autre, cet acte s'appelle communément un meurtre. Si une masse considérable d'hommes savamment organisés accomplissent le même acte avec plus ou moins de science et de courage, cela s'appelle la guerre ! A cet égard, avant de pouvoir tirer de justes conclusions, il faudrait étudier cette question sous deux aspects. La plupart des grandes armées ne sont que de simples et vastes forces de police qui ont pour mission de maintenir l'ordre dans les rues où la masse de la nation défile et se bouscule dans ses allées et venues.

Mais l'emploi de la violence, de la force brutale pour régler les conflits internationaux, c'est la manière d'agir de Satan. Elle dépeint tout son caractère. Chercher une solution dans la simple force animale, c'est naturellement rabaisser toute affaire à son niveau le plus bas. C'est croire à la loi du plus fort qui, bien souvent, ramène le bien au niveau du mal, si même elle ne met le mal à la place du bien. Toutes les foi que l'on a recours à la violence pour arriver à ses fins, que ce soit entre individus ou entre peuples, c'est le Malin, le Prince usurpateur qui est l'inspirateur.

Dans la vie sociale, certaines classes se servent de leurs privilèges pour nuire aux autres et les écraser. Dans le monde des affaires, c'est la loi générale. Chacun se sert de tous les avantages dont il peut disposer pour écraser un rival et l'obliger à accepter ses conditions. En politique — et même dans Église ! —cette mentalité prévaut. Cela nous fait toucher du doigt l'étendue de la maligne influence de notre Ennemi sur tous nos milieux. Ainsi se précise le caractère du Malin. Il n'est rien de plus méprisable et de plus lâche que d'employer la force seule pour arriver à ses fins. Satan est donc un lâche, un misérable, un méprisable lâche. Lâche comme la plupart des violents. C'est un fanfaron et un vantard.

Il s'attaque aux plus faibles. Il s'approchera sournoisement, par exemple, du lit de maladie où est étendu, faible de corps et las d'esprit, quelque saint enfant de Dieu, cher à son Sauveur et lui insufflera ses misérables doutes ; il l'agacera, l'exaspérera, le tourmentera jusqu'à le jeter dans le désespoir. Quelle lâcheté ! Lâche, il a peur. Il redoute le Seigneur Jésus.

Il n'a pas le courage de se mesurer avec Lui dans une lutte équitable et honnête, d'égal à égal. S'il y était contraint, il s'esquiverait rapidement. Il nous craint nous aussi, lorsque, nous cramponnant à Jésus, nous ne formons plus qu'un seul corps avec Lui. Résistez-lui, il s'en ira tête baissée et cherchera ailleurs quelqu'un de moins averti ou qui ne sera pas sur ses  gardes. Attachez-vous donc au Maître. Ne vous écartez pas de Sa Présence. Résistez à ce grand lâche par le nom puissant de Jésus et vous serez en sécurité.

Mais souvenez-vous qu'il est pourtant tenace. Tenace, parce qu'il revient toujours à la charge. Il a la ténacité du bull-dogue. Il est crampon. Seule notre obstination à nous accrocher à Jésus peut en venir à bout. Il ne peut la supporter. Plus il s'obstinera, plus il faudra nous cramponner et tenir bon. Alors, il est battu d'avance et il le sait. La persistance de notre Tentateur n'est que fanfaronnade. Il rétrogradera devant notre ferme volonté.

Lorsqu'il est le plus fort, il n'est que faiblesse

Une amie me racontait qu'elle s'était chargée d'un neveu, pendant l'absence de ses parents, en séjour aux Indes. Or, la portion des Écritures à lire au culte de famille se trouvait dans l'Apocalypse. Elle avait longtemps hésité à entreprendre cette lecture de crainte que les enfants ne pûssent comprendre. Finalement, elle résolut de faire un essai, estimant que les enfants, souvent, saisissent plus qu'on ne le pense.

Un jour, le jeune garçon, lui dit tout à coup : « Satan sera bien puni, n'est-ce pas ? » La tante, fort étonnée de la remarque, le questionna pour découvrir le fond de sa pensée. « Puisqu'il sera jeté dans l'abîme et ensuite dans l'étang de feu », poursuivit l'enfant. Il avait donc bien mieux compris la lecture biblique faite en famille qu'on n'aurait pu le supposer. Sa tante se mit en demeure de l'éclairer et de l'instruire sur ce point. La remarque que lui fit l'enfant, un soir qu'elle le couchait, prouve à quel point elle y réussit. Comme se parlant à lui-même, il dit : « Satan est très fort ; il nous est impossible de le vaincre », d'un ton qui révélait la détresse de son esprit. Puis son visage se rasséréna et c'est la voix complètement transformée qu'il reprit : « Mais avec Jésus, nous sommes cent fois plus forts que lui. » Et tandis que sa tante le bordait dans son lit, il se reprit et corrigea : « J'ai dit cent fois, mais c'est mille et mille fois plus fort que j'aurais dû dire !

La lecture biblique avait porté ses fruits chez cet enfant. Pour nous, les deux impressions qui doivent en ressortir : la grandeur de l'Ennemi et la puissance plus grande encore de notre Seigneur, puissance à notre disposition, nous seront d'un grand secours tandis que nous grandirons dans la vie chrétienne. « Avec Jésus, nous sommes mille fois plus forts » et combien plus encore ! Souvenons-nous-en. Cette certitude redoublera notre énergie dans la résistance et mettra notre ennemi en fuite.

Et maintenant, résumons-nous !

Satan vit sur un fond, toujours le même, et qui ne se renouvelle plus : ses richesses d'avant sa chute. Il garde le génie de l'organisation et de l'obstination. Il est très fort et a à sa disposition des armées bien disciplinées et innombrables. Il est menteur. Il est violent. Il est un puissant imitateur. Mais c'est tout. Dans cette grandeur même percent les marques de sa petitesse. La vérité prévaut toujours sur le mensonge. La violence est bestiale. Elle est sans intelligence. Elle engendre la lâcheté. L'imitation restreint les moyens d'action. Satan n'invente rien.

Ainsi, de notre côté, si nous sommes livrés au Seigneur, si notre intelligence elle-même est renouvelée par le Saint-Esprit, si nous nous cramponnons à la puissance d'En-Haut, nous obtenons une victoire facile. C'est la puissance de notre Dieu qui la remporte.


IV. TENTATIONS-TYPES

Eden : le Tentateur et ses agissements

Trois attaques

Le Tentateur livra trois grands combats, à trois reprises différentes, dans l'intention arrêtée de détourner l'homme des sentiers de Dieu : en Eden, au Désert et au Calvaire. Chaque fois, le but poursuivi fut le même : éloigner l'homme des voies de Dieu et faire échouer le plan divin. C'était là son dessein dans ces trois tentations comme dans toutes les autres.

En Eden, l'homme se laissa prendre dans les pièges que le diable lui avait tendus. Il désobéit. Il fit la volonté d'un autre que Dieu et devint l'esclave de celui à qui il céda. Il perdit son droit à la domination de la terre.

Notre Seigneur est venu ensuite comme le fondateur d'une nouvelle race. Il est venu racheter ce qui avait été perdu. Son entrée dans le monde fut comme un défi personnel lancé au Prince-traître. Il releva le gant et le corps à corps eut lieu au Désert. Ce fut la deuxième grande attaque livrée à notre race, incarnée en Jésus-Christ.

 Notre Seigneur subit d'autres tentations avant celle du Désert. La vie à Nazareth fut une continuelle tentation, nous l'avons vu, ainsi que son ministère. Mais le Désert fut une bataille rangée où les deux Ennemis mesurèrent leur force face à face.

Une troisième grande attaque s'ensuivit : le Calvaire. Après l'échec du Désert, Satan voulut s'essayer à nouveau dans un effort plus décisif. Et ce fut la Croix. Là, Jésus concentra toute Sa puissance. Quelle reconnaissance ne devons-nous pas à notre Sauveur pour sa fermeté dans l'obéissance qui lui valut cette nouvelle victoire ! Car tout ce qui était le plus cher à l'homme était en jeu. Il agissait à sa place. Il était là notre représentant et notre substitut.

Au Calvaire, Satan essaya de rendre l'obéissance aussi pénible, aussi difficile, aussi impossible même qu'il le pût. Les pires indignités, les hontes les plus dégradantes, les épines, les fouets, les coups de marteau et la croix ; les souffrances morales, physiques et spirituelles, en un mot, tout fut mis en oeuvre pour essayer d'entraver la marche en avant de Jésus et le faire rétrograder. Vraiment là, Satan fut Satan.

Mais — que le nom de Jésus soit à jamais béni —le Maître triompha. Il endura tout. Nul ne réalisera jamais autant que Lui tout le poids du fardeau dont on le chargea. Un abîme insondable est ouvert dans ces paroles de saint Paul : « Il s'est rendu obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix ! » (Phil. 2 : 8). Toute l'horreur de l'enfer, toute l'abomination, toute la haine du Tentateur, toute la simple et ferme obéissance de Jésus, notre Seigneur, envers son Père, tout l'amour incomparable de Dieu sont exprimés dans ce mot de quelques lettres « même ».

Dieu nous a décrit ces grandes tentations avec force pour nous instruire des machinations dont est capable le Tentateur et de la sagesse de notre Vainqueur. Nous examinerons donc ces deux exemples.

Eden nous révèle la manière d'agir du Tentateur. Nous devrions nous en imprégner pour mieux « veiller ». Le Désert et le Calvaire nous montrent comment notre Seigneur lui résista. Cela devrait nous courber plus intensément dans la prière.

La trace du serpent en Eden

Et d'abord, un simple coup d'oeil sur Eden.

Eden, c'était ce que Dieu nous destinait. Eden, un jardin. Qu'y a-t-il de plus attrayant qu'un jardin ? Tout y était perfection. Pas de point d'interrogation, aucun doute, aucune incompréhension, aucun soupçon, mais l'entière et douce confiance de l'amour parfait entre Dieu et sa créature. L'amour était l'atmosphère qui baignait tout ce jardin. Tout y était pureté et innocence. L'amour vrai est toujours pur. Le péché n'existait pas : ni flétrissure, ni souillure, ni mal, mais partout sainteté de coeur et de vie, d'imagination, de pensée et d'acte.

Dieu et l'homme vivaient en parfait accord. Chacun jouissait de la présence de l'autre. Cette amitié découlait de toutes les perfections du lieu et de ses habitants.

Eden ! tel était donc le don de Dieu.

Alors, vint le Tentateur. Pourquoi vint-il ? Parce qu'il désirait la souveraineté sur la terre. Cet empire avait été donné à l'homme. Le Tentateur intervint pour le dérober. Parviendrait-il à détourner l'homme de son obéissance (ne serait-ce que de la moitié de l'épaisseur d'un cheveu) que la domination de la terre ne lui appartiendrait plus. Le Tentateur aurait le pouvoir, non seulement sur la terre, mais aussi sur l'homme dont il recherchait l'adoration.

Remarquez comment il vint et vous saisirez mieux comment il vient encore. Il nous faut profiter de la leçon donnée en étudiant les traces laissées en Eden.

Ses procédés

Il se présenta à l'homme sous trois aspects. Il vint en vêtements d'emprunt : il était déguisé. Ceci nous donne à réfléchir. Craignait-il de se montrer à découvert ? J'en ai la conviction. Avait-il peur ? Je n'en ai aucun doute. Si Satan se présentait tel qu'il est, avec ce que nous savons de lui, il serait, la plupart du temps, malmené et refoulé à coups de pied. Et c'est pour cette raison qu'il se travestit. Il vint donc sous la forme d'un animal, le serpent. Et remarquez qu'il choisit, comme toujours, celui qui lui offrait le plu de chances de réussite. Car le serpent est lui-même plein de ruse.

Le mot « rusé » ne doit pas être compris simplement dans le sens de « malin », ainsi qu'il l'est généralement, mais nous devons entendre par là, une finesse, une pénétration, une subtilité d'esprit prononcée, si je puis me permettre l'emploi du mot « esprit » en parlant d'un animal. Il exploita ce qui, dans le serpent, avait le plus de rapport avec ce qu'il voulait faire. Il se servit de ses allures rampantes, sournoises, tortueuses. Il est venu et il vient encore de cette manière. Celui-là est un homme intelligent et clairvoyant qui saura dévoiler tous les déguisements de Satan !

Puis, c'est au corps humain qu'il s'attaqua pour mener à bien son entreprise. Que ceci nous fasse à nouveau réfléchir. Eve agit sous l'instigation d'un désir charnel parfaitement légitime : celui de manger quelque chose de bon. Ce fut par cette envie qu'il entra en elle. Et si vous voulez bien y réfléchir, vous vous rendrez compte que c'est bien là une de ses manières favorites de procéder : agir sur nos besoins, sur nos fonctions naturelles.

Il est aisé de se rendre compte de l'étendue du mal que cela comporte. Toute fonction n'est justifiable que lorsqu'elle répond à l'intention pour laquelle elle a été créée. S'étant ainsi introduit dans le corps, il précise son attaque au point faible, là où il sait que nous sommes vulnérables. En excitant le corps, il parvient à s'en rendre maître et il s'y installe. J'ai le sentiment que c'est, de nos jours, sa tactique la plus puissante et celle qui lui réussit le mieux. Sa domination sur la chair est grande et, bien plus que nous ne le supposons, il y a, dans nos corps même, une délivrance possible des serres de Satan par Jésus-Christ, notre Vainqueur.

A vrai dire, il commença par l'esprit pour atteindre le corps. Car, c'est par un discours que le Malin séduisit Eve. Il ne pouvait faire autrement. Toutefois, c'est la chair qu'il visa en premier lieu. Mais pour convaincre, il troubla l'esprit. Il embrouilla les idées, il y jeta la confusion, l'erreur, les grisailles et tout ce qui fait qu'on n'y voit plus clair. Il trompa sa certitude, l'ébranla et fit captive sa volonté au point de la plier absolument à la sienne.

Il ne sera pas superflu de répéter une fois de plus ici que la seule chose qu'il cherche à obtenir, c'est la soumission de notre volonté à la sienne. Mais il ne peut y arriver sans notre consentement. Tout homme est le souverain de sa volonté. Tout homme se trouve comme dans une solitude impériale dans le royaume de sa volonté. Et Satan fait tous ses efforts pour l'ébranler et s'en rendre maître.

Il commence donc par notre esprit. Il peut obscurcir notre intelligence par des pensées malsaines, troublantes et démoralisantes. Il ne néglige rien. Ayant obtenu ce premier résultat, il lui est facile d'atteindre toute notre vie mentale avec plus de succès que nous ne nous l'imaginons.

Ceci est plus qu'une simple allusion à ceux qu'il a fallu enfermer dans des Asiles de fous. C'est une affirmation que j'apporte. C'est lui qui est responsable, dans une large mesure, de leur état ; il n'y a pas â en douter. Ils sont des victimes. Mais le Malin ne peut plus rien tirer de ces vaincus. Aussi préfère-t-il influencer nos facultés à nous, qui possédons un soi-disant esprit sain. Il s'acharne contre nous dans le but de semer en nous la confusion, l'erreur et de nous entraîner à sa suite.

En conséquence, nous obtiendrons plus de clarté, de sérénité d'esprit et de force dans notre vie en restant fidèles au Christ, plutôt qu'en écoutant notre Ennemi.

Voici donc, en résumé, comment il s'est présenté : sous des habits d'emprunts, il a séduit le corps en embrouillant l'esprit.

La généalogie du doute

J'attire votre attention sur ce qu'il fit ; n'oubliez pas que ce sont les traces du serpent d'Eden que nous suivons. Et si jamais vous découvrez, où que ce soit, des traces semblables à celles-ci, soyez persuadés que c'est la même traînée visqueuse du serpent.

Son premier acte fut de mettre en doute l'Amour de Dieu. « Dieu a-t-il vraiment dit que vous ne mangiez pas du fruit de tous les arbres ? Qu'Il est dur votre Dieu ! De si beaux arbres ! et un fruit si délicieux ! Mais n'est-il pas placé là pour que vous en mangiez ? Votre corps en sera restauré. Qu'Il est cruel votre Dieu ! Vous a-t-il vraiment défendu de manger ce fruit? Quel abominable Dieu que le vôtre! » Voilà des insinuations qui conduisent au doute sur l'Amour de Dieu. En suivant les récits du livre de la Genèse, j'aimerais vous exposer la généalogie de ce qui s'appelle « le doute ». Aux dix généalogies du livre de la Genèse, j'en ajouterai donc une onzième pour nous faciliter les choses.

C'est Satan qui engendra le doute. Le premier de tous fut un doute sur l'Amour de Dieu. Ce doute engendra celui sur Dieu Lui-même. Le doute sur Dieu engendra tous les doutes. Ils se répandirent partout dans le monde entier. Nous vivons dans un monde où le doute règne. Nous nous méfions de tous les hommes. Nous observons les autres avec défiance, un oeil inquiet constamment tourné vers eux.

Voici maintenant la seconde génération. Le doute engendra la mésintelligence. C'est ici une vaste génération. La mésintelligence engendra des fils et des filles : l'esprit critique duquel naquit une très grande famille dont plusieurs membres, dont tous les membres, devrais-je dire, sont demeurés au milieu de nous jusqu'à ce jour. L'esprit critique engendra la haine et ses multiples formes. Et les fils et les filles de la haine sont la violence. Les enfants de la violence sont : le meurtre (quand il s'agit d'un seul individu) et la guerre (quand il s'agit des masses).

Telles sont les générations du Doute que Satan engendra en ce jour-là, au Jardin d'Eden. Et ce que ces générations ont de particulier, c'est leur vitalité. En comparaison, Mathusalem mourut tout jeune.

En second lieu Satan mentit. Peut-être ferais-je mieux de ne pas trop m'arrêter là-dessus. On l'a fort bien appelé le Père du mensonge, du mensonge sous toutes ses formes. Et nous voilà de nouveau en présence d'une nouvelle grande famille ! Il ne m'est assurément pas nécessaire de les étiqueter tous. Il y a des mensonges blancs et des mensonges noirs ; Il y a de petits mensonges, d'après l'évaluation des hommes, et de gros mensonges. Il y a les mensonges de politesse et les mensonges mondains ; ceux des affaires, ceux que l'on dit et ceux que l'on vit. Le monde entier est envahi par des mensonges issus du premier que prononça Satan. Tous viennent de lui. Tout mensonge du regard et des lèvres, quel qu'en soit le but, social, personnel ou religieux — car, sachez-le, il y a tout une lignée de mensonges religieux — toute cette engeance remonte en droite ligne au Père du mensonge.

En troisième lieu, il alluma les feux d'une ambition sacrilège. Il dit à la femme : « Vous serez comme des dieux. » Oui, toute l'ambition de Satan est là : être l'égal de Dieu ! être adoré comme Dieu ! Il dit à Eve : t'est possible, par un acte très simple, de t'élever au-dessus du niveau que Dieu t'a assigné et d'atteindre le niveau même de Dieu. » Et toute notre ambition sacrilège, ai-je dit, naquit en cet instant. Je ne sais comment assez abréger et simplifier ce que j'ai à vous dire. S'élever au-dessus de l'état que Dieu nous a assigné, c'est la démangeaison universelle. On la retrouve dans la vie commerciale, dans la vie sociale, dans la vie politique, dans le monde des affaires, dans la vie religieuse, dans toutes les formes de la vie. Une main fiévreuse tourne le bouton de la porte qui s'ouvre sur des sphères supérieures et une agitation constante nous pousse à faire l'ascension des degrés qui mènent là où nous n'avons pas le droit de viser. Cette ambition sacrilège fut le troisième péché que Satan inspira à Eve.

En quatrième lieu, il la poussa à la rébellion. La clef de la vraie vie, c'est l'obéissance, avons-nous dit. La clef de la vie de Satan, c'est la désobéissance à Dieu. Ce jour-là, il l'incita à l'esprit de rébellion.

Puis il essaya d'introduire le cinquième désordre. Il se produisit après l'acte de désobéissance. Remarquez-le bien. Ce cinquième désordre ne survint qu'après le geste d'Eve : ce fut une large brèche par laquelle il réussit à pénétrer à l'intérieur de l'âme et sa première manifestation fut une suggestion d'impureté. Le serpent n'en parle pas, mais elle est là tout de même. Remarquez que ce troisième chapitre ne relate en effet aucun acte d'impureté. Il n'y a rien d'impur si ce n'est ce que l'imagination du premier couple invente. Ils reconnaissent qu'ils sont nus et se cousent des vêtements. Les vêtements n'étaient pas nécessaires au corps, mais devaient satisfaire un état d'esprit. Et c'est ici le plus répandu de tous les péchés de l'humanité : l'impureté — c'est-à-dire (et faites-y bien attention) l'exercice de fonctions saines et saintes pour des fins auxquelles elles n'étaient pas destinées. C'est tout simplement cela, mais c'est tout cela. C'est la source de l'impureté de toutes catégories, de toutes nuances et de tous degrés.

Et maintenant, voyez comme Satan changea ses batteries. Avant la chute, il opéra de l'extérieur à l'intérieur ; après la chute, il opéra de l'intérieur à l'extérieur. Le serpent dit : « Mangez du fruit ». « Dieu n'est pas bon ». Mais dès que le fruit est mangé, le serpent est renvoyé ; plus n'est besoin de lui. Satan désormais avait une forteresse dans la place. Par l'acte de désobéissance, une porte intérieure était ouverte et, par cette porte, le Malin avait pénétré. Avant l'absorption du fruit, il vint du dehors et après, il vint du dedans. De nos jours, il vient des deux manières. Au début, il ne pouvait venir que d'une seule manière ; maintenant, il en a deux à sa disposition et il les emploie toutes deux.

Quelques conséquences

Parlons maintenant des conséquences. La première fut la séparation volontaire de l'homme d'avec Dieu. Et notez-le bien : l'homme prit l'initiative de cette séparation. C'est l'homme qui commença. Dieu ne bougea pas. C'est l'homme qui se sépara de Dieu. Puis il se cacha derrière un arbre. C'est un bien mauvais usage des arbres ! Dieu n'avait jamais eu l'intention, en les créant, de les offrir à l'homme comme cachette. Et depuis lors, l'homme s'est toujours caché de devant la face de Dieu. Dieu demeure. C'est l'homme qui Le fuit.

Une autre conséquence : la lâcheté morale. Écoutez ce que dit le premier et l'admirable représentant de notre race : « La femme que tu m'as donnée... » Ce n'est pas moi qu'il faut blâmer, c'est elle. Pourquoi m'as-tu donné cette femme ? Faire tomber la responsabilité sur autrui. Quelle lâcheté ! Mais il ne s'arrête pas là. « La femme que tu m'as donnée... » ! Après tout, c'est Toi qui es la cause de tout le mal ;c'est par Toi que tout cela est arrivé, c'est ta faute ! Moody raconte qu'un jour, il était allé faire un service dans une prison de New-York. Il s'entretint ensuite avec chaque prisonnier en particulier. Il s'écria à la fin de sa visite: « De ma vie, je n'ai rencontré autant d'honnêtes gens qu'en ce lieu-là. Chacun d'eux s'est évertué à me persuader qu'il était innocent et que le vrai coupable n'était pas lui. Adam semble avoir engendré une innombrable race d'hommes moralement lâches. » — Je ne suis pas à condamner. C'est la faute d'un tel ou d'un tel. Surveillez-le. Jetez les regards de son côté. C'est lui qu'il faut accuser ; moi, je n'ai rien à me reprocher ! — Lâcheté morale ! Elle se rencontre partout et à chaque pas.

Un troisième résultat s'ensuivit aussi sur lequel je vous prierai de concentrer toute votre attention, c'est la crainte. Le péché engendre la crainte. J'aimerais avoir le temps de vous parler de la peur qui paralyse le cœur et l'esprit.

Si je pouvais, aujourd'hui même, effacer de votre esprit tout sentiment de crainte, vous continueriez votre vie avec un corps et une intelligence renouvelés.

La peur est le pire des esclavages du péché. Adam dit : « J'ai eu peur . J'ai eu peur ! Cette expression est devenue si commune que nous l'employons même lorsque nous n'avons pas peur. Ce sentiment de crainte est comme tissé dans la vie de toute créature. Et la crainte influe sur le corps avec une puissante intensité et une grande subtilité. Lorsqu'un sentiment d'amour et de confiance m'anime, mon corps est plus libre ; je suis physiquement plus fort et moralement plus lucide. Mais la peur entrave. Elle diminue les forces aussi bien que les moyens intellectuels ; elle agit sur toute la personne, le corps, l'âme et l'esprit.

L'origine de cette action remonte au premier jour, dans le Jardin d'Eden.

Or, c'est ici la trace d'Eden. L'avez-vous jamais rencontrée sur votre route ? Vous est-elle étrangère ? Si vous l'avez vue, en quelque proportion que ce soit, vous pouvez être persuadés qu'elle a été laissée par ce vieux serpent de Satan. Vous ne le verrez pas, lui, il est caché ; mais sa trace subsiste. On peut, sans difficulté, la suivre à travers les pages de la Bible. En parcourant le Livre de Dieu d'un bout à l'autre, cette trace ressort clairement. Le nom de Satan apparaît très peu souvent, si rarement que je pourrais facilement vous en citer les endroits de mémoire. Mais sa trace, elle, est partout.

Et que dirai-je de sa trace dans le livre de nos vies ? A-t-il laissé ses empreintes le long de votre sentier ? Est-il nécessaire de vous les rappeler ? Le doute vous a-t-il effleuré avec ses fruits : mésintelligence, critique et violence ; mensonge, ambition sacrilège ; désobéissance, impureté, lâcheté morale, crainte, désordres corporels, désordres intellectuels, manque de clarté, de sérénité d'esprit, de santé mentale ? Et que signifient ces traces ? Où qu'elles soient, elles révèlent à un degré quelconque la présence évidente du serpent.

Sur le point de terminer notre entretien, je voudrais vous faire entendre, avec douceur, que s'il existe un doute quelconque sur Dieu, un recul dans l'obéissance,, quelque lâcheté morale, un mensonge de quelque nuance, de quelque importance ou de quelque degré qu'il soit, un sentiment de crainte, — ce qui signifie un manque de foi sereine, -- l'emploi de fonctions pures et saintes pour des abus auxquels elles n'étaient pas destinées, si l'une de ces erreurs se trouve en vous, sachez que Satan est là, dissimulé, à distance,  hors de portée de la vue, peut-être, mais à son poste, dans le coin que vous lui avez consenti.

Je me demande combien parmi nous l'ont recueilli et lui donnent asile. Je propose que chacun de nous se retire à l'écart pour se recueillir et que là, s'inspirant de la prière du Psalmiste, nous disions à Dieu :

« Sonde-moi, ô Dieu, lis dans mon coeur et aide-moi à voir ce que tu y as découvert ; éprouve-moi et connais mes pensées, mes désirs, mes desseins, mes attachements les plus intimes et les plus secrets et aide-moi à savoir ce que tu sais. Et amène-moi à voir s'il y a en moi des voies qui t'offensent, qui donnent prise à Satan contre Toi. » Puis, vous ajouterez ce complément à votre prière, si tel est votre désir. « Détourne-moi de cette voie et conduis-moi dans tes sentiers, sur la route royale de l'éternité. »

Et si, par hasard, cette confession sortait de vos lèvres : « Ah ! vous ne vous imaginez pas combien ces choses sont enracinées dans ma vie ; vous ne pouvez pas vous rendre compte de l'empire que la peur, la désobéissance, la lâcheté et d'autres choses dont je tais le nom ont sur moi ! » Eh bien ! pourvu que vous disiez : « Comment puis-je m'en débarrasser ? » vous trouverez une réponse à ce désir de votre coeur dans le dernier livre de la Bible. Notre message a été tiré du début du premier Livre. La conclusion se trouvera près de la fin du dernier Livre (Apocalypse 12 : 11). « Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau. »

Le Désert :

Comment fut défait le Tentateur

Devancer les desseins du Tentateur

Nous nous sommes brièvement entretenus de la tentation qu'Adam, le premier représentant de notre race, eut à soutenir contre Satan. Maintenant, nous nous entretiendrons de la seconde grande attaque de Satan qu'eut à soutenir le second représentant de notre race, notre Seigneur Jésus-Christ. La tentation du Désert était une nécessité. Pour Satan d'abord, dont le royaume était menacé par l'opposition du Christ ici-bas. Il fallait qu'il combattit pour raffermir ses positions. C'était une nécessité pour Jésus-Christ ensuite. Chef d'une nouvelle race, Il devait l'emporter sur le Tentateur et reconquérir la domination de la terre entière à notre humanité.

Rappelons-nous, en effet, pour mieux comprendre cette nécessité de la tentation du Désert, que, lors de sa création, Adam avait reçu en partage la domination de la terre. C'était lui, après Dieu, le maître de ce monde. Dieu l'avait élevé au rang de roi de la création. Le Prince des ténèbres convoita cette domination pour lui-même ; il voulut l'arracher à l'homme par le moyen de l'homme et dominer. C'est ainsi qu'il en vint à combiner son attaque en Eden. L'homme succomba et le Malin triompha.

Ainsi, notre Seigneur Jésus-Christ apparut sur la scène du monde pour le regagner et ramener toute la race humaine à la fidélité envers son Père. Le premier coup de massue de la Victoire du Christ fut porté au Désert. Sa victoire sur Satan en ce lieu fut les prémices de sa victoire au Calvaire. Et, remarquez-le bien, tout le royaume des esprits malins connaissait la victoire du Seigneur Jésus au Désert. En quelqu'endroit qu'Il apparût et quel qu'en fût le moment, ils s'enfuyaient toujours devant Lui, saisis de crainte.

J'aimerais grouper ce que j'ai à dire sous trois titres : Premièrement : Les préparatifs du Saint-Esprit en vue de la Tentation. Je vous demanderai de souligner ce fait : le Saint-Esprit fit les préparatifs du drame. Il est écrit très clairement : « Alors, Jésus fut emmené par l'Esprit dans le Désert pour être tenté par le diable.» Il déploya un grand talent de généralissime. Il n'attendit pas l'attaque de l'Ennemi, mais obligea le Tentateur à se démasquer. Il le contraignit au combat. C'était de la stratégie et une stratégie de premier ordre. Nous devrions l'imiter beaucoup plus fidèlement. Je crois pouvoir dire que la plupart d'entre nous attendent d'être tentés, et seulement alors, en grand désarroi, ils appellent au secours et implorent de l'aide. Ce n'est pas ainsi qu'il faudrait agir. Nous devrions nous préparer d'avance à la tentation par la prière, la prévoir et nous assurer du terrain avant l'arrivée de l'Ennemi. C'est ce que fit le Saint-Esprit en cette occurrence.

M. Moody se trouvait un jour sur un paquebot lors d'une grande tempête. Tout espoir de sauver le vaisseau était perdu. Tout le monde priait à bord. Quand la tempête fait rage, tout le monde prie ! Un des passagers, qui avait été chargé de monter sur l'un des ponts, y aperçut M. Moody debout, les regards perdus au loin, vers la mer démontée. Grand fut son étonnement de le trouver là, sa place étant tout indiquée dans la salle au-dessous où se tenait une réunion de prière.

 « Comment, M. Moody, s'écria-t-il, vous ici, alors que tous sont rassemblés pour la prière ? » Moody lui répondit avec la plus grande sérénité : « J'ai pris les devants. J'ai une belle avance. » Quelle merveilleuse tactique de prier à l'avance ! Il ne faut pas attendre que les circonstances nous pressent pour prier, si nous voulons avoir de l'avance sur le Malin. Agissez selon les indications du Saint-Esprit ; c'est lui qui prit les devants. Voilà la première des suggestions inspirée par les préparatifs du Saint-Esprit.

La stratégie du Saint-Esprit

En voici une seconde. Le Saint-Esprit prit possession de notre Seigneur. Jésus agit sous l'inspiration du Saint-Esprit. Le Saint-Esprit le dominait. Avant même que la tentation ne survînt, le Saint-Esprit entra en Lui. En vous rappelant cette vérité, je vous demanderai de me suivre attentivement pour que vous ne vous mépreniez pas sur le sens de mes paroles. Le fait d'être rempli du Saint-Esprit n'est pas un cas isolé, particulier au Seigneur Jésus. C'est avec le plus grand respect que j'avance ces paroles. Je m'appuie, pour les prononcer, sur le désir qu'Il manifesta à plusieurs reprises de vivre la vie d'un homme, mais d'un homme dépendant entièrement du Saint-Esprit. Voici donc ce que nous pouvons en déduire : de même que le Fils de l'Homme en tant qu'homme fut revêtu de la puissance du Saint-Esprit avant la tentation afin d'être armé pour résister victorieusement à cette tentation, de même, vous et moi, nous serons revêtus de cette puissance si nous lui permettons d'agir en nous. Ceci doit nous donner à réfléchir. Tant parmi nous font fausse route. Nous attendons que les circonstances nous acculent, et seulement alors, nous faisons tout ce que nous pouvons pour nous sortir d'embarras. Si nous voulions nous laisser saisir par le Saint-Esprit, nous serions prêts à l'avance, nous hâterions le combat et le Malin serait déconcerté, obligé de regagner son coin obscur.

Puis, le Saint-Esprit se chargea Lui-même de la tentation du Seigneur. Ce n'est pas un cas particulier. Il veillera ainsi Lui-même sur nos tentations. L'essentiel, c'est de nous confier en Lui. Il s'occupera du reste. Au chapitre X de la première épître aux Corinthiens vers. 13, il est écrit : « Aucune tentation ne vous est survenue qui n'ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces. » Il est celui qui veille sur nos tentations. Si nous nous confions en Lui, Il cherchera à nous faire remporter la victoire. Si nous consentions à prendre en considération ces avantages, toute notre attitude envers la tentation serait transformée.

La plupart des gens ont peur de la tentation. Ils la craignent. C'est leur terreur. Mais au contraire, nous devrions envisager la tentation comme étant une occasion de vaincre le Malin. La tentation a deux fins : elle éprouve nos armes et met Satan en fuite.

Puis, souvenez-vous que le Saint-Esprit demeura avec Jésus pendant tout le temps que dura la tentation. Il le soutint au cours de l'action. Ainsi, nous pouvons toujours compter sur la présence permanente du Saint-Esprit en nous. Il ne nous quitte pas. S'il y a séparation, elle ressemblera à celle du jardin d'Eden. C'est nous qui nous en irons. Lui, ne nous quittera pas. C'est Adam qui chercha à se dissimuler derrière les arbres. Le Saint-Esprit, lui, resta.

Il y a une quatrième remarque très importante à faire à propos des préparatifs du Saint-Esprit : c'est le lieu de la tentation, le Désert. Le désert de la Judée commence pour ainsi dire aux portes de Jérusalem pour s'étendre vers l'Est jusqu'à la Mer Morte. Que signifie le Désert ? Que veut dire cette Mer Morte ? Vous le savez. C'est la plus grande cicatrice du péché qui puisse se trouver sur la surface du globe. Des cités s'élevèrent dans la plaine, aussi belles et prospères qu'Eden, le jardin du Seigneur. Elles furent englouties, complètement balayées. Le sol même porte l'empreinte du jugement de leur péché. Arrêtez donc votre attention sur cette remarque : la Mer Morte et le désert qui la bordent. Toute cette partie désertique revêt comme le sceau du jugement de Dieu. La terre en garde l'empreinte ainsi qu'une plaie. Que ceux qui ne veulent pas croire à la Bible, à l'Ancien Testament, aillent visiter ces lieux et qu'ils les étudient du simple point de vue historique. La Mer Morte est un terrible témoignage de la sûre venue du jugement de Dieu sur le péché.

Or, c'est ce lieu-là qui fut mis à part pour être le théâtre de la tentation. Qui le choisit ? Satan ? Il s'en serait bien gardé. C'eût été le dernier endroit qu'il eût choisi ! Il n'aimait pas le Désert. Le lieu lui était trop familier et le gênait trop. Les empreintes qu'il y avait laissées ressemblaient trop à une malédiction, pour qu'il voulût y retourner de son propre gré. Non ! C'est le Saint-Esprit qui désira que le début de la Tentation eut lieu à l'endroit même où la cicatrice du péché était le plus profondément incrustée au sol. C'est là un acte de la plus savante stratégie.

Et cinquièmement, la longueur de temps. Une période de quarante jours fut arrêtée par le Saint‑Esprit. C'est-à-dire longtemps. L'épreuve devait être complète. Elle fut rude. Vous savez qu'une longue épreuve est plus pénible qu'une autre. Nous supportons assez vaillamment une courte épreuve, mais il en est peu qui, parmi nous, savent ce que c'est que la patience dans l'affliction. « Le fruit de l'Esprit, c'est... la patience. » (Galates 5 : 22). L'épreuve d'endurance, de patience, est la plus dure de toutes pour tout le monde. Notre sérénité peut ne pas se troubler pendant un temps, mais qui la conserve jusqu'au bout ? Une durée de quarante jours avait été jugée nécessaire par le Saint-Esprit. Quarante jours ! Ainsi, Satan eut le temps de déployer toute sa puissance. Ainsi, il put combiner toutes ses manoeuvres et sa défaite fut d'autant plus écrasante.

Permettez-moi d'ajouter une dernière réflexion de moindre valeur sur les préparatifs : les bêtes sauvages étaient présentes (Marc 1 : 13). De quelle importance cela peut-il être ? Devaient-elles apporter un secours à Jésus ou une difficulté de plus? Qu'en pensez-vous ? Cette allusion aux animaux sauvages sert à faire comprendre l'horreur de la situation pour l'homme Jésus. J'aimerais avoir ici, en cet instant, un groupe de missionnaires — des missionnaires de terres lointaines — pour leur rappeler, à eux en particulier, en même temps qu'à nous-mêmes, combien la confiance inébranlable en notre Père céleste nous donne une puissance spéciale sur toute la création inférieure. L'homme reçut tout pouvoir sur la création inférieure, et, en nous appuyant sur la victoire du Chef de la nouvelle race, le Seigneur Jésus, nous saurons regarder en face, avec calme et sérénité, quelque situation que ce soit, même celle que crée la présence de bêtes sauvages. Un abandon complet au Père donne à l'homme sa réelle puissance de domination.

La réponse de Jésus à la tentation, la voici : Il était « rempli de l'Esprit ». Ce qui revient à dire qu'Il avait soumis toute sa vie à la puissance de l'Esprit.

Autre réponse : obéissance pure et simple au Père. Feuilletez les Évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc et vous serez de plus en plus convaincus que la force de notre Maître au Désert comme dans toute sa vie résidait dans sa complète obéissance, simple et joyeuse à la volonté de son Père, parce que c'était la volonté de son Père. Je m'explique. Il obéit, non pas parce que tel acte d'obéissance était conforme à sa volonté, mais parce que c'était la volonté de son Père. Il va de soi que son désir concordait toujours avec l'acte d'obéissance qui lui était demandé. Mais à supposer qu'Il fût obligé d'obéir à Son Père sans comprendre le pourquoi de ce qui lui était demandé, Il aurait aveuglément obéi. Il avait pleine et entière confiance en la Sagesse et en l'Amour de Son Père.

Et, en troisième lieu, Il se servit de la Parole de Dieu. A tort ou à raison, on a dit que les hommes ont entouré le vieux Livre de Dieu d'une adoration superstitieuse (je veux dire le livre de papier). Eh bien ! en vous rappelant qu'il faut se garder de cette erreur, j'ajouterai : nous ne nous en servirons jamais trop. C'est la Parole même de Dieu. Il ne s'agit pas d'un assemblage de feuilles imprimées, il s'agit ici d'une Personne qui, dans ces pages, nous parle de nos besoins et veut toucher nos coeurs. En marchant contre l''Adversaire, Jésus se servit de la Parole de Dieu. Et nous allons voir quels effets elle eut sur Satan.

La tentation en elle-même

Voici maintenant la tentation en elle-même. Elle dura quarante jours. Ce que nous en connaissons n'en est que le point culminant, les trois plus importants assauts. Mais l'épreuve s'étendit sur quarante jours, ainsi que Marc nous le dit très clairement. Vous pouvez facilement vous représenter toutes les machinations inventées par Satan, tous ses efforts de persuasion, suaves, tortueux, sournois au début de l'attaque. Et pendant quarante jours, elle ne cessa pas jusqu'à ce qu'elle ait atteint le degré d'intensité qui nous est rapporté.

Or, notre Seigneur fut réellement tenté. C'est-à-dire, (suivez-moi bien afin de saisir entièrement ma pensée), c'est-à-dire que, pour qu'il y ait vraiment tentation, il fallait qu'il existât une possibilité de céder à cette tentation. Il n'y a point de tentation là où il n'y a pas possibilité de chute. Théoriquement, Jésus ne pouvait pas céder à la tentation. Mais, en pratique, il lui était parfaitement possible d'y succomber. La question de céder se posa vraiment pour Lui. Il fut donc bien réellement tenté. Mais Il affirma Sa volonté et accepta d'être dépendant du Saint-Esprit. Il opposa une résistance soutenue au Tentateur. Il ne se plaça pas, devant la tentation, en Fils de Dieu, mais en homme, ne l'oubliez pas. Quand viendra, pour vous, l'heure de la tentation, souvenez-vous que votre Maître lui résista en tant qu'homme, de la même manière que nous devons résister à la nôtre et dans une même dépendance du Saint-Esprit, si nous le désirons.

La première tentation fut un appel à la chair. Comme en Eden, l'Ennemi tenta par le corps. C'est sa manière préférée : il se servit d'un désir tout à fait légitime de se rassasier. Le Maître était, sur ce point, vulnérable et l'Ennemi est toujours à l'affût du point vulnérable. Et comme, chez l'homme, le point fort est sujet de devenir à son tour son point faible, veillons sur nos points forts comme sur nos points faibles, et j'ajouterai, inspiré par l'expérience, surveillons tous les points que vise l'Ennemi.

Satan dit à Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu, disque ces pierres deviennent des pains. »

Il semble que cette autre tournure eût été préférable dans la bouche de Satan : « Puisque tu es... » « Si » paraît élever un doute sur la divinité de Jésus et exiger qu'Il la prouve. Mais ce que Satan demande au Seigneur c'est de faire usage de sa divinité pour se sortir de sa triste situation. La tentation n'était donc pas de prouver qu'Il était Dieu, mais d'employer la puissance divine pour aider sa nature d'homme. Satan insinuait : « Fils de Dieu, élève-toi au rang de Dieu. » Jésus lui répondit : « L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Sa réponse fut celle d'un homme. Cela me plaît. Notre Seigneur fut un homme, tenté comme nous, en toutes choses. Il sait de quoi nous sommes faits ; Il connaît tout ce qui concerne notre vie. Il viendra à nos côtés lorsque nous traverserons le désert et nous réconfortera par ses paroles. C'est ensemble que nous cheminerons.

Le second sentiment qu'éveille sa réponse est celui d'une confiance pleine et entière. Il se dit : « Si je meurs de faim, mon Père s'en préoccupera. Il se peut que je meure de faim. Je n'ai rien pris depuis quarante jours. Il n'y a autour de moi que des pierres. L'homme ne peut se nourrir de pierres. La mort va certainement s'abattre sur moi. Eh ! bien, je mourrai de faim, si telle est la volonté de mon Père. Je n'ai pas à m'en inquiéter. C'est à mon Père de veiller sur moi et sur mon état. L'homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Ce raisonnement de Jésus doit nous faire penser à nos propres forces physiques bien plus que certains ne l'ont encore compris.

Il n'y avait rien de mal en soi, dans cette requête de Satan. Notre Seigneur ne distribua-t-il pas Lui-même de la nourriture en bien plus grande quantité ? Si cette inspiration était venue du Père, il n'y aurait certes eu aucun mal à changer des pierres en pain. Le mal aurait résidé dans l'accomplissement d'une action quelconque, dont Satan aurait été l'instigateur. Et j'ajouterai qu'il est mal de faire même le bien sous l'instigation de Satan. Il est fréquent d'entendre cette remarque parmi ceux qui travaillent dans l'oeuvre de Dieu : « C'est une très bonne chose à faire. » Oui, c'est une bonne chose si le Maître vous a demandé de la faire. Tout bien n'est pas bon à faire. Il faut posséder la certitude d'accomplir la volonté de Dieu en le faisant.

Remarquez maintenant l'effet de cette réponse sur Satan. Il n'insista pas. Il céda, pour ainsi dire. Ne pouvant plus rien, il y renonça. Mais il poursuivit ses embûches et passa à une autre forme de tentation.

Avez-vous fait l'expérience de cette insistance ? Si vous vous êtes déjà mesuré avec lui et qu'il ait eu le dessous, vous devez savoir qu'il se retire, mais qu'à la première occasion, il surgit à nouveau du coin obscur où il s'était tapi, pour frapper un autre de ses coups. S'il part, ce n'est que pour revenir. N'oubliez pas que la parole de Dieu est la seule arme qui puisse le chasser. C'est un fait : il a peur de ce Livre. Citez lui certains passages et le voilà réduit au silence.

Ne nous induis pas en tentation

Satan se saisit donc de la réponse de notre Seigneur pour tendre d'autres pièges. Jésus avait dit : Non pas de pain seulement, mais de confiance en Dieu. — Ah ! se dit le Malin, nous dirigerons l'attaque sur cette prétendue confiance en son Père. Jésus es religieux. Essayons de le tenter par la religion. Changeons de décors. Et les lieux désertiques sont abandonnés. Satan s'élève jusqu'au sommet du Temple Il choisit une ambiance religieuse.

Il m'arrive parfois de penser que la tentation la plus dure à combattre, c'est celle qui est pétrie de religion.

Le Tentateur dit cette fois : « Puisque Tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas. » C'est-à-dire : Aie confiance en Ton Père. Quel merveilleux exploit ! Montre au monde à quel point Tu te confies en Lui. Jette-toi en bas aux yeux de tous, et ils t'accepteront comme leur Messie. Que le monde se rende compte de la confiance que Tu témoignes à Ton Père. — Satan prêchant l'évangile de la confiance !

Cette tentation vous a-t-elle jamais effleuré ? Pour ma part, je la connais. Le désir de se confier en son Père ! Quels souvenirs cela éveille en nous ! .....

Mais la réponse ne s'est pas fait attendre : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » — Me jeter en bas ! Mais ce serait tenter l'amour de Dieu ! Dieu m'aime. Je ne chercherai pas à mettre son amour à l'épreuve. J'en garde l'assurance. Je ne mettrai pas en doute l'amour de mon Père, mais je marcherai dans la voie qu'Il m'indiquera.

La troisième tentation fut la dernière tentative de Satan. Il transporta Jésus sur une montagne très élevée et lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire. Ce fut une rapide vue panoramique. Un diorama, comme on dit aujourd'hui ! Ce n'était pas chose extraordinaire dans ce pays, puisque Moïse, de l'un des sommets environnants, put voir toute la terre de Canaan. Satan put donc offrir à Jésus-Christ un rapide coup d'oeil sur le monde. Il crut l'enthousiasmer, lui faire perdre pied. Là est encore l'une de ses tactiques favorites.

Beaucoup ont eu à supporter la première tentation et ont réussi à l'écarter. De même, pour la seconde. Mais le spectacle enchanteur de la troisième les ont immédiatement fait chanceler. Je trouve qu'il est pathétique jusqu'aux larmes de découvrir la quantité de « leaders » au service de Dieu qui l'un après l'autre, se sont laissés éblouir par les promesses du monde et ont été mis de côté ensuite. Ce fut la tentation de Église au temps de Constantin et certains d'entre nous s'accorderont à dire que Église ne s'est jamais complètement libérée de cette tentation du IV° siècle !

Il y a là une épreuve réelle qui trouve toujours un écho dans l'homme. Car l'homme, ne l'oublions pas, avait reçu en partage la domination du monde. Elle lui revenait en propre. Et notre Seigneur Jésus était descendu pour lui restituer cette domination. C'est là qu'est tout le piège tendu par l'Usurpateur. On se demande peut-être, si Satan croyait vraiment que Jésus se courberait devant lui et l'adorerait. Et l'on répond : « Non, certainement, Satan ne devait pas y compter. » C'est vite dit. Mais plus on réfléchit, plu on se rend compte que la proposition revient à ceci , « Combinons quelque chose ensemble. Attache-Toi à moi. Dieu régnera naturellement sur le tout et Tu auras la domination du Monde qui T'appartient. Unissons-nous. » C'est là un de ses mots favoris. « Combinons. » C'est une tactique qui a fait perdre pied à plus d'un qui a écouté la voix du Tentateur.

Je me demande parfois si le nombre de chrétiens en vue, des leaders, qui ont sombré, n'est pas supérieur â celui de ceux qui sont restés debout et qui ont été capables de résister à l'éblouissant attrait du monde. Et combien ont pactisé avec Satan sous prétexte de gagner le monde.

Jésus répondit : « Retire-toi de moi. » Cette réponse me plait. « Va-t-en. » Ne lui demandez pas poliment de s'en aller ; donnez-lui-en l'ordre. Et ce qu'il y a de plus étonnant, c'est qu'il obéit.

J'ajouterai en terminant : quelle était la pensée de Jésus en nous enseignant à dire, dans la prière qu'Il nous dicta : « Ne nous induis pas en tentation » ? Bien des personnes ont posé cette question : Dieu induirait-Il l'homme en tentation ?

Il existe trois ou quatre interprétations de cette parole et chacune a sa valeur. Mais je reviens toujours à cette explication. « Il vous est impossible de supporter seuls la tentation, nous dit le Maître. Seuls, elle vous vaincra. Je le sais. Fiez-vous à mon expérience. J'ai été soumis à cette épreuve pendant quarante jours. J'ai connu, comme nul autre, toute sa violence, sa subtilité, sa persistance. » Puis, Il ajoute : « Ecoutez ce qui vous reste à faire. Je vous ai acquis la victoire. Priez donc : « Ne me laisse pas tomber dans la tentation, mais aide-moi à la combattre, aide-moi à vivre à l'ombre de ta victoire. »

Nous ne pouvons marcher seuls contre la tentation. Nous ne sommes pas de taille à nous mesurer avec Satan. Pas un seul d'entre nous ne le pourrait. Ce n'est qu'en se tenant bien près de notre Seigneur, à l'ombre de sa Croix, que nous pourrons obtenir la victoire. Souvenons-nous de ces paroles contenues dans l'Apocalypse 12 : 11 : « Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole à laquelle ils rendaient témoignage ; ils ont été jusqu'à sacrifier leur vie.

Que notre Seigneur nous aide à vivre dans la force de Sa victoire.

 


V. LE SECRET DE LA VICTOIRE

En Lui, le Vainqueur

Le tentateur a peur de Jésus

La crainte est le commencement de la défaite. Je ne veux pas parler de cette crainte qu'inspire le respect, mais de celle qui a peur. « Défaite » est un mot appartenant au vocabulaire du combattant. Il implique que l'ennemi a été reconnu comme ennemi et qu'on lui a résisté. Il est des gens qui ne savent pas ce que c'est que la peur parce qu'ils n'ont pas reconnu leur ennemi et ne se sont pas mesurés avec lui. Ils se bornent à se tenir aux limites de la plus faible résistance sans en considérer les conséquences morales. L'absence d'un sentiment de crainte, dans ce cas, est une preuve de lâcheté ou d'enfantillage. Mais là où se livre un combat, où s'échangent des coups, la crainte est un élément démoralisant. Elle reconnaît que quelqu'un de plus fort et de plus grand est dans l'autre camp, déployant toutes ses capacités. Cela fait trembler et reculer. La fausse crainte pense que l'ennemi est plus fort. La vraie crainte le sait. La peur sape toute énergie, tout élan, tout courage et tout entrain dans l'action. Elle est le précurseur de la défaite.

Or, le Tentateur connaît cette crainte. C'est un fait très réconfortant pour nous. Et la crainte qu'il connaît n'est pas une fausse crainte. Elle est fondée sur des expériences et des faits. Il a été aux prises avec Celui qui est plus fort et plus grand que lui. La lutte dans laquelle les deux adversaires se sont mesurés a été sévère et longue. En passant par l'amertume de la défaite, il a appris ce qu'était la crainte. Il a peur de son Vainqueur. Il sait ce qu'il en coûte d'être refoulé pas à pas et mis en déroute, forcé de quitter le terrain du combat. Il n'y a eu sur la terre qu'un seul homme dont Satan ait eu peur, un seul sur lequel il n'ait jamais eu aucune prise et auquel il n'ait pu résister, cet homme, ce fut Jésus-Christ.

Quelque chose de nouveau, d'étrange, se trouvait en cet homme qui le paralysait, le terrifiait, lui, le Tentateur : l'obéissance soutenue, inébranlable à la volonté, au plan qu'un Autre avait fait de Sa vie.

Le Tentateur ne put ébranler Jésus

Le Tentateur n'a pu faire chanceler Jésus. Il ne réussit qu'à ébrécher, émousser et tordre son épée contre le roc de l'obéissance du Fils de Dieu. Le précipice de Nazareth (Luc 4 : 29), les pierres de Jérusalem (Jean 10 : 31), la tempête sur les eaux bleues du lac de Galilée, dont la violence effraya même ces vieux loups de mer qu'étaient les apôtres, toutes ces attaques accumulées ne purent faire broncher le Maître. Il était impossible de pénétrer en Lui. Et toutes les attaques extérieures échouèrent jusqu'au moment où Jésus, dans un but élevé et selon la volonté et la prescience de Dieu, (Actes 2 : 23) livra Sa personne et Sa vie.

Mais notre Seigneur ne se contenta pas de se maintenir sur la défensive, Il fut agressif. Il attaqua Satan. Sa présence ici-bas fut un défi en même temps qu'une offensive. Tout démon chassé, toute maladie guérie, toute marche en avant sur la route tracée, tout instant consacré à son ministère public, toute entrevue personnelle avec un Nicodème cultivé ou un lépreux de Sychem, étaient une offensive contre la place forte de l'Ennemi. Chaque acte d'obéissance à son Père, chaque geste de tendresse envers l'homme, lorsque, mû par une douce et chaude sympathie, Il s'approchait de l'humanité souffrante, chaque humble oubli de Lui-même pour servir autrui, furent des coups portés à « l'homme fort » qu'Il était venu chasser hors du territoire usurpé.

Et le Tentateur fut incapable de résister à ces attaques. Il essuya défaite sur défaite.

Mais il ne suffit pas de proclamer la victoire de Jésus et la crainte que le Maître inspire à Satan. Il nous faut aller plus profond. Qu'y a-t-il derrière cette crainte ? Quelles sont ses causes véritables ?

Sans péché

C'est en Jésus qu'est la réponse à cette question. Du moins le Maître nous donne cinq réponses.

En premier lieu, Il était sans péché. Lorsque Satan essaya de pénétrer en Lui, il le scruta minutieusement dans l'espoir de découvrir quelque crevasse ou quelque fissure imperceptible, par laquelle il pourrait se glisser et trouver accès au profond de son âme. En vain : Jésus-Christ était sans péché. Il avait pu défier ses ennemis de Le convaincre de péché (Jean 8 : 46). Terrible défi. Seules la pureté et la vérité absolues pouvaient justifier semblable audace ! Auraient-ils trouvé quelque faute en Lui qu'impitoyables ces hommes eussent immédiate ment crié bien haut leur découverte. De l'avis unanime de tous ceux qui furent mêlés à ses dernières heures, à celles de Son Jugement et de Sa mort, aucune erreur ne put lui être reprochée. Ce commun accord sur Sa Sainteté de la part des douteurs, des sceptiques et des critiques est des plus concluants.

Laissant de côté, pour l'instant, toute discussion sur la nature de la personne de Jésus et sur les théories concernant sa possibilité de pécher, j'affirmerai seulement cette vérité : Jésus n'a pas péché. Il l'a ainsi voulu. Il refusa de pécher. Il résista avec fermeté, force et prière à toute possibilité de pécher.

Le péché est un acte de volonté. Notre Seigneur résolut de ne pas se laisser atteindre par lui. Il avait l'immense avantage de ne pas être handicapé par la lourde hérédité du mal. Aussi, devant les assauts les plus perfides, Il tint bon. Cela exigeait un effort de sa part, une lutte constante. A chaque fois, il Lui fallait prendre une décision. Tout en Lui l'y contraignait et son innocence consista pratiquement à ne pas vouloir pécher.

Une expérience nouvelle pour le Tentateur.

C'était là quelque chose de nouveau pour le Tentateur. Ce fut pour lui une cause de perplexité. Dans toute sa longue carrière de Tentateur, il n'avait jamais encore été mis en présence d'un cas semblable. Une fois seulement, il avait rencontré un couple sur qui ne pesait pas l'héritage du péché et, facilement, ce couple s'était laissé prendre au piège de l'une de ses ruses. Il y avait de cela fort longtemps. Mais cet homme, avec son désir constant de plaire au Père, ce Jésus, était pour lui déconcertant. En sa présence, il restait sans pouvoir.

Etre « sans péché » dans la volonté comme dans l'action, dans le désir comme dans la vie, a été la base de la victoire de notre Seigneur. Et ce fut aussi la base de la défaite de Satan. C'est ce qui donna et donne encore une telle valeur à la mort de Jésus qui s'y livra pour nous. Ce fut une vie « sans péché » qui s'immola au Calvaire. C'est cela même qui donna à Sa mort un caractère unique. Pour Lui-même, Jésus ne l'aurait jamais acceptée. Car la mort est la conséquence logique du péché. Là où il n'y a point de péché, ni d'intention, ni de fait, il ne saurait y avoir de mort. Et pourtant, il fallait qu'elle fût soufferte pour les autres. Tel est le sens de la défaite écrasante que notre Seigneur fit subir au Tentateur.

La perfection de cet homme qui se sacrifia satisfit la justice de Dieu. Satan, n'ayant aucun droit sur Jésus, la croix lui enleva irrémédiablement et à jamais tout droit sur nous, les pécheurs. Ainsi se manifesta l'amour merveilleux qui triompha de l'obstination du coeur humain et le courba, pénitent, dans la douceur de la repentance.

Le péché est la porte d'entrée par laquelle Satan pénètre dans la vie humaine. Où le péché subsiste, la porte est grande ouverte à Satan qui la franchit. Où le péché est exclu, tout accès lui est impossible. Le péché est sa place forte. Il offre à l'Ennemi un abri et une atmosphère excellente. L'absence de péché, au contraire, réduit Satan à l'impuissance. Elle lui coupe l'herbe sous les pieds. Ainsi, par son refus inébranlable de se laisser même effleurer par le péché, Jésus neutralisa la puissance de Satan.

Aucun intérêt personnel

En second lieu, Jésus, en se rendant vainqueur de Satan, ne rechercha aucune gloire personnelle, aucun intérêt propre. Or, comme le péché est, dans son essence, la recherche de ses désirs particuliers, en d'autres termes : la préférence de ses propres inclinations à la volonté de Dieu, nous redisons que Jésus était sans péché. Fixez votre pensée sur ce point pendant quelques instants. Cette attitude n'était chez lui ni négligence, ni insouciance pour sa vie physique. Ce n'est pas être égoïste, en effet, que de veiller sur sa santé ou de pourvoir à l'entretien de ses forces en se procurant l'air, la nourriture, le sommeil, l'exercice et le vêtement nécessaires. Il peut y avoir, sans doute, une exagération dans ces soucis. Mais c'est également une tentation de vouloir trop négliger tous ces devoirs.

Et si vous y réfléchissez bien, une négligence à leur égard est un danger d'égoïsme aussi grand que dans l'autre excès, bien que ce soit un genre d'égoïsme inconscient, irréfléchi et involontaire. C'est pourtant de l'égoïsme parce qu'infailliblement, un jour ou l'autre, celui qui ne se préoccupe pas de ses besoins matériels sera à charge à quelqu'un ou un sujet de préoccupation pour quelqu'autre. Cela l'empêchera ainsi d'être l'appui, l'aide de ceux qui auraient eu besoin de lui. Tout ce qui nuit à soi-même, de quelque manière que ce soit, et qui aurait pu être évité par des soins ou par la réflexion, est encore de l'égoïsme. Jésus, dans sa vie terrestre, ne donna pas lieu à ces critiques. Il laissa un exemple que beaucoup de gens sincères et pieux feraient bien de considérer et d'imiter.

Le renoncement à sa volonté propre ne l'a pas empêché d'avoir conscience de sa personnalité, ni de la grande oeuvre qu'Il devait accomplir. Encore et toujours, Il révéla qui Il était et pourquoi Il était venu: Son Père l'avait envoyé pour accomplir une importante mission parmi les hommes.

Le contraire de l'égoïsme

L'égoïsme, c'est l'amour de soi. Le don de soi révèle un grand amour pour Dieu, ce qui implique aussi un grand amour pour les autres et leurs besoins. Naturellement, la vie tend à nous sortir de nous-mêmes. Mais là où Satan a réussi à faire triompher son influence, tout dévie et converge vers l'intérieur. Et quand ces fleuves d'amour ont suivi cette pente de l'égoïsme, ils se déversent dans une Mer Morte. La vie de bien des hommes, comme de bien des soi-disant chrétiens, est comparable à une Mer Morte. Il nous serait bon d'étudier plus à fond la direction du courant qui nous emporte...

Jamais Jésus ne se laissa entraîner par ce courant, même lorsque sa mère elle-même voulut l'influencer pour qu'Il accomplît un geste qui devançait son heure. Jésus résista toujours à toute sollicitation extérieure (Jean 2 : 4).

Ce sont là deux éléments (négatifs) qui jouent un rôle considérable dans le caractère humain de Jésus et qui sont à la base de sa grande victoire.

Obéissance

Ensuite, trois éléments (positifs) sont encore la cause de la défaite de Satan et de la victoire de notre Seigneur. Jésus fut obéissant. J'ai déjà attiré votre attention sur ce fait. Mais on ne saurait ni trop en parler, ni trop souvent. C'est une vérité en partie perdue par Église : l'obéissance est la loi primordiale de la vraie vie. L'Église a beaucoup servi, mais peu obéi.

Le service peut impliquer beaucoup d'initiatives personnelles, beaucoup d'orgueil, beaucoup d'énergie humaine. Du moins, tout cela s'y trouve. L'obéissance n'est qu'humilité et dépouillement.

Jésus obéit parfaitement. C'était là tout l'effort de ses facultés. Il fallait qu'Il s'exerçât à écouter la volonté de Son Père par l'étude des Écritures et par la prière. Cela demandait un esprit judicieux, un jugement simple et sain. Il vint à la connaissance de la volonté de Son Père par des moyens qui nous sont accessibles à nous aussi. Les anciens rouleaux hébreux lui étaient familiers. Non seulement Il devint très compétent à en expliquer les enseignements, mais Il en connut les termes mêmes. Il parla, à vrai dire, le langage de la Bible. Il est remarquable de constater jusqu'à quel point Ses paroles peuvent se retrouver dans l'Ancien Testament. Il le savait par Coeur.

Et pourtant, souvenez-vous qu'Il n'est parvenu à cette connaissance que par des moyens à la portée de tout homme : par l'examen constant et l'étude approfondie, les mains jointes. Son atelier de charpentier était aussi pour Lui un atelier de labeur spirituel et de prière.

Par la prière, il acquit l'intelligente compréhension de la Parole de Dieu. Il obtint la grâce qui Lui permit d'obéir.

Pour obéir, Il lui fallut prendre d'abord la résolution d'obéir. Ce n'était pas simplement un désir vague, indéterminé. Mais après avoir compris le plan de son Père et après s'en être pénétré, Il décidait d'obéir, pas à pas. Au fur et à mesure que s'approchaient Gethsémané et le Calvaire, Il saisissait tout le terrible poids du fardeau de douleur et de honte qu'entraînait son obéissance, mais Il résolut d'obéir. Au reste, il ne Lui semblait pas plus grand de nourrir les cinq mille affamés, de ressusciter la fille de Jaïrus, de faire sortir Lazare du tombeau, que d'accomplir les petits devoirs de la vie routinière de Nazareth. Tout cela était, pour Lui, le même chemin d'obéissance, dont le principe fondamental était : Ta volonté soit faite.

L'obéissance de Jésus fut, dans sa vie, comme une douce musique : mélodie cadencée de la volonté humaine qui veut s'harmoniser avec celle de Dieu.

Intrépidité

Et maintenant, de ce que nous venons de décrire du caractère de Jésus, découle un autre trait qui fut d'un poids considérable dans la victoire qu'Il remporta sur le Malin : l'intrépidité. Il est vrai de dire que Jésus ne sut jamais ce qu'était la crainte. En rompant avec le péché, Il se libéra de tout sentiment de peur et marcha hardiment de l'avant sans se soucier des circonstances, ni des conséquences. Dès qu'Il entrevoyait le chemin tracé par l'obéissance, rien ne pouvait l'en détourner. Il le suivait en dépit des difficultés.

L'Amour est conquérant

Le cinquième trait du caractère de Jésus découle encore des précédents. Notre Seigneur fut agressif. Il s'avança progressivement, en conquérant, sur la route qui Lui avait été tracée. La peur est lâche. La foi est conquérante. Elle découvre sa voie, puis elle avance, sans broncher, sans que rien ne puisse l'arrêter. La pureté est conquérante. La généreuse passion pour les autres, que Dieu inspire, pousse à toutes les hardiesses. L'amour est conquérant. La bonté est conquérante.

La hardiesse de Jésus fut incomparable. Sa seule présence ici-bas l'indique. Il vint là où régnaient le péché, la misère, la souffrance et la mort. Revêtu d'un esprit de pureté et d'obéissance, Il descendit jusqu'au centre même de la sphère d'action de Satan. C'est de Sa propre volonté qu'Il est venu dans cette humanité corrompue, esclave du démon. Il prit rang dans un monde livré au mal, à la superstition, à toutes les horreurs que peut engendrer le péché, et Sa seule présence y fut un blâme pour Satan et son oeuvre.

Chaque heure, qui s'ajoutait à cette vie faite de pureté, devenait une agression contre le Malin. Chaque battement de Son coeur, plein d'amour et de compassion pour la multitude dispersée comme un troupeau égaré, ouvrait une trouée dans le domaine du Tentateur.

Où est désormais la hardiesse du péché ? Elle ne saurait assurément être comparée à la hardiesse enthousiaste et conquérante de la bonté et de l'amour. Le Tentateur n'est plus l'incarnation de la puissance conquérante. C'est Jésus qui l'est.

Et maintenant, fouillez à fond toute l'ampleur de ces mots : sans péché, sans égoïsme, obéissant, hardi et conquérant, et vous trouverez aisément tous les éléments nécessaires pour comprendre ce que peut représenter l'amour divin. Dieu est amour. Jésus révéla son origine divine par sa vie d'amour. En la vivant, Il donna une nouvelle signification, ou plutôt, Il révéla toute la grandeur et l'étendue de l'amour de Dieu. L'amour est pur. L'amour, c'est le désintéressement le plus complet. L'amour est obéissant. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime. » (Jean 14 : 21). L'amour ne craint pas. « L'amour parfait bannit la crainte. » (1 Jean 4 : 18). L'amour est conquérant. « Car la charité de Christ nous presse. » (2 Cor. 5 : 14). C'est une force irrésistible, contraignante, qui nous oblige toujours à aller de l'avant pour satisfaire aux appels et aux besoins des hommes.

Ce fut cet amour qui triompha du Prince de la haine. Il est le secret de la victoire.

Pour les Vainqueurs

Un appel à la gloire

Notre Maître a parlé encore une fois, depuis le jour où II laissa, sur le sommet du Mont des Oliviers, ce groupe d'hommes dont les yeux étaient restés attachés au ciel. Du milieu de la gloire qui l'entourait, Sa voix se fit encore clairement entendre dans la Révélation de saint Jean. Ce livre, si succinct, qui termine la Bible, débute par le septuple message adressé à son Église Chaque partie de ce message commence par une description de Lui-même. Puis, Il apporte nettement, ouvertement, son jugement sur Église Jugement qui scrute et pénètre. A chaque fois, retentit cet appel final : « A celui qui vaincra. » De Son trône de gloire, Il nous conjure de continuer la lutte qu'Il a commencée, et de la terminer, en nous revêtant de la puissance de Sa victoire. Cet « à celui qui vaincra », par sept fois répété, indique bien que le conflit dure toujours, que chacun doit lutter pour lui-même et que tout homme doit vaincre ou être vaincu. La victoire est à nous, si nous le voulons. mais nous ne l'obtiendrons que par la lutte, et une lutte acharnée.

Notre Seigneur remporta la victoire ; Il n'y réussie qu'en combattant. Son plus grand désir est que nous la remportions, nous aussi, et nous n'y réussirons qu'en nous revêtant de Sa propre victoire. Mais il nous faudra lutter. Nul autre moyen d'y parvenir. Même en mettant à profit ce qu'Il nous a mérité, il nous faudra lutter. La victoire est à ce prix.

Dans la chambre haute, le soir de Sa résurrection, Il dit : « Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie de même. » Nous devons être semblables à Lui, vivre Sa vie, sur la même terre, ayant un même service au coeur, un même Ennemi à repousser et par Sa grâce, la même victoire à remporter.

Il faut que nous soyons comme Lui, des hommes dont Satan a peur ; des hommes qu'il ne saurait ébranler  et devant la ferme attitude desquels il s'enfuira.

« Suis-moi »

La question pratique qui se pose est celle-ci :

Comment, vous et moi, pouvons-nous devenir cet homme-là ? Eh ! bien, le Maître nous a appris le secret de la victoire. Il nous faut devenir comme Lui. Contemplons la route qu'Il a nivelée afin que notre pied ne chancelle pas. Souvenons-nous que cinq bornes indicatrices l'échelonnent.

Tout d'abord, le péché doit être banni de nous, si nous voulons être des vainqueurs. Car le péché permet à Satan de s'agripper à nous. « Mais, vous écriez‑vous, voilà une question tout de suite réglée, car nous avons tous péché. » La réponse est simple. Nous n'avons qu'à déposer notre péché aux pieds de notre Sauveur. Il n'y avait aucun péché en Lui ; mais le péché, notre péché, est retombé sur Lui. Le péché est en nous et sur nous ; or nous avons la possibilité de nous en décharger sur Jésus qui porta le péché du monde. Il est notre Sauveur. Il n'existe pas de verset plus consolant que celui contenu dans les écrits de saint Jean (1 Jean 1 : 7) : « Le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché. »

Du sein de ce conflit sans pareil, entre l'Armée céleste conduite par Michel et les forces du mal menées par Satan, qui se termina par la victoire de Michel, retentit ce cri : « Ils ont vaincu par le sang de l'Agneau. » (Apoc. 12 : 11). Nous pouvons vaincre tous les jours en nous confiant au sang de l'Agneau. Le Tentateur déteste ce nom et dépose les armes devant Lui. Quand la tentation s'approchera de vous, invoquez la puissance du sang et tous deux, tentation et Tentateur, disparaîtront.

J'ouvrirai ici une parenthèse. C'est une possibilité, pour chacun de nous, d'avoir le désir de ne point pécher. On peut garder en soi la volonté de ne plus pécher (1). Et en tenant ferme cette décision, nous nous libérerons de plus en plus de l'esclavage du péché dans la vie présente. Et cette volonté doit être quotidienne. Elle doit inspirer chacune de nos actions. Elle doit avoir la ténacité qui contrebalancera celle de la tentation.

(1) Cette volonté ne peut empêcher que nous soyions et restions pécheurs. Il ne s'agit pas ici de sanctification parfaite. (N. du traducteur).

La route étroite

Voici la seconde borne : plus d'esprit charnel. L'esprit charnel, voilà l'esprit de Satan. Par cet esprit charnel, nous ouvrons la porte à toutes les erreurs sataniques. Il s'agit donc de soumettre notre vie de chaque jour à l'action du Saint-Esprit.

Le Saint-Esprit consumera l'ancien esprit charnel. C'est une question de discipline. Je ne voudrais pas que vous tombiez dans une exagération morbide, mais que vous preniez la résolution saine et virile d'élaguer de votre vie tout ce qui pourrait être charnel. Une communion intime avec le Maître vous donnera l'intelligence de ce qui est bon ou mauvais, de ce qu'il faut rejeter ou prendre. Tout ce qui subsistera, tout ce que vous tolérerez en vous d'esprit charnel, diminuera d'autant l'ampleur de la victoire de votre vie.

Voici la troisième borne : obéissance simple et parfaite à la volonté du Père. L'obéissance est l'unique sentier de la puissance. Nous devrions moins servir et obéir davantage, ou plutôt nous ne devrions jamais nous lancer dans une entreprise sans en avoir entendu l'ordre. Quand Église apprendra-t-elle à mettre l'obéissance avant le service ? C'est à partir de ce moment-là qu'elle connaîtra une nouvelle puissance et de nouveaux triomphes.

Pourtant, pour être intelligente et sage, il faut à l'obéissance, la clairvoyance. Quand Moïse tua l'Égyptien, il fit preuve de zèle mais non de clairvoyance. Paul, en persécutant Église, était plein de zèle, mais non de clairvoyance. Élisée découragé, sous le genêt, Pierre refusant de manger avec les Gentils, chrétiens d'Antioche, étaient convaincus, sincères, mais il leur manquait la clairvoyance. Le secret de la victoire réside en cette clairvoyance des desseins de Dieu et une fidèle, continuelle et inébranlable obéissance. Le Tentateur ne peut rien contre l'homme qui en a ainsi résolu. Il ne peut s'en servir. C'est la route sûre vers la victoire.

Allant hardiment de l'avant

La quatrième borne, c'est la hardiesse. Rien ne décourage tant le Tentateur, quand il nous assaille, que de se heurter à notre esprit décidé et résolu. Si Satan ne peut travailler dans une atmosphère de confiance, qui l'étonne, Dieu ne peut opérer dans une atmosphère de crainte, qui Le gêne. L'une des phrases le plus souvent répétée dans la Bible est celle-ci : « Ne crains point. » Elle réapparaît comme le refrain d'une douce musique à travers ses pages. Et si nous Lui permettons d'agir en nous, elle deviendra aussi la musique qui accompagnera nos vies. « Ne crains point », voilà le doux murmure qu'Il nous fera entendre à vous et à moi.

Peu importe l'extrémité dans laquelle nous nous trouvons, l'escarpement de la route, les difficultés qui nous assaillent et les grognements du Tentateur. Dieu nous dit : « Ne crains point. » Et pourquoi craindre ? Notre Seigneur a vaincu. A Lui toute la puissance. Et cette puissance, Il la met à notre disposition. Continuons à prier et bannissons à jamais tout sentiment de crainte.

Ce cri de victoire qui retentit dans l'Apocalypse contient deux motifs : 1° « Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau... » 2° Et par la parole à laquelle ils rendaient témoignage (Apoc. 12 : 11). Leur voix s'est élevée claire et hardie. L'humain s'est allié au divin. Le témoignage a rendu effective cette puissance de victoire. Une sage audace, la hardiesse de la parole, sapent la puissance du Tentateur. Aussi n'attribuerons-nous jamais trop d'importance à la cinquième borne : il faut qu'en luttant, nous gagnions du terrain. Je ne veux pas dire faire grand bruit et soulever des nuages de poussière, mais imiter la marche en avant, progressive et continue du soleil qui suit sa course. Il faut conquérir avec amour.

Il existe, parmi les chrétiens, un esprit de soumission mièvre qui est à la fois lâche et entachée de péché. Ils acceptent tout comme venant de Dieu. Ils oublient que la majeure partie de ce qui se présente sur notre route n'est pas la volonté de Dieu, mais le résultat de machinations inventées par le Malin.

Nous devrions avoir l'ambition de pouvoir dire, comme le vieux saint Paul, à la fin d'une noble carrière faite de labeur et de lutte : « J'ai combattu le bon combat. » (2 Timothée 4 : 7). Il est grand besoin, de nos jours, de ces lutteurs sages, posés, sains, résolus à combattre le Malin jusqu'à leur dernier souffle, au nom du Sauveur.

Repousse loin de toi l'erreur

De te croire à jamais vainqueur.

Ton oeuvre sera terminée,

Quand la couronne

Que Dieu nous donne

Sur ton front sera déposée.

Le cri de victoire poussé par les armées de Michel dit encore : « Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau et par la parole à laquelle ils rendaient témoignage ; et ils n'ont point aimé leur vie, mais ils l'ont exposée à la mort. » Ils ont poussé l'esprit de conquête jusqu'au sacrifice. Il n'est rien qui produise plus d'effet dans la lutte contre Satan que l'esprit de sacrifice ; c'est l'amour qui va jusqu'à donner sa vie pour la cause de la victoire.

L'armure de celui qui vaincra

Paul fait un tableau des plus saisissants de l'homme qui vaincra. Au dernier chapitre de son épître aux Éphésiens, après avoir décrit l'Ennemi que nous avons à combattre, il dépeint le soldat de la milice de Dieu.

Celui qui vaincra doit être un lutteur, revêtu des armes de Dieu, « ayant la vérité pour ceinture ». C'est de cette seule manière qu'il faut se saisir de la vérité de Dieu dans Sa Parole. Il faut s'en emparer avec une telle force que les reins en soient ceints, que la vie en soit imprégnée.

« Etant revêtus de la cuirasse de la justice. » Cette cuirasse, c'est une vie propre et pure. « Ayant pour chaussures les dispositions que donne Évangile de paix » : ayant sous les pieds pendant la durée de la lutte le solide appui de Évangile Savoir par une claire intelligence de Évangile que le salut ne peut s'obtenir que par le sang de l'Agneau ; dans la lutte, il n'existe pas de meilleur appui. Tout autre que celui-là vous lâchera au fort de la mêlée, aveuglés par la fumée de la mitraille.

« Prenant, par-dessus tout, le bouclier de la foi. » La foi simple et forte, une foi d'enfant, voilà l'arme défensive la plus sûre contre les attaques de l'ennemi. « Le casque du salut », c'est l'assurance ferme, inébranlable de son propre salut. « L'épée de l'esprit », qu'il faut étreindre énergiquement, autant pour lutter contre Satan quand il essaie sa tactique du Désert, que pour travailler parmi les hommes.

Enfin cette description se termine en mettant l'accent sur la nécessité de la prière.

Réunissant les diverses parties de l'armure décrite par saint Paul, résumons simplement ces sept images en une seule : se reposer sur Jésus-Christ tout entier ; c'est là tout Évangile de paix. Se réclamer en toute occasion de la puissance de Sa mort et de Sa Résurrection, puis, une obéissance fondée sur une intelligente compréhension de la Parole, un esprit de hardiesse dans l'attaque comme dans la défense, enfin un esprit de prière confiante qui le soutiendra, l'enveloppera, et sera son souffle inspirateur, telles sont les conditions du vrai lutteur armé pour le combat et pour la victoire.

Tactique de guerre : celle du Tentateur et la nôtre

Démasquer, c'est gagner à moitié la bataille

L'ennemi qui réussit à s'approcher sans être reconnu a déjà remporté la moitié de la bataille. Si nous le démasquons, ce sera un premier avantage gagné. Apprenons à reconnaître les armes dont Satan se sert ; cela nous aidera à le démasquer, à lui résister et à le mettre en déroute.

Permettez-moi de dénoncer, parmi ses tactiques, celle qu'il emploie le plus volontiers contre le corps constitué que nous formons, nous, chrétiens. C'est en effet le corps de l'Église qui est le centre de ses attaques. Il met toute son ardeur à le diviser. Lui, un acharné de la division, sous quelque déguisement, porte tous ses efforts à séparer les croyants les uns des autres. Il connaît la puissance de l'unité. Pour s'y être heurté personnellement, il sait si bien l'irrésistible force de l'union dans la prière, dans l'action, dans l'inspiration des enfants de Dieu, qu'il fait tout son possible pour détruire l'unité des chrétiens.

Loin de moi l'intention de dénigrer le terme en disant que Satan est un « théologien » fort habile. Tout ce qui peut, d'une manière quelconque, diviser l'Église ou démembrer quelques groupements de disciples du Christ lui est bon. Je n'ai nullement la pensée de plaider l'unité universelle de l'Église, car unité, fréquemment, veut dire déloyauté. La fidélité, la loyauté envers l'essentiel de ce qui constitue Évangile de notre Seigneur, comme envers sa Personne seront toujours un empêchement à la réalisation de cette unité qui est le rêve de certains.

Deux tactiques

Mais notre principal sujet aujourd'hui sera l'étude de la tactique de Satan, quand il s'attaque à l'homme. Il s'y prend de deux manières : il le tente et il l'attaque. La tentation est une tentative pour l'induire au mal et le faire dévier insensiblement (ou tout à coup) du droit chemin. L'attaque essaie de le faire tomber sans qu'il s'en doute. Il tenta Adam et Eve, il attaqua Job. Pour le Seigneur, il s'y prit des deux manières. Contre Lui, il mit en action toutes ses armes. Au Désert et quand les Grecs vinrent à Lui, Jésus fut tenté. Mais Il eut à subir les attaques de Satan dans les tempêtes sur le lac que nous racontent les synoptiques, à Gethsémané et sur le Calvaire.

La tentation est pour tous ; l'attaque, pour ceux qui lui résistent. Quand elle échoue, Satan essaie l'attaque.

Que Satan ait attaqué Job, nous prouve la fermeté de sa foi, inébranlable devant les tentations. Il était devenu habile à les dépister sur sa route et leur avait résisté. Le Tentateur, s'étant rendu compte de l'inutilité de ses efforts, changea adroitement de tactique.

Dans la tentation, l'Ennemi cherche à obtenir notre consentement â ses propositions. Dans ses attaques, il agit sans notre collaboration et va aussi loin que les limites assignées par Dieu le lui permettent. L'attaque elle-même devient donc une tentation plus subtile : c'est généralement celle de douter de Dieu, ou de s'éloigner du chemin de l'obéissance par la recherche de soi. L'attaque est donc une épreuve redoutable là où la tentation a échoué.

Dans ses tentations comme dans ses attaques, le Malin déploie la subtilité du serpent. Ou bien, il rampe, insoupçonné, sous les hautes herbes, et mord cruellement au moment où l'on s'y attend le moins, ou bien, il se jette sur sa victime avec la violence d'une tempête soudaine qui descend impétueusement dans la vallée.

Points stratégiques à fortifier

J'attirerai maintenant votre attention sur ses procédés dans les tentations et les attaques. L'Ennemi s'acharne toujours sur notre partie faible, c'est-à-dire sur le point où il a le plus de chance de succès. S'il réussit, son but est atteint. S'il échoue, il se tourne vers un autre point qu'il juge vulnérable, et ainsi de suite. Au jardin d'Eden, il eut le succès facile. Il est humiliant de constater que notre ancêtre le plus reculé succomba dès la première tentative. Au Désert, il lui fallut porter ses coups en de multiples endroits sans jamais réussir, jusqu'à ce que, découragé, il dut abandonner la place. Mais, d'avoir échoué sur un certain point, ne l'empêche pas de revenir sous un autre déguisement, ne l'oubliez pas.

C'est pour nous une sage tactique que de fortifier tout spécialement notre point faible ou tout autre, susceptible de le devenir. Et comme le point fort d'un homme peut toujours devenir son point faible par un excès de confiance, surveillons tous nos points stratégiques et le plus faible, en particulier.

Puis, rappelons-nous que la méthode favorite du Tentateur est d'agir par l'intermédiaire du corps. Il nous tente par nos appétits et nos désirs. Notre Seigneur fut tout d'abord tenté par la faim. Ce fut une tentation charnelle.

Un fait digne de retenir notre attention, c'est la résistance de Job tant que Satan ne toucha pas à son corps. Aussi longtemps qu'il fut question de désastres occasionnés par la guerre ou la tempête, de la perte de ses enfants et de ses biens, Job ne broncha pas. Mais, dès que son corps fut atteint, sa force de résistance fléchit. Bien des hommes se croient forts devant le péché charnel, qui se laissent aller cependant à se surmener au service de Dieu. Ils s'alimentent avec négligence, se nourrissent mal ou insuffisamment, ne pensant pas qu'ainsi ils cèdent à une tentation. Il en résulte tôt ou tard, en effet, un amoindrissement des forces nécessaires à l'accomplissement de leur travail, si même ils ne sont pas éliminés. Et ce sera, pour le moins, une victoire partielle du Tentateur. Quand nous garderons la conviction que tout ce qui affaiblit notre corps, de quelque manière que ce soit, est une tentation à laquelle il faut résister, nous aurons contribué, dans une large mesure à la défaite du Malin sur l'un des points les plus sûrs de sa tactique.

Attaque de la citadelle

Il nous atteint aussi par l'esprit. Il le fait indirectement, quand le corps est affaibli. Je sais fort bien qu'il est convenu d'admettre que la sainteté accompagne souvent la faiblesse du corps. A l'appui, on cite le nom de plus d'un saint homme, faible de constitution.

A mon avis, leur sainteté n'est pas due à la faiblesse de leur corps, mais ils ont su l'acquérir en dépit de cette faiblesse. La volonté de Dieu pour sa créature se réalise par une vie sainte dans un corps sain.

Mais Satan s'attaque aussi directement à l'esprit, en lui inspirant cet orgueil, cette satisfaction de soi qui ouvre la voie à tant de désordres. L'habitude de ramener tout à soi est un travers fort répandu. Se tenir en haute estime, surfaire sa valeur personnelle est un chemin qui conduit à l'abîme. C'est l'image de l'esprit de Satan. Entre une légitime appréciation de soi-même et l'orgueil, la ligne de démarcation est difficile à préciser.

Seul, un regard constamment fixé sur le Maître, auteur de toute grâce, nous le permettra. Seule, la contemplation de Sa Face, gardera nos pieds de toute chute, notre tête de vertige, alors que nous gravirons les hauteurs de la vie spirituelle et que les yeux seront fixés sur nous.

Mais là ne se limitent pas les attaques dont Satan peut atteindre notre esprit. Il en est d'autres dont je voudrais parler plus au long, d'abord, parce qu'elles sont fréquentes et ensuite, parce qu'on ne se rend pas compte de leur véritable auteur. L'une des manières d'agir favorite de l'Ennemi quand il s'attaque à de vrais chrétiens, sincères et fidèles, c'est de les déprimer moralement. Cette dépression provient généralement et en partie d'un mauvais état de santé, mais derrière la cause extérieure se cache le Malin.

Cette dépression peut atteindre différents degrés d'intensité, depuis le moindre, qui consiste à céder à un sentiment d'abandon de la part de Dieu, jusqu'à la mélancolie excessive qui mène à la neurasthénie, à la folie et au suicide. Les premiers symptômes peuvent consister dans le sentiment d'avoir perdu sa paix, de ne plus réaliser la présence de Dieu en soi comme s'Il s'était retiré de nous. Le moment béni du tête à tête avec Dieu n'a plus aucun attrait et la prière devient automatique ; le coeur se glace. Toutes ces impressions font s'enraciner et s'aggraver la dépression. Sans doute, est-ce là souvent la conséquence d'un mauvais état de santé, mais c'est aussi l'oeuvre — il faut en convenir — d'un esprit malin insoupçonné, cherchant à dérober notre certitude et notre puissance.

Dans ce cas, la moitié déjà du remède est de mettre le doigt sur la plaie ; c'est-à-dire d'admettre là une oeuvre satanique. Immédiatement, l'on réagit, l'on résiste au nom de Jésus et le soulagement complet arrive définitivement.

Je me rappelle une conversation que me tenait, il y a quelque temps, une grande chrétienne venue d'Europe. C'était une dame de haute naissance, l'esprit fort cultivé. Dieu avait abondamment béni son travail. Elle souffrait alors d'une dépression générale aiguë, fort pénible. Quand elle se rendit compte qu'il s'agissait de l'oeuvre d'un esprit malin qui travaillait en elle, elle se ressaisit, résista au nom du Vainqueur ; promptement, l'horizon s'éclaircit pour elle et le grand soleil de Dieu brilla de nouveau sur sa vie.

Obsession

D'autres fois, l'attaque se manifeste sous la forme d'une indolence intellectuelle qui frise la stupidité quand il s'agit de comprendre la Bible, de prier ou de se livrer à tout autre occupation spirituelle. Tel fut le cas d'une chrétienne sincère, à l'intelligence vive, bien au-dessus de la moyenne, qui souffrit longtemps de cet état. Lorsqu'elle lisait d'autres livres que la Bible, ses facultés étaient aussi libres que toujours, mais dès que le Livre de Dieu se trouvait entre ses mains, une sorte d'hébètement la saisissait qui la rendait incapable de tirer un profit quelconque de sa lecture. Voulait-elle se mettre à prier, le soir, qu’immédiatement un immense besoin de dormir paralysait son cerveau ; et, lorsque, se relevant, elle se mettait au lit, le sommeil fuyait ses paupières. Cela dura ainsi jusqu'à ce que la lumière se fit en elle. Elle comprit que c'étaient là menées du Malin ou d'un esprit malin. Aussitôt, au nom de Jésus, elle se mit sur la défensive, résista, et la délivrance s'ensuivit, rapide et définitive.

Je connais un autre chrétien, intègre et droit, dont la consécration était complète et la vie abondamment bénie. Il fut assailli par un sentiment anormal de lassitude qui l'empêchait d'accomplir son travail habituel et qui l'entravait dans tout ce qu'il entreprenait. Ni repos, ni sommeil supplémentaire ne lui apportèrent de soulagement. Mais dès qu'il fut amené à comprendre qu'il était l'objet de l'attaque de forces malignes, il résista énergiquement. Il s'arma et se tourna contre son Agresseur au nom de Jésus et bientôt une nouvelle vie recommença pour lui, vie de paix et d'amour, de vigueur spirituelle et d'activité féconde.

Il me semble bon d'ajouter un mot sur ce qu'on est convenu d'appeler l'obsession. Le terme « possession démoniaque » nous est plus familier que cet autre qui lui ressemble beaucoup, « obsession démoniaque ». Etre possédé du démon signifie qu'un démon ou esprit malin est entré dans un corps et a pris possession de la personnalité. Le cas était fort commun au temps des Évangiles, et, de nos jours, il se rencontre avec fréquence dans les pays non évangélisés, et, plus souvent qu'on ne le suppose, en terre chrétienne. L'obsession démoniaque est aussi fort répandue. Lorsque des esprits malins ont entrepris un homme, ils s'acharnent après lui, le taquinent, l'ennuient et n'ont de cesse qu'ils ne l'aient laissé désemparé, anéanti. La possession de son être par le démon a été généralement consentie par celui qui en souffre, tandis que l'obsession est, dans une certaine mesure, un mal qui vous atteint sans qu'on y soit pour quelque chose, car c'est une attaque qui vient de l'extérieur.

Il est curieux de constater que ce sont les gens pieux ou même les plus grands saints qui ont eu à subir cette obsession des démons et que, rarement, ils en ont connu l'origine. A vrai dire, il semblerait même que ce soient les plus consacrés, les plus fidèles parmi les saints qui sont en butte à ce genre d'attaques. Quels que soient les ennuis, les troubles qui proviennent de ces assauts d'esprits malins, tous peuvent être groupés sous cette dénomination générale : l'obsession. D'elle proviennent la dépression mentale, la mélancolie, l'hébètement, la lassitude dont je viens de parler.

Quelques faits vécus

J'apporte ici le témoignage d'un homme d'âge mûr, au jugement rassis. Il avait été amené à prendre telle décision hardie qui marquait un pas en avant dans sa vie chrétienne et lui imposait de lourds sacrifices. Son ardeur et son zèle en furent renouvelés et atteignirent même un degré extraordinaire. Une nuit, cet homme fut réveillé par le sentiment d'une présence malsaine dans sa chambre, ou plutôt, il eut l'impression que sa chambre était envahie par des esprits malins. Un malaise particulier s'empara de tout son être, en même temps qu'un étrange effroi. L'atmosphère de la pièce lui parut irrespirable. Il comprit bien vite qu'il était l'objet d'une attaque de forces démoniaques. Il sortit de son lit et voulut entonner une strophe de cantique où apparaissait le nom de Jésus. Au premier abord, il lui sembla impossible de remuer les lèvres et d'en faire sortir le moindre son. Il persista dans son effort et bientôt sa voix limpide et claire vibra. Aussitôt, l'atmosphère se purifia. Le coeur plein de reconnaissance, il se recoucha et tomba dans un sommeil doux et profond qui dura jusqu'au matin. Nous sommes en présence du témoignage digne de foi d'un homme pondéré, dont l'esprit critique le porte à ne rien accepter qui n'ait été passé au crible du contrôle le plus sévère. Son témoignage n'est donc pas sujet à caution.

Un ami me racontait récemment une expérience personnelle du même genre. C'est un homme de Dieu, un croyant sincère, d'une grande maturité d'esprit, au jugement sain, bien supérieur à la moyenne. Il venait de se retirer dans ses appartements pour se coucher et avant que le sommeil vînt, une étrange sensation l'envahit. Il lui sembla qu'il était subitement plongé dans des ténèbres épaisses et réalisa fort bien, grâce à une faculté spéciale qui accompagne souvent de tels phénomènes, que son esprit était sous l'empire d'une puissance étrangère et qu'il n'en était plus le maître. Il ne pouvait plus se rappeler qui il était. Même son nom lui échappait. Une profonde obscurité le hantait, comme si de lourdes ténèbres pesaient sur son cerveau. Il n'avait conscience, disait-il, que d'une chose, du nom de Jésus. Il s'accrocha à ce nom, le répétant encore et encore. C'était comme si toute possibilité de penser, de parler, s'était éteinte en lui et qu'il en fût réduit à ne plus pouvoir autre chose que prononcer le nom de Jésus. Le soulagement survint et avec un sentiment de reconnaissance inexprimable, ajouta-t-il, il pria et s'endormit.

D'autres faits semblables m'ont été rapportés que je pourrais citer encore. Mais ces expériences suffisent à faire comprendre ce qu'il faut entendre par obsession. Des esprits malins ont attaqué ainsi, en d'autres circonstances et sous d'autres formes, des hommes et des femmes parmi les meilleurs. Et toutes les fois qu'ils n'ont pas su reconnaître la nature et la provenance de l'attaque, il en est résulté des conséquences fort regrettables.

Je pense, en particulier, â ce prédicateur de Évangile, de grand renom, remarquable au point de vue de l'intelligence, de la piété, et dont la personnalité avait un charme extraordinaire. Un jour, de ses propres mains, il mit fin à sa vie. Le docteur diagnostiqua : neurasthénie aiguë. En étudiant le cas de plus près, on fut obligé de reconnaître que c'était là plutôt de l'obsession démoniaque mal connue.

Je vous ai apporté des exemples de la tactique du Tentateur. Je les ai mis devant vos yeux afin qu'ils vous servent d'avertissement. Qu'ils vous aident à mieux reconnaître Satan ou l'un des siens. Avertis, vous lui résisterez sans hésitation au nom de Jésus, son Vainqueur.

« Par le sang de l'Agneau »

Et maintenant, parlons de notre attitude à nous, de notre tactique à nous, dans la lutte. Quelle est celle que notre Ennemi craint le plus et à laquelle il ne saurait résister ? Pour répondre à cette question, je suis obligé de revenir sur ce que j'ai déjà dit. Mais pour faire une impression vive et durable, il faut souvent se répéter.

En première ligne, je citerai cette puissante affirmation qui est la conclusion de la lutte victorieuse de l'Armée de Michel, l'archange : « Ils l'ont vaincu par le sang de l'Agneau. » (Apoc. 12 : 11). Il ne faut pas chercher plus de complication que cela. L'Ennemi est le même, la lutte est identique et les moyens de remporter la victoire n'ont pas changé. Notre Seigneur Lui-même ne vainquit l'Ennemi qu'en répandant son propre sang. Ce n'est aussi que par ce sang précieux que nous pouvons obtenir la victoire.

Quel étrange combat ! Ni lance, ni épée, ni fusil, ni mitraille — un nom, le nom de Jésus. Un fait, celui du sang qu'Il répandit pour nous. Ils vainquirent au nom du sang de l'Agneau. Qui nous en empêchera ? Par ce sang seul, nous vaincrons. Il nous suffit de faire chaque jour appel à l'efficace du sang de l'Agneau et de nous réclamer de sa puissance rédemptrice pour mettre en fuite toutes les forces de l'Ennemi. Au fort de la lutte la plus acharnée, si nous tenons ferme et haut cette bannière, notre Ennemi s'enfuira, en déroute.

En second lieu, notre tactique doit être une soumission constante, habituelle, à la domination de notre Seigneur Jésus. Dans cette attitude seule, on peut s'attendre à gagner la bataille. Et cette soumission doit être complète, saine et consciente. Il faut qu'elle soit aussi naturelle que la respiration même. Nos habitudes, notre vie intellectuelle ou sociale, nos amitiés, nos méthodes, nos relations commerciales et même... l'argent, doivent être revêtus de cet esprit de soumission.

Puis, il y a la prière quotidienne que notre Vainqueur nous a Lui-même enseignée : Délivre-nous du Malin. » Il faut la répéter journellement. La pensée du Maître a été aussi interprétée par : « Délivre-nous du mal », mais il semble qu'elle se traduit plus exactement en personnifiant le mal et en l'appelant le Malin ». Et le terme « délivre » a toute la force du mot « secourir, venir au secours ». Notre Maître nous enseigne à nous prosterner chaque jour et à prier :

 « Viens à notre secours et délivre-nous du Malin. Ce sens est le vrai, croyons-nous.

L'épée de l'Esprit

Notre force est dans la connaissance de la Parole de Dieu. Arrangez votre vie de manière à ce qu'il y soit ménagé un temps de tête à tête avec le Livre, afin que vous arriviez à une parfaite connaissance de son contenu. Et quand vous y serez parvenu, travaillez à le connaître mieux encore. Que cette lecture ait la première place dans vos moments de recueillement. Aucun livre, si bon soit-il, aucun recueil de vers, même des plus beaux, ne devraient le supplanter. Lisez-le page après page ou lisez-le par longs traits ; lisez-le jour après jour, lisez-le tout le long de l'année ; lisez-en toujours plus, mais jamais moins. Lisez-le avec le recueillement d'un coeur ouvert aux directives de l'Esprit de Dieu. C'est ainsi que cette Parole vous deviendra familière et que vous acquerrez la clairvoyance spirituelle qui est essentielle. C'est en suivant cette méthode que notre Seigneur se prépara à la rencontre avec le Tentateur au Désert.

Ceci nous amène à parler d'un cinquième élément. Elément dont on ne saurait trop souligner l'importance : acquérir un jugement sain et un esprit équilibré. Nous devrions prier journellement pour que Dieu nous fasse la grâce d'un esprit sain, qui ne se jette pas dans toutes les exagérations. Il n'est rien de tel pour nous garder de l'erreur que la lecture de la Parole de Dieu, interprétée par le Saint-Esprit. Évitons les exagérations. Ne soyons ni prudents à l'excès, ni outranciers.

La rue de la foi est au sommet d’une colline. Elle est voisine de deux autres rues qui descendent de chacune de ses extrémités vers la plaine. L'une se dénomme « Rue des Excentricités », l'autre « Rue de l'Hésitation ». Les deux sont à éviter. Vivons au sommet de la colline dans une invariable quiétude d'esprit, avec un jugement sain. Ce seront là nos armes les plus précieuses et les plus puissantes dans le combat. Satan n'aime pas l'équilibre, il préfère l'agitation du pendule.

Il existe un sixième point auquel nous avons constamment fait allusion et que l'on ne saurait passer sous silence dans cette énumération. Je veux parler de l'habileté que nous devons déployer à dépister l'Ennemi ; soit qu'il s'approche lui-même de nous ou qu'il se serve de l'un de ses nombreux serviteurs. Affinez vos oreilles afin de reconnaître sa voix et ses pas. Que vos yeux démasquent sa main, même lorsqu'elle s'est prudemment gantée. Que votre esprit soit en éveil et prompt à réaliser sa présence, son attouchement. Il nous faudra consacrer quelques lignes, un peu plus loin, à étudier les différents déguisements empruntés par le Tentateur, pour que nous sachions comment le dévoiler. Il est évident que l'habileté et la promptitude avec lesquelles notre Seigneur dépista Satan à la tentation du Désert lui furent d'un grand secours pour remporter la victoire. Nous pouvons acquérir les mêmes dons par les mêmes moyens.

Le nom merveilleux

Encore un mot qui pourra vous être utile dans une heure de détresse. Quand la tentation survient brusquement et nous accable, souvenons-nous que la victoire a été remportée. Faisons-la nôtre, cette victoire. Marchons avec la force que nous a value le Maître. Étendons la main et saisissons ce qui nous appartient, ce qui nous a été donné.

Cette victoire se trouve comme enchâssée dans un nom : le Nom de Jésus. Il nous est impossible de concevoir la puissance de ce Nom et de réaliser tous les bienfaits que nous pouvons en tirer. Ils sont certainement bien plus grands que nous n'avons osé le croire. Le nom de Jésus est le plus précieux des biens dans le trésor de la vie chrétienne.

Je me souviens du cas d'un jeune homme qui s'approcha de moi à l'issue d'un service que j'avais présidé à Londres. Il me raconta avec quelle violence le doute l'avait assailli et laissé abattu et consterné en présence du peu de progrès qu'il faisait dans la vie chrétienne. Un jour il eut l'idée de mettre pratiquement le nom de Jésus à l'épreuve, ce nom qui est au-dessus de tout autre nom. Immédiatement, il s'en servit avec respect, dans un esprit de prière, avec zèle, et un soulagement immédiat en résulta, suivi de la victoire. Et son regard, comme l'expression de son visage, affirmaient la réalité de cette victoire et de cette paix dont il était désormais possesseur.

Une dame, missionnaire, au sud de l'Afrique, me raconta un jour une histoire tirée de son expérience, qui montre une fois de plus, avec une simplicité convaincante, ce qu'il nous serait possible d'obtenir si nous nous servions de ce Nom sublime. Elle voyageait au Lessouto, dans le Bechuana et avait été arrêtée dans sa marche par une rivière que des pluies diluviennes avaient grossie et rendue impraticable. Elle fut obligée de séjourner là et de camper sur ses bords. Les ennuis occasionnés par cette pluie battante, par ces chemins transformés en fondrières, par la mauvaise nourriture ; le bourdonnement incessant et la piqûre continuelle d'insectes rendaient l'attente fort pénible. Mais plus douloureuse encore était la souffrance morale que lui occasionnait le spectacle d'une cantine à portée de sa vue, installée au bord de la route, où venaient boire sans discontinuer des centaines de pauvres noirs. Ce lieu lui devenait insupportable. Dans la profondeur de sa souffrance, elle fut amenée à crier sa détresse à Dieu. Bientôt apaisée et fortifiée, elle s'avança résolument vers la cantine.

Elle appréhenda un pauvre nègre âgé et vêtu de quelques haillons répugnants. Son visage bouffi, ses yeux chassieux, ses plaies hideuses, témoignaient de l'abus qu'il faisait des boissons falsifiées vendues à bas prix dans cet estaminet. Il se dirigeait justement vers la cantine, lorsqu'elle l'appela. Il s'arrêta. Elle lui demanda pourquoi il buvait tant, alors qu'il portait sur son corps même la trace du mal que lui faisait ce poison.

« Pourquoi ! répéta-t-il, avec un rire sauvage, tout bonnement parce que je ne peux pas m'en empêcher. Je suis l'esclave de cette abominable boisson que me verse l'homme blanc. Volontiers, j'y renoncerais, mais je ne peux pas ! » Elle lui expliqua alors qu'il y avait une possibilité de se débarrasser de cet esclavage et de devenir un homme libre. Il suffisait d'invoquer un Nom. « Un nom », fit-il, visiblement terrifié. « Oui, un nom », répéta-t-elle. Voudrait-elle le lui indiquer ?

Après s'être recueillie pour demander à Dieu de l'inspirer, elle lui raconta, aussi simplement que possible, l'histoire de Jésus et la puissance qui émanait de son Nom. Et cette pauvre loque humaine le prononça, ce nom, Jésus. Puis, ils s'agenouillèrent là, en plein champ, et se séparèrent.

Notre missionnaire continua son voyage interrompu et quitta l'endroit. Mais à plusieurs semaines de là, à son retour, elle rencontra la femme du vieux noir et apprit qu'il était mort. L'ayant interrogée, elle sut l'heureux résultat de ses efforts. Toutes les fois que la fièvre de la boisson le reprenait, il avait prononcé de tout son coeur le nom de Jésus et l'avait répété sans trêve jusqu'à ce que cette soif l'eût quitté. Et dans la simplicité de son langage, il expliquait que la fièvre s'en allait et le besoin impérieux de boire disparaissait faisant place à un sentiment de bien-être comme celui qu'il éprouvait avant d'avoir goûté à la maudite boisson. Il racontait que sa bouche devenait aussi pure que celle d'un petit enfant et que son corps reprenait vigueur.

Un jour, l'un de ses anciens compagnons réussit à l'entraîner dans la direction du bar. Tout en s'en approchant, la fièvre de boire le reprenait. Il la sentait monter dans ses artères. Il essaya de quitter son ami, mais le vieil esclavage le dominait à nouveau et le tenait enserré dans ses chaînes. Il se souvint alors, et avec toute l'ardeur dont son âme était capable, il invoqua le nom de Jésus. Et il ajoutait : « Une douce fraîcheur envahit mon cerveau et mon corps. J'étais de nouveau libre. Je pus m'en détourner et immédiatement je fis volte-face. »

Vu le peu de connaissance des vérités évangéliques de cet homme, cette histoire peut paraître étonnante. Mais il est certain que la sincérité de son désir et la simplicité de sa foi compensèrent largement l'étendue de son ignorance de païen et créèrent le lien qui devait l'unir simplement au Seigneur Jésus. Et de ce lien surgit cette puissance qui agissait aux heures de détresse.

S'il était possible de voir les esprits, sans aucun doute, quiconque se serait tenu près de ce vieux noir, aurait pu les distinguer, alors qu'ils s'acharnaient sur lui, le taquinant, l'excitant, jusqu'à lui donner cet insatiable désir de boire. Mais au seul nom du Vainqueur, le même spectateur les aurait vu fuir, terrifiés, tandis que le vieillard le répétait encore et encore dans toute l'ardeur de sa sincérité.

Bon courage

Le nom qui apporta un si prompt soulagement aux appétits charnels du vieux païen, peut avoir la même action en toutes circonstances et pour tous nos besoins. C'est la forteresse dans laquelle nous pouvons chercher un refuge et trouver la sécurité. Satan hait ce nom. Il le craint. Et maintenant, c'est à nous d'en faire notre profit. Le maître nous a légué le droit de nous en servir avec la jouissance pleine et entière de la victoire qu'Il a remportée par sa mort.

Un dernier mot de notre Maître, qui sera comme la frange d'argent de tout ce qui a été dit et de tout ce qui peut être dit encore. Ce mot donnera un nouvel élan, une nouvelle vigueur à nos vies. C'est un mot recueilli sur les lèvres mêmes du Maître, un mot prononcé au moment le plus sombre de la nuit la plus ténébreuse qu'Il connut. De cette voix si douce, si aimante qui lui est propre, Il nous dit : « Prenez courage, j'ai vaincu. » C'est un rayon lumineux dans l'obscurité de cette nuit où Il fut trahi. La laideur du geste de Judas, défi à la confiance qui scellait leur amitié sacrée, en est illuminée comme l'est un noir nuage d'orage par un rayon du grand soleil de Dieu.

« Prenez bon courage ! » Que ces paroles sont douces à nos oreilles ! Comme elles sont entraînantes ! La mélodie qui s'en dégage embrase nos coeurs et, jusqu'à la fin, nos vies en seront imprégnées de joie ! « Prenez courage. » Soyez joyeux ! Chantez en combattant. Ne vous laissez pas abattre ; mais, pleins d'enthousiasme, allez de l'avant. L'ennemi existe ; oui, mais il est vaincu. Il peut encore se redresser et reprendre le combat ; oui, mais chaque fois qu'il reprend les armes, nous savons qu'une nouvelle défaite l'attend. Nous vivons sur l'emplacement même du champ de bataille ; oui, mais c'est un lieu de victoire, grâce à notre Chef. Le tentateur est rusé, inlassable ; oui, mais c'est un ennemi démoralisé. Il est plus fort que nous ; oui, certes, mais notre Seigneur s'est mesuré avec lui et c'est Lui, Jésus, qui a remporté la victoire. Haut les coeurs ! Hissez le pavillon jusqu'au faîte du mât ! Clouez-le, rivez les clous, coupez les cordages ! Le pavillon, le drapeau du Vainqueur flottera là-haut pour toujours !

Réjouissez-vous, « prenez courage, j'ai vaincu ». A ce cri joyeux, évoquez Celui à qui nous devons de pouvoir le lancer. « Prenez courage, J'ai vaincu. » C'est grâce à Lui que nous pouvons nous réjouir. C'est en Lui que notre courage se fonde. Que ce soit là notre cri de guerre : « Prenez courage, Il a vaincu.

Les déguisements du Tentateur et comment les démasquer

Il travaille dans l'ombre

Tout déguisement est un mensonge. Son but est de tromper. Le mal se cache. Il n'aurait aucun succès s'il se montrait sous son jour véritable. Immédiatement, on lui fermerait toutes les portes. Et s'il insistait pour se faire admettre à l'intérieur, on aurait tôt fait de le bouter dehors. Pour arriver à ses fins, il emprunte donc les apparences du bien. Il prétend être aussi bon que le meilleur. Que s'ouvre la porte sur les instances du bien, et le mal s'introduit sournoisement pour mettre ses desseins à exécution.

Un déguisement est une contrefaçon. Il a pour but de donner aux choses un aspect autre que le leur véritable, un aspect plus attrayant. Ce sont là les moyens qu'exploitent ceux qui ont un rôle à jouer au théâtre pour faire croire ce qui n'est pas.

Le but du déguisement est donc de tromper. Or, la feinte est une des caractéristiques les plus frappantes du Tentateur. C'est le contraire de la manière de Dieu, qui, Lui, est toujours en pleine lumière. S'il lui arrive de nous voiler sa gloire, ce n'est pas pour nous enlever quelque chose, mais, au contraire, pour nous faire mieux saisir ce qui nous a été révélé de Lui. Trop de lumière aveugle ; ébloui, l'on ne peut rien distinguer. Sagement ménagée, la lumière permet de voir plus et mieux, et ce que l'on voit, fait pressentir tout ce qui reste encore à voir. Mais Dieu lui-même est sans cesse au grand jour. Jésus, notre Seigneur, a dit à ses accusateurs : « Voici, je vous ai parlé ouvertement. » Il soulignait le contraste entre sa manière d'agir et leurs machinations tramées dans l'obscurité : son arrestation opérée de nuit, son jugement qui eut lieu avant le matin.

Satan travaille dans l'ombre. C'est l'indice qui met en relief son caractère et ses desseins. Au jardin d'Eden, c'est sous l'apparence du plus intelligent et du plus fin des animaux de la création inférieure qu'il se montre. Son nom figure rarement dans l'Ancien Testament. Sa personnalité échappe, mais ses déguisements peuvent se retrouver tout au long du Livre, aussi bien que dans le cours de notre vie. Partout on peut relever ses pas.

Job, par exemple, accuse Dieu de lui avoir envoyé tous les fléaux qui se sont abattus sur lui. S'il est vrai que Dieu les a permis dans un but de Lui connu, ce n'est pourtant pas Lui qui les a envoyés. Satan, l'instigateur de tous ces maux, a amené Job, par ses manoeuvres, à croire que Dieu en était l'auteur.

Le Tentateur est méchant ; il est plein de malice. Tout en lui est mauvais. Il n'a pas de bons mouvements, pas une lueur de bonté et, qui plus est, il a toutes les hardiesses. Audacieux autant que méchant, il se cache derrière Dieu. Le pire se cache derrière le meilleur. Satan, n'inventant jamais rien, mais effrayant d'astuce, emprunte les voies de Dieu.

Aussi, est-il passé maître dans l'art du maquillage. Même les élus de Dieu peuvent tomber dans ses pièges. Une de ses tromperies vient-elle à être démasquée, il n'est pas embarrassé pour en forger une autre.

Satan se cache derrière les désirs naturels

Le Tentateur se cache derrière les appétits et les désirs naturels. Il existe, nous l'avons dit, des fonctions, des appétits et des désirs qui dépendent du corps, de l'esprit et de la société qui nous ont été donnés par Dieu. Nous connaissons, par exemple, l'appétit qui incite à boire et à manger ; le sens du goût, qui apprécie et savoure ; la joie de vivre en société et même celle de s'attacher à un compagnon personnel ; le désir de jouer un rôle dans la vie et de s'y faire une place ; le goût pour tout ce qui est beau, la jouissance que procure la vue d'un paysage ou d'une oeuvre artistique. Ce sont là des goûts, des besoins, des désirs parfaitement légitimes.

Le Tentateur s'est empressé de s'emparer de toutes ces choses. Ce sont ses sentiers préférés, qui lui facilitent la tâche. Il s'efforce de nous pousser à quelque excès. Pour Eve, il fit appel à l'amour du beau, au goût, à la curiosité. S'il lui avait dit ouvertement la raison qui l'amenait et ce qui résulterait de son acquiescement, elle se serait certainement détournée de lui sans hésiter. Mais, trompée par ses propos, elle tomba dans le piège.

Pour Job, le Tentateur s'arma de malice. Voulant l'amener à douter de la bonté de Dieu, il s'attaqua à l'amour que cet homme de Dieu portait à son foyer, à ses enfants et à son désir de paix et de prospérité. Amour et désir parfaitement légitimes et que Dieu Lui-même lui avait mis au coeur. Job eut d'abord le sentiment que Dieu lui demandait le sacrifice de ses enfants, détruisait son foyer et lui enlevait paix et prospérité. Du point de vue de Satan, le coup devait infailliblement ébranler la confiance que le grand croyant avait en son Dieu.

De même, au Désert, ce fut d'abord par le moyen d'un besoin charnel qu'il s'approcha de Jésus. Par le besoin bien naturel de s'alimenter, Satan essaya d'induire notre Seigneur à faire ce qu'Il ne devait pas.

En second lieu, il employa un moyen de degré supérieur. Jésus voulait laisser à Son Père le soin de pourvoir à ses besoins. En lui faisant sa seconde proposition, Satan, pour le faire trébucher, se servit de la confiance qu'avait le Maître en la tendresse de Son Père.

Et en troisième lieu, Satan se dissimula derrière un devoir. Régner sur l'Univers était pour Jésus un désir doublement légitime. En tant qu'homme, il avait droit à cette domination dont Adam s'était rendu indigne. En tant que nouveau Chef de lignée, « toutes choses lui avaient été données . (Matth. 11 :27). Mais Il ne voulait prendre possession de cette domination sur l'Univers que de la manière dont Son Père en avait décidé et au temps arrêté par Lui. (Eph. 1 : 2021). Satan se servait donc de ce qui était normal chez Jésus : la recherche de la toute puissance sur le monde entier.

Ainsi agit encore de nos jours le Tentateur. C'est de cette même manière qu'il s'attaque à nous. Sur la voie du bien, il chemine avec nous et, à la première occasion, nous pousse dans quelque exagération et cherche à nous faire dévier du chemin étroit de l'obéissance à la volonté du Père. Nous ne serons en sécurité que lorsque nos désirs, même les mieux fondés, seront pour la gloire de Dieu et qu'Il les aura Lui-même dictés.

Il se cache derrière les hommes

Remarquons ensuite, que le Tentateur s'approche de nous en se dissimulant derrière les hommes. Il ne s'agit pas nécessairement d'hommes mauvais. Tout homme, même parmi les meilleurs, peut devenir inconsciemment l'instrument dont Satan a besoin. Quatre cas de ce genre se sont présentés dans la vie de Jésus.

I. L'intervention de la mère et des frères de Jésus cherchant à avoir une entrevue avec Lui alors qu'Il enseignait la foule. L'incident est curieux. II se produisit au moment même où les chefs de Jérusalem se faisaient de plus en plus agressifs. Ils l'avaient suivi jusqu'en Galilée comme des chiens sur une piste, voulant, par tous les moyens, lui dresser des embûches, pour faire obstacle à son oeuvre. Leur opposition, à son point culminant, devenait un réel danger pour Jésus. Pour la seconde fois, il est dit qu'Il « se retira » de ce lieu-là, c'est-à-dire de leurs attaques. Cette expression « se retira » est significative. Elle fait comprendre le sérieux du danger qui le menaçait. Ils avaient porté contre Lui la terrible accusation d'être un lieutenant de Satan. C'est dans ces circonstances, tandis que le Maître parlait à cette grande multitude, qu'Il fut interrompu. On vint lui dire, fait étrange, que sa mère et ses frères étaient là, non loin de la foule et qu'ils désiraient le voir (Matth. 12 : 46-50 ; Marc 3 : 31-35 ; Luc 8 : 19-21). Il est plus que probable, — les Écritures nous permettent de le penser, — qu'ils avaient toute liberté de s'entretenir avec Lui lorsqu'ils se trouvaient près de Lui. Pourquoi cette soudaine intervention tandis qu'Il est en plein travail ? N'y eut-il pas là complot des chefs juifs, qui, usant de ruse, réussirent à faire pression sur Marie ? Persuadés qu'un homme au coeur si grand n'hésiterait pas à se rendre aux supplications de sa mère, ils cherchèrent à exploiter son influence maternelle pour entraver l'oeuvre de son Fils. C'était là faire appel à un amour naturel et toucher aux liens terrestres les plus sacrés et les plus tendres.

On peut discerner ici une tentative de Satan se servant de l'amour de Jésus pour sa mère, qui, sans se douter de rien, intervint inconsciemment auprès de Lui. C'est la seule explication plausible de la réponse de Jésus : « Qui est ma mère ? » Pour Lui, cette interruption avait une signification ignorée de tous. Sa réponse revient en effet à celle-ci : « Ma mission ne peut être entravée par aucun lien humain, même pas par celui qui m'attache à ma mère. La seule passion, le seul but de ma vie, c'est de faire l'oeuvre que mon Père m'a confiée. » L'accomplissement de la volonté de Dieu surpasse toute autre considération, toute amitié humaine, tout lien de parenté. Ce n'est ici ni le premier ni le dernier effort de Satan pour mettre au service de ses ambitions les plus légitimes sentiments de tendresse humaine.

II. L'enthousiasme de la multitude envers cet Homme qui avait pu lui procurer assez de nourriture pour assouvir sa faim (Jean 6 : 1-15 ; Matth. 14 : 13-22 ; Marc 6 : 30-45). La mort violente de son Précurseur Jean-Baptiste avait fait éprouver à Jésus le besoin de se retirer dans un lieu écarté et solitaire pour prier. La foule l'y ayant suivi, Il l'enseigna avec patience. Puis, Il la nourrit de cinq pains et de deux poissons. Tous, rassasiés, furent transportés d'enthousiasme devant tant de bonté et de puissance. Il semble qu'alors, entre les chefs et les disciples, une entente se soit établie pour faire Jésus roi, car le Maître dut obliger les Douze « à entrer dans la barque et à passer avant Lui de l'autre côté » (Matth. 14 : 22).

Amener le peuple à proclamer Jésus roi, tel était leur dessein. Projet prématuré sans doute ; et pourtant, si Jésus avait accepté d'en profiter, quelles proportions extraordinaires ce mouvement n'aurait-il pas pu prendre ?

Il y a ici, sans contredit, un renouvellement de la tentation qui avait échoué au Désert : celle d'acquérir la domination sur l'univers sans passer par la souffrance et la mort, tentation dans laquelle bien des conducteurs chrétiens se sont laissés entraîner...

Dissimulé derrière tous ces affamés, que les besoins de leurs coeurs pressaient autour du Maître, Satan renouvelait à leur insu l'ancienne tentation sous un nouveau masque.

La plus subtile encore de toutes ses tentatives

III. Nouveau déguisement de Satan, lorsque Jésus annonce, au cercle intime de ses apôtres, les souffrances qui l'attendent et auxquelles Il veut consentir (Matt. 16 : 21-27). Alarmé, Pierre s'y oppose avec énergie. Il a la hardiesse, ou plutôt la témérité, de « reprendre » le Seigneur. Dans un langage impétueux qui fait frémir, il laisse échapper ces paroles inconsidérées : « A Dieu ne plaise ! Cela ne t'arrivera pas. » Son intervention énergique pose de nouveau la question d'un royaume acquis sans sacrifice et sans souffrance. La route n'en sera que plus pénible à parcourir. Les sombres lendemains que le Maître prévoit et qu'Il lui faudra vivre apparaissent plus douloureux encore. Pour Jésus, il est dur de sentir la désapprobation de l'un des membres du cercle restreint des amis qu'Il s'est choisis ! L'incompréhension, il est vrai, vient de la part de Pierre, l'impulsif ! Il lui est néanmoins bien cher et le Seigneur souffre de le voir se mettre en travers de la route que Dieu a tracée. La rudesse de sa réponse, dont la signification ne laisse aucun doute : « Retire-toi de moi, Satan ! » marque la lutte qui se livre en son âme et la décision inflexible qu'Il prend d'aller de l'avant. II est évident que le Tentateur s'était faufilé derrière le coeur ardent et spontané de Pierre sans que celui-ci en ait eu la moindre conscience. Satan s'était juré d'accumuler tous les obstacles et toutes les difficultés possibles sur le chemin du Sauveur à la Croix. Il n'y a donc là rien qui puisse nous étonner.

IV. Le dernier exemple que je vais citer est peut-être le plus subtil et le plus concluant de tous. C'est pendant la dernière semaine. Des Grecs viennent présenter une requête : « Nous voudrions voir Jésus. » Que ce soient des Grecs d'origine, des gens d'une autre nationalité parlant le grec ou simplement des représentants d'un 'peuple non juif, peu importe. Ce sont des gens qui viennent de l'extérieur et qui mettent un empressement touchant à connaître le Seigneur (Jean 12 : 21).

Pour Jésus, peu s'en faut que la porte juive ne Lui soit irrémédiablement fermée. Et voici qu'une porte s'ouvre d'un autre côté, vers les vastes horizons du monde extérieur. Et c'est pour le monde que le Seigneur est venu. Son oeuvre ne doit pas être enserrée dans les simples limites de la Palestine, qui ne représente que la porte d'accès. Ces hommes à la recherche de la vérité lui ouvrent l'issue vers d'autres peuples. Jésus pourrait aller à Athènes et à Corinthe. Quel chaud accueil peut-être ces villes Lui réserveraient ! Mais Il sait bien que seule la route ensanglantée vers le tombeau du Jardin d'Arimathée peut préparer le chemin vers les Grecs, vers le monde entier, puisque Dieu en a ainsi décidé.

Les paroles qu'Il prononce en cette occasion font toucher du doigt l'intensité, le pathétique de la lutte qui se livre dans l'âme de cet Homme, à quelques jours de la Croix. Écoutez plutôt : « Maintenant, mon âme est troublée ; et que dirais-je ? » Dirai-je : « Père, délivre-moi de cette heure ? Non, je ne saurais. « Car c'est pour cette heure que je suis venu. » Voilà ce que je dirai : « Père, glorifie ton Nom », même si cela implique une Croix pour moi.

L'heure est poignante, la tentation bien grande. Dire « non » à ces Grecs avides de le connaître. C'est là un des devoirs les plus pénibles de Sa vie. Ce sera peut-être aussi le plus pénible à accepter pour ceux qui se disent ses disciples.

Ce fut donc un des assauts les plus subtils, les plus puissants que Satan lança encore contre Jésus en se dissimulant derrière la démarche de ces hommes à la recherche de la lumière. Mais comment auraient-ils pu soupçonner qu'ils étaient un instrument entre ses mains ?

Nous avons pu saisir clairement, par ces quatre exemples, toute la subtilité, toute la hardiesse du Tentateur dans les déguisements qu'il emprunte pour se dissimuler. Il se sert de la tendresse d'une mère, de l'affection d'un ami, de l'enthousiaste admiration d'une foule en délire, de la soif de vérité de chercheurs sincères. Qu'il est difficile de rester maître de son coeur dans de tels moments !

Notre Seigneur, Lui, décela la présence du Tentateur dans chaque cas. Malgré sa tendresse pour sa mère, son amour pour le disciple qui lui était cher, sa compassion envers les multitudes, son empressement à répondre à tous les coeurs assoiffés de lumière, Il sut pourtant suivre, sans dévier, l'étroit sentier où Le conduisait le Père.

 Déguisé en « Ange de Lumière »

Le Tentateur a en réserve une autre manière de dissimuler sa présence. Elle est si invraisemblablement osée que le seul fait de la divulguer semble presque un blasphème. Il se cache derrière Dieu l C'est-à-dire qu'il cherche à se faire passer pour le messager de Dieu. Paul exprime la même pensée en disant « qu'il se déguise en ange de lumière ». La hardiesse et la ruse de cet acte montrent l'acharnement désespéré du Tentateur. Elles révèlent aussi la réalité et la fureur du combat qui se livre. C'est une vraie lutte ! Ça n'en est pas une contrefaçon !

Le Tentateur s'approchera de nous, comme s'il venait de la part de Dieu ou se fera passer pour Dieu Lui-même. Il citera, par exemple, quelque texte tiré de la Parole de Dieu, cherchant à nous faire croire que c'est Dieu qui parle. Il est vrai qu'il s'efforcera de nous en voiler le sens, ou qu'il se gardera de donner ce texte dans son contexte, afin qu'on puisse se méprendre sur sa réelle et véritable signification. Mais il faut ajouter que ceux qui acceptent ainsi une fausse interprétation de la Parole de Dieu, sont ceux qui, pour la plupart, ne croient pas à la personnalité de Satan.

Une autre des méthodes sataniques est de revêtir ses suggestions de phraséologie religieuse. Dans sa présentation des choses, il pratique un tel mélange de ce qui est vrai et bien avec ce qui est mauvais et mensonger, qu'on ne sait plus où est l'exacte vérité et qu'on accepte globalement le tout. Il cherche à donner l'impression que c'est Dieu qui parle et, en conséquence, il nous convainc qu'en agissant selon son instigation, nous faisons ce que Dieu veut.

Ceci peut s'appeler vraiment une tentation religieuse. C'est sa manière favorite d'agir pour faire tomber les enfants de Dieu, ceux dont la sincérité et la sainteté l'offensent.

Il est intéressant de remarquer qu'il usa de ce stratagème pour Jésus. Au Désert, il prêcha l'Évangile de la confiance en Dieu. Il lui dit : « Jette-toi en bas. Aie confiance en ton Père ! Car il est écrit : « Il ordonnera à Ses anges d'avoir soin de Toi, de peur que ton pied ne heurte contre quelque pierre. » Peut-on concevoir prédication en apparence plus sincère ? Est-il possible de faire dévier un texte de sa réelle signification avec plus de savoir-faire ?

Et pourtant, il n'est point difficile de le démasquer. Ici encore, le Tentateur va trop loin. Sa méthode consiste, en réalité, à mettre à l'épreuve les promesses de la Parole, mais en leur donnant un sens exagéré. C'est là la pierre de touche qui nous aidera à discerner la tentation.

L'Écriture nous enseigne à nous confier en Dieu, à accepter, avec une joyeuse soumission, la volonté d'En-Haut en tout ce qui concerne notre vie. On a beaucoup prêché, en ces dernières années, sur cette vérité bénie. Mais le Tentateur est venu la déformer. Il en a perverti la signification. Il fait croire que tout ce qui arrive vient de Dieu, que telle est Sa volonté. Et dans cette pensée, nous sommes amenés à accepter souvent comme des dispensations de Dieu ce qui en fait vient de l'Ennemi. Le véritable esprit de soumission est un esprit de discernement. Il nous faut avoir la vision claire de ce que Dieu veut pour nous. Alors, et alors seulement, nous devons obéir.

C'est ainsi qu'on accepte bien des misères, bien des maladies, bien des dépressions mentales. Tandis qu'avec le discernement obtenu par la prière, l'origine de nombre de maux serait mieux définie. A la source, on découvrirait Satan. On résisterait au nom de Jésus et la délivrance surviendrait promptement. Si l'on comprenait avec plus d'intelligence et plus de fidélité l'injonction de notre Seigneur: « veillez et priez », elle serait pour nous d'un grand secours. Elle nous délivrerait de bien des misères qui sont acceptées à faux comme venant de Dieu.

Bien faire est une chose et faire la volonté de Dieu en est une autre

Une seconde erreur du même genre et qui provient de la même source concerne le service chrétien. Très souvent, ce service a tout simplement pour mobile de faire ce qui est bien. Mais il ne s'agit pas de faire le bien ! C'est la volonté de Dieu que nous devons accomplir. Faire la volonté de Dieu, voilà ce qui est toujours bien. Mais faire quelque chose de bien n'est pas toujours faire ce que Dieu avait l'intention que nous fassions. Ce n'est pas nous qui devons prendre l'initiative et commencer par ce que nous jugeons une bonne action à faire. Il nous faut d'abord travailler à comprendre le plan du Seigneur et nous y adapter ensuite. Bien des déboires seraient évités, bien des forces mieux employées, si ce faux principe « bien faire » pouvait être détruit. On pourrait soutenir cette thèse que Jésus aurait pu faire du bien, s'Il s'était rendu aux instances des Grecs et s'Il les avait accompagnés jusque dans leur pays pour leur enseigner le vrai Dieu, guérir leurs malades..... Mais nous savons parfaitement que ce n'était pas la volonté de Dieu à son égard.

On raconte que Spurgeon fut un jour, appelé à prêcher dans une certaine Église Pour rendre l'invitation plus pressante, on fit valoir à ses yeux l'occasion qui lui serait donnée de parler à plusieurs milliers de personnes parmi lesquelles se trouveraient des personnages influents. En déclinant l'invitation, il répondit sagement qu'il ne recherchait nullement les grands auditoires, mais que la plus grande de ses ambitions était de faire la volonté de Dieu.

Dieu guide l'homme de prière et l'aide à discerner ce qu'Il veut de lui. Faire simplement le bien sans chercher à comprendre, à discerner si ce bien entre dans le plan que Dieu a formé pour nous, voilà la pierre d'achoppement que Satan a posée sur le chemin de bien des chrétiens. C'est là un de ses pièges favoris pour les faire trébucher. Nous devrions toujours avoir présents à la mémoire les vers suivants :

Que mon seul désir

Soit, non de te servir,

Mais de faire ta volonté.

Satan se déguise encore en « Ange de lumière » en ce qui regarde l'argent, ce thermomètre sensible déjà nommé ! On demandait aux Juifs de verser le dixième de ce qu'ils possédaient dans le trésor de Dieu. Et la dîme a été souvent acceptée par les chrétiens comme base de leurs dons. Beaucoup de ceux qui ont décidé de consacrer à Dieu cette proportion de leurs biens en ont sans doute reçu de grandes bénédictions. Par ce moyen, sans doute, l'oeuvre de Dieu a progressé. Si tous les membres de nos Églises pouvaient être amenés à faire de la dîme un devoir, l'oeuvre de Dieu connaîtrait un élan irrésistible. Ce serait une bénédiction pour Église

Tout ceci est très vrai. Mais il y a un autre point de vue qui, lui aussi, est vrai et qui ouvre de nouveaux horizons. En donnant la dîme, nous croyons avoir satisfait à une obligation imposée par notre amour, qui se trouve ainsi enserré dans la prison d'un dixième / Pour les Juifs, cette dîme était quasiment un impôt. Le don n'était pas volontaire, il était obligatoire. Le chrétien, lui, n'est sous aucune loi de ce genre. Il est libre d'agir selon l'impulsion de son coeur. Mais aussi le chrétien possède bien plus de lumières et jouit de bien plus grands privilèges et de plus nombreuses bénédictions que le juif.

Soyons animés de la passion de Jésus

La dîme est une conception de l'Ancien Testament. Mais nous, nous vivons dans les torrents de lumière du Nouveau Testament. Et, d'après celui-ci, tout ce que nous faisons, y compris la gérance de nos biens, doit être influencé par un seul désir, un seul mobile : annoncer au monde la Bonne Nouvelle du Salut. Cette passion qui anima le coeur de notre Seigneur doit aussi guider toutes nos actions, si nous voulons vraiment Le suivre. A la lumière de cette vérité, retenons l'argent qu'il nous semble bon de garder pour nos besoins personnels, mais pour l'emploi de tout le reste, laissons-nous dominer par la passion qui fut celle de notre Maître !

Ce que je vais ajouter choquera peut-être : j'ai la conviction que le voeu de Satan d'accumuler des millions dans les ténèbres a été exaucé par ce genre de chrétiens qui croient avoir fait tout ce que le Seigneur exigeait d'eux, en donnant leur dîme. Je considère que c'est là une de ses ruses où, dans nos temps modernes, il montre le plus de perspicacité pour entraver l'extension de Évangile

Ces quelques indications peuvent donner un aperçu du sens caché dans cette expression, « un ange de lumière ».

Que faire ?

Apprenons maintenant comment on démasque l'Ennemi rapidement et sans hésitation. Ce qui nous console, c'est de savoir que, malgré son habileté à se déguiser, il est facilement reconnaissable. Il n'est pas nécessaire de posséder une grande sagesse ni une grande intelligence. C'est une science qui s'acquiert aisément, en s'inspirant de la Parole pour guider notre jugement et en soumettant notre intelligence à l'action du Saint-Esprit.

Nous y parviendrons de deux manières dont l'une dépend de nous et dont l'autre a trait à Satan. La première consiste à éduquer nos yeux, nos oreilles et notre sensibilité. La deuxième consiste à nous familiariser avec les agissements de Satan.

D'abord, l'éducation de nos sens. Nous avons besoin d'acquérir une extrême sensibilité pour découvrir sa présence et déceler le moindre contact avec lui. Pour cela, gardons le bon sens et l'équilibre. Nous nous refuserons à quitter la « Rue de la Foi », au sommet de la colline, pour descendre la pente de la « Rue des Excentricités » ou celle des « Hésitations ».

La grande chose est de discerner la voix du Maître de celle du Tentateur. Le Seigneur a dit : « Mes brebis entendent ma voix. » Ici « entendre » a le sens de reconnaître. Le contact entre les brebis et leur Maître est si parfait qu'elles ont appris à reconnaître sa voix et à dépister celle de celui qui veut les dérober. Nous aussi exerçons-nous à reconnaître la voix de notre Maître et à dépister celle qui l'imite pour nous tromper.

Flairer le Malin ? Mais comment ? Trois points sont essentiels. D'abord, faire acte de soumission à l'autorité du Maître. On arrive à ce résultat en prenant l'habitude de livrer sa vie entre Ses mains. Se soumettre, c'est mettre dehors les derniers restes déchiquetés du Malin. Alors seulement les yeux et les oreilles acquerront la sensibilité nécessaire pour reconnaître son approche. Tout ce qui, en nous, résiste encore et n'est pas à Lui, sera une entrave à une obéissance parfaite et notre entendement en sera comme embrumé.

Le second point est essentiel : mettre à part un moment, seul à seul avec le Maître, penché sur Sa Parole. Mais il faut qu'il soit quotidien et qu'il y soit fait une large place à la méditation de sa Parole. Il faut qu'il soit calme, que ni hâte, ni autres préoccupations ne viennent le troubler. Il faut que nous nous mettions à l'écart, que notre porte soit bien fermée, que les choses extérieures soient bannies de notre esprit et que nous nous enfermions avec le Maître. L'esprit alors s'enrichit. Le jugement s'éclaire et se forme. L'être tout entier s'imprègne de la vérité divine. Et par ce moyen s'acquiert cet équilibre parfait et sain dont nous parlons.

Le troisième point est une obéissance constante à la voix de l'Esprit lorsqu'elle se fait entendre à notre âme par la lecture de la Bible. L'obéissance a une influence directe sur les yeux et les oreilles, ainsi que sur l'esprit. Par l'obéissance, les facultés de l'esprit se développent et s'aiguisent. Un refus d'obéir, une désobéissance entraînent immédiatement l'affaiblissement des sens qui, peu à peu, s'atrophient et perdent de leur finesse.

Comment le dépister ?

Encore quelques remarques sur les agissements du Tentateur : Il mène précipitamment son action. Parfois, il a recours à de lents procédés quand cela entre dans ses vues. Mais son vrai caractère se traduit par des emportements soudains qui, souvent, font chanceler. « En un moment », il fit voir tous les royaumes du monde à Jésus (Luc 4 : 5). On conviendra que ce fut là une merveilleuse, une vertigineuse vitesse ! C'est un de ses stratagèmes favoris que ces changements subits, ces visions rapides. Faites la différence avec la manière d'agir de Dieu qui, Lui, ne travaille jamais dans l'agitation. Il peut intervenir promptement, mais non pas précipitamment. Il ne fait rien avec une hâte fébrile. Quand c'est Lui le Guide, on s'achemine paisiblement, progressivement, vers le but.

Dans le même ordre d'idées, donnons cette autre indication. Les suggestions de Satan remplissent d'une fiévreuse excitation. Dès qu'une ardeur inconsidérée, une agitation excessive se manifestent, il est plus que certain que c'est une influence satanique qui est à l'oeuvre. L'influence de Dieu est totalement différente ; elle contraste étrangement avec celle de Satan. Le contact de Dieu rend calme et paisible, lucide et pondéré. La main de notre Maître n'a pas diminué de puissance. Elle possède encore la même vertu que celle qui guérissait la fièvre de la belle-mère de Pierre. Il la toucha et la fièvre tomba.

Le Tentateur cherche toujours à flatter. C'était bien dans l'intention de flatter qu'il proposa à Jésus de changer les pierres du Désert en pain. Certes, le Sauveur aurait pu faire du pain de ces pierres, s'Il l'avait voulu. Satan voulait donc flatter le sentiment que le Maître avait de sa puissance.

Le Saint-Esprit, Lui, ne flatte jamais. Il peut sans doute faire valoir â nos yeux les forces que nous avons et les dons qui nous ont été confiés. Mais Il s'empresse de nous faire comprendre aussi que tout vient de Dieu, que c'est un bien qui n'est pas nôtre et dont nous aurons à rendre compte.

Le Tentateur possède aussi le don d'inspirer la crainte. Nous n'osons pas et nous restons en arrière. Cette peur qui coupe les ailes est un sûr indice de la présence du Tentateur ou de l'un des siens. Au contraire, la voix ou le contact de Dieu crée une atmosphère de confiance et ne terrorise jamais. Sa présence impose un respect qui n'est pas de la peur. A sa voix, nous sommes prêts à être téméraires, à renverser des montagnes, à tout endurer avec une confiance inébranlable dans le succès final.

Signalons une autre trace de la présence du Tentateur : c'est la dépression mentale ou spirituelle. Cette dépression peut provenir d'un surmenage du système nerveux. Dans ce cas, une nourriture simple et saine, l'air pur, une vie où le repos et le sommeil alternent avec une activité mesurée rétabliront l'équilibre. Mais la dépression sans cause précise est un signe certain d'une attaque de Satan, surtout chez les chrétiens et parmi les plus sincères et les meilleurs. Dès que la présence de Dieu a nettoyé la place, aussitôt reviennent la paix et la joie, caractéristiques de la présence de Dieu. « Le fruit de l'esprit, c'est l'amour, la joie, la paix. » (Galates 5 : 22-23).

Citons enfin un symptôme qui devra arrêter tout spécialement notre attention. Le Tentateur aime les extravagances. Il cherche à détacher les vérités de l'exact rapport qu'elles ont entre elles et, par là, à les faire dévier de leur sens vrai. Une vérité qui est certaine lorsqu'elle fait partie d'un tout, peut être fausse, détachée de ce tout. Satan, qui aime l'oscillation du pendule, fait tomber tantôt dans une exagération, tantôt dans une autre. Considérons toujours la vérité dans un ensemble de vérités qui ont un rapport entre elles. Les grandes controverses qui ont partagé si douloureusement l'Église sont dues, en majeure partie, à l'importance exagérée donnée à un tronçon de vérité arraché d'un ensemble dont il était inséparable. De là, les hérésies, les sectes, les disputes..., ce dont l'histoire de Église fait foi.

La précieuse Croix de Jésus, par laquelle nous sommes sauvés, a pu dégénérer jusqu'à devenir un fétiche, objet de superstition. Le retour de notre Seigneur, dont les Écritures nous parlent, a pu faire tomber certains chrétiens dans une exagération telle qu'ils ont établi un calendrier et en ont fixé la date précise. Vêtus de robes blanches, ils attendaient Sa venue pendant toute une nuit, sur le sommet d'une colline quelconque. Et par cette erreur, ils ont fait tourner en dérision une vérité chère aux enfants de Dieu. L'erreur aime l'apparat, le clinquant, le désordre. La vérité est sobre. Le Saint-Esprit oppose le plus violent contraste par sa sobriété à la mise en scène fastueuse de Satan. Ne l'oublions pas : il n'est pas sur la terre d'homme mieux équilibré, plus sain d'esprit et de jugement que celui chez lequel l'Esprit de Dieu habite.

Tels sont donc les signes grâce auxquels nous pouvons mettre à nu les suggestions de Satan. Toutefois, ne tombons pas dans l'exagération qui pourrait nous conduire à suspecter tout ce que nous rencontrerons sur le chemin de notre vie. Cheminons tranquillement le long du sentier tracé par le Maître, vers le but qu'Il nous désigne, les regards tournés vers Lui, nos coeurs en communion intime avec le sien et les mains tendues vers nos frères qui ont faim et soif de vérité et de vie spirituelle. Le Maître alors nous guidera à travers les pièges du Malin. Nous marcherons à ses côtés sur le chemin qu'Il a suivi.

Autorité qui nous confère le droit de nous prévaloir de la victoire du Fils de Dieu sur l'Ennemi

Un nouveau sens

La défaite de l'Ennemi donne à la prière une nouvelle force. La victoire de Jésus lui donne un nouveau sens. Cette nouveauté de force et de sens se traduit par une nouvelle signification du mot « demander ». « Demander » c'est l'un des mots qui, dans les Écritures, occupe une place de première importance.

Six fois de suite, dans la nuit où Il fut si lâchement trahi, notre Seigneur employa le mot « demandez » en parlant au petit cercle de ses intimes.

Quoi que vous demandiez en mon nom, je le ferai. »

Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. »

Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez tout ce que vous voudrez. »

« Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis, afin que vous alliez et que vous portiez du fruit et que votre fruit soit permanent ; afin aussi que tout ce que vous demanderez à Mon Père en mon nom, Il vous le donne. » « En vérité, en vérité, je vous dis que tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, Il vous le donnera. » (Jean 14 : 13-14 ; 15 : 7-16 ; 16 : 23-26).

Ce « demandez » prend donc un sens nouveau, plus étendu, une force nouvelle. Une force qui nous a été transmise par le Seigneur Jésus et qui ne réside pas dans un mot, mais qui est la conséquence d'un fait : sa victoire sur le Tentateur. Il est d'une grande importance que nos coeurs et nos esprits en réalisent la portée. Car, si nous la comprenons pleinement, notre manière de prier en sera complètement transformée. Nous serons victorieux dans la prière. « Demander » a dorénavant le sens de « prendre ». C'est le Maître lui-même qui lui donne cette extension. C'est le sens que lui ont acquis sa vie, sa mort sur le Calvaire et sa Résurrection.

Toute l'efficacité de la prière est donc transformée par cette éclatante et nouvelle lumière projetée sur elle par la victoire de Jésus. Auparavant, elle revêtait la forme d'une demande. Désirons-nous une faveur, nous la « demandons ». Il se peut qu'on nous l'accorde. Nous en gardons du moins l'espoir. Mais notre requête une fois faite, à tort ou à raison, nous nous imaginons qu'il faudra implorer, la présenter à nouveau sous de nouvelles formes en y mettant de l'insistance et en l'accompagnant de nos désirs les plus ardents. L'incertitude dans laquelle nous sommes quant à son exaucement nous trouble tellement que nous cherchons à nous libérer de cette hantise sans toujours y parvenir.

Prendre » suggère plutôt l'idée d'une prise de possession. Nous nous emparons de ce qui nous appartient de droit. Nous tendons seulement la main pour saisir.

« Prendre » éveille dans l'esprit le geste qui consiste, par exemple, à présenter au guichet d'une banque où sont déposés nos capitaux, le chèque dont nous désirons réaliser la valeur. Nous venons chercher ce qui est à nous. Si vraiment nos prières peuvent s'élever à cette hauteur, quelle différence dans notre attitude ! Quelle transformation dans la confiance en leur exaucement ! Sachons « prendre » ce qu'autrefois nous « demandions ».

Cinq faits probants

Cinq faits, très simples, nous amèneront, il me semble, à être tout à fait au clair sur cette question. Et lorsque nous aurons bien compris et que nous réaliserons parfaitement la possibilité de nous approprier cette vérité, nous n'hésiterons plus à faire le pas décisif.

Voici le premier chaînon de cette succession : quand Dieu eut créé l'homme à son image, Il lui donna la domination sur toute la terre (Genèse 1 : 2628 ; Ps. 8 : 4-8). Il lui avait donné, en d'autres termes, la sous-intendance de toute la création, l'empire sur toutes les forces de la nature. L'homme était né prince. Il avait été créé pour régner. C'est là le merveilleux plan d'amour que Dieu avait conçu pour sa créature humaine.

Le second chaînon, c'est la désobéissance de l'homme qui causa la perte de son autorité. La loi primordiale qui régit le monde de Dieu, c'est l'obéissance.

Dieu ne maintient ce qu'Il donne qu'à ceux qui Lui obéissent. La désobéissance entraîne la destitution. C'est une loi absolue : nous ne conservons notre titre que par l'obéissance ; la conséquence immédiate de la désobéissance, c'est la dégradation. Amené par une ruse de Satan à désobéir, l'homme perdit la place que Dieu lui avait confiée. Tout droit à exercer la domination lui fut enlevé. Au lieu d'être le maître de la terre, il en devint en quelque sorte l'esclave.

Puis, troisième chaînon, par la faute de l'homme, cet empire fut transféré à celui à qui il avait obéi, au Malin. Lui ayant obéi, l'homme devint son vassal, son esclave. « Vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez. » (Romains 6 : 16). Notre Seigneur parle du « Prince de ce monde ». Il est bon que nous nous souvenions de ce que cela signifie. Il est le Prince, mais non pas le Prince légitime. Lui-même, infidèle à Dieu, a perdu le titre qui lui avait été donné. Prince-usurpateur, il entraîne l'homme dans la même chute que la sienne. Mais, quoique usurpateur, il est quand même Prince de ce monde. L'obéissance de l'homme lui a valu la domination sur lui, sur la terre, et sur tout ce qui a vie.

Le quatrième chaînon jette sur toutes ses tristesses un rayon brillant de lumière. Le Seigneur Jésus vint. Revêtu par le Père, comme Adam à l'origine, de toute autorité sur les choses d'ici-bas, Il a pu dire : « Toutes choses m'ont été données par mon Père. » (Matth. 11 : 27). Cette affirmation se trouve trois fois répétée dans Évangile de Jean (Jean 3 : 35 ; 13 : 3 ; 17 : 2). Nouveau Maître de toutes choses, Il ne pouvait garder cette autorité que par l'obéissance. Détenteur du titre, Il ne pouvait faire exception à la règle.

 Toujours fidèle à la volonté de Dieu, Il garda toute son autorité grâce à sa parfaite obéissance.

Puis, lorsqu'Il réintégra sa demeure, le titre lui fut maintenu. Il s'assit à la droite de Dieu, dans les lieux célestes, au-dessus de toute principauté, de toute puissance, de toute dignité, de toute domination, de tout nom qui se peut nommer, non seulement dans ce siècle, mais dans celui qui est à venir. (Eph. 1 : 20-22 ; Philip. 2 : 8-11 ; Colossiens 2 : 10 ; 1 Pierre 3 : 22). L'empire sur toutes choses Lui fut donné par le Père. Son obéissance parfaite le Lui mérita.

Enfin le cinquième chaînon : Jésus fit tout cela pour nous. C'est parce que nous avons échoué qu'Il vint. Il fit ce que nous nous sommes montrés incapables de faire. Et en le faisant, Il agissait à notre place. Il nous est doux de nommer le Seigneur, notre Substitut.

Autorité

 Il est triplement notre Substitut : par sa vie, par son obéissance parfaite, par sa Résurrection.

A nous d'accepter ce qui a été fait pour nous. A nous de faire le pas décisif pour nous emparer de ce qui nous appartenait à l'origine et nous a été regagné par Lui. Notre Maître nous dit pratiquement : « Prenez possession de ce que J'ai reconquis pour vous, de ce que Je vous ai restitué. »

Vous souvenez-vous de ce merveilleux passage qui nous est rapporté au 10° chapitre de Luc, versets 18-19 ? Nous devrions le souligner en traits or, dans nos Bibles, pour qu'il attire nos regards. Écoutons-en le contenu dans un esprit de prière, afin que l'ampleur de sa signification nous frappe et que nous en soyons confondus. « Voici, je vous donne le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions et sur toutes les forces de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire. » Et tandis que nous nous livrons à la joie que ces paroles font naître en nous, Il ajoute que nous devons nous réjouir surtout de ce que « nos noms sont écrits dans les cieux ».

Pourquoi ne mettrions-nous pas à profit cette autorité qui nous est donnée ? Usons-en au nom de notre Grand Vainqueur. Usons-en selon l'inspiration du Saint-Esprit. Usons-en pour les besoins de la vie et contre tout ce qui met des entraves à notre activité. Nous avons toute autorité pour reprendre à l'Ennemi ce qu'il détient encore. C'est par la prière que nous nous en saisirons le mieux et par toute action à laquelle la prière nous conduira. Un cri de triomphe devrait s'élever aujourd'hui : « Prenons, au nom et par les mérites de Jésus. »

Au nom de mon Maître, je répéterais volontiers ce beau message à tout disciple de Christ dans les difficultés ou dans le besoin. Je le crie à ceux qui luttent dans les champs de mission lointaine, sur ce mince front si étendu où l'ennemi fait rage, au sein de la sauvagerie africaine, ou de l'opposition et de l'apathie chinoises, devant les besoins criants des Indes, comme à ceux qui travaillent dans les bas-fonds et dans les rues de Londres ; au milieu de l'agitation du « strife for life » (1) de New-York ; à tous ceux et à chacun de ceux qui se débattent dans le péché et dans les difficultés. Oui, c'est pour vous que je délivre ce message aujourd'hui. Écoutez bien : « Moi, Jésus, je vous donne autorité sur toutes les forces de l'Ennemi. C'est moi qui détiens l'autorité. Je l'ai gagnée par mon sang que j'ai répandu. Je l'ai méritée pour vous. Je vous la donne. Servez-vous-en en mon Nom. Vous ferez de plus grandes choses que moi parce que je suis avec le Père, dans mes fonctions d'autorité, et vous, vous agirez à ma place, ainsi que moi, j'ai agi à votre place. »

(1) La lutte pour la vie.

 Saisissez, prenez possession

C'est un appel qui devrait plus souvent se faire entendre aujourd'hui et dans le monde entier. Usez de l'autorité que le Maître vous a donnée ! Prenez tout ce qu'il vous faut pour l'accomplissement de son saint service. « Tout lieu que foulera la plante de votre pied, je vous le donne. » (Josué 1 : 3). Prenez ce que le Maître nous a rendu. Demander, c'est prendre. Il n'est plus question de plaider avec Dieu comme pour le persuader. Il le veut encore plus que nous. Il s'agit simplement de réclamer tout ce dont nous avons besoin comme étant à nous, en propre. Il s'agit de saisir par la foi la conquête de notre grand Capitaine.

Le dernier message qui sortit des lèvres du Maître dans le jardin des Oliviers, trouve ici sa place toute marquée et prend un sens spécial. Écoutez plutôt « Toute puissance m'est donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc. » (Matth. 28 : 18-19). C'est par cette puissance qu'Il nous invite à « aller de l'avant ». Nous obéissons, forts de l'autorité qu'Il nous donne. Nous agissons en plénipotentiaires. Cet ordre « allez » est à la base de tout service chrétien et il l'étaye. Dans l'action, nous aurons besoin, non seulement de puissance, mais aussi d'autorité, car chaque pas de notre marche en avant sera contesté. Il nous faut donc aller de l'avant, forts de cette autorité, nous saisissant de ce qui est notre bien légal, au nom de notre Substitut, le Vainqueur.

Lorsque, pour le service du Maître, nous envahirons un territoire appartenant aux puissances du Malin, souvenons-nous que ce terrain est à l'homme et qu'il doit le conquérir pour Dieu. Il a été perdu par la faute de l'homme, par sa désobéissance. Mais il a été reconquis par le Vainqueur. Nous avons donc le droit de nous élancer en disant : « Je prends, au nom du Seigneur Jésus, je reprends ce morceau de terrain pour le Lui rendre ; je prends la vie de cet homme, de cette femme pour qui mon maître donna Son sang. »

Mais... mais il faut prendre, dans l'action comme dans la prière, avec une conviction aussi profonde que la foi même ; il faut une ardeur aussi intense que celle de l'opposition. Satan est un fier lutteur ; il ne lâche que ce qu'il ne lui est plus possible de conserver. Il faut donc prendre avec détermination et c'est avec détermination aussi que nous devons prier. Satan ne cède que lorsqu'il y est obligé ; il est tenace. Que notre prière aussi soit tenace, persévérante. La prise de possession doit être aussi résolue que l'acharnement de l'ennemi, et même le surpasser. C'est en cela que consiste la lutte. Cet homme que vous essayez d'arracher des mains de Satan pour le gagner à Dieu peut être à Londres, en Afrique du Nord ou en Afrique du Sud, ou même à vos côtés, où qu'il soit, cet homme que vous voudriez amener à Christ, Lui appartient par sa Victoire. Vous le redemandez, vous le prenez au nom du Vainqueur, de Jésus-Christ. Insistez sur cette prise de possession et Dieu en jugera.

An nom de Jésus-Christ. Ceci confirme le droit que notre Seigneur nous a conféré de nous servir de Son nom. Que pouvait-Il nous donner de plus ? Employer son Nom, c'est en effet agir comme Lui, en son lieu et place, revêtus de sa puissance. Mais quelle responsabilité que de se servir de ce Nom ! Tous n'y sont pas autorisés. Ceux-là seuls en sont dignes qui ont accepté son invitation à faire partie du cercle étroit de ses amis. Le 19° chapitre des Actes parle de ces hommes d'Ephèse qui voulurent se servir de ce Nom pour leurs desseins égoïstes. Mais l'esprit malin se jeta sur eux et, les ayant maîtrisés, il les maltraita, les laissant nus et blessés. Le monde des démons connaît fort bien ce Nom et l'immense puissance qui en découle. Là, Il est craint. Et ils connaissent aussi ceux qui ont le droit de s'en servir.

Consultez le dernier et long entretien (Jean, ch. 14 à 16) dans lequel le Maître nous donna le droit de nous servir de Son Nom, vous y trouverez certains mots qui reviennent sans cesse. Ce sont les mots « amour », « obéissance », et « demeurez ». Voilà les conditions de l'emploi de Son Nom. L'amour obéit, il se complait dans l'obéissance. L'amour demeure. La seule manière de manifester son amour, c'est d'obéir, mais d'obéir aussi complètement et joyeusement qu'un enfant obéissant. L'obéissance, l'obéissance de l'amour, donne droit à se servir de ce Nom. Que votre vie soit donc ouverte à l'action du Maître et qu'elle soit animée de Son Esprit. Alors, vous pourrez demander ce que vous voudrez. Vous pourrez demander ce qui vous plaira. L'Usurpateur desserrera ses liens lentement, avec colère peut-être, mais il y sera contraint. Et vous obtiendrez la réelle possession de ce que vous avez « pris » par la foi.

La foi qui discerne

Reparlons enfin de la foi. Nous touchons ainsi du doigt ses effets pratiques. La foi sait que notre Seigneur Jésus est Vainqueur. La foi n'est pas un calcul. La foi se confie en Lui. La foi ne se demande pas ce qu'Il fera, mais s'appuie sur ce qu'Il a fait. Elle s'appuie sur le Christ vainqueur, ou mieux encore, sur Lui. Elle ne fait pas pression sur mes sentiments jusqu'à me dire « tu dois croire » ; loin de là. Elle dirige et fixe simplement ma pensée sur Lui, le Vainqueur. Elle Le voit sur le trône. Ce Sauveur couvert de cicatrices, couronné, et dans la gloire éternelle, je crois en Lui, aucun doute ne s'élève en moi. C'est cela la foi — regarder à Lui, s'appuyer sur ce qu'Il est et sur ce qu'il a fait.

Encore un mot. La foi qui « saisit » est une foi qui « discerne ». Ces mots « obéissez » et « demeurez » marquent quel doit être le contact avec le Maître qui nous amènera à connaître Ses plans.

Puissance de ce nom

J'ai récemment rencontré, en Suède, une dame missionnaire du Nord de l'Afrique, résidant à Tunis. Elle me raconta l'histoire suivante qu'elle tenait elle-même d'une amie missionnaire, habitant Alger. Une femme arabe, musulmane, avait été gagnée à Christ par l'intermédiaire de cette soeur. Cette femme avait jusqu'alors pratiqué sa religion avec tout le fanatisme, l'ignorance et la superstition que celle-ci peut produire. Quand elle accepta le christianisme, sa famille fit tout ce qu'elle put pour la détourner de sa nouvelle foi. Elle usa de persuasion, de supplications, d'arguments, de menaces et chercha par tous les moyens à lui rendre la vie insupportable. La nouvelle convertie montra la fermeté de sa foi en résistant à toutes ces attaques. Sa foi était fondée sur le Roc ; rien ne put l'ébranler.

Les parents firent alors une chose fort en usage chez les gens de ce peuple. Ils préparèrent un poison si violent que c'était la mort à bref délai pour celle qui devait l'absorber. Ce poison fut mélangé à sa nourriture. Quand la jeune femme, ne se doutant de rien, eut mangé une partie de ce repas empoisonné, elle se rendit bientôt compte de l'attentat dont elle était victime. Elle reconnut tout de suite les effets terribles du poison, car les moeurs de sa race lui étaient familières. Aussi, dès les premiers symptômes, elle n'eut pas le moindre doute que sa dernière heure fût venue. L'on peut facilement concevoir son état d'âme tandis que le poison accomplissait sournoisement son oeuvre. Elle connut cette sourde irritation, cet abattement de l'esprit qui saisissent l'homme aux prises avec la mort. Puis, cet engourdissement qui se propage d'un membre à l'autre jusqu'à l'immobilité glaciale. Dans sa détresse, elle ne savait à qui recourir. Assise à sa place, devant la table, sans se rendre compte, je crois bien, de ce qu'elle faisait, elle se mit à prononcer le Nom, le grand Nom. Elle n'osait le faire à haute voix, de crainte qu'on ne l'entendît et que les persécutions ne redoublassent. Ce fut donc en elle-même et avec l'énergie de celui qui se sent talonné par la mort qu'elle répéta ce Nom qui est au-dessus de tout autre : « Jésus ! Jésus ! Jésus ! » Pendant deux ou trois jours (mon amie ne put préciser), la lutte se livra et le poison s'élimina peu à peu du sang et du corps de la jeune femme, tandis que la famille assistait à ce spectacle, ébahie. C'était là pour elle un fait étrange, inconnu jusqu'alors. Jamais un tel moyen n'avait échoué. Et pourtant, le fait était là : le poison n'avait pas accompli son effet mortel.

En racontant elle-même l'histoire à la missionnaire, la jeune rescapée ajoutait : « C'était comme si une vague de vie rentrait en moi chaque fois que je prononçais ce Nom. Et entre temps, c'était comme si les griffes de la mort se ressaisissaient de mon être. » Le conflit entre la mort et la vie continua pendant ces deux ou trois jours, mais la vie prit de plus en plus le pas sur la mort, jusqu'au moment où elle triompha complètement à la grande stupéfaction de tous.

C'était la victoire dans la chair même, victoire possible quand le Saint-Esprit nous y conduit. Si nous sommes obéissants, nous avons le droit de nous servir de ce Nom. Et en l'employant, sous l'inspiration du Saint-Esprit, marchant pas à pas, guidés par Lui, des mains de Satan, nous pourrons arracher tel homme, telle femme, tels biens, tel argent, et tout ce dont nous avons besoin, car le Seigneur Jésus a dit : « Toute puissance m'a été donnée sur la terre. » Avançons donc la main pour saisir, au Nom de Jésus, ce qui nous appartient de droit par les mérites de Sa Mort et de sa Résurrection.

CAHORS, IMP. COUESLANT (pers. intéressé). — 48.893

 


Numérisation Yves PETRAKIAN Mars 2007

Nouvelle édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France

Correction d'OCR Mai 2013

Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement

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