SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIERE (Gordon)


  

Préface

 

PREMIÈRE PARTIE Sens et Mission de la Prière

 

DEUXIÈME PARTIE Obstacles à la Prière

 

TROISIÈME PARTIE Comment prier?

 

QUATRIÈME PARTIE Comment Jésus priait?

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

Note d’Edition

 

S.-D. GORDON

 

 SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

Avec Préface de S. DELATTRE, Pasteur, Rédacteur de «L’AMI» PRIVAS (Ardèche)  -1938- LEZAY (DEUX-SEVRES) IMPRIMERIE A. CHOPIN

 

Nouvelle édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France

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SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

   PREFACE

 

Nous publions une 5° édition des Simples entretiens sur la prière. Leur auteur, S.-D. Gordon, est encore peu connu dans notre pays. Depuis longtemps déjà, il exerce pourtant une puissante influence en Angleterre, en Ecosse et en Amérique. Ses ouvrages sont lus partout et ont de nombreuses éditions.

 

    Nous avons reçu tant de bien de ses Quiet talks on prayer que nous avons ardemment désiré les mettre à la portée des chrétiens de langue française. Ce n’était pas chose aisée. Gordon se refuse à parler français. Il a fallu de grands efforts pour rendre dans notre langue ses fortes pensées.

 

    En lisant ces pages tout vrai chrétien comprendra mieux l’importance capitale de la prière et s’humiliera d’avoir si peu et si mal prié.

 

    Quand nous nous plaçons en face des promesses de Dieu, nous comprenons que nous n’avons pas le droit d’avoir des vies impuissantes, en grande partie stériles, puisque tout est possible à celui qui demande avec foi.

 

    En priant, en effet, nous entrons dans le royaume de la vérité et de la réalité, nous sommes arrachés à toutes les ténèbres, à toutes les erreurs, à tous les esclavages; nous sommes transportés dans une atmosphère spirituelle qui permet à toutes les semences de vérité déposées en nous de donner de glorieuses moissons.

 

    La prière nous révèle Dieu et nous mêmes, elle fait descendre Dieu dans nos vies avec toutes ses vertus, elle fait de nous des vainqueurs, des rois; elle nous ôte nos illusions, notre confiance en nous, elle nous ouvre la Parole de Dieu, elle nous la rend vivante et puissante, elle nous y fait découvrir des trésors inconnus, de profonds abîmes et de hautes montagnes. La prière vraie, faite au nom de Jésus, est ce qu’il y a de plus grand, de plus puissant ici-bas. Notre témoignage n’a de valeur que dans la mesure où nous prions. Quand nous allons vers les pécheurs en sortant de la présence de Dieu, nous leur donnons à boire de l’eau vive, nous leur ouvrons des horizons éternels, nous les faisons monter. Entre tous les hommes, rois, millionnaires ou mendiants, les seuls vis-à-vis desquels Dieu se sent lié, les seuls par le moyen desquels il transforme le monde, ce sont les hommes qui prient.

 

    La vraie prière, c’est Dieu et l’homme se rencontrant sur l’autel du sacrifice pour se donner l’un à l’autre. Par conséquent, prier c’est nous quitter nous-mêmes, c’est mourir à toute vie propre pour trouver Dieu, c’est entrer dans son intimité de façon à ne rester étranger à aucune de ses pensées d’amour, dé ses souffrances, de ses indignations, de ses projets, de ses ambitions à notre égard, à l’égard de l’Eglise et du monde. C’est en priant que nous comprenons par le coeur tout ce qu’il y a de tendresse dans le coeur paternel de Dieu pour chaque créature humaine. Alors nous ne pouvons plus accepter ce monde tel qu’il est; nous le voulons tel qu’il devrait être.

 

    Que Dieu souffre de voir encore notre humanité dans un tel état d’ignorance, d’égarement, de mensonge, d’abrutissement, de folie, de souffrances, dix-neuf siècles après qu’il nous a acheté le pardon et le Saint-Esprit! C’est pour cela qu’il nous dit sous tant de formes et avec tant d’insistance: priez. C’est comme s’il nous disait: ayez donc du coeur!

 

    En vérité, est-il juste que, Jésus-Christ ayant acquis à toute créature les mêmes grâces qu’à nous—le même pardon, la même paix, les mêmes consolations, la même liberté, la même espérance—nous jouissions de ces grâces quand tant d’autres en sont privés? Etre riches et laisser mourir le monde quand Dieu nous dit de lui donner à manger, c’est inique! Mais si nous sommes riches pour enrichir les pauvres, pour nous dépenser à leur profit, pour passer notre vie à genoux en leur faveur, alors nos privilèges sont une source de grâces pour l’humanité, L’aveuglement de ce monde livré à Satan accuse Dieu. Les injustices de ce monde—nous éclairés, consolés, enveloppés de prières et de moyens de grâce, et autour de nous d’autres créatures dans la nuit de l’ignorance et du désespoir, dans l’hiver glacial de l’égoïsme, enveloppées de tentations—accusent Dieu. Et puisque la justice est la base de son trône, tout ce que nous avons reçu par la Parole, par le Saint-Esprit, par la communion fraternelle, tous doivent le recevoir. Travaillons-y par la prière.

 

    Prier, c’est créer dans les âmes un terrain favorable, un climat propice à la Parole de Dieu. Toute semence a besoin pour germer d’un sol approprié à sa nature, d’un climat qui lui convienne. Si tant de semences de vérité jetées dans les âmes donnent de si maigres moissons, c’est parce que nous semons sur un sol glacé. On ne sème pas en hiver. C’est pourquoi, avant de parler aux hommes, il faut parler à Dieu; avant de pouvoir remporter la victoire sur les hommes, il faut l’avoir remportée avec Dieu contre nous-mêmes et contre Satan.

 

    C’est la méthode du Seigneur Jésus. Avant de commencer son ministère dans la puissance du Saint-Esprit, il avait remporté la victoire sur Satan au désert; avant d’entrer dans la maison de l’homme fort pour piller ses biens, il l’avait lié. {#Mt 12:24-30}

 

    C’est la méthode des apôtres. Avant de descendre dans les rues de Jérusalem pour évangéliser, ils ont passé dix jours en prière.

 

    C’est la méthode de tous les hommes de Dieu qui ont été des remueurs de consciences. C’était déjà la méthode des patriarches et des prophètes.

 

    Voyez Jacob épouvanté en apprenant qu’Esaü arrive avec quatre cents hommes. Il passe une nuit en prière, le coeur rempli d’angoisse. Il plaide, il rappelle à Dieu ses promesses, il demande la délivrance. Et, pendant qu’il prie, Dieu transforme tellement les sentiments de son frère Esaü que, le lendemain, au lieu d’une épée pour le transpercer, Jacob trouve deux bras qui s’ouvrent pour le presser sur le coeur ému de son frère.

 

    Pourquoi faut-il prier avant d’agir? Pourquoi Dieu fait-Il, en réponse aux prières des croyants, ce qu’autrement II ne ferait pas, ce qu’il ne pourrait même pas faire? C’est ce que Gordon va nous dire clairement et puissamment.

 

    On prie quelquefois comme si la prière avait pour but d’émouvoir Dieu en faveur de ce monde et de le persuader qu’il doit répandre son Esprit. On le supplie de telle façon qu’on donne l’impression qu’il ne se soucie pas, comme nous, des âmes à sauver et que son amour pour le monde perdu est peu de chose en comparaison du nôtre. Prier ainsi, ce n’est pas prier intelligemment. Prier, c’est faire passer ce qui nous préoccupe de nos mains dans les siennes, c’est abandonner notre faiblesse à sa toute puissance, c’est rappeler à notre Dieu quelqu’une de ses promesses en lui disant: «Tu sais, je compte sur Toi pour l’accomplir». Et c’est demeurer dans cette attitude de confiance. Dieu attend, pour accomplir de grandes choses, que nous ayons foi en Lui et que nous nous laissions vaincre par Lui.

 

    Que Dieu se serve de ce livre pour faire comprendre et éprouver à beaucoup de chrétiens quelle puissance de bénédiction ils peuvent être s’ils savent se livrer avec amour, avec foi, avec persévérance, au saint travail de l’intercession.

 

    S. DELATTRE.


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    PREMIERE PARTIE

 

    SENS ET MISSION DE LA PRIÈRE

 

    CHAPITRE PREMIER

 

    La prière, la plus grande manifestation de la puissance divine

 

    1. Cinq manifestations de la puissance divine

 

    Dieu a sujet de s’affliger, car un des mondes qu’il a créés s’est détourné de Lui, comme un enfant prodigue. Ne l’avouons qu’à voix basse: ce monde prodigue, c’est le nôtre. Plus bas encore, confessons que nous avons nous-mêmes consenti à cette trahison.

 

    Mais, de Sa voix la plus douce, par Son amour tendre et fort, Dieu a reconquis quelques-uns d’entre nous et désormais—que nos voix éclatent d’allégresse!—nous, les rachetés, nous pouvons être pour d’autres le chemin qui mène à Dieu. Tel est Son plus grand désir, et telle devrait être aussi notre unique ambition. Pour nous aider à atteindre ce but, Il nous a doués d’une force particulière.

 

    Il n’y a dans la vie humaine qu’une seule source de pouvoir, une seule, dis-je: le Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est Puissance; il habite le coeur de toute créature qui se confie en Dieu; il franchit avec bonheur toute porte ouverte; il pénètre en nous dès que nous y consentons, et sa présence est chose vitale.

 

    Toutefois, chez beaucoup d’entre nous, le Saint-Esprit n’habite pas en maître; il est un invité et non pas le maître de la maison; c’est-à-dire qu’il est entravé dans son action naturelle, enchaîné, au point qu’il ne peut faire ce qu’il veut. Nous ne sommes pas conscients de sa présence; si nous le sommes ce n’est que partiellement.

 

    Reconnaître sa maîtrise, cultiver son amitié et lui donner toute liberté, voilà ce qui nous permettra d’acquérir de la puissance. Il n’y a donc qu’une seule source de pouvoir: le Saint-Esprit, habitant en nous et y dominant.

 

    La puissance divine se manifeste de cinq manières différentes; il y a cinq voies par lesquelles cet Esprit nous arrive et nous révèle son pouvoir.

 

    Tout d’abord, par notre vie, par ce que nous sommes. Oui, simplement, par ce que nous sommes. Si nous agissons droitement, le pouvoir de Dieu, sans que nous en soyons, conscients, débordera de tout notre être. Une vie droite jette un éclat tout particulier sur l’homme qui la vit. Il existe évidemment, dans le coeur de tout chrétien, un désir ardent de servir Dieu; soyons néanmoins certains que nous pouvons plus par ce que nous sommes que par ce que nous faisons. Nous servons Dieu bien mieux par notre vie de tous les jours que nous ne le ferions par telle ou telle grande action. Et ce simple fait, si nous ne l’oublions pas, devrait rendre la paix à nos âmes, à l’heure de la fatigue et du découragement qui l’accompagne.

 

    Deuxièmement, pas nos lèvres, par ce que nous disons. Nous pouvons bégayer, nous pouvons hésiter, mais si nous parlons de notre mieux, avec le désir de plaire au Maître, notre effort sera béni d’En-Haut.

 

    Il m’est arrivé d’entendre parler un homme qui hésitait, rougissait, et faisait fi des règles de grammaire, mais en l’écoutant mon coeur brûlait. J’en ai entendu un autre prononcer un discours admirablement ordonné, mais ses paroles se sont effacées de mon esprit aussi vite et aussi facilement qu’elles étaient sorties de sa bouche. Faisons notre possible et soyons sans souci pour le reste, car si nous vivons avec Dieu, Son feu brûlera, oui, il brûlera, que notre langue soit hésitante ou qu’elle soit sûre d’elle-même.

 

    L’Esprit se révèle d’une troisième manière: par notre service, par ce que nous faisons. Nous pouvons agir maladroitement et gauchement; notre mieux peut ne pas être le mieux, mais si nous avons fait tout notre possible, notre effort portera des fruits.

 

    Une quatrième manière, c’est par notre argent, par ce que nous ne gardons pas mais donnons pour Dieu. De tout ce que nous possédons, c’est l’argent qui a le pouvoir le plus absolu.

 

    L’Esprit, enfin, se révèle par notre prière, par ce que nous demandons au nom de Jésus. Et, chose étrange, la plus grande force est celle qui résulte de la prière.

 

    La vie d’un homme a une influence considérable. Mais quels que soient sa force, sa douceur, sa pureté, son désintéressement, son action est limitée aux endroits où se passe sa vie.

 

    La puissance de la parole dépend entièrement de la vie de celui qui parle. Tel discours embarrassé n’en est pas moins éloquent et émouvant s’il est appuyé par une vie chrétienne, tandis que tel autre, aux périodes aisées et polies, reste sans effet parce que l’appui de cette vie lui fait défaut.

 

    L’influence que nous exerçons par nos actes peut, elle aussi, être grande et se répartir en divers lieux; toutefois, elle sera toujours inférieure à celle qui découle d’une vraie vie chrétienne.

 

    La puissance de l’argent dépend entièrement de l’intention. L’argent que le donateur regrette, l’argent qu’il a mal acquis, est un trésor sans valeur. Ce qui pouvait être tout-puissant est frappé d’impuissance.

 

    Mais le pouvoir qui se dégage de la prière est au moins aussi extraordinaire—pour ne pas dire davantage maintenant—que celui qui résulte d’une vie pure et véridique; et, sachez-le bien, ce pouvoir peut atteindre, non plus un seul endroit, mais un point quelconque de l’univers, à votre choix.

 

    La plus grande chose que l’on puisse faire pour Dieu et pour les hommes, c’est de prier; ce n’est pas la seule, mais c’est la principale. La comparaison des différents moyens d’action dont nous disposons nous amène à donner à la prière la première place, car pour qu’un homme puisse prier vraiment, il faut tout d’abord que ses intentions et sa vie tout entière soient droites. Un homme intègre qui donne à la prière la place qu’elle doit avoir dans toute existence, verra ses actes, ses dons, ses paroles embellis et comme parfumés par la présence de Dieu.

 

    Les grands hommes dans le monde d’aujourd’hui sont ceux qui prient. Je ne veux pas dire ceux qui parlent de la prière; ni ceux qui font profession de croire à son efficacité; ni même ceux qui expliquent ce qu’est la prière; non, j’entends ceux qui prennent le temps de prier. Le temps leur manque, peut-être. N’importe, ils le prennent à quelque antre occupation: importante, très importante, urgente même, elle est cependant moins importante, moins urgente que la prière. Il y a de nos jours de ces hommes qui savent faire passer la prière d’abord, et qui, dans le plan de leur existence, groupent toutes leurs autres préoccupations autour de la prière et après elle.

 

    Bien des gens font ainsi leur maximum pour Dieu; ils le font en gagnant des âmes à l’Evangile; en résolvant des problèmes; en réveillant les fidèles d’une Eglise endormie; en fournissant hommes et argent à des stations missionnaires; en maintenant jeunes et fortes des vies de sacrifice vécues bien loin, en terre étrangère, là où la mêlée est la plus forte; en conservant enfin à notre vieille terre quelques jours de paix de plus.

 

    C’est un service qu’ils rendent en secret; à part quelques conjectures, nous ne savons qui ils sont. Qui sait, c’est peut-être cette femme à l’aspect simple qui se glisse hors de l’église; sa robe a été retournée deux ou trois fois; son chapeau remanié plusieurs fois aussi; ses mains n’ont pas dû connaître beaucoup la douceur des gants; et c’est à peine si nous lui accordons une pensée furtive. Nous ne savons pas, nous ne devinons pas que peut-être c’est elle qui fait pour son Eglise, pour le monde et pour Dieu, bien plus qu’une centaine de fidèles qui attirent davantage notre attention. Elle obtient ces beaux résultats parce qu’elle prie, parce qu’elle prie vraiment selon que l’Esprit de Dieu l’inspire et la guide.

 

    J’ajouterai encore ceci: en exauçant la prière de la plus humble de ses créatures, Dieu fera ce qu’autrement Il ne ferait pas. Oui, et j’irai même plus loin, je sens que je le dois, car la Bible elle-même va plus loin: Dieu, en réponse à la prière du plus humble de ses fidèles, fera ce qu’autrement Il ne pourrait faire.

 

    On me dira: décidément, ici, vous allez trop loin.

 

    Ecoutez alors les paroles que Jésus prononça dans le long et suprême entretien qu’il eut avec les onze disciples. C’était dans la chambre haute, avant qu’ils se rendissent à la montagne des Oliviers. Jean nous a conservé une grande partie de cette conversation: «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi, je vous ai choisis, et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure; afin que»—et voici justement un des motifs pour lesquels nous avons été choisis—«afin que ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, Il vous le donne». {#Jn 15:16} Dieu n’agit donc pas seul, Il fait appel à notre collaboration. Notre prière Lui rend possible ce qu’il ne pourrait faire sans notre concours.

 

    Du reste, si vous y réfléchissez quelque peu, vous verrez que cette idée s’adapte à la vraie conception de la prière. Toute prière a et doit avoir deux facteurs: tout d’abord, un Dieu pour donner. Vous m’accordez ce point. Mais un second facteur est aussi indispensable: un homme pour recevoir. Le consentement des hommes est le canal par lequel Dieu parvient à la terre: jamais Il ne presse, jamais il ne force; tout ce qu’il fait est pour et par l’homme; Il le fait toujours moyennant son consentement.

 

    Respectueusement, mais nettement, je dirai même que Dieu ne peut rien faire pour un homme qui ferme sa main et son coeur. La main, le coeur et la vie doivent être ouverts pour que Dieu puisse donner. Une vie ouverte, une main ouverte et tendue vers le ciel, voilà ce qui unit le coeur de Dieu à notre pauvre vieux monde égaré. Notre prière, c’est l’occasion que nous donnons au Créateur de pénétrer dans ce monde qui voudrait l’en exclure.

 

    2. La prière embrasse le monde entier

 

    La prière ouvre la terre entière à l’activité de l’homme. Par elle, je puis tout aussi bien amener des coeurs à Dieu dans l’Inde et la Chine lointaines que si j’étais là-bas. Les moyens sont, il est vrai, différents, mais le résultat est tout aussi sûr. J’estime que le plus grand privilège accordé à un homme est de servir Dieu dans ces pays éloignés. Là-bas, en effet, les besoins sont plus grands, les ténèbres plus épaisses et les appels plus émouvants. Si donc un homme peut aller là-bas—heureux homme! s’il a le privilège de se rendre à ce champ d’honneur, il pourra y mettre directement en valeur les cinq pouvoirs que lui confère l’Esprit.

 

    Il n’habite qu’un seul endroit; mais son influence rayonnera en proportion directe de son amour pour son Maître et de sa sympathie pour les déshérités. Qu’il vive en Afrique ou ailleurs, peu importe, car son coeur, en contact avec Jésus, brûlera pour un monde. La prière, voilà ce qui nous met en rapport direct avec le monde entier.

 

    Dans la solitude, dans le secret d’une chambre close, un chrétien pourra vivre une demi-heure en Inde, aussi réellement—mes paroles sont mûrement réfléchies et, tout exagérées qu’elles paraissent, elles n’en sont pas moins vraies—aussi réellement, dis-je, que s’il y était en chair et en os. Si cela est vrai, combien de demi-heures, vous et moi, nous devrions passer, dans la prière, à servir Dieu secrètement! Il suffit de tourner la clef de notre porte, de nous isoler pendant quelques instants, et, grâce au pouvoir de la prière, notre influence pourra être aussi complète en Chine que si nous étions là-bas en personne. Sans doute, notre présence n’est pas visible; mais au point de vue de l’action exercée, au point de vue de l’objet de notre prière, elle est absolument réelle. Par la prière, nous pouvons éclairer d’une lumière nouvelle la page de la Bible que lit quelque indigène d’Afrique; nous pouvons enflammer d’un nouveau zèle le prédicateur ou le professeur; nous pouvons rendre plus accessible aux hommes l’histoire de Jésus-Christ; nous pouvons amener à Christ ceux que l’esprit du mal et une hérédité mauvaise ballottent en tous sens; oui, certainement, nous pouvons leur faire accepter l’Evangile, et, si besoin est, les séparer d’êtres aimés, les lancer dans une nouvelle voie.

 

    J’entends ici l’objection que pourrait formuler un chrétien convaincu: «Si j’étais là-bas, je pourrais influencer mes frères perdus par un contact personnel, par mes paroles pleines de vie».—Certainement, vous pourriez le faire, et plaise à Dieu qu’un plus grand nombre se sentent appelés à payer de leur personne. Mais voici ce que ceux qui peuvent agir là-bas et ceux qui doivent rester chez eux doivent savoir: Peu importe où vous êtes, vous ferez plus par votre prière que par votre personnalité. Si vous étiez aux Indes, vous pourriez, à vos prières, ajouter le poids de votre personnalité et ce serait une belle action à faire; mais que vous soyez là-bas ou ici, vous devez tout d’abord remporter la victoire dans la solitude, gagner chaque pas, chaque mètre, chaque vie, dans le secret de la prière et ajouter alors la puissante influence de votre personnalité. Une fois que vous aurez prié, vous pourrez faire plus que de prier; mais tant que vous n’avez pas prié, vous ne pouvez rien faire de mieux que de faire monter au ciel vos supplications.

 

    C’est là précisément que nous tous, à certaines heures, nous avons fait fausse route, et là aussi que beaucoup, maintenant encore, font fausse route. Nous croyons que là où nous sommes, nous obtiendrons davantage par notre activité et qu’alors la prière nous donnera le pouvoir d’agir. Non! mille fois non! Nous ne ferons rien de vraiment utile et durable si auparavant nous n’avons pas prié.

 

    Lorsqu’un homme est près de moi, je peux lui parler, je peux faire agir ma personnalité sur lui, pour le gagner à ma cause; mais avant de pouvoir influencer sa volonté en faveur de Dieu, si peu que ce soit, il me faut tout d’abord avoir remporté la victoire dans la solitude. L’intercession consiste à remporter cette victoire sur le chef des ténèbres, et l’action, qui la suit, consiste à s’emparer du territoire dont ce prince a été expulsé. Cette action est limitée dans l’espace, comme la personnalité même qui agit; elle ne s’exerce qu’en un seul endroit; tandis que la prière, sorte de télégraphie spirituelle, met tout homme en relation directe avec le monde entier.

 

    Certains de nos amis croient faire preuve de sens pratique en disant: «La grande chose, c’est le travail; la prière est bonne, excellente, mais l’important est d’agir».

 

    C’est le contraire qui est vrai. Quand on sait ce qu’est la prière et qu’on lui donne la place qui doit lui revenir, on est enflammé, au plus profond de son être, par de nouvelles et puissantes raisons d’agir; on comprend que l’activité qui plonge ses racines dans la prière est la plus capable de toucher le coeur humain; on découvre avec ravissement que l’on peut exercer une action mondiale; on voit enfin son champ d’action devenir aussi large que la pensée du Maître.

 

    3. Prier, c’est servir Dieu.

 

    Il est bon de se souvenir que la prière est un service, le plus grand service qu’un homme puisse rendre au plan de Dieu. Il est différent de tous les autres, mais il leur est supérieur, car il est moins limité. Partout ailleurs, nous trouvons de nombreux obstacles: l’espace, la force corporelle, des entraves matérielles, des difficultés provenant des différences entre les individus, etc. La prière ne connaît pas de telles limites; elle ignore l’espace; elle peut être indépendante de toute diminution de force corporelle. Vraie télégraphie de l’esprit, elle pénètre directement le coeur des hommes, traverse sans bruit les murs, force sans peine les serrures et arrive en contact direct avec le plus profond de l’âme, avec le centre de la volonté qu’elle veut transformer.

 

    Toute action, au sens où l’on prend ce mot d’ordinaire, est limitée à l’endroit où se trouve la personne qui l’accomplit, à la distance que sa voix peut atteindre, au temps dont elle dispose avant de devoir quitter sa tâche pour manger, se reposer ou dormir. Cette personne est limitée par des murs, des serrures, des préjugés, et par ces petites différences de caractère qu’il faut avoir étudiées avant de mettre le siège devant un coeur humain.

 

    Que d’efforts et quelle variété d’efforts sont nécessaires pour gagner des âmes à Dieu: exposer la vérité à un groupe de personnes; l’exposer à une seule à la fois; pratiquer les actes généreux de la solidarité dans leur infinie variété; enseigner; ajoutons aussi le tout-puissant ministère de l’argent, l’exemple constant d’une vie pure et désintéressée, la correspondance, les livres et les traités. Tous ces efforts rentrent dans le plan de Dieu, pour racheter les âmes; mais le fait extraordinaire à remarquer est celui-ci: la victoire, dans chacun de ces cas, est remportée d’avance et dans le secret par la prière.

 

    Pénétrer dans le camp ennemi et proclamer la victoire déjà remportée, voilà le but et l’utilité incontestables de tous les autres efforts. Le jour où chaque chose recevra sa vraie place, où la prière viendra d’abord, les autres formes de notre activité ensuite—je dis ensuite, car pour rien au monde il ne faudrait les omettre; bien au contraire, chaque service doit être accompli avec tout le sérieux, toute la réflexion, toute la force et tout l’amour possibles; mais il ne doit l’être que lorsque la victoire a été remportée dans le secret, contre le véritable ennemi; il ne doit l’être qu’en s’appuyant sur la certitude de cette victoire—ce jour-là, dis-je, notre activité extérieure obtiendra de bien plus grands résultats dans le monde visible.

 

    Armés de la prière, nous marcherons de l’avant, pleins de cette confiance qui, dès le début de l’engagement, balaie le champ de bataille; et, fermement, nous nous attaquerons aux points de résistance, jusqu’à ce que l’ennemi s’enfuie honteusement. La prière portera un coup fatal à l’ennemi qui se dissimule, et nos efforts, dans la suite, se borneront à tirer parti de ce coup mortel parmi les hommes que nous voyons et touchons. Une grande patience, beaucoup de tact, beaucoup d’opiniâtreté sont exigés dans ce service actif, car notre effort porte sur des volontés très différentes les unes des autres. Un chef avisé, qui veut vaincre, débutera donc par le combat ardent et acharné de la prière.

 

    4. L’espace n’apporte aucune limitation à la prière.

 

    L’électricité est une manifestation étrange. Alors qu’elle est classée dans les sciences physiques, on croit avoir trouvé sa vraie place dans le chapitre sur les forces naturelles. Toutefois, elle semble posséder plusieurs propriétés inhérentes au monde spirituel. Ceux qui l’ont étudiée le plus à fond avouent leur ignorance. On a trouvé quelques-unes de ses lois, utilisé son merveilleux pouvoir, mais sans savoir ce qu’elle est vraiment. Elle semble presque appartenir à quelque domaine compris entre le monde physique et le monde spirituel, et elle nous fournit quelques comparaisons d’un grand secours pour comprendre plus nettement la vie de l’esprit.

 

    Dans l’usine où l’électricité est produite et asservie par l’effort de l’homme, on trouve un tableau de déclenchement ou une chambre de commande munie de différents tableaux. Un homme entre dans cette chambre; il tourne un des commutateurs, ou plutôt il déplace un des leviers sur une très courte distance. Acte très simple, facilement accompli, ne nécessitant presqu’aucun déploiement de force; mais il a suffi de cette simple intervention pour faire passer dans les fils la force emprisonnée dans l’usine et pour éclairer, peut-être, toute une partie de la ville.

 

    Quelques instants plus tard, l’ouvrier rentre dans cette chambre et tourne un autre commutateur; et ce simple fait communique l’énergie à des centaines de voitures qui, rapides, emportent d’innombrables voyageurs. Le voilà de nouveau qui pénètre dans la même pièce, actionnant cette fois de plus petits leviers; et, à l’instant, il met en mouvement les roues de telle ou telle usine au personnel nombreux.

 

    Le service de cet employé échappe à l’oeil de l’observateur; il a quelque chose de mystérieux; il consiste en un acte de la plus grande simplicité, mais il met en action des forces incommensurables. Personne jusqu’ici, semble-t-il, n’a pu déterminer l’agent mystérieux et terrible qui est en jeu. Qu’est-ce donc? Est-ce un fluide? Ce fluide passe-t-il à l’intérieur ou à l’extérieur du fil? Les spécialistes disent n’en rien savoir. Par contre, les lois auxquelles cet agent mystérieux obéit sont connues, et dès que les hommes y satisfont, sa puissance extraordinaire se manifeste.

 

Dans le domaine spirituel, il existe aussi une chambre de commande. Celui qui le désire peut avoir dans sa vie un tableau de déclenchement. Dès lors, il peut aller de l’avant, et, conformément aux lois de la puissance divine, faire rayonner, partout où il le veut, le pouvoir irrésistible de Dieu; jusqu’au Japon; en Chine; parmi les peuplades des plaines et des montagnes de l’Inde; dans l’Afrique, qui est aussi près de Jésus que notre propre pays; dans la maison, qui avoisine la vôtre; dans tel quartier mal famé; dans le coeur du prédicateur qui vous parlera dimanche prochain, et dans les coeurs de ceux qui se rencontreront dans la salle d’évangélisation ou à l’école missionnaire.

 

    Les enfants ne sont pas autorisés à toucher le commutateur, non plus qu’aucune main inhabile; car une fausse manoeuvre peut être la cause de dommages considérables et de morts irrémédiables. Le commutateur spirituel, lui non plus, ne se prête pas à des mains inexpérimentées. Il se refuse au rude toucher des intrigants et des égoïstes, qui voudraient faire servir le courant à leur profit personnel.

 

    Il y a une science de la prière; mais les plans merveilleux de notre Dieu sont tels que cette science peut être acquise par qui la désire; une seule condition est exigée: il faut la désirer, et, dès lors, elle vient tout simplement.

 

    N’est-il pas étrange que, comme pour l’électricité, aucune explication ne soit satisfaisante?

 

    Comment se fait-il que, par suite du simple maniement de quelques leviers, des roues placées à des kilomètres de l’usine se mettent à tourner, actionnées par une force énorme? Qui l’expliquera? Et pourtant, nous savons le fait exact, et nous voyons, chaque jour, les hommes baser leurs actions sur cette connaissance.

 

    Comment se peut-il aussi qu’une femme de Iowa prie pour la conversion de son mari incrédule, et qu’au milieu du congrès le plus important qui ait eu lieu à Washington depuis la guerre civile, cet homme, complètement ignorant des pensées de sa femme, devienne subitement et à plusieurs reprises conscient de la présence et du pouvoir du Dieu dont il nie l’existence? Comment se fait-il que, des mois après, cet esprit critique et pondéré constate sur le calendrier que le jour où sa femme commença de prier, il commença, malgré lui, d’avoir cette impression si forte de la présence de Dieu?

 

    Qui l’expliquera?... Qui dont pourrait le faire exactement? Et pourtant, les faits sont là, facilement contrôlables et mis en évidence par le changement complet qui survint dans la vie et la profession de cet homme.

 

    Comment se peut-il qu’une femme du Missouri, priant pour un ami de Glasgow aux tendances intellectuelles et sceptiques, habile à peser la valeur des arguments et à y parer, comment se fait-il que cette femme trouve, dans la suite, que l’époque où elle pria coïncide avec le changement de convictions de cet homme? Changement d’abord accepté à contre-coeur, mais bientôt changement radical.

 

    Ces deux cas sont connus de beaucoup, et pourtant personne ne les a encore expliqués.

 

    Enfin, pour se rendre maître du mystérieux pouvoir de l’électricité, il faut obéir à ses lois; de même aussi pour disposer du pouvoir de la prière et en obtenir de merveilleux résultats, il suffit de connaître ses lois et de s’y conformer.

 

    5. Les perspectives illimitées de la prière

 

    Les paroles qui précèdent suggèrent l’idée que la vraie vie chrétienne a deux côtés: le côté intérieur et le côté extérieur. A la plupart d’entre nous, le côté extérieur semble le plus grand: vivre, servir, donner, agir, entretenir des relations avec les hommes, lutter simplement pour l’existence quotidienne, tout cela absorbe la plus grande partie de notre pensée et de notre temps. Ces différentes occupations semblent être le but primordial de l’existence, même chez ceux qui croient sincèrement à la vie intérieure.

 

    Mais quand les yeux s’ouvrent, les yeux intérieurs qui voient l’invisible, le changement de perspective est tout d’abord amusant, puis effrayant, puis émouvant.

 

    Amusant, à cause du changement de proportions; effrayant, à cause du but poursuivi; émouvant, parce qu’il s’agit d’hommes forts qui sont spirituellement aveugles, et qui, à cause de cela, continuent de gaspiller une force splendide à des futilités.

 

    Le côté extérieur a d’étroites limites; il comprend mille préoccupations: la nourriture et le vêtement, le logement, le temps et l’heure qui passent, l’éducation et l’instruction, les joies de la vie de société et l’adoucissement de la souffrance. Toutes ces préoccupations sont légitimes; elles font partie du tableau de la vie humaine; elles en sont l’arrière-plan matériel.

 

    Le côté intérieur les comprend toutes, mais ses limites s’étendent infiniment plus loin. Elles comprennent le monde entier et l’atmosphère qui l’environne. Le côté intérieur touche à l’esprit; il pénètre les mobiles de nos actions, il pénètre l’amour, il pénètre le coeur; il entre en contact avec les myriades de forces et d’êtres spirituels qui, sans cesse, parcourent la terre, souillant les âmes et les vies des hommes. Il s’élève jusque vers Dieu, coopérant au sublime plan d’amour que le Créateur a forgé pour le monde.

 

    Suivons pendant une journée tel homme qui a adopté la vraie vision des choses.

 

    Voici tout d’abord le côté extérieur: un humble foyer où l’on soigne un bébé, où l’on raccommode, où l’on coud, où l’on fait la cuisine; tel homme passera sa vie à peser des marchandises ou marteler le clavier d’une machine à écrire, à contrôler le grand-livre d’une maison de commerce, à huiler les rouages rapides, à brocher sans trêve des feuillets imprimés, à manier le levier d’une locomotive, à pousser la charrue, à veiller sur les fonds publics, à tailler les haies, à écrire d’ennuyeux rapports..., bref, à accomplir toute une série d’actes divers qui doivent être faits sans cesse, jour après jour; actes souvent banals, mais qu’on ne peut éviter, et qui remplissent l’existence de la grande majorité des hommes.

 

    Celui que nous suivons, à son insu, poursuit tranquillement et gaîment son oeuvre, et cela durant tout le jour. Sa face est éclairée, ses yeux illuminés, son pas léger; sa présence et l’esprit qui l’anime transforment les lieux où il vit. Il travaille pour Dieu; disons mieux, il travaille avec Dieu. Il a à ses côtés un Ami invisible dont la présence change tout. La corvée monotone cesse d’être monotone; elle cesse même d’être une corvée, par la simple raison qu’elle est faite pour un Maître si extraordinaire.

 

    Tel est le côté extérieur, le côté étroit de cette vie; étroit, non pas en lui-même, mais comparé avec l’oeuvre totale.

 

    Et maintenant, silence et attention, car voici le côté intérieur où s’accomplit le plus grand travail de la vie; voici l’instant passé seul avec Dieu, avec la Bible. Tantôt c’est à l’heure matinale qu’éclaire la lampe, car le soleil n’a pas encore doré les monts; tantôt c’est vers le soir, quand le soleil hâte sa course vers l’occident et que l’homme fatigué soupire après le repos. C’est le moment où il voit Dieu face à face; c’est le moment d’une lecture profonde et pieuse; le moment des supplications ardentes et variées, sur un seul thème: «Ta volonté soit faite, au nom de Jésus le Vainqueur». Dieu lui-même est présent dans cette chambre; Il est présent avec Ses anges dans cette retraite qui s’ouvre. spirituellement parlant, sur un espace aussi grand que la terre. L’horizon de cette prière solitaire est aussi étendu que celui du globe, grâce à la présence de Dieu dans cet homme.

 

    Aujourd’hui, cet homme passe une demi-heure en Chine, priant pour les missionnaires de ce pays, ses chrétiens indigènes, ses millions d’habitants; priant pour l’action des traités d’évangélisation; priant pour que le contact personnel du missionnaire et des païens soit béni; priant pour l’influence de la Bible, de l’école, du dispensaire et de l’hôpital. Et, traversant cette prière comme un filigrane d’or, se font entendre ces mots: «Victoire, au nom de Jésus! Victoire, au nom du Christ! aujourd’hui! aujourd’hui! Que Ta volonté soit faite! Que la volonté du Diable soit détruite! Victoire, au nom de Jésus!»

 

    Demain, il consacrera le même temps au Japon peut-être ou à tel autre pays. Ainsi cet homme aux horizons extérieurs si limités, mais dont la vision intérieure ne connaît pas de limites, parcourt le Japon, l’Inde, Ceylan, la Perse, l’Arabie, la Turquie, l’Afrique, les territoires catholiques de l’Europe, les Etats de l’Amérique du Sud; son propre pays avec ses villes, ses frontières, ses bouges; il visite, par la prière, sa propre ville, son Eglise, son voisin; dedans comme dehors, dehors comme dedans, la marée montante de la prière s’avance, calme, sûre, irrésistible!

 

    Voilà la vraie vie chrétienne! Cet homme, au près ou au loin, gagne des âmes, en réveille d’autres, et cela aussi bien que s’il se transportait dans chacun de ces endroits.

 

    Tel est le plan de Dieu. Le vrai disciple de Jésus possède un horizon aussi étendu que celui de son Maître. La pensée de Jésus dominait terres et mers; il en est de même de la prière de son disciple. L’homme dont nous venons de parler ne sait pas les résultats de son intercession... et pourtant il les connaît par la vision que lui donne la foi.

 

    La salle où nous sommes réunis et où nous nous entretenons peut être fermée et si parfaitement obscurcie qu’aucune lumière n’y pénètre. Supposons qu’alors une fente se produise: aussitôt, un mince rayon de lumière s’infiltrera dans la prière. Ce rayon, brillant dans les ténèbres, nous parle à lui seul d’un astre de lumière qui répand ses clartés sur l’univers entier.

 

    L’homme qui prie de même, aura de temps en temps, souvent peut-être, la certitude des transformations accomplies par suite de sa prière. Il y verra le rayon de glorieuse lumière qui nous parle d’un foyer de clarté plus parfait.

 

    L’esprit débordant de joie et d’une divine crainte, d’avoir pu et de pouvoir contribuer à l’oeuvre de Dieu, le coeur plein de paix et de compassion, la vie embellie par la présence invisible du Père, il continuera résolument sa route, le regard fixé vers l’aube du grand jour.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    PREMIERE PARTIE

 

    SENS ET MISSION DE LA PRIÈRE

 

    CHAPITRE II

 

    La prière, facteur décisif dans la lutte spirituelle

 

    1. Un conflit préhistorique.

 

    La prière, dans son acception la plus simple, prend une part active dans un conflit. Comprise comme elle devait l’être, elle en est même le facteur décisif. Le théâtre de cette lutte, c’est la terre; le but, de décider qui régnera sur elle et ses habitants; le conflit dure depuis les temps obscurs qui suivirent la création.

 

    Le prince légitime de la terre, c’est Jésus, le fils du Roi; mais il existe un prétendant qui fut un temps prince légitime, avant d’être coupable de trahison. Comme fit autrefois Saul, lorsqu’il eut été rejeté et que David fut oint à sa place, il essaie par tous les moyens de conserver son royaume et d’en déposséder le maître légitime.

 

    Ce dernier, par des moyens complètement différents, et spécialement par la persuasion, cherche à ramener le monde à la fidélité envers son Suzerain. Il a dû soutenir une lutte terrible contre le prétendant; mais, après une série de victoires, il a remporté la grande victoire du matin de la résurrection.

 

    Il y a, dans ce conflit, un trait particulier qui le rend différent de tous les autres: une victoire décisive a été remportée et, malgré ce triomphe complet du général en chef, les hostilités n’ont pas cessé. La raison de cette situation est étrange: le Vainqueur, dans son amour, a l’ambition, non seulement de vaincre son ennemi, mais de pénétrer dans le coeur des hommes, moyennant leur libre consentement. Ainsi, grâce à cet amour merveilleux, à cette prudence, à ce courage, la lutte reste ouverte pour le salut des hommes.

 

    C’est un conflit spirituel auquel prennent part des milliers d’esprits, bons ou mauvais, qui parcourent la surface de la terre et remplissent l’atmosphère. De chaque côté, ils possèdent une organisation splendide et compacte.

 

    L’homme est un être spirituel, un esprit revêtu d’une enveloppe corporelle; il a un corps et un esprit. Mais il est avant tout un esprit. Les vraies luttes ressortissent du domaine spirituel, car elles ont pour théâtre le domaine spirituel et les antagonistes sont des êtres spirituels.

 

    Satan, lui aussi, est un être spirituel, un esprit revêtu d’une enveloppe corporelle.

 

    Ou plutôt il n’a pas de corps, mais, pour servir à ses ruses, à ses desseins profonds et mauvais, il s’assure une forme corporelle dans les êtres humains.

 

    Le seul pouvoir qui agisse dans le domaine spirituel est le pouvoir moral. Par où il ne faut pas entendre la bonté, mais ce pouvoir, bon ou mauvais, qui échappe au domaine physique, pouvoir plus élevé, infiniment plus élevé et plus grand que le simple pouvoir matériel. La puissance morale est le contraire de la puissance violente ou physique.

 

    Dieu n’emploie pas la force, la contrainte physique. Cette affirmation générale n’admet que quelques exceptions. Il y a eu des guerres justes du moins pour un des partis. Nous apprenons par la Bible que Dieu, dans des cas extrêmes, a ordonné la guerre. Les peuplades qu’Israël dut passer au fil de l’épée se seraient inévitablement usées par leurs excès et leur mépris des lois vitales; mais en considération du peuple élu, il fut nécessaire de précipiter les choses. Par exception donc, pour l’achèvement de son plan, pour le salut final d’une race et d’un monde, Dieu donna un ordre d’extermination. L’urgence crée l’exception. Il y a un cas où le meurtre d’un homme se justifie: quand il est clairement établi que Dieu, Source et Maître de toute vie, l’a ordonné. Mais ces cas mis à part, Dieu n’emploie jamais la contrainte.

 

    Remarquez, par contre, que la force physique est une des principales armes de Satan. A ce sujet, il y a lieu de faire deux observations intéressantes:

 

    1° Satan ne peut user de cette force qu’autant qu’il trouve dans l’homme un allié dont il fasse son agent;

 

    2° En l’employant, il a voulu, le plus subtilement du monde, choisir son terrain. Il sait que le domaine de la force spirituelle pure et simple ne lui est pas favorable, qu’il y est battu, car, dans le camp opposé, il y a une force morale plus grande que celle dont il dispose. Il lui est impossible de résister aux forces de la pureté et de la justice dont Jésus est la personnification. En effet, c’est sur ce terrain moral, dans ce domaine spirituel, que notre Sauveur a gagné la grande victoire. Durant les années qu’il vécut sur la terre, il passa par une série d’épreuves, tour à tour subtiles et terribles; mais il en sortit vainqueur, sans que la pureté et la droiture de son coeur fussent entachées.

 

    2. La prière fait rayonner au loin notre personnalité spirituelle.

 

    La prière est une force spirituelle qui n’a affaire qu’à des êtres et à des forces spirituels. Sur le champ de bataille contesté, la prière est l’appel incessant d’un homme, d’un esprit revêtu de chair; il demande à Dieu que l’influence de la victoire de Jésus sur le génie du mal s’étende à toutes les créatures. La prière prend le caractère de celui qui prie. L’homme est un être spirituel: la prière devient une force spirituelle; c’est la projection de l’esprit de l’homme dans le royaume spirituel.

 

    La prière, parce qu’elle est une force spirituelle, possède certaines qualités, certains caractères inhérents au monde spirituel. Un être essentiellement spirituel n’est pas limité par l’espace comme nous, pauvres humains; il pourra passer d’un endroit à un autre aussi rapidement que notre pensée. Si je veux aller de New-York à Londres, il me faut compter au moins une semaine pour m’y transporter corporellement, tandis que je peux me croire à Londres en pensée et en parcourir les rues avant d’avoir eu le temps de formuler un mot. Un être spirituel peut donc voyager aussi rapidement que la pensée.

 

    Les êtres spirituels, en outre, ne sont pas limités par des barrières matérielles, telles que les murs d’un bâtiment. Pour venir ici, aujourd’hui, je suis entré par cette porte, et vous tous, vous êtes entrés par ces portes. Nous avons été obligés d’entrer, ou par les portes, ou par les fenêtres. Néanmoins, les êtres spirituels qui nous écoutent maintenant et s’intéressent vivement à notre entretien ne se sont pas souciés des portes; ils ont pénétré par les murs ou par le toit, s’ils étaient au-dessus de nous, ou par le plancher, s’ils étaient au-dessous.

 

    La prière possède cette qualité propre aux êtres spirituels de ne pas être limitée par l’espace, ni par les obstacles matériels. Prier, c’est vraiment projeter notre esprit, c’est-à-dire notre vraie personnalité, à l’endroit que nous désirons atteindre, et y agir sur d’autres êtres spirituels. Supposons, par exemple, que je prie chaque jour pour un homme qui habite sur les rives de l’Atlantique. Le simple fait de penser que chaque fois que je prie, ma prière est une force spirituelle qui, instantanément, traverse l’espace qui nous sépare de cet homme, qu’elle pénètre, sans trouver le moindre obstacle, à travers les murs de sa maison, qu’elle influence les êtres spirituels qui l’entourent, et, par là-même, sa propre volonté, cette seule pensée, dis-je, rend ma prière plus active et plus précise.

 

    Quand je suis arrivé à la certitude, il y a quelques années, que Dieu ne voulait pas que je parte pour les champs de mission, j’en ai été profondément attristé. Toutefois, dans la suite, comprenant mieux la sagesse du Tout-Puissant, je me suis rendu compte que, par la prière, je pouvais exercer une influence positive jusque dans ces pays éloignés. Comme tant d’autres l’ont fait, j’ai établi une liste quotidienne de prières. Il y a certaines personnes pour lesquelles je prie à intervalles fixes, et mon âme se réjouit à la pensée que, chaque fois que je prie, ma personnalité spirituelle est projetée là-bas et que je me trouve en fait à Shanghaï, à Calcutta ou à Tokio; je suis heureux de penser que j’intercède là-bas, pour la victoire du Christ sur le mal, que je prie pour les fidèles qui, là-bas aussi, tiennent haut le drapeau du Dieu Fort.

 

    La lutte est rude. Satan est un général de toute première force et un lutteur obstiné. Il se refuse à admettre sa défaite, jusqu’à ce qu’il y soit forcé, C’est pour lui une question de vie ou de mort. Si étrange et peut-être si absurde que cela paraisse, il espère évidemment réussir. Si nous savions tout, cela pourrait sembler moins étrange et moins absurde, étant donné les atouts qu’il a dans son jeu. Il y a assurément, dans le monde, bien des faits qui ne peuvent que justifier ses espérances. La prière réclame avec insistance la victoire de Jésus et la retraite complète de l’ennemi.

 

    L’ennemi ne cède que ce qu’il est obligé de céder; il ne cède que ce qu’on lui prend. Le terrain doit donc être conquis pied par pied et, pour cela, la prière doit être précise. L’ennemi ne cède que quand il y est forcé; la prière doit donc être incessante; et comme il renouvelle sans cesse ses attaques, il importe que le terrain conquis soit défendu contre lui, au nom du Vainqueur.

 

    Ceci nous permet de comprendre pourquoi nous devons continuer de prier, alors même que nous avons déjà obtenu des résultats partiels et que nous sommes sûrs du résultat définitif.

 

    3. La prière permet à Dieu d’agir sur la terre.

 

    Le meilleur allié que Jésus trouve dans ce conflit, c’est l’homme; l’homme qui, restant sur le champ de bataille, se tient dans la communion de son Sauveur et, sans cesse, avec insistance, avec foi, proclame la victoire au nom de Jésus. Il est le seul ennemi parmi les mortels, auquel Satan ne puisse résister. Par la prière de la foi, il projette une force tellement irrésistible dans le royaume des esprits que Satan est obligé de céder.

 

    Nous sommes si accoutumés, par les nombreux récits de l’histoire, à voir les victoires remportées par la force physique seule, que nous avons peine à réaliser que la force morale défait un ennemi mieux qu’aucune autre force.

 

    Voyez les démons dans les Evangiles et, de nos jours, en Chine, obligés contre leur propre volonté, malgré une lutte intense, obligés, dis-je, de reconnaître leur défaite et même de réclamer les faveurs de leur vainqueur. Les biographies chrétiennes abondent en récits extraordinaires de victoires remportées sur Satan et d’individus transformés par l’influence de la prière.

 

    Si nous avions des yeux pour voir les esprits et assister aux conflits spirituels, nous pourrions contempler les défaites constantes de l’ennemi, grâce à la prière persistante de quelque intime allié de Jésus. Chaque fois qu’un tel homme prie, l’étendard sanglant de Jésus est déployé dans le monde des esprits et flotte au-dessus de la tête de Satan. Tout homme qui se livre entièrement et librement à Dieu et qui s’applique à la prière conquiert pour son Maître un nouveau point du territoire en litige. Sur ce point, il peut planter la bannière de la victoire.

 

    Les Japonais combattirent des semaines entières pour obtenir une base d’opération dans la péninsule de Port-Arthur; ils le firent même après leurs victoires navales qui, pourtant, avaient ruiné la force maritime de la Russie. Malgré cela, avec cette ténacité qui les a caractérisés durant la guerre, ils ont lutté pour s’emparer de cette base d’opération. Tant qu’ils ne l’avaient pas, ils ne pouvaient rien faire.

 

    Par la prière, l’homme donne à Dieu un point d’appui sur le territoire contesté de notre terre. Communiant avec Dieu, priant, priant sans cesse, cet homme forme sur le sol ennemi une base d’opération pour Dieu; sa consécration fournit au Général en chef un nouveau quartier général qui, situé sur le champ de bataille, servira de base d’opération en vue de l’attaque. Et le Saint-Esprit, qui est dans cet homme, forcera l’ennemi à la retraite, au nom de Jésus le Vainqueur.

 

    Voilà ce qu’est la prière!

 

    Et nous, en luttant à genoux, n’élargirons-nous pas la base d’opération de Dieu sur cette terre prodigue?

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    PREMIERE PARTIE

 

    SENS ET MISSION DE LA PRIÈRE

 

    CHAPITRE III

 

    La terre, champ de bataille où lutte la prière

 

    1. La prière, mesure de guerre.

 

    Notre monde est le fils prodigue de Dieu. Le coeur du Père souffre au souvenir de cet enfant; il y a si longtemps qu’il est loin, si longtemps que le cercle de famille est brisé.

 

    Dans son amour, Dieu a conçu un plan merveilleux pour ramener à la maison paternelle cet exilé volontaire, et les anges et les hommes se sont émerveillés de ce plan, de sa portée, de ses détails, de sa force et de sa sagesse. Mais Dieu a besoin de nous pour son exécution; Il veut nous employer; Il veut nous honorer en nous prenant à son service. Cela est exact, mais ce n’est qu’une partie de la vérité: le chemin que Dieu prend pour arriver à un coeur humain passe par un autre coeur humain. Lorsque Dieu voulut réaliser son plan, il dut descendre sur la terre et devenir homme. Il a besoin de l’homme pour accomplir son plan.

 

    Le plus puissant agent mis à notre disposition est la prière. Pour comprendre vraiment cette parole, il faut définir la prière, et pour donner une définition exacte de cette dernière, il faut employer des termes guerriers. Le langage de la paix ne convient pas à la situation. La terre est dans un état de guerre. La bataille est chaude; ainsi donc, il faut des expressions guerrières pour faire comprendre ce qu’est la vraie prière.

 

Du côté de Dieu, la prière est la communication entre Lui et ses alliés sur le territoire ennemi.

 

    Prier, ce n’est pas persuader Dieu; la prière n’influence pas Ses desseins; elle ne consiste pas non plus à Le gagner de notre côté. Notre Père désire plus ardemment que nous ce qu’à bon droit nous brûlons d’obtenir. Le mal, le péché, la souffrance qui nous peinent le peinent bien plus encore; Il est mieux renseigné; Il est plus sensible aux souffrances et au mal que le plus sensible d’entre nous. Tout mouvement de compassion qui nous pousse à prier, vient de Lui. C’est Lui qui prend l’initiative de chaque prière. Il l’inspire.

 

    En effet, toute prière se meut dans un cercle. Elle commence dans le coeur de Dieu, puis descend sur la terre dans un coeur humain, atteignant ainsi notre globe qui est le champ de bataille de la prière, et remonte à Dieu, son point de départ, après avoir accompli sa tâche ici-bas.

 

    2. Trois formes de prière.

 

    Nous donnons habituellement le nom de prière à tout entretien avec Dieu. Il faut pourtant se souvenir que ces entretiens revêtent différentes formes.

 

    La première forme est la communion. Elle consiste simplement à vivre en parfait accord avec Dieu. Cet accord n’existe que si nous sommes purifiés de nos péchés dans le sang de la Croix. Il faut donc que nous venions à Dieu par Jésus-Christ. Point n’est besoin d’avoir un sujet spécial, une demande particulière; il suffit de jouir de Sa présence, de L’aimer, de penser à Lui; il suffit d’admirer Sa force, Sa beauté, Sa sagesse, Son amour, et de lui parler sans mots, du coeur. La vraie adoration consiste à penser qu’il est digne de recevoir le meilleur de nos vies, le meilleur de nos efforts... et plus encore. Cette communion demande un parfait accord entre Dieu et moi. Elle nécessite une confession de ma part, un pardon de la part de Dieu; c’est la seule condition de ces rapports intimes. Culte et adoration, voilà les caractères de cette première forme de la prière.

 

    La communion est la base de toute prière: c’est la respiration indispensable à la vraie vie chrétienne. Elle ne concerne que Dieu et moi, Dieu et chacun de vous. Son influence est toute subjective: c’est sur moi qu’elle agit.

 

    La seconde forme de la prière est la requête. J’emploie ce mot dans son sens étroit de demande personnelle. La prière ainsi envisagée est une requête précise, adressée à Dieu, au sujet d’une chose qui m’est nécessaire. Notre vie entière dépend complètement de la générosité de Dieu; tout ce dont nous avons besoin vient de Lui. Nos amitiés, notre habileté à gagner de l’argent, notre santé, notre force dans la tentation et dans la tristesse, notre conduite dans les circonstances difficiles ou ordinaires, notre aide, qu’elle soit financière, corporelle, intellectuelle ou spirituelle... tout vient de Dieu et nécessite une union constante avec Lui. Des demandes innombrables, des prières mentales doivent sans cesse monter vers les Cieux; en réponse, il en descendra un torrent de réponses et de secours. La porte qui nous sépare de Dieu doit toujours être ouverte, mais le verrou qu’il faut ouvrir est de notre côté. Du côté de Dieu, la porte est ouverte depuis longtemps; elle est toujours restée ouverte. La vie entière dépend de cet entretien ininterrompu avec notre Dieu, si admirable. Telle est la deuxième forme, le deuxième degré de la prière. Deux personnes seulement sont en jeu: Dieu et l’homme qui prie. Son influence est subjective, sa portée toute personnelle.

 

    La troisième forme de la prière est l’intercession. L’homme qui prie vraiment ne se borne pas à prier pour lui-même; la prière doit s’étendre à d’autres. Le vrai sens du mot intercession implique un effort pour quelqu’un d’autre. Celui qui intercède est là comme un intermédiaire, un ami commun entre Dieu et une de Ses créatures qui n’est pas en communion avec Lui ou qui a besoin d’un secours spécial. L’intercession est le point culminant de la prière, la manifestation extérieure de sa force, son but effectif. La communion et la demande ont pour théâtre le ciel et la terre; l’intercession repose sur l’une et sur l’autre comme sur ses fondations; la communion et la demande fournissent à la vie humaine la puissance divine; l’intercession utilise ce pouvoir en faveur des autres; les deux premières ont un but personnel; la troisième envisage l’humanité; celles-là établissent l’alliance d’un homme avec Dieu; celle-ci fait servir cette alliance à autrui. L’intercession est la plante eh pleine force, mais ses racines puisent leur sève dans les deux autres formes de la prière; c’est elle, enfin, qui aide Dieu à réaliser Son plan d’amour, à ramener à Lui notre planète.

 

    Il sera utile, au cours de ces entretiens, de nous souvenir de cette simple analyse de la prière et de ne pas oublier les deux premières formes, alors que nous parlerons surtout de la troisième, l’intercession.

 

    3. Le point culminant de la prière.

 

    Dieu considère l’homme tout d’abord comme un but, puis, en même temps, comme un point d’où Son Esprit pourra rayonner. Dieu envisage l’homme premièrement pour lui-même; secondement, pour son utilité possible dans la conquête des autres hommes.

 

    La communion et la requête établissent et entretiennent les relations d’un chrétien avec Dieu, préparant ainsi le troisième et suprême degré de la prière: l’intercession. La prière doit débuter par les deux premières formes, mais elle atteint son maximum dans la ‘troisième. La communion et la demande sont nécessairement personnelles, tandis que l’intercession a une portée mondiale. Toute vraie prière désirera donc toujours posséder ces trois éléments. L’union avec Dieu est nécessaire; les besoins continuels de l’homme rendent les demandes incessantes; mais le coeur du vrai fidèle, enflammé du saint zèle du Christ, brûle d’obtenir quelque exaucement pour ses frères.

 

    L’intercession est donc le sommet de la prière.

 

    On parle beaucoup de la valeur subjective et objective de la prière, de son influence sur celui qui prie et de ses effets sur des personnes et des événements tout à fait éloignés de lui.

 

    Les deux premières formes de la prière sont forcément subjectives quant à leurs effets; elles ne se rapportent qu’à la personne qui prie. Tout aussi inévitablement, la prière d’intercession est objective; elle n’existe que pour les autres. Il y a même, dans ce dernier cas, une double influence: mon union avec Dieu, pendant que j’intercède auprès de Lui pour une autre personne, a, sur moi, une influence inévitable. Mais c’est là le petit côté de la question; le but principal est hors de nous.

 

    Dans certains milieux, on en est venu à mettre tout l’accent sur la valeur subjective de la prière et à diminuer ou à nier entièrement la valeur objective. Certains orateurs ou écrivains, dont le succès est grand, s’expriment très librement à ce sujet. Cela prouve qu’ils n’ont pas compris toute la pensée divine sur la puissance de la prière.

 

    En présence de leurs affirmations, il faut rappeler nettement que le point de vue biblique est toujours celui-ci: grâce à la prière, se produisent des faits complètement extérieurs à nous-mêmes et qui, dans l’ordre naturel des choses, ne se seraient pas produits. Jésus n’a pas cessé de l’affirmer. L’idée qu’on se fait tout naturellement d’une prière exaucée, c’est que, par elle, on s’assure un résultat véritable dans le monde actuel.

 

    Mais ce n’est pas là une explication suffisante de la prière, car, dans sa plus simple définition, elle suppose un changement que l’on ne peut obtenir autrement. Au point de vue scripturaire aussi bien qu’au point de vue plus difficile de la philosophie, le but de toute vraie prière est en dehors de celui qui prie. L’influence subjective de la prière prépare son influence objective, qui est la manifestation suprême, dans le monde extérieur, du plan rédempteur du Dieu d’amour.

 

    4. Six faits fondamentaux.

 

    Pour éclairer la question, revenons en arrière et considérons certains faits qui sont à la base de la prière.

 

    Tout dépend du point de vue auquel on se place. Le vrai point de vue est celui qui permet d’envisager tous les points essentiels d’une question. Si on ne s’y place pas, on se fait une idée fausse et on risque de s’égarer. Je n’ai pas l’intention de prouver ici la vérité des affirmations de la Bible, ni d’établir la vraie manière de les interpréter: ce pourrait être le sujet d’un livre entier. Mais l’affirmation de certains principes permet de déblayer le terrain. Je tiens donc à déclarer que je crois à l’exactitude des affirmations de la Bible et j’ajoute que je le fais sans aucune difficulté.

 

    Il y a, dans notre vieille Bible, des faits certains, continuellement affirmés. On les trouve dans l’histoire d’Israël: ils se mêlent à la poésie de ce peuple, et ils sont la base de tous les écrits prophétiques, de la Genèse à la fin des visions de Jean à Patmos.

 

    Peut-être qu’à force de nous être familiers, ils sont sortis de notre mémoire. Aussi, quoiqu’ils soient bien vieux, je les rappelle, comme s’ils étaient nouveaux. En voici six qui s’enchaînent:

 

    1° A l’Eternel, la terre et tout ce qu’elle renferme. {#Ps 24:1} Elle lui appartient par droit de création, il en est le souverain. L’Eternel a présidé au Déluge. {#Ps 24:10}

 

    2° Dieu a donné à l’homme la domination sur la terre; il lui en a confié la royauté, il l’a chargé de la surveiller et d’utiliser ses forces {#Ge 1:26,28 Ps 8:6. Voir les citations de ces passages, à propos de celui qui rétablira cette domination. #1Co 15:27 Eph 1:22 Heb 2:8 Ps 115:16}.

 

    3° L’homme qui avait la domination sur la terre, par faveur divine, transféra son autorité à quelqu’un d’autre; mais son action fut une déception pour lui. Cet acte fut double; car ce fut un acte d’obéissance et un acte de désobéissance. Désobéissance à Dieu; obéissance à un autre, à ce prince qui cherchait à s’emparer de la domination sur toute la terre. La désobéissance de l’homme rompit l’alliance qui l’unissait à Dieu et, du même coup, abolit la souveraineté du Créateur; son obéissance à l’autre prince déplaça la souveraineté au profit de ce dernier et, du même coup, lui donna l’autorité sur le monde.

 

    4° L’autorité, la royauté sur cette terre, accordée à l’homme, n’appartient donc plus à Dieu, puisqu’il l’a conférée à Sa créature; mais elle n’appartient plus à l’homme puisqu’il l’a donnée à quelqu’un d’autre. Elle est échue à ce prince magnifique, à qui son caractère ondoyant a mérité le nom de Satan, l’ennemi, le haïsseur. Jésus, à maintes reprises, parle du «prince de ce monde», entendant celui qui y règne actuellement. {#Jn 12:31: 14:30 16:11} Jean, dans ses visions, parle d’un temps à venir où «le Royaume du monde sera remis à notre Seigneur et à son Christ». {#Ap 11:15} De ces assertions nous pouvons déduire nettement que ce royaume n’est plus à Jésus. L’autorité sur la terre, qui avait été accordée à l’homme, est maintenant l’apanage de Satan.

 

    5° Dieu est impatient de rendre à la terre son premier Maître; Il le désire pour lui-même, pour l’homme et pour le monde. Nous ne connaissons pas l’univers tel qu’il est sorti des mains du Créateur. Maintenant encore Sa création est d’une beauté extraordinaire—examinez les étoiles, les végétaux, les eaux, la coloration et les nuances exquises de toutes choses, la combinaison de ces mille teintes—oui, notre terre est infiniment belle. Toutefois, ce n’est pas le monde tel qu’il fut, ni tel qu’il sera un jour à venir. Sous son maître actuel, il a été tristement mutilé, tristement changé, si changé même que les premiers hommes ne reconnaîtraient probablement plus les lieux de leur premier séjour.

 

    Dieu, avons-nous dit, est impatient de ramener notre vieux monde à son premier Maître. Pour cela, il lui faut un homme qui soit le dépositaire fidèle des traditions anciennes et grâce auquel il puisse replacer la terre sous son premier suzerain. La terre fut donnée à l’homme; les hommes en firent fi; il faut maintenant que ce soit l’homme qui lui rende sa condition première.

 

    Un Homme vint, et puisque Jésus représentait l’humanité parfaite et complète, nous écrivons ce mot Homme avec une majuscule, parce qu’il est l’Homme supérieur à tous les autres. Cet Homme, plus vraiment homme que tous les autres, fut l’initiateur d’un mouvement pour ramener le monde à son premier maître.

 

    Voici enfin le sixième fait: ces deux hommes, l’Homme de Dieu et le prétendant, eurent une lutte, la plus terrible qui fut jamais. Elle commença au berceau menacé par Hérode, pour finir le matin du Calvaire et les deux jours qui suivirent. Pendant trente-trois ans, la lutte se poursuivit avec une ardeur et une intensité inconnue jusqu’alors, et, depuis Satan, redoubla d’effort pendant les années de Nazareth, puis dans le désert, puis à Gethsémané, et enfin au Calvaire. Le dernier jour, à trois heures, le méchant crut qu’il l’avait emporté. Le camp du prince de ce monde tressaillit alors d’allégresse, pensant avoir la victoire, puisque l’Homme de Dieu gisait dans le tombeau, derrière les portes de la mort, sous l’autorité immédiate du maître de la mort. Mais le troisième matin vint et les barreaux de la mort furent brisés comme des fils de coton. Jésus, vainqueur, se dressa, car il n’était pas possible qu’Il fût retenu par le prince de la mort; et Satan connut alors qu’il était battu. Jésus, l’Homme de Dieu, le loyal vassal du Roi, avait remporté la victoire.

 

    Remarquons pourtant avec soin quatre faits au sujet de Satan:

 

    1° Il refuse de convenir de sa défaite.

 

    2° Il refuse de rendre son territoire tant qu’il n’y est pas forcé; il ne cède que ce qu’il faut et quand il le faut.

 

    3° L’homme seconde ses ambitions; il admet son autorité. Aujourd’hui, comme de tout temps, la majorité des habitants de la terre admet cette autorité. C’est donc grâce au consentement des hommes que Satan la possède. (Satan, en effet, ne peut pénétrer dans le coeur des hommes sans leur consentement, et Dieu, qui le pourrait, ne le veut pas).

 

    4° Satan espère rendre éternellement durable son pouvoir sur la terre.

 

    5. Le plan grandiose du Vainqueur.

 

    Notons maintenant avec recueillement l’action sans précédent, l’action inimitée du prince victorieux.

 

    Il a laissé le conflit ouvert; il a laissé le chef vaincu sur le champ de bataille, car il veut vaincre non seulement le chef, mais encore toute la race prodigue et la ramener au foyer paternel. La grande bataille rangée est encore à venir; ou plutôt une bataille, car la plus grande a déjà été livrée. Jésus marche au prochain combat en vainqueur et Satan engagera sa dernière bataille à l’ombre et dans la honte d’une défaite. Apparemment, le diable s’efforce de trouver un Jésus; car, de même que l’Homme de Dieu fut envoyé du ciel pour ramener le monde au bien, de même, l’homme choisi par Satan sera une créature qui luttera pour lui, comme Jésus lutta pour Dieu; ce sera un homme qui personnifiera Satan comme Jésus fut la personnification, la parfaite image de Dieu; et cet homme, enfin, il le choisira parmi la race humaine, à qui la domination de la terre avait été confiée. Lorsqu’il y aura réussi, il engagera la lutte suprême, bataille perdue d’avance.

 

    Voici maintenant ce qu’est la prière: un homme, un membre de la race qui a reçu la terre en dépôt et l’a livrée à Satan; un homme vivant sur la terre, sur notre pauvre vieille terre pécheresse, maudite et âprement disputée; cet homme restant sur la terre, mais se tenant en communion dans toute sa vie avec le Christ Vainqueur et n’ayant rien de commun avec l’usurpateur, se dresse et réclame que Satan cède, pas à pas, vie après vie, devant la victoire de Jésus. Satan sait que Jésus est victorieux et il le redoute. Devant l’approche du Vainqueur il cède, et il doit céder aussi lorsque, sur la terre, un homme se présente au nom de Jésus. Il cède à contre-coeur, avec colère, aussi lentement qu’il le peut; il défend opiniâtrement chaque pouce de terrain; mais il doit s’enfuir devant cet homme qui incarne Jésus.

 

    Jésus a dit: «le prince de ce monde vient, mais il n’a rien en moi». {#Jn 14:30} Le jour où, nous confiant humblement dans la grâce de Dieu et nous appuyant sur une résolution énergique et inébranlable, nous dirons, nous aussi, comme cela est possible: «Que le prince de ce monde vienne, il ne trouvera rien en moi, pas de secours, pas même d’accès dans mon coeur», ce jour-là nous mettrons Satan en déroute en proclamant la victoire au nom du Vainqueur.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    PREMIERE PARTIE

 

    SENS ET MISSION DE LA PRIÈRE

 

    CHAPITRE IV

 

    Dieu se laisse-t-il influencer par nos prières?

 

    1. Comment Dieu donne

 

    D’aucuns pourraient objecter à ce qui précède que les affirmations bibliques ne concordent pas avec le point de vue que nous venons d’exposer.

 

    Je répondrai à ces objections par quelques passages familiers et fréquemment cités qui me reviennent à l’esprit:

 

—Invoque-moi et je te répondrai; je t’annoncerai de grandes choses, des choses cachées que tu ne connais Pas.{#Jer 33}

 

—Invoque-moi au jour de ta détresse; je te délivrerai et tu me Glorifieras.{#Ps 50:15}

 

—Demandez et l’on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez et l’on vous Ouvrira.{#Mt 7:7}

 

—Il semble d’après ces passages—et c’est ainsi que les générations ont pensé—que c’est notre demande qui pousse Dieu à agir; persistante, continuelle, elle est nécessaire pour provoquer l’intervention de Dieu. On dit habituellement que Dieu veut par là éprouver notre foi et, qu’avant d’exaucer nos requêtes, il cherche à produire en nous certains changements. Cette explication est, pour une part, indubitablement vraie; mais, sachons-le bien, elle ne l’est qu’en partie; car, si on considère la vérité entière, on se rend compte que cette explication laisse dans l’ombre une partie du sujet.

 

    Nous apprenons à connaître Dieu par analogie et quoique ce procédé ne puisse nous donner une connaissance complète de Ses perfections infinies, c’est ainsi toutefois que nous nous rapprochons le plus de la vérité. Nous arrivons à connaître Dieu d’après ce que nous savons de nous-mêmes.

 

    Observez comment les hommes donnent. Parmi ceux qui soutiennent des oeuvres de bienfaisance, nous pouvons distinguer trois classes de donateurs, et, dans chacune, quelques nuances.

 

    Il y a celui qui donne parce qu’il est influencé par les autres. Si un homme habile ou un comité lui adressent un appel, lui présentant adroitement leur cause, utilisant habilement son caractère, sa position, son égoïsme, lui montrant la possibilité d’un gain, lui disant ce que donnent des hommes dans la société desquels il aime à être classé, et ainsi de suite touchant à tout ce qui peut l’intéresser; s’ils persistent dans leurs demandes, il finira par donner. Il y mettra peu d’empressement, plus ou moins de bonne grâce, mais il donnera.

 

    Il y a une deuxième classe: celle de l’homme bienveillant et généreux, désireux de donner et d’être ainsi utile à ses concitoyens. Il prête une oreille attentive à l’exposé qui lui est fait et n’attend, avant de donner, que d’avoir pu se faire une idée de l’importance de l’oeuvre en question et de la somme qu’il doit offrir; ensuite, il donne.

 

    La troisième classe de donateurs est moins nombreuse que les deux précédentes, c’est celle des hommes qui prennent l’initiative de leurs dons. Tel, par exemple, regarde autour de lui, fait des enquêtes, médite sur les besoins si nombreux de ses concitoyens. Il décide de donner là où son argent peut être le plus utile et, une fois qu’il a fixé son choix, il offre, lui-même, de donner. Sa générosité pourrait, il est vrai, être exploitée par des gens qui convoitent son argent pour d’autres oeuvres que celles auxquelles il destine ses dons. Pour obvier à ce danger, il pose certaines conditions qu’il faudra observer et dont le but est d’établir des relations de sympathie entre lui et ceux qu’il voudrait aider.

 

    L’un désire ardemment que l’histoire du Christ soit connue du peuple innombrable de la Chine. Il donnera cinq millions et chargera la Mission dans l’intérieur de la Chine d’en surveiller l’emploi, et cela d’une manière qui satisfasse à ses désirs d’évangélisation.

 

    Un autre confiera à l’Union Chrétienne de Jeunes Gens de la ville qu’il habite une forte somme qui sera dépensée selon certaines conditions. Sa pensée n’est pas de fonder une organisation spéciale, mais d’en faire bénéficier une foule de jeunes gens de sa ville. Cet homme a appris à connaître cette association et il en devient ainsi un ferme soutien.

 

    Un autre a le sentiment que si le peuple pouvait avoir de bonnes lectures, il en tirerait dans la vie un énorme avantage; et le voilà qui offre spontanément une fortune pour fonder dans la ville une foule de bibliothèques. Grâce à ce don splendide, des milliers de gens, qui aspirent à augmenter leurs connaissances, entrent en contact avec le donateur.

 

    Dans tous ces cas, la pensée du généreux bienfaiteur est d’obtenir certains résultats auprès de personnes qui, pour une raison ou pour une autre, lui sont sympathiques.

 

    Il est difficile d’assimiler les actions de Dieu aux nôtres; toutefois, de ces trois manières de donner, il n’y en a qu’une, une seule, qui puisse nous indiquer comment notre Père donne.

 

    Quoique mes paroles puissent être taxées de superficielles, je suis de plus en plus porté à croire que la plupart d’entre nous croient, sans y réfléchir davantage, que Dieu exauce nos prières à la façon du premier donateur. D’autres l’assimilent au second. Il n’en est pourtant rien; ni l’une ni l’autre manière ne se rapproche de celle de Dieu; la troisième seule évoque le Dieu d’amour qui écoute et qui donne.

 

    Notre Père désire ardemment reconquérir Son monde prodigue et chacun de Ses enfants; il Lui tarde de voir abolis les effets du péché et de contempler une humanité transformée. Pour atteindre ce résultat, Il prend l’initiative. Mais tout ce qui est fait pour l’homme doit être nécessairement fait par l’homme, par son consentement libre et joyeux. Les obstacles à ce but ne sont ni innombrables, ni insurmontables; ils sont néanmoins nombreux et importants; le prétendant est fin, rusé et passé maître dans l’art de manier les hommes; les volontés sont faussées, affaiblies; les consciences sont souillées; les esprits sont endormis et les sensibilités désespérément émoussées. Le péché n’a pas seulement souillé la vie; il a faussé le jugement, sapé la volonté, et aveuglé l’oeil intérieur. La tâche de Dieu s’en trouve compliquée, parce que tout changement doit nécessairement intervenir par l’intermédiaire de ces volontés faussées et diminuées.

 

    Mais, si difficile que ce soit, le plan de Dieu est simple; son appel est merveilleusement clair. «Invoque-Moi, dit-il, et Je te répondrai; Je t’annoncerai de grandes choses, des choses cachées que tu ne connais pas.» Lorsqu’un homme L’invoque, cela prouve qu’il a déjà tourné sa face vers Lui. Sa volonté a agi et agi doublement: en l’éloignant du mal et en le rapprochant de Dieu. C’est un simple pas, mais un pas capital.

 

    Cette invocation est le point de contact avec Dieu, le point où Sa volonté et celle de l’homme s’unissent. Celui qui crie au secours est entouré de difficultés et soupire après la délivrance. Dieu, qui lui parle, a vu depuis longtemps ces difficultés et, de tout temps, Il a désiré les écarter. Maintenant l’accord est complet et Dieu, grâce à cette volonté qui s’unit à la Sienne, atteint facilement Son but.

 

    2. Une vieille question

 

    Cela nous amène à cette question si souvent posée: Dieu se laisse-t-il influencer par nos prières? Aucun problème n’a été plus souvent et plus sérieusement discuté. Des incrédules, doublés de savants, ont répondu nettement: «Non». Des chrétiens, des gens instruits, mais possédant une forte foi, ont répondu avec une certitude égale: «Oui».

 

    Fait singulier; ils ont raison les uns et les autres; non pas, il est vrai, qu’ils aient raison dans toutes leurs affirmations, ni dans toutes leurs croyances, ni même dans toutes leurs manières de penser, mais dans leurs conclusions dernières, exprimées par ces mots si brefs: «Non! Oui!»

 

    La prière n’influence pas Dieu.—La prière influence sûrement Dieu. Elle n’influence pas Son but, elle influence Ses actes. Chaque chose pour laquelle on Le prie, chaque chose juste, évidemment, a été déjà l’objet de Ses pensées, mais il ne fait rien sans notre consentement. Son plan a été entravé par notre manque de bonne volonté. Quand nous apprenons à connaître Ses intentions et que nous en faisons un objet de prières, nous Lui donnons par là même l’occasion d’agir.

 

    Il en résulte un double effet, heureux pour l’homme, néfaste pour Satan. Notre simple consentement annule l’opposition du diable; il ouvre les voies à Dieu et enlève les obstacles. La route, dès lors, est libre pour l’exécution du plan prémédité.

 

    La question des lois de la nature, introduite parfois à ce sujet, est affaire purement accessoire. Elles ne sont que les simples moyens d’action dont Dieu se sert en face des forces secondaires; elles ne rentrent pas dans le plan de Dieu qui n’a pour but qu’un résultat moral. Que le soleil reste quelques minutes de plus au-dessus de tel ou tel point de la terre, c’est un simple détail de fort peu d’importance pour le Créateur, Son pouvoir n’en est pas affecté, car tout est entre Ses mains; Son plan non plus n’en est pas modifié, car Il a pour but des résultats bien plus sérieux.

 

    Le péché a plongé la terre dans une situation si critique, que de telles interventions sont parfois nécessaires, pour que le plan de Dieu puisse se réaliser.

 

    Dans les situations critiques, toute règle de conduite, divine ou humaine, est changée. C’est alors qu’on peut juger de la valeur d’un homme.

 

    Si un homme jette à terre le fardeau qu’il porte et se précipite au milieu de la rue; si, sans motif apparent, il saisit convulsivement quelque chose sur le sol, nous concluons immédiatement qu’il est fou. Mais s’il accomplit le même acte pour se précipiter au secours d’un petit enfant qui trottine presque sous les sabots des chevaux ou sous un tramway électrique, personne ne pensera à le critiquer; on admirera au contraire, son courage, sa décision, et on attendra avec anxiété le résultat de son intervention.

 

    Les situations imprévues obligent à une initiative particulière; quand elles se produisent, elles mettent notre force à l’épreuve; elles justifient nos actes et elles expliquent d’une manière satisfaisante ce que rien d’autre ne pourrait expliquer.

 

    Le péché a plongé le monde dans une situation critique. Mis en présence de ce fait terrible, serons-nous des hommes de prière, des hommes capables des plus grands efforts que l’on puisse demander à des créatures mortelles? En face de ce fait inouï, commencerons-nous de comprendre l’intervention de Dieu dans l’histoire et dans nos vies? Le plus grand événement qui eut lieu sur la terre, la croix, fut, lui aussi, un événement imprévu sortant des lois de l’histoire.

 

    Le fait que la prière ne produit aucun changement dans la pensée et dans le but de Dieu révèle d’une manière touchante son amour merveilleux.

 

    Supposons que je désire vivement quelque chose et que cette chose me soit absolument nécessaire. Je vais à Dieu et je la Lui demande. Supposons aussi qu’il hésite à m’exaucer, qu’il n’ait pas le désir de m’accorder l’objet de ma demande, qu’il hésite vraiment. J’insiste, je plaide, je persiste dans mes supplications, et Dieu, peu à peu, est frappé de mon sérieux; Il voit que j’ai besoin de cette chose et, dans sa bonté, Il m’accorde ce que je demande. N’est-il pas un Dieu d’amour d’écouter ainsi mon appel? Assurément. N’avons-nous pas vu souvent de telles scènes se passer entre l’enfant et son père? L’enfant pense en lui-même: «Comme mon père m’aime! Il m’a donné ce que je lui ai demandé».

 

    Mais supposons que Dieu pense sans cesse à moi. Dans son coeur, Il forme des plans d’amour pour moi, Il a le vif désir de me donner une grande part de ce qu’il possède. Cependant, dans Sa sagesse, Il ne me la donne pas, parce que je ne connais pas mes propres besoins. S’il me donnait ce qu’il a décidé de m’accorder avant que j’en aie compris la valeur et senti le besoin, je pourrais en abuser. Mais, dès que j’apprends à connaître mes besoins et la valeur des grâces divines, Dieu se réjouit de cet heureux changement en moi et Il s’empresse de répondre à mes prières.

 

    Dites-moi, un tel Dieu n’est-il pas plus digne d’adoration que le premier? Jésus a dit: «Votre Père connaît vos besoins avant que vous les formuliez».

 

    Dieu est un Père. Il a pour le monde un amour paternel, on pourrait même dire un amour maternel. Il sait tout ce dont nous avons besoin, et il a décidé d’avance de nous le donner. Pour moi, la grande question, quand je demande un exaucement personnel, est celle-ci: Est-ce que je connais ce qu’il sait me manquer? Est-ce que je pense à ce qu’il estime m’être nécessaire? Souvenez-vous aussi que Dieu est plus consacré à Son plan d’amour que le plus sage, le plus aimant des pères que nous connaissions. Une mère pense aux besoins de son enfant, à la nourriture, aux petits plaisirs, au luxe même. Ainsi fait Dieu à notre égard, mais Il est plus aimant et plus sage que le meilleur d’entre nous.

 

    J’ai souvent pensé que si Dieu venait à me dire: «Je désire te donner quelque chose comme preuve spéciale de Mon amour, parce que je t’aime, que désires-tu avoir?» je lui répondrais: «Mon Dieu, choisis. Je choisis ce que tu choisiras».

 

    Il pense à moi; Il sait à quoi je pense; Il connaît mes plus grands désirs et Son amour est si grand, qu’il choisirait quelque chose de plus beau que ce que j’aurais souhaité. Tel est notre Dieu. La prière ne change pas, ne peut pas changer un Dieu si bon. Pour toute chose juste et bonne nous pouvons recourir à Lui, car Il a déjà décidé de nous l’accorder; mais la prière ne modifie pas la volonté de Dieu; Il ne peut donner contre notre volonté, et notre consentement, exprimé par notre demande, Lui fournit seulement l’occasion de faire ce qu’il avait déjà décidé.

 

    3. La plus belle prière

 

    Il y a une prière par excellence, la plus belle que l’on puisse adresser à Dieu; c’est la base de toute vraie prière, l’aliment de toute supplication inspirée par l’Esprit. Jésus lui-même nous la donne; c’est la seule qu’il nous laissa. Elle est courte, mais puissante; quatre mots: «Ta volonté soit faite!»

 

    Recueillons-nous et approfondissons le sens de cette parole; que sa force, son essence, entre dans nos coeurs et les remplisse.

 

    «Ta» volonté; celle de Dieu.

 

    Premièrement, Dieu est sage; il possède toute la force intellectuelle, toute la pénétration, toute la sûreté de jugement que nous puissions concevoir. Deuxièmement, il est fort, avec tout ce que ce mot implique de puissance et de pouvoir irrésistible. Troisièmement, Il est bon, pur, saint, et nous pouvons donner à ces mots toute la force que nous leur attribuons quand nous les appliquons à ceux que nous connaissons intimement. Enfin, il est aimant, ou plutôt, car l’adjectif est insuffisant, Il est amour, il personnifie l’amour. Et sachez que nous ne connaissons pas le sens de ces mots; la meilleure définition que nous en donnions, la meilleure représentation que nous nous en fassions, même dans nos rêves, n’en donne qu’une pâle idée. Nous ne comprenons pas le sens intime de ces mots, car ils signifient infiniment plus que nous ne pouvons le supposer. Leur sens dépasse de mille coudées notre entendement.

 

    Et pourtant, malgré toute Sa perfection, ce Dieu sage, fort, bon et amour est notre Père; nous lui appartenons.

 

    Père tendre, Berger fidèle, Il nous conduit avec amour. Nourris de Sa main paternelle, Nous sommes à Lui pour toujours.

 

    Nous sommes Ses enfants de par la création et par une nouvelle création en Jésus-Christ. Il est notre Père, par Sa propre volonté. Voilà le sens de «Ta»—un Dieu sage, fort, pur, amour, qui nous tient lieu de père et de mère, un Dieu qui est notre Dieu.

 

    «Ta volonté». La volonté de Dieu, ce sont Ses désirs, Ses plans, l’oeuvre dont il souhaite l’achèvement et à laquelle Il prête Sa force pour qu’elle s’achève. La terre est Sa création; les hommes sont Ses enfants. Comme le font des parents prudents et aimants, Dieu s’est, lui aussi, consacré Lui-même à tous, pensant à chaque créature humaine, faisant des plans pour l’humanité entière, pour chaque homme, pour la terre elle-même. Son plan est le plus sage, le plus pur, le plus généreux qui se puisse imaginer, et plus encore. Il s’empare de toute notre vie, de chacun de ses détails. Rien n’échappe à Sa vigilance, car elle est étayée sur l’amour. Qu’est-ce qui peut être aussi vigilant, aussi clairvoyant que l’amour? La haine, son contraire, est ce qui y réussirait le mieux. Ce sont toujours les extrêmes qui se touchent. Toutefois, pour ce qui est de la vigilance, la haine ne peut pas toujours rivaliser avec l’amour. La santé, la force, le foyer, ceux qu’on aime, l’argent, les conseils, la protection, les choses nécessaires à notre vie, Tes attentions auxquelles pense toujours l’amour, les services: tout cela est compris dans la pensée d’amour que Dieu nous consacre.

 

    Telle est Sa volonté, qui se modifie suivant notre obéissance et que les circonstances de la vie transforment à leur tour. La vie est comme un écheveau embrouillé et Dieu, dans Sa patience infinie travaille habilement à le démêler et à tirer le meilleur parti possible de ce fouillis de fils. Ce qui nous semble absolument parfait l’est rarement dans la réalité; ce qui est très bon en soi-même n’est en général pas excellent dans toutes les circonstances et surtout quand des vies humaines sont en jeu.

 

    Dieu a une habileté extraordinaire, une patience illimitée et un amour sans bornes. Il est sans cesse occupé à utiliser chaque circonstance pour en tirer le meilleur résultat possible. Il pourrait souvent faire plus et ce plus, le faire dans un temps beaucoup plus court, si nos volontés étaient plus flexibles. Nous pouvons nous abandonner à Lui, sans arrière-pensée, même dans la nuit où l’on ne peut rien voir. Et cette confiance doit être de la confiance, non une épreuve; là où on se confie, on ne met pas à l’épreuve, car là où on met l’épreuve il n’y a pas de confiance. Si vous priez ainsi, c’est que vous vous confiez en Dieu. Voilà ce qu’il est, ce qu’est Sa volonté et voilà la signification des prières que nous lui offrons.

 

    «Ta volonté soit faite». La volonté d’un homme est l’homme agissant dans les limites de son pouvoir. La volonté de Dieu, pour l’homme, est Dieu lui-même agissant dans les limites de notre coopération. Le verbe est employé au passif, mais le mot soit contient en lui-même une idée d’action. Il faut l’aide du verbe être pour exprimer le sens passif de tout verbe actif; de même il faut une volonté intensément active pour transformer ce passif en action humaine. La plus grande force se révèle en cédant intelligemment. Dans ce cas, la prière exprime le parfait consentement d’un homme à ce que la volonté de Dieu se fasse en lui et par lui. Un homme ne perd pas sa volonté sans cesser d’être homme. Ici, au contraire, ne sachant se soumettre» il rend sa volonté aussi forte qu’elle peut être, aussi forte qu’un barreau d’acier, aussi ferme que le chêne vigoureux dont la force est si grande qu’il s’incline et plie au vent. Il emploie ensuite toute cette force à devenir passif devant une volonté plus haute, même si le but de cette dernière n’est pas claire à son intelligence limitée.

 

    «Ta volonté soit faite», c’est-à-dire accomplie, réalisée. Le mot faite indique une action parachevée, finie. Sa volonté soit entièrement accomplie, dans tout son ensemble, dans tous ses détails. Ces mots n’expriment pas seulement le sérieux désir d’un coeur qui prie, mais la volonté déterminée que chaque événement de la vie soit soumis à l’action du plan de Dieu. Quand cette prière est faite avec sincérité, elle change complètement le coeur des hommes qui la font et le plan de Dieu se réalise dans leur vie. Ces mots éloignèrent d’un trône puissant le plus grand juriste de la terre, le législateur hébreu, pour l’amener à rechercher l’alliance d’une race d’esclaves. Ces mots firent abandonner au prophète Jérémie, ce géant spirituel, un commandement facile et agréable, pour lui confier une cause méprisée dont lui-même ne devait retirer que de la honte. Ces mots arrachèrent Paul à la place en vue qu’il occupait, pour le conduire chez un peuple où il endura des souffrances inouïes qui se terminèrent par une mort sanglante. Ces mots, enfin, ont fait renoncer Jésus, le Fils de Dieu, à un royaume pour Le conduire à la croix.

 

    Dans chaque génération, le prestige de ces quatre mots a transformé des vies et leurs multiples ambitions. «Ta volonté soit faite», voilà la prière par excellence qui a été l’instrument de Dieu dans toutes Ses grandes actions parmi les hommes.

 

    Cette volonté est faite partout, dans la totalité des mondes créés par Dieu; il existe une seule exception: notre terre et la partie du monde spirituel qui lui est alliée. Partout ailleurs, c’est l’harmonie complète avec la volonté du Père. Sur notre terre seule se fait entendre la note discordante de la résistance.

 

    A cette prière se rattachent deux clauses qui lui donnent son caractère particulier et l’expliquent; elles ont été ajoutées pour en rendre le contenu plus clair. La première de ces clauses donne l’étendue de Sa volonté; la deuxième montre l’opposition faite à cette volonté, ses conséquences pour nos propres vies, pour la race et pour la terre.

 

    Voici la première clause: «Ton règne vienne». Dans chacune de ces courtes sentences: «Ta volonté soit faite; Ton règne vienne», le mot sur lequel tombe l’accent est Ton. Ce mot marque ici un contraste absolu. Il y a maintenant sur la terre un autre royaume; il y a aussi une autre volonté. Cet autre royaume doit disparaître pour que le règne de Dieu puisse venir.

 

    Les deux royaumes en question sont opposés en tout; ils sont rivaux; ils se disputent la même suzeraineté, le même territoire; ils ne peuvent coexister. Charles Il et Cromwell ne pouvaient vivre ensemble à Londres.

 

    «Ton règne vienne» sous-entend nécessairement cette autre demande: Que l’autre royaume disparaisse». «Ton règne vienne» signifie aussi: «Ton roi vienne», car, dans la nature des choses, il ne peut y avoir de royaume sans roi. Par la même déduction, ces mots signifient aussi: «Que l’autre prince parte», celui qui prétend être le véritable héritier du trône. «Ta volonté soit faite», c’est encore, pour la même raison: «Que l’autre volonté soit annihilée».

 

    La deuxième clause contenue dans notre prière et ajoutée pour manifester la force de l’action divine est celle-ci: «Délivre-nous du mal». Ces deux sentences: «Ta volonté soit faite» et «Délivre-nous du mal» sont unies par un lien tout naturel. Chacune suppose l’autre. L’action complète de Dieu dans nos coeurs nécessite l’émancipation de toute influence mauvaise, soit directe, soit indirecte, soit encore héréditaire. Etre délivré du mal signifie que toute pensée et tout plan de Dieu à notre égard doivent être entièrement accomplis.

 

    Il y a, dans le monde, deux grandes forces à l’oeuvre, deux forces qui se heurtent sans cesse et que nous retrouvons dans le développement de l’histoire et de nos vies. Chez beaucoup d’entre nous, chez nous tous même, quoique a des degrés très différents, ces deux volontés se combattent sans cesse. L’homme est le vrai champ de bataille; la lutte la plus terrible se passe dans sa volonté. Dieu ne veut pas accomplir Sa volonté chez un homme sans que ce dernier y consente; Satan, lui, ne le peut pas. Le point de départ de la lutte contre la volonté de Dieu est l’influence du Diable, et, d’un autre côté, ce qui traverse effectivement les plans de Satan, c’est un homme entièrement consacré à faire ce que Dieu veut.

 

    La prière par excellence commence donc par parcourir tout le champ de bataille; elle eh atteint ensuite le centre pour finalement s’attaquer à l’Ennemi. Cette prière, la voici: «Ton règne vienne! Ta volonté soit faite! Délivre-nous du mal!» Toute prière véridique que nous offrons au Maître dérive de ces paroles si simples et si compréhensives. Et cette supplication peut être adressée, est de fait adressée à Dieu sous mille formes, avec une infinité de détails. Elle est la prière par excellence, parce qu’elle est une prière universelle; elle comprend toutes les autres demandes, car la volonté de Dieu embrasse tout ce qui est l’objet d’une véritable prière. Elle est la prière par excellence, à cause de son intensité; elle frappe au coeur l’Ennemi de Dieu.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    DEUXIEME PARTIE

 

    OBSTACLES A LA PRIÈRE

 

    CHAPITRE PREMIER

 

    Pourquoi ne sommes-nous pas exaucés?

 

    1. Rupture avec Dieu

 

    Dieu répond à la prière. La prière, c’est en somme Dieu et l’homme s’alliant en vue d’un but élevé: l’établissement du règne de Dieu ici-bas. C’est là le but de la prière.

 

    Notre demande et notre attente, l’action de Dieu qui répond nous permettent d’obtenir des résultats qu’il serait impossible d’avoir autrement. La prière transforme tout.

 

    Pourtant beaucoup de prières demeurent sans réponse ou, pour parler plus exactement, beaucoup de prières demeurent sans résultat. Il serait même juste de dire que des milliers de supplications montent au Ciel pour en redescendre sans effet. Le fait est certain; convenons-en franchement et simplement. Plusieurs personnes disent, visant le résultat: «La prière n’est pas ce que vous dites; nous avons prié, mais en vain; rien n’a été changé».

 

    Vous entendrez cette affirmation un peu partout et un peu dans toutes les langues. Des érudits, au style pondéré, des gens irréfléchis, qui effleurent à peine le sujet, bref, des gens de toute sorte se trouvent unis par cette affirmation. Et ils ont raison, parfaitement raison. Malheureusement, ils ne disent pas tout, et ce qu’ils omettent est de nature à changer complètement la conclusion. Ne dire qu’une partie de la vérité, c’est mentir, et de la pire manière.

 

    Le plan de Dieu au sujet de la prière, comme beaucoup d’autres plans, a été fortement modifié; souvent même il fut brisé. Aussi celui qui désire marcher avec Dieu et acquérir autant de puissance que possible doit tout d’abord découvrir ce qui fait obstacle à l’action de la prière.

 

    Il y a trois sortes d’obstacles. Premièrement, nous trouvons en nous une catégorie de sentiments qui coupent toute relation avec Dieu, Source de toute transformation. Puis, il y a en nous certaines choses qui retardent ou diminuent les résultats, contrevenant au complet développement du plan d’action de la prière. Enfin, il y a un grand obstacle extérieur avec lequel il faut compter.

 

    Nous parlerons d’abord de la première catégorie d’obstacles, à savoir ceux qui interceptent tout rapport entre Dieu et Son allié humain.

 

    Ici encore nous rencontrons une triple division, car la Bible mentionne en toutes lettres trois choses qui détruisent l’effet de la prière, La première nous est bien familière, car, hélas! des choses répugnantes finissent par nous devenir si familières que nous n’éprouvons plus de répulsion à leur vue. Le péché, voilà une des principales entraves à la prière. Dans les premiers chapitres d’Esaïe, Dieu dit lui-même: «Quand vous étendez vos mains—indiquant par là comment le peuple priait, debout, les mains tendues—je détourne de vous mes yeux; quand vous multipliez les prières, je n’écoute pas». {#Esa 1:15} Pourquoi? Quel empêchement y a-t-il? Ces mains tendues sont souillées. Ils tendent vers Dieu des mains souillées par le péché; et Lui doit assister à ce spectacle qui Lui répugne. Dans le cinquante-neuvième chapitre de ce livre d’Esaïe, {#Esa 59:1-3} Dieu parle encore et dit:

 

    «Non, la main de l’Eternel n’est pas trop courte pour sauver, ni son oreille trop dure pour vous entendre.»

 

    Il n’y a donc pas le moindre désordre de Son côté; Dieu est parfait.

 

    «Mais—prêtez maintenant toute votre attention—vos iniquités... vos péchés... vos mains... vos doigts... vos lèvres... votre langue... la vase du péché s’infiltre partout.»

 

    Voyons aussi le Psaume soixante-six: {#Ps 66:18} «Si j’avais conçu l’iniquité dans mon coeur, le Seigneur ne m’aurait pas exaucé.» Combien plus grave encore, si le péché conçu dans le coeur devient par les mains une puissance agissante! Une fois pour toutes, disons clairement, sans réticences: «Le péché est un obstacle à la prière». Cela n’a rien de surprenant; c’est le contraire qui le serait. La prière nous met en relation avec Dieu; le péché rompt toute relation avec Lui.

 

    Supposez que mon appartement soit relié par un fil direct avec ma maison de Cleveland et que quelqu’un détende le fil et lui fasse toucher le sol sur une longue étendue; pourrai-je télégraphier par ce fil? Un enfant même sait que cela me serait impossible. Supposez aussi que quelqu’un coupe le fil; les deux bouts sont séparés; il n’y a pas un kilomètre, que dis-je? peut-être pas un mètre de distance; mais cela suffit: les deux fils sont nettement séparés. Réussirai-je à télégraphier par ce fil? Assurément non. Et pourtant, je pourrais être assis dans ma chambre et télégraphier une heure durant, complètement absorbé; je pourrais expédier le plus beau et le plus persuasif des discours. A quoi bon? Le fil est coupé. Tout mon beau plaidoyer s’en va dans les airs ou dans la terre. De même, le péché coupe le fil et le message disparaît dans le sol.

 

    «Parfaitement, me dira-t-on; mais, par cette affirmation, vous nous coupez à nous tous toute communication. Chacun de nous n’a-t-il pas sur la conscience quelque péché, petit ou grand, contre lequel il doit lutter et qu’il doit surmonter sans cesse?» Il est certainement exact que plus un homme se sent près de Dieu, plus il est conscient de ses tendances pécheresses, même s’il remporte continuellement la victoire. Voici simplement ce que veut dire l’Ecriture: «Si je conserve dans ma vie un interdit, si je n’obéis pas à l’ordre du Maître, je commets un péché. Mon action peut être mauvaise en elle-même, comme elle peut ne pas l’être; qui sait? elle peut être juste aux yeux d’un autre. Qu’importe! si la voix intérieure, fidèle et sereine, a parlé, si je sais ce que le Maître désire et si je n’obéis pas, j’ai péché. Alors il est inutile de prier, c’est une pure perte de temps; dans cette situation, la prière ne peut que provoquer des déceptions. En effet, je me dirai: «Je ne suis pas aussi bon que celui-ci ou celui-là; toutefois, je ne suis pas tellement mauvais, puisque je prie.» En réalité, parce que j’ai rompu avec Dieu, ma prière—ou plutôt les mots que je dis sous forme de prière—n’a absolument aucune valeur.»

 

    Vous voyez que le péché est une insulte faite à Dieu. Il peut être poli, civilisé; il est capable d’atteindre un haut degré de finesse ou il peut être tout à fait vulgaire. Un homme se soucie-t-il de la nature du gourdin qui le frappe? Comment, Dieu et moi, pouvons-nous causer ensemble si j’ai péché et si, persévérant dans cet état, je n’ai pas imploré Son pardon? Et si nous ne pouvons causer avec Dieu quand nous demeurons dans le péché, nous ne pourrons naturellement travailler ensemble. Or, la prière est un travail fait de concert avec Dieu. Prier, c’est hâter l’exécution du plan que Dieu a fait pour notre monde. Et nous, qui savons cela, n’arracherons-nous pas de nos coeurs ce qui est mal? N’y mettrons-nous pas à la place ce que le Maître désire? Ne le ferons-nous pas au nom de Jésus? Au nom des hommes même? Au nom de ces pauvres hommes trompés qui sont tenus loin de Dieu, parce qu’il ne peut les atteindre par notre moyen? Ne nous humilierons-nous pas et ne demanderons-nous pas pardon pour notre péché, notre entêtement mesquin qui a contrarié le plan d’amour du Maître? Pendant que nous implorons notre pardon, il y a, là-bas, des vies faussées, arrêtées dans leur développement—pis peut-être—uniquement à cause de l’obstacle qu’il y a en nous; et ces vies, tandis que nous sortons de cette assemblée, restent plongées dans ce triste état.

 

    Puisse cette pensée, à l’avenir, nous rendre particulièrement attentifs à nos actes!

 

    2. Le péché, point d’appui donné à Satan

 

    La Bible parle d’un second obstacle à l’exaucement de la prière. Il en est question dans l’épître de Jacques: {#Jas 4:2-3} «Vous ne possédez pas, parce que vous ne demandez pas». Voilà qui explique mainte vie desséchée, mainte Eglise endormie et plus d’un problème insoluble. Nous n’offrons pas au Créateur l’occasion d’intervenir. L’apôtre continue et dit: «Vous demandez et vous ne recevez pas». Ah! nous y voilà! Cette absence de réponse à nos prières est évidemment une vieille question. Mais pourquoi ne recevez-vous pas? «Parce que vous demandez mal, parce que vous demandez dans le but de satisfaire vos passions» Ce qui veut dire que notre prière est égoïste, que nous réclamons ce que nous désirons pour notre propre usage.

 

    Voici une mère qui prie pour son fils, presque un jeune homme déjà; ce n’est pas un chrétien, c’est toutefois un brave garçon. Elle se dit: Je désire que mon fils me fasse honneur; il porte mon nom; mon sang coule dans ses veines. Je souhaite qu’il soit. un homme distingué, qu’il honore sa famille. Certainement il sera tout cela s’il est un vrai chrétien. Je désire donc qu’il devienne chrétien. C’est ainsi qu’elle prie sans cesse, avec ferveur. Dieu pourrait toucher le coeur de son garçon et dire: «J’ai besoin de toi aux Indes pour m’aider à regagner mon territoire». Mais elle, la mère, ne pensait pas à cela. Son fils, là-bas, si loin, aux Indes! Oh! non, pas cela! C’est par égoïsme qu’elle a prié. Sa prière est un ruisseau qui se déverse dans une mer morte. Elle ne pensait pas à Dieu, à Son oeuvre de salut pour notre pauvre monde abusé par le péché. La prière de cette femme est en elle-même, et, étant donné son objet, tout à fait naturelle, et Dieu a exaucé déjà un nombre incalculable de demandes semblables. Mais, prenons-y garde, le motif égoïste, l’égoïsme qui l’anime, devient un marchepied pour Satan, et ainsi le but de la prière se trouve déplacé.

 

    Voici maintenant une autre femme priant pour que son mari devienne chrétien. Sa pensée est celle-ci: «Je désire qu’il se convertisse; cela serait si gentil; vraiment, il n’y aurait rien de plus beau; il viendrait à l’église avec moi et s’assiérait à notre banc; ce serait parfait». Elle pense probablement encore qu’il né jurerait plus, qu’il ne boirait plus et serait plus aimable à la maison. Elle ajoute peut-être: «Il prierait avant les repas! Nous aurions le culte de famille». Il se pourrait bien que l’exaucement de sa prière ne soit pas immédiat. Voici ce que j’en pense moi-même: «Si les pensées de cette femme ne dépassent pas un certain cercle d’idées, vous auriez raison de la qualifier d’égoïste. Elle pense à elle-même et non pas à Dieu qui est affligé de voir son mari dans un état de rébellion contre Ses lois. Qui sait, Dieu pourrait toucher le coeur de son mari et lui dire: «J’ai besoin de toi pour la conquête du monde». Ce changement de vie amènerait probablement une diminution de ses revenus, changerait sa position sociale. Oh! non, elle n’avait pas songé à ces transformations, mais uniquement à son propre avantage».

 

    Voici maintenant un pasteur qui demande à Dieu le réveil de son Eglise. Ses pensées intimes, à peine connues de lui-même, sont peut-être celles-ci; «Puissions-nous avoir un puissant réveil dans notre Eglise; puisse le nombre de ses membres s’accroître, la fréquentation des cultes augmenter; nos finances seront améliorées; mon propre traitement sera élevé et mon Eglise fera parler d’elle; qui sait, je pourrai être promu à un poste plus important. Ah! si seulement nous avions un réveil!»

 

    Aucun pasteur, de nos jours, ne tiendrait un tel langage, ni n’entretiendrait de propos délibéré une telle pensée. Mais vous savez quelle ruse se cache dans le tréfonds de nos coeurs. S’il arrive donc que nous ayons de telles pensées à la base de nos prières, le motif en est évidemment égoïste. C’est ainsi que Satan en a changé le nom et le caractère. Notez, je vous prie, que ce n’est pas par répugnance à accomplir une chose désirable que Dieu n’exauce pas de telles prières. Au contraire, jamais Il ne perd l’occasion de travailler pour Son peuple, pourvu qu’il ait quelque chance de réussite; Il lui arrive même d’employer des hommes dont les conceptions sont fausses et les motifs intéressés. La raison de son refus est plus profonde: c’est que l’égoïsme permet à Satan de prendre pied; il lui donne un refuge dans notre coeur. Le diable fait tout son possible pour arrêter nos prières et, quand il ne peut y réussir, il s’efforce, autant que faire se peut, d’en gâter les résultats.

 

    On peut, en toute conscience, prier pour plusieurs motifs tout à fait personnels: pour se maintenir en santé, pour être guéri; on prie pour ceux qu’on aime; on prie quand on a besoin d’argent; en vérité, nous osons prier pour mille choses qui peuvent ne pas être nécessaires, mais seulement désirables, car notre Dieu est un Dieu d’amour dont le désir est que Ses créatures jouissent pleinement de la vie.

 

    La raison pour laquelle nous prions, voilà ce qui détermine le bien-fondé de nos requêtes. Quand le but de la vie d’un homme est le plan de Dieu, toutes ces choses peuvent être demandées librement, selon l’inspiration du Saint-Esprit. Et point n’est besoin de se creuser la tête, de réfléchir sans cesse. Il sait si le but de nos coeurs! correspond à Ses désirs.

 

    3. Le plus court chemin pour aller à Dieu

 

    Un troisième obstacle à la prière est un esprit rancunier. Vous avez pu remarquer que Jésus parle beaucoup de la prière et beaucoup aussi de pardon; mais avez-vous observé combien souvent Il joint ces deux mots: prière et pardon? Je me suis souvent demandé pourquoi; maintenant, cela ne m’étonne guère. L’explication monte de toutes les blessures mal fermées que nous observons de partout. Même lorsqu’on n’en tend pas de plainte, il suffit d’ouvrir les yeux pour voir combien délicat est notre épiderme et vive notre sensibilité, pour apercevoir de tous côtés, largement ouvertes des plaies que personne n’a soignées.

 

    Les nombreuses allusions de Jésus à ce sujet nous montrent combien l’Oriental et l’Occidental, le premier et le vingtième siècle se ressemblent. Prenez l’Evangile de Matthieu, vous y lirez: «Si tu t’approches de l’autel—c’est-à-dire de Dieu par la prière—et que tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et t’en va jusqu’à ce que tu sois réconcilié» (#Mt 5:23-24..

 

    Voici venir un homme avec un agneau; il s’approche avec solennité et respect de l’autel de Dieu. Mais comme il s’avance, subitement surgit dans son esprit l’image d’un homme avec lequel il a eu quelques difficultés. A ce seul souvenir, ses poings se serrent, ses dents grincent. Jésus dit: «Si tel est le cas, laisse là ton agneau». Comment! il faut s’en aller, brusquement? Que vont dire les gens qui se rendent au temple?—«Pose l’agneau et t’en va.—Le plus court chemin pour aller à Dieu n’est pas celui de l’autel, mais celui qui passe devant la maison de ton ennemi.—Premièrement, réconcilie-toi—la réconciliation d’abord, c’est absolument essentiel—ensuite, va et présente ton offrande.»

 

    Dans le chapitre six de saint Matthieu, {#Mt 6:9-15} Dieu nous donne la prière-type que nous appelons communément l’oraison dominicale. Elle renferme sept demandes, dont une, celle du pardon, reçoit un accent tout spécial.

 

    Au chapitre dix-huitième {#Mt 18:19}, nous voyons Jésus s’entretenant seul avec ses disciples sur la prière. Pierre semble se souvenir des remarques faites précédemment sur les relations du pardon et de la prière; il pose cette question: «Mais combien de fois dois-je pardonner à un homme? Sera-ce jusqu’à sept fois?»—Sûrement, Pierre estime qu’il a fait de grands progrès spirituels, puisqu’il peut maintenant penser à pardonner sept fois de suite à son prochain. Le Maître lui répond: «Pierre, tu ne m’as pas compris. Le pardon n’est pas du domaine des mathématiques; il ne s’agit pas de faire à ton prochain tel ou tel crédit. Ce n’est pas sept fois, mais soixante-dix fois sept fois» Et les yeux de l’apôtre s’ouvrent tout grands d’étonnement—«Quatre cent quatre-vingt-dix fois... successivement... à un seul homme!...» Jésus, apparemment, espère par là qu’il se fatiguera de compter et conclura que le pardon est préférable à tout; ce que Jésus veut, c’est que Son disciple arrive à s’imprégner de l’esprit du pardon.

 

    Selon son habitude, Jésus leur raconta une histoire pour illustrer sa pensée: «Un homme devait à son maître une somme énorme, mille talents, c’est-à-dire une somme que, en fait, il ne pouvait pas payer et qui correspond à des millions de notre monnaie. Le débiteur se rendit chez son créancier et lui demanda un délai. «Je n’ai pas les fonds en ce moment, lui dit-il, mais j’ai la ferme intention de payer; je ne veux nullement me dérober à mes obligations; je demande un arrangement et, en temps voulu, je paierai la somme entière.» Le maître alors lui remit complètement sa dette.—Tel est le tableau que Jésus fait de Dieu, et personne ne connaît mieux le Père que le Fils.

 

    -Cet homme sortit alors et trouva un camarade qui lui devait—ceci nous montre que Jésus avait un sens profond du comique—qui lui devait quatre-vingts francs et quelques centimes; aussitôt il le saisit à la gorge et lui dit: «Paie-moi ce que tu me dois». Son débiteur de le supplier instamment et de lui dire: «Je t’en prie, sois accommodant; j’ai la ferme intention de payer; je suis justement à court ces jours-ci, mais je ne veux nullement me dérober à mes obligations; aie un peu de patience». Ces mots sont familiers à celui auxquels ils s’adressent, mais il ne veut pas les entendre et fait jeter son débiteur en prison, ce qui n’était guère le moyen de se faire payer.

 

    Telle est la peinture que Jésus fait de l’homme, et qui, mieux que lui, connaît le coeur de l’homme? Il nous dit, en effet, que le pardon que Dieu nous a accordé est celui d’une faute énorme. Que sont donc les torts des autres à notre égard en comparaison de ce qui nous a été pardonné? Et combien mesquins et petits nous sommes dans nos pensées et nos sentiments!

 

    «Mais, me dira-t-on, vous ne savez pas combien il est dur de pardonner.» Oui, je le sais, je sais’ qu’il y a des choses difficiles à oublier, des cas où l’on ne peut pardonner, de soi-même. Je suis heureux d’ajouter que je sais aussi autre chose; que je sais que, si vous laissez l’Esprit de Jésus remplir votre coeur, Il vous fera aimer des personnes que vous haïssez; et ce ne sera pas une simple attraction suscitée par une similitude de caractères, mais un vrai amour, une vraie sympathie venant du coeur. L’amour de Jésus, quand on lui laisse libre accès, remplit le coeur de pitié pour la personne qui vous a blessé il suscite une compassion tendre et infinie pour cette créature qu’une chute si profonde a rendue capable d’une si méchante action.

 

    Ce dont il faut se souvenir avant tout, ce sur quoi nous devons insister, c’est que nous devons pardonner librement, franchement, généreusement, «exactement comme Dieu»,  si nous voulons être unis à Lui par la prière. La raison en est simple à trouver: le pardon mène à Dieu, la haine à Satan. Si la prière, dans son sens le plus élevé, est une association, le même esprit doit animer les deux associés, Dieu et l’homme; c’est le seul moyen d’obtenir de grands résultats.

 

    Puisque les racines de la rancune plongent dans la haine, Satan a toute liberté d’agir dans le coeur d’un homme qui s’y adonne-La rancune! quelle famille se groupe autour de ce mot, au près et au loin! La jalousie, l’envie, l’amertume, les mots acerbes, le sarcasme aiguisé et acéré comme le dard empoisonné d’une flèche, les regards mauvais, les lèvres amères: quelle triste parenté!

 

    4. Eclaire-moi, ô mon Dieu!

 

    Le péché, l’égoïsme, la rancune, que ces mots sont révélateurs! Plus d’une belle vie passe spirituellement inutile, à cause de ces obstacles; et, par là même, le grand plan d’amour de Dieu est contrecarré; et des âmes sont perdues, à cause du petit nombre d’associés fidèles priant pour le salut du monde.

 

    Adressons au Ciel cette prière: «Eclaire-moi, ô Dieu, connais mon coeur et aide-moi à le connaître; sonde-moi; pénètre mes pensées les plus profondes, mon but, mes ambitions les plus intimes, et aide-moi à les connaître; vois ce qui, en moi, est une source de chagrin pour Toi; puis conduis-moi, conduis-moi loin de cette voie dangereuse, dans Ta voie qui mène à la vie éternelle. {#Ps 139:23-24} Au nom de Jésus et pour l’amour des hommes. Amen!»

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    DEUXIEME PARTIE

 

    OBSTACLES A LA PRIÈRE

 

    CHAPITRE II

 

    Pourquoi l’exaucement tarde-t-il?

 

    1. Comment Dieu s’approche de l’homme

 

    Dieu influence les hommes par les hommes; le chemin de l’esprit vers un coeur humain passe par un autre coeur humain. Nous pouvons dire, avec le respect dû à Dieu, et pourtant en toute vérité, que son plan de salut est entravé par des obstacles venant des hommes. Ces paroles paraissent signifier plus qu’elles ne signifient vraiment. L’idée que nous nous faisons de l’humanité est celle d’une société affaiblie, humiliée, amoindrie; mais quels grands changements peuvent survenir dès que l’Esprit de Dieu règne en Maître.

 

    Dieu a besoin de l’homme pour achever son oeuvre; voilà le fait qui ressort d’une étude sur la prière. La prière est le meilleur agent de Dieu; c’est aussi le meilleur agent de l’homme, car l’intercession consiste à vaincre Satan et à gagner des hommes. Dieu compte sur notre effort, et Il peut compter entièrement sur l’homme qui, fidèlement, pratique la prière.

 

    Les résultats que notre Père souhaite ont été retardés; ils ont été amoindris, parce que beaucoup d’entre nous n’ont pas appris à prier simplement et efficacement. Cela doit être appris. Dieu le sait et facilitera lui-même notre tâche. Nous devons dès lors être consentants, et notre consentement doit être actif; c’est là que gît la difficulté. Une forte volonté, cédant entièrement à la volonté divine, abdiquant ses droits devant des droits plus grands, voilà le plus puissant allié du Créateur pour Son oeuvre de rédemption.

 

    Dieu retarde l’exaucement ou refuse de répondre à nos prières, soit par bonté, soit pour nous donner davantage, soit encore pour atteindre un résultat plus important; mais le fait primordial, c’est que les plans de Dieu sont entravés, entravés parce que nous ne voulons pas apprendre à prier, entravés par notre lenteur—je dirais presque notre stupidité—à apprendre à prier. Que ma prière soit exaucée ou non, cela importe peu, semble-t-il. Je ne nuis guère qu’à moi-même en priant peu ou en priant dans de mauvaises conditions. C’est là une grave erreur, car c’est une chose terrible que, par ma faute, l’exécution du plan de Dieu à l’égard du monde puisse être retardée. L’idée que la prière consiste dans un exaucement personnel est bien petite, bien mesquine, et pourtant bien courante Bien comprise, la prière fait de nous, en réalité, les collaborateurs de Dieu dans son oeuvre mondiale, et le reste vient à côté, comme un détail, d’ailleurs important.

 

    La vraie raison du retard ou de l’échec dans l’exaucement est simplement la différence qu’il y a entre les points de vue divin et humain. Quand nous prions, ou bien nous n’avons pas atteint le degré de sagesse nécessaire, ou bien nous n’avons pas acquis le désintéressement qui nous rend propres à sacrifier une chose bonne à une meilleure, à la meilleure, le désintéressement qui sacrifie un petit désir personnel au salut des foules.

 

    La méthode d’enseignement qu’affectionnait tout particulièrement Jésus était la méthode imagée; c’est par des comparaisons, par des récits, par des images que filtre mémoire est le plus vivement impressionnée. A notre tour, recourons à ce procédé. Il y a, dans la Bible, quatre exemples frappants de prières non exaucées. On pourrait en donner d’autres, mais ces quatre exemples ressortent tout spécialement et contiennent les principaux enseignements dont nous avons besoin. Tous les cas de prières non exaucées qui nous sont familiers se rattachent probablement à l’un de ces types; exceptons-en toutefois les cas où entre en jeu le grand obstacle extérieur que nous étudierons plus tard.

 

    Ces quatre cas sont: la demande de Moïse d’entrer en Canaan, la prière d’Anne demandant un fils, l’écharde de Paul et la prière de Jésus à Gethsémané. Etudions-les tour à tour.

 

    2. Pour le salut d’un peuple

 

    Le premier cas est le refus qu’encourut la demande de Moïse.

 

    Moïse était le guide de son peuple; d’où qu’on le considère, sous quelque angle qu’on l’examine, c’est un des géants de la race humaine. Ses lois sont encore la base de la jurisprudence. Nous voyons, par le récit qu’il nous fait de sa vie, que le secret de son pouvoir comme législateur, comme organisateur d’une nation aux destinées merveilleuses, comme chef et comme homme de erre, nous voyons, dis-je, que le secret de toute sa puissance résidait dans son commerce direct avec Dieu. Il a été et est encore aujourd’hui un type d’homme de prière. Il rapportait tout à Dieu et déclarait que toutes choses: lois, organisation, culte, plans, que tout lui venait de Dieu. Dans des circonstances critiques, quand une catastrophe morale était imminente, il implorait Dieu, et la situation était changée selon sa requête. Ses demandes personnelles lui étaient accordées. C’était avant tout un homme qui traitait avec Dieu directement, en toutes circonstances, simples ou complexes, personnelles ou d’ordre national. Ce que nous savons de lui montre que la prière est la simple et profonde explication de sa carrière étonnante. Il priait et Dieu agissait selon les prières de l’homme qu’il avait choisi. L’histoire de Moïse est la preuve de cette affirmation.

 

    Nous trouvons toutefois dans sa vie une exception, une seule. Le fait que l’exception est unique dans une longue carrière est justement ce qui rend ce cas si frappant. Moïse, à différentes reprises, pria Dieu de lui accorder un certain exaucement, et toujours il lui fut refusé. Dieu pourtant n’est ni capricieux, ni arbitraire; il doit donc y avoir une raison à ce refus. La raison existe en effet, claire et compréhensible.

 

    Voici les faits: Le peuple d’Israël, libéré du joug des Pharaons, était une troupe indisciplinée et avec laquelle il était difficile de vivre toujours d’accord. Les Israélites étaient lents, sensuels, mesquins, ignorants, impulsifs, immodérés, pénibles, énervants. Quelle entreprise que de vouloir faire de ces anciens esclaves une nation, la nation par excellence, dans laquelle se concentraient toute l’ambition profonde et tout l’amour clairvoyant de Dieu; quelle entreprise que de transformer le monde avec un si misérable outil! Comparez-les avec l’Eglise édifiée par les apôtres, ces paysans de Galilée. Quelle victoire! Dieu seul pouvait accomplir de telles choses! Mais quelle patience il fallut pour éduquer ce peuple! Moïse avait appris la patience quand il vivait avec ses brebis dans le désert; Dieu la lui avait enseignée; mais le caractère inconstant de ce troupeau d’anciens esclaves porta cette qualité bien près de la perfection.

 

    Venons-en maintenant au fait qui nous occupe Le peuple d’Israël manque d’eau; la soif l’oppresse, et la soif n’était pas peu de chose au milieu de ces déserts de sable; il y avait là des milliers d’êtres humains, des femmes, des enfants, du bétail, qui en souffraient. Tout cela, pourtant, avait peu d’importance, très peu même, car Dieu était là et l’expédition était Sa chose, Sa préoccupation; cet étrange voyage était Son affaire. De plus, dans leur courte expérience, les fugitifs connaissaient leur Guide suffisamment bien pour oser attendre un secours correspondant à leurs besoins... et plus encore. Ne se souvenaient-ils plus de cette série d’événements étonnants qui eurent lieu, avant la sortie de l’Egypte? Avaient-ils oublié le passage de la Mer Rouge, la nourriture fraîche déposée chaque jour à la porte dé chaque tente, le gibier, les oiseaux exquis—et cela seul eût dû suffire—l’eau, l’eau de source coulant fraîche, abondante et limpide du coeur d’un rocher, Oui, assurément, c’était fort peu de chose que de manquer d’eau quand un Dieu généreux marchait avec Son peuple.

 

    Mais, ils oublièrent. Leurs sens étaient plus aiguisés que leurs mémoires; leurs appétits les guidaient plus que leurs coeurs, et les oignons d’Egypte avaient produit sur eux une impression plus durable que ce Dieu tendre et patient. Ils oublièrent même les eaux limpides jaillissant des rochers. Nous devons être de la même race que ce peuple, car il semble que nous ayons plus d’un trait commun avec lui.

 

    Mais écoutez la suite. Ils commencent à se plaindre. Dieu, patient, ne dit rien, mais pourvoit à leurs besoins. Moïse, lui, n’a pas encore atteint le haut développement auquel l’amèneront des expériences ultérieures. Il remplace Dieu auprès des Israélites. Combien toutefois il Lui ressemble peu! Irrité, il prononce des paroles de colère et frappe le roc. Il était dans le plan de Dieu de le frapper une fois et de parler ensuite avec calme. Combien de fois, nous aussi, n’avons-nous pas frappé le roc dans notre impatience. Les eaux néanmoins jaillirent. Voilà la réponse de Dieu, plein de sollicitude pour ceux qui viennent de Le mépriser et de Lui désobéir.

 

    Et maintenant, tout le peuple, penché vers le ruisseau, se désaltère, tandis que Dieu, là-haut, se tient dans l’ombre, affligé, profondément affligé de la fausse idée que Son peuple s’est faite de Lui, à cause de la colère de Moïse. Les paroles enflammées et le regard irrité de ce dernier ont occasionné dans leurs esprits une blessure morale que des années ne guériront pas. Il faut que quelque chose soit fait en faveur du peuple. Moïse a désobéi à Dieu; Moïse a déshonoré Dieu, et toutefois les eaux ont été accordées, car les Israélites en avaient besoin, mais il fallait qu’ils apprissent la nécessité de l’obéissance, le danger de la désobéissance; il fallait qu’ils l’apprissent de manière à ne jamais l’oublier.

 

    Moïse était un chef. Les chefs peuvent ne pas agir comme de simples mortels; on ne les traite pas non plus de la même manière, car ils dominent le peuple de très haut et leur influence est immense. Aussi Dieu dit à Moïse: «Tu n’entreras pas dans le pays de Canaan; tu conduiras mon peuple jusqu’à la frontière; tu pourras même apercevoir le pays de loin, mais tu n’y entreras pas.»

 

    Punition sévère pour Moïse, mais plus dure encore pour Dieu, dont le coeur est plus tendre que celui de Moïse. Il est hors de doute que ces paroles rigoureuses furent prononcées bien à contre-coeur;  elles furent dites pour le bien de Moïse. Il n’importe, elles furent prononcées nettement, irrévocablement, pour le bien de tous. Moïse désirait ardemment que cette décision pût être changée; plusieurs fois il supplia l’Eternel de revenir sur Ses paroles sévères, car il désirait voir ce pays merveilleux que Dieu avait choisi; il sentait le dard de la punition; la brûlure du fouet de la discipline le faisait cruellement souffrir. Dieu lui répondit: «Ne me parle plus de cela.» Donc, rien à faire; la décision était irrévocable. Elle ne l’eût pas été si Moïse seul avait été en cause, car les actions qui précédèrent sa faute parlaient hautement en sa faveur; mais il s’agissait du salut d’une nation, bien plus, du salut de tout un monde prodigue dont cette nation devait être l’instrument; Dieu ne pouvait revenir en arrière. Ce refus, pour les Hébreux, fut une leçon d’obéissance, une leçon de respect, qu’aucun ordre, aucun miracle, même la mort des Egyptiens dans la Mer Rouge, n’avaient encore obtenue, et, de tente en tente, alors qu’on se réunissait pour le repas du soir, on chuchotait ces paroles: «Moïse a désobéi; il a manqué de respect à Dieu; il n’entrera pas dans le pays de Canaan.» Ces paroles se disaient à l’oreille; elles attristaient les coeurs, et, à mesure qu’elles passaient de bouche en bouche, on voyait sur les visages des signes de frayeur et d’émotion. Bien des femmes et des enfants pleuraient. Ils aimaient tous Moïse, et tous ils l’honoraient. Quelle joie ils auraient eue de le voir franchir avec eux les frontières de la terre promise!

 

    Ces deux mots: obéissance..., désobéissance, restèrent, des années durant, présents à l’esprit du peuple. Longtemps après, il est sûrement arrivé qu’une femme israélite raconta à son enfant, curieux d’entendre une histoire, celle de Moïse, le grand conducteur du peuple d’Israël; elle lui aura décrit son aspect extérieur, ses yeux enfoncés, sa longue barbe, son air majestueux, et, avec tout cela, sa tendresse et la douceur qui accompagnait sa force; elle lui aura sûrement parlé de sa rencontre avec Dieu sur la montagne. L’enfant a écouté tranquillement; puis ses yeux se sont ouverts tout grands en entendant sa mère conclure par ces mots: «Mais il ne put entrer dans la terre promise, car il désobéit à Dieu». Plus d’un père a répété maintes fois à ses garçons l’histoire du grand prophète, et ainsi furent tissés, dans la trame même de la vie nationale, ces mots: obéissance, respectueuse obéissance à Dieu. Quant à Moïse, nous pouvons facilement nous le représenter regardant du haut des cieux sur la terre, heureux de ce que sa demande ait été refusée pour le salut de son peuple.

 

La prière d’un homme ne fut pas exaucée pour qu’une nation apprît l’obéissance.

 

    3. Rejet d’une prière en vue d’une plus grande bénédiction

 

    Etudions maintenant le deuxième cas, l’histoire d’Anne, et traçons tout d’abord quelques lignes générales pour situer le sujet.

 

    Dans le temps qui sépare les deux captivités, celle d’Egypte et celle de Chaldée, le peuple d’Israël passa moralement par deux périodes d’effondrement; par deux fois, l’esprit national subit un triste déclin, jusqu’à ce qu’il s’annihilât dans la vallée de l’Euphrate. Elie fit une suprême tentative qui retarda quelque peu la catastrophe finale. L’histoire d’Anne se rattache par contre à la première de ces tristes périodes, au premier affaiblissement, à la première humiliation.

 

    Depuis longtemps déjà, le grand législateur n’est plus; son successeur, lui aussi, est parti, suivi d’une génération, d’une seconde et de plusieurs encore. Les géants ont fait place à des chefs de force inférieure; mais ces derniers aussi sont partis. Les sommets des montagnes sont devenus des collines, celles-ci ce sont transformées en dunes, puis tout a été nivelé, et maintenant, tout est plat, mortellement plat.

 

    Le peuple d’Israël est sans guide. Il commença par ignorer son vrai Chef, ensuite il l’oublia; sans idéal, il marche, la tête baissée, vers la terre qu’il laboure. Il y a bien, au fond, dissimulé, un bon courant; mais il faudrait un chef pour l’amener à la surface. Pauvre peuple égaré!

 

    Telle était la situation au temps où se passe l’histoire d’Anne. La nation descendait rapidement vers les plus bas échelons de l’échelle morale. A Siloé, l’ancienne forme de culte était maintenue; à quoi bon? Ses prêtres étaient souillés des pires impuretés. Une anarchie lourde et inconsciente prévalait dans le pays. Tout homme faisait ce qui lui semblait bon. Il n’y avait personne qui eût la force de réprimer les abus ou la puissance de faire rougir de honte ceux qui les commettaient. Pas de gouvernement, pas d’esprit dominant; on eût trouvé chez le peuple d’Israël le même état que celui qui régnait à Sodome.

 

    Voilà l’arrière-plan du tableau où se passe l’histoire d’Anne, arrière-plan qu’il importe de connaître si l’on veut comprendre la scène qui s’y déroula.

 

    Dans la partie montagneuse d’Ephraïm vivait un homme au coeur pur et bon; il était fermier, cultivait la terre, récoltait du blé et des fruits. Homme sérieux, sa piété, toutefois, ne dépassait pas celle de son épouse; habitant non loin de Siloé, lieu de culte national, il s’y rendait chaque année avec sa famille; mais la malédiction de Lamech était sur son foyer. Il avait deux femmes dont Anne était la préférée. Aimable et réfléchie, elle était douée d’un esprit profond et sérieux; malheureusement elle eut un désappointement qui s’accrut avec les ans; son plus grand désir n’avait pas été accompli; elle n’avait pas d’enfants.

 

    Quoique le fait ne soit pas mentionné, nous pouvons conclure du récit qu’elle suppliait Dieu ardemment et incessamment; mais, à sa grande surprise, à son grand chagrin, la réponse désirée n’arrivait pas. Sa rivale—quel triste mot pour la femme qui vivait au même foyer!—augmentait son affliction et lui prodiguait les mortifications pour la porter à s’irriter contre l’Eternel. Or, toutes les années et durant toute l’année, il en était ainsi; cette femme méchante et mesquine était son tourment continuel. Quel intérieur agréable! Est-il étonnant, après cela, «que l’âme pleine d’amertume, elle ait pleuré»? Son mari essaie tendrement de la consoler. En vain; son âme est blessée profondément. De nouvelles années passent et, de nouveau, supplications et prières montent au Ciel. Toujours pas de réponse et toujours, autour d’elle, cette atmosphère amère, ces allusions irritantes. «Pourquoi, se dit-elle, pourquoi ne suis-je pas exaucée?»

 

    Que se passait-il? Il est nécessaire de reculer un peu pour obtenir une vision plus large du sujet, car les limites étroites de l’entourage de cette femme, et je dirais presque de son esprit, nous empêchent d’en juger sainement.

 

    Voici ce qu’elle voyait; son plus grand espoir inexaucé, ses années de prière demeurant sans résultat, une querelle incessante dans son propre foyer.

 

    Voici ce qu’elle désirait: un fils. Tel était son horizon et ses pensées ne le dépassaient pas.

 

    Voici ce que Dieu voyait: une nation, la nation dont Il avait fait le centre de son plan rédempteur, la nation qui devait ramener à Lui le monde prodigue. Or, le messager envoyé vers l’enfant prodigue avait été séduit par ce dernier. La nation rédemptrice s’était perdue elle-même; et le projet si longuement et si patiemment nourri, dont la réalisation devait être le salut d’un monde, était menacé d’un échec complet.

 

    Voici ce qu’il désirait: un chef! Mais il n’y en avait pas; pis même, il n’y avait pas d’homme dont on pût faire un chef, aucun homme qui eût en lui l’étoffe d’un général. Pis encore, il n’y avait pas de femmes capables d’élever et de former un homme pour cette haute mission. Tel était le degré de décadence auquel ce peuple était arrivé, le plus bas degré qu’une nation puisse atteindre. Il fallait à Dieu une femme d’élite avant d’avoir l’homme d’élite. Anne avait les qualités dont Il avait besoin: Dieu lui fit l’honneur de la choisir. Mais, avant qu’elle pût être utile, il fallait que son coeur fût changé. Viennent alors ces années d’épreuves, de soucis, qui avaient pour but de discipliner son coeur. Ce temps d’épreuve, les expériences qu’elle en tira, en firent une nouvelle femme dont la vision s’était élargie, l’esprit mûri et les forces développées; une femme dont la ferme volonté savait se plier devant une volonté plus haute et sacrifier le plus grand de ses désirs à l’intérêt mondial; une femme, enfin, qui sut vouloir que son trésor le plus précieux fût avant tout le trésor de son peuple.

 

    Elle passa en prière les mois pendant lesquels elle l’attendait. Et Samuel naquit, enveloppé, dès avant sa naissance, d’une atmosphère de prière et de consécration à la volonté de Dieu. L’influence de la piété maternelle produisit l’homme que Dieu voulait, et ainsi une nation, la nation par excellence, et le plan du salut du monde étaient sauvés. Cet homme était une réponse vivante à la prière. L’histoire touchante du petit garçon du tabernacle de Silo se répandit rapidement à travers la nation; son nom de Samuel—c’est-à-dire Dieu exauce—était une preuve pour le peuple de la présence active de Dieu et du pouvoir de la prière. Samuel, comme enfant, comme homme et comme vieillard, était une preuve visible de l’exaucement de la prière et la reconnaissance de la foi religieuse, que son activité suscita dans le peuple, eut son point de départ dans l’histoire extraordinaire de sa naissance.

 

    Dieu retarda sa réponse pour pouvoir donner davantage. Et le joyeux cantique de louange, qui sortit des lèvres d’Anne, montre la perfection morale que son âme avait atteinte; il montre aussi sa reconnaissance pour ce Dieu qui, patiemment et à dessein, avait retardé sa réponse.

 

    4. L’explication d’une grande épreuve

 

    La troisième grande figure de ce groupe est celle de Paul.

 

    Lorsqu’on parle de l’exaucement de nos prières, une question se pose presque inévitablement: «Comment expliquer l’écharde dans la chair dont parle Paul?» Cette question, des âmes sérieusement embarrassées se la sont posée; elle a été soulevée aussi par des gens heureux de rencontrer cette difficulté pour en tirer une théorie hostile au christianisme.

 

    Ces quatre portraits: de Moïse, d’Anne? de Paul, de Jésus, nous ont été donnés pour notre édification examinons maintenant le troisième et voyons l’apport dont cette belle figure enrichira nos coeurs.

 

    Et, tout d’abord, étudions Paul lui-même. La meilleure explication de cette écharde» c’est lui qui nous la donne; l’homme explique l’épreuve.

 

    La tête de Paul est entourée d’une auréole de gloire; quel homme consacré à Dieu! Il fut son élu pour un ministère spécial. Un des douze apôtres aurait pu être choisi pour ouvrir la porte du grand monde païen; mais Dieu préféra sortir de ce cercle et choisir, pour ce vaste domaine, un homme d’éducation différente.

 

    Né et éduqué eh pleine atmosphère juive, jamais il ne perdit le point de vue juif; toutefois son entourage, le contact qu’il eut avec la culture grecque, la tournure de son esprit, le rendirent particulièrement apte à la tâche immense qui lui fut dévolue. Son esprit éminemment dialectique, sa vive imagination, sa volonté de fer, sa piété ardente, sa persévérance inébranlable, le tendre attachement qu’il professait pour son Maître font de lui un homme hors pair.

 

    On s’explique dès lors le désir de Dieu d’attacher à Son service un homme de cette envergure. Paul, cependant, avait ses côtés faibles. Evoquons-les modestement, nous souvenant qu’une faute chez lui rappelle les fautes innombrables que nous avons commises nous-mêmes. Le point faible d’un homme est généralement le contraire de son point fort. Paul avait une volonté terrible; jugé sous cet angle, il était un géant, un Hercule. Ses voyages incessants, pleins dé redoutables expériences proclament cette volonté forte et surhumaine. Mais, avouons-le, il lui arrivait de pousser à l’extrême cette énergie. C’était un effet, sans doute, de ses nerfs surexcités. Mais enfin, parfois, il était obstiné, entêté et dur; parfois, il attaquait avec violence, il fonçait, la tête baissée. Disons-le tout bas, car nous parlons de notre vieux saint Paul qui nous est infiniment cher; mais disons-le cependant, car c’est la vérité.

 

    Dieu eut à lutter pour maintenir Paul dans le chemin qu’il désirait lui voir suivre, car l’apôtre avait parfois ses projets à lui. Si vous voulez vous en rendre compte, considérez-le dans ses tournées, suivez-le quand il s’élance passionnément à l’assaut des idées païennes. Lisez, par exemple, dans le seizième chapitre du livre des Actes: «Ayant été empêchés par le Saint-Esprit d’annoncer la Parole dans l’Asie...» {#Ac 16:6} et rapprochez ces paroles de la maladie qui le frappa en Galatie, où lui parvint cette défense de partir. Continuant notre lecture, nous trouvons ces mots: «Ils se disposaient à entrer en Bithynie, mais l’esprit de Jésus ne le leur permit pas». {#Ac 16:7}

 

    Sont-ce là les voies de l’Esprit de Dieu? Nous laisse-t-Il nous lancer dans une voie pour nous arrêter subitement et nous faire rebrousser chemin? Assurément, c’est ce qu’il est obligé de faire souvent avec nous; mais est-ce là la manière d’agir qu’il préfère? Est-ce là sa vraie méthode? Evidemment non. Il préfère se tenir près de nous sans intervenir, invisible, mais surveillant tous nos pas; Il préfère l’attitude de Jésus qui disait: «Pour moi, je ne monte pas à la fête»; {#3Jn 7:8} puis qui, quelques jours plus tard, y monte, car Il en avait reçu l’ordre formel. Ces mots: Ils se disposaient à aller... Ils furent empêchés... Il ne permit pas... sont des mots révélateurs; ils nous font connaître le caractère de Paul, cet homme énergique.

 

    Il y a encore une preuve beaucoup plus forte. Paul caressait l’ambition de parler aux Juifs de Jérusalem;  dès le début de sa nouvelle vie, ce désir le brûla. Le mot de Jérusalem semble avoir hanté ses pensées et ses rêves. Oh! si seulement il pouvait parler à ces Juifs de Jérusalem! Il les connaissait. Il s’était formé au milieu d’eux. Il était un des chef de la jeunesse juive; et, quand ses compatriotes étaient enflammés de colère contre ces chrétiens, lui l’était plus qu’aucun d’entre eux. Ces Juifs le connaissaient aussi; ils comptaient sur Paul pour tenir tête à cette nouvelle secte. Ah! si seulement il avait l’occasion d’aller là-bas, il sentait qu’il pourrait transformer le courant antichrétien. Mais dès l’heure critique qu’il vécut sur le chemin de Damas, ces mots résonnèrent à ses oreilles «Les Gentils!... Les Gentils!...» Et il avait obéi; oui, il avait obéi avec toute l’ardeur de son cœur transformé. Mais... mais... ces Juifs de Jérusalem! Si seulement il pouvait aller vers eux!

 

    Le Maître, cependant, dès la conversion de Saul, ne permit pas à ce nouveau disciple de Le servir à Jérusalem. Il lui fit connaître ses intentions par une vision spéciale qu’il eut dans le temple: «Ils ne recevront pas ton témoignage à mon sujet». {#Ac 22:17-21} Ces paroles ne sont-elles pas assez catégoriques?—Pourtant, chose étonnante, Paul essaie de prouver au Maître qu’il pourrait lui permettre de rester à Jérusalem. C’était prendre trop de liberté. Comment! un subordonné discutant avec son général en chef les ordres qui lui ont été dictés! C’en était trop! Le Maître termine la vision par un commandement préparatoire: «Va! Je t’enverrai au loin (loin de Jérusalem où tu désires agir) vers les païens».

 

    Voilà un portrait de cet homme; il nous révèle le côté faible de ce géant qui nous domine par la force et par l’amour. Tel est l’homme que Dieu a employé pour accomplir son plan; c’était évidemment l’homme le plus capable; dans sa grandeur, il dépassait de la tête les hommes de sa génération et de celles qui suivirent. Néanmoins, avec le respect qui lui est dû, nous devons ajouter que Dieu eut de la peine à le faire travailler toujours dans la voie qu’il lui avait destinée.

 

    Ceci dit de l’homme, voyons quelle était son écharde. D’après ce que nous savons, il y eut quelque chose dans la vie de Paul qui fut pour lui une constante épreuve. Il l’appelle une écharde; ce mot est tout à fait expressif: une pointe acérée s’enfonçant dans sa chair, le piquant, le faisant souffrir sans cesse; qu’il soit endormi ou éveillé, qu’il tisse de la toile, qu’il prêche ou qu’il écrive, toujours cette épine plantait son dard dans sa chair vive. Il ne s’en émut pas beaucoup au début, parce qu’il pouvait s’adresser à Dieu. Il le pria et Lui dit: «Je T’en prie, enlève-la». Mais l’épine resta. Il renouvela sa prière une deuxième fois, la faisant plus urgente à mesure que la douleur augmentait. Aucun changement. L’épreuve du temps est la plus dure de toutes.—Toujours aucun changement. Une troisième fois, il crie à Dieu, mettant dans sa prière toute l’énergie et tout le sérieux possibles.

 

Remarquez maintenant trois choses: Premièrement, il y eut une réponse. Dieu répondit à l’homme. Quoiqu’il n’exauçât pas sa prière, Il lui répondit; Il ne feignit pas de l’ignorer, lui et sa requête. Puis, il dit franchement à Paul qu’il valait mieux ne pas enlever cette écharde. C’est probablement pendant les longues heures d’une nuit d’insomnie que l’Esprit de Jésus s’approcha de Paul. Sans être entendu de personne autre, Il lui parla tendrement, avec la douceur d’un homme qui cause avec un ami «Paul, disait la voix, Je connais cette écharde, Je sais qu’elle te blesse; elle Me blesse aussi. Si Je ne regardais qu’à toi, Je l’enlèverais sans tarder; mais, Paul,—et sa voix se faisait plus douce encore—vaut mieux, pour le salut des autres, que tu continues d’en souffrir; par toi, Mon plan peut s’accomplir pour des milliers et des milliers de tes frères»

 

    Telles furent les premières paroles de leur entretien. Et Paul resta couché, réfléchissant, l’esprit profondément troublé.

 

    Au bout de quelques instants, la voix se fit de nouveau entendre, plus calme encore: «Je serai à tes côtés; tu recevras de telles révélations de Ma gloire que ta peine en sera atténuée; la gloire surpassera la douleur».

 

    Je me représente Paul, âgé et courbé, se tenant un soir dans la maison qu’il a louée à Rome. Il est tard; la journée a été dure; les auditeurs sont tous partis. L’apôtre, assis sur un vieux banc, jouit d’un peu de tranquillité avant d’aller prendre quelques heures de repos. Il a, à ses côtés, Luc, l’ami fidèle, et le jeune Timothée. Les yeux brillants, la voix tremblante d’émotion, il leur dit justement: «Voyez-vous, mes amis, je ne voudrais pas ne pas avoir cette écharde, à cause de la présence glorieuse et merveilleuse—il met tout son coeur dans ses paroles et sa voix tremble d’émotion; —ayant dû s’interrompre, il reprend: oui, à cause de la présence glorieuse et admirable de Jésus qui, par le moyen de cette épreuve, m’a été accordée».

 

    Ainsi donc, une double bénédiction sortit de cette expérience; premièrement, le travail eh vue de la rédemption de la terre fut activé, et secondement, la communion entre Dieu et Paul devint beaucoup plus intime.

 

Dieu répondit à la prière de l’homme, mais Il refusa de l’exaucer pour que cet homme pût mieux servir Son Plan Rédempteur.

 

    5. Priant à genoux

 

    Le dernier de ces portraits ressemble à la Madone Sixtine de Raphaël au Musée, de Dresde. Comme à Dresde aussi, une salle entière lui est réservée. On entre silencieusement, respectueusement et l’on aperçoit Jésus à Gethsémané. Voici le Cédron, la colline, le groupe de vieux oliviers noueux. La lune éclaire nettement la scène qui s’y passe; sa lumière rend plus noire encore ce fouillis d’ombre; sur le sol, quelques hommes; ils semblent dormir. Plus loin, parmi les arbres, un plus petit groupe d’hommes se tient immobile. Eux aussi, ils dorment. Plus loin encore, se dresse une forme solitaire; Il est seul, tout seul; jamais Il n’a été plus seul, sauf une fois, le lendemain.

 

    Il y a un pressentiment de l’agonie de Gethsémané dans l’entretien que, quelques jours auparavant, les Grecs demandèrent à Jésus. L’agonie du Mont des Oliviers commença lors de la vision que les Grecs provoquèrent involontairement, mais elle atteignit son plus haut degré sous ces arbres qu’éclairait la lune.

 

    Jésus! Fils de Dieu! Dieu le Fils! Le Fils de l’Homme: Dieu, un homme!

 

    Personne n’a encore établi la démarcation entre Sa divinité et Son humanité; personne ne le fera jamais, car l’union du divin et de l’humain est divine en elle-même et dépasse par là même l’entendement humain. Dans la scène que nous évoquons, Son humanité est mise en évidence elle ressort pathétique et lumineuse. Soyons pleins de respect en abordant ce sujet: c’est un terrain sacré. Le sort de la bataille du jour suivant a été décidé là. La victoire manifestée sur le Calvaire a été remportée dans les bosquets de Gethsémané.

 

    Il est absolument impossible à l’homme, souillé depuis des siècles par le péché, de comprendre l’horreur qu’éprouve au contact du mal une âme pure de toute souillure. Lorsqu’il pénétra dans le Jardin des Oliviers, cette nuit-là, Jésus se rendit compte qu’il entrait en contact—le mot a ici une portée qui nous dépasse—avec le péché; une horreur intense le saisit. Fait mystérieux, Il allait être «fait péché» {#2Co 5:21} pour nous.

 

    Les mots employés pour décrire Ses émotions sont si forts qu’aucun équivalent français ne semble capable d’en exprimer l’intensité. Une horreur indescriptible, un frisson de terreur, un tremblement d’effroi le saisirent. Les miasmes empoisonnés du péché paraissent remplir Ses narines et L’étouffer. Là-bas, seul, au milieu des arbres, Il est en proie à l’agonie; la pensée de la mort l’étreint. N’y aurait-il pas quelque autre moyen de sauver le monde que celui-ci...,  oui, que celui-ci? Sa prière nous parvient entrecoupée; Sa voix est étrangement altérée par l’émotion. «S’il est possible... que cette coupe passe loin de moi!» On sent, dans ces mots, comme l’espérance d’une autre solution. (L’auteur de l’épître aux Hébreux jette de la lumière sur ce sujet). La tension de Son esprit est si grande que Sa vie même semble défaillir. Il fait alors monter vers les Cieux une prière entrecoupée, pour demander du secours, et les anges descendent pour Le fortifier. Avec quel respect ne doivent-ils pas L’avoir secouru!

 

    Cependant, même après cette intervention, la lutte continue; puis, peu à peu le calme renaît, et, de l’obscurité grandissante, monte une deuxième supplication. La tempête est apaisée; c’est maintenant la victoire entière et complète, et la prière, dès lors, se trans-. forme. «S’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne, si elle est nécessaire à l’achèvement de Ton plan rédempteur—Ta... volonté—ces mots viennent lentement, mais distinctement—Ta... volonté... soit... faite...»

 

    C’est à genoux, c’est en priant qu’il transforma Son cri de détresse en un cri d’obéissance. Dans la solitude, Dieu lui révéla quelle était sa volonté:

 

Au Mont des Oliviers, mon Maître se rendit,

 

Écrasé par son faix de péché et de honte,

 

Au Mont des Oliviers, mon Maître se rendit,

 

Sentant faiblir son coeur devant le flot qui monte

 

Mais les vieux oliviers au feuillage gris-vert

 

S’émurent à sa vue de façon bien touchante,

 

Heureux de saluer le Roi de l’univers

 

Et de sympathiser à sa douleur poignante,

 

Quand Il vint pour prier

 

Au bois des oliviers.

 

Puis Il quitta le bois du Mont des Oliviers

 

Et porta résolu notre honte accablante.

 

Puis Il quitta le bois du Mont des Oliviers,

 

Ne craignant plus la mort ni la douleur poignante.

 

Quand la honte, la mort, à Lui se présentèrent,

 

Il les suivit, soumis, plein de paix et de joie;

 

Muet comme un agneau, ils le crucifièrent.

 

Il suivit jusqu’au bout sa douloureuse voie,

 

Après avoir prié

 

Au Mont des Oliviers.

 

(Adapté de Sydney Lanier.)

 

    La vraie prière est celle qui s’exprime à genoux, lorsqu’on est seul avec Dieu, Ce qui était vrai pour Jésus pendant les jours qu’il passa sur la terre, ne l’est-il pas infiniment plus pour nous?

 

    Ne déciderons-nous pas, nous aussi, de nous rencontrer avec Dieu, seul, chaque jour? Nous fermerons notre porte, nous ouvrirons la Bible, et nous plierons notre volonté de manière à être digne de collaborer, par la prière, à l’oeuvre de notre Père. Nous obtiendrons alors une vision plus claire des choses; le but de notre vie deviendra plus important; notre sagesse augmentera; nous atteindrons le vrai désintéressement, mortel à tout égoïsme; nous apprendrons à demander et à attendre, et nous connaîtrons la joie de travailler avec Lui, sous la protection de Son amour; alors aussi viendra le temps des grandes victoires. que Dieu remportera dans le monde. Toutefois, nous n’arriverons pas à connaître un dixième de ce que nous devrions savoir, avant que la nuit ait cédé le pas à l’aube blanchissante, avant que les ténèbres épais ses qui recouvrent la terre actuelle soient dissipées par l’éclat de Sa présence.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    DEUXIEME PARTIE

 

    OBSTACLES A LA PRIÈRE

 

    CHAPITRE III

 

    Le grand obstacle extérieur

 

    1. Le traître

 

    Il nous reste encore à dire quelques mots sur les obstacles à la prière; ces quelques mots ont même une importance capitale. Ce que nous avons dit jusqu’ici n’est qu’une préface à ce que nous devons ajouter maintenant. Il nous faut, en effet, considérer un côté étrange de la prière; étrange, uniquement parce qu’il ne nous est pas familier; car, tout étrange qu’il soit, il n’en contient pas moins le noeud de la question. C’est là que se livre la bataille des batailles et l’on peut s’étonner qu’il en soit si peu fait mention; car, si la prière avait été vraiment comprise et nettement pratiquée, il y aurait de plus grandes défaites, de plus grandes victoires: défaites de l’ennemi, Satan; victoires de notre prince légitime, Jésus.

 

    Voici ce qui en est: Satan a le pouvoir d’entraver la réponse... pour un temps; de retarder le résultat... pour un temps. Il ne peut retenir la réponse définitivement si l’intéressé comprend vraiment la prière et l’exerce avec une persévérance ferme et tranquille. L’effort principal de la prière doit donc être dirigé contre Satan.

 

    Notre génération se soucie fort peu de Satan et, à la rigueur, on peut l’en excuser. Les différentes conceptions qui existent sur Satan; ses armées, ses attributs, qu’un Dante, un Milton, un Doré, ont rendus classiques; toutes ces productions littéraires et artistiques ont beaucoup contribué à obscurcir la question. Les images que ces artistes évoquaient ont été—qu’ils le voulussent ou non—presque universellement prises à la lettre. Tout homme familier avec les agissements de Satan reconnaîtra là, une fois de plus, sa parfaite habileté. Qu’importe qu’on le caricature, qu’importe qu’on ne tienne nul compte de lui, si, par là même, il peut consolider son pouvoir.

 

    Les cornes, les sabots, la queue fourchue et tout le reste ont pour but de donner à cet être une forme matérielle. Ce sont des représentations grotesques au dernier point et elles font de Satan une vraie caricature. Celle-ci disproportionne et exagère si bien son objet qu’elle le rend hideux et ridicule. A notre époque, où l’on examine les fondements de toutes nos connaissances, on s’est détourné tout naturellement et inconsciemment de ce Satan dont on nous faisait de telles représentations; mais sous la caricature se cache toujours une vérité. Il est évidemment facile d’ignorer cette vérité quand elle se dissimule sous le masque de la caricature; prenons garde, cela est dangereux; oui, il est toujours dangereux de fermer les yeux devant la vérité.

 

    Nous éprouvons un vrai réconfort, voire un grand intérêt, à passer de ces conceptions littéraires à celles de l’Ecriture. D’après la Bible, Satan possède une grande beauté; il occupe maintenant encore une haute position; il est doué des pouvoirs intellectuels les plus remarquables; c’est le chef de la plus admirable et de la plus compacte organisation; et cette organisation, grâce à son adresse extraordinaire, il l’a utilisée avec succès pour seconder ses buts ambitieux.

 

    De plus il n’est pas encore enchaîné. A ce propos, je me souviens d’une conversation que j’eus un jour dans le local d’une Union Chrétienne de Jeunes Gens, avec un jeune pasteur. C’était dans une ville minière du sud-ouest des Etats-Unis, ville qui, comme tant d’autres semblables, offre mille tentations, mille occasions de pécher. Le jour précédent, un dimanche, avait été rempli par des services spéciaux; nous avions donc été très occupés et ressentions quelque fatigue. Comme nous nous reposions en causant tranquillement, je fis remarquer à mon ami quel beau jour ce serait que celui du millénium. Il me répondit immédiatement: «Nous sommes maintenant dans le millénium».—«Mais, repartis-je, je croyais que Satan devait être enchaîné à cette époque. La Bible ne dit-elle pas quelque chose d’approchant?»—«Parfaitement, me dit-il, mais je crois que Satan est actuellement enchaîné». Je ne pus alors retenir la réponse que j’avais sur les lèvres et je lui dis: «S’il est enchaîné, il faut avouer que sa chaîne est terriblement longue, car elle semble bien peu l’entraver dans son action».

 

    D’après tout ce que nous pouvons voir, ce prince puissant n’est pas encore enchaîné, et nous ferions bien de mieux nous renseigner à son sujet. La vieille maxime militaire: «Apprends à connaître ton ennemi» devrait être observée de plus près dans ce cas.

 

    Fait curieux, le plus ancien des livres de la Bible et le plus récent, Job et l’Apocalypse, nous donnent des renseignements très précis sur Satan. Ces deux livres, ajoutés aux renseignements tirés des Evangiles, nous fournissent presque toutes les données nécessaires pour connaître Satan. En effet, les trois ans et demi que dura l’activité de Jésus forment, à notre connaissance, la période où le diable déploya sa plus grande activité. Les allusions que Jésus lui-même fait à son sujet sont nombreuses et positives. Il y a quatre passages sur lesquels je tiens spécialement à attirer votre attention; je dis quatre, mais je ne veux pas dire par là que mes assertions reposent sur ces quelques textes isolés; non, une vérité si importante n’est pas liée à quelques textes détachés: elle se rencontre à travers la Bible tout entière; on peut dire qu’elle y est comme tissée.

 

    Semblables à deux fils qui se croisent et forment la trame et la chaîne d’une pièce d’étoffe fine, deux faits parcourent les Ecritures, du commencement à la fin. Où que vous promeniez vos ciseaux dans le fin tissu auquel on peut comparer la Bible, vous rencontrerez ces deux fils. Ils se croisent et se mêlent d’une façon inextricable. L’un est noir, noir charbon, noir comme de l’encre; l’autre est brillant, pareil à un rayon de gloire. Ces deux fils sont partout. Le noir est un ennemi. Parcourez l’Ancien et le Nouveau Testament, de la Genèse à l’Apocalypse; vous y trouverez toujours l’ennemi; il est pénétrant, subtil, malin, cruel, obstiné; c’est un maître.

 

    Le deuxième fil, ce sont les chefs que Dieu a choisis et qui tous ont été avant tout des hommes de prière. Ils sont aussi des hommes de puissance, non seulement comme prédicateurs, mais encore comme personnalités capables d’influencer leurs frères. Toutefois, ils sont avant tout des hommes de prière. Ils donnent à la prière la première place. Cette affirmation ne comporte, à ma connaissance, qu’une exception frappante: le roi Saul. Bien plus, l’étude de cette exception projette une brillante lumière sur le caractère de Satan. Car Saül semble être, dans la Bible, la plus grande illustration de l’oeuvre de ce prince renégat et déchu. Les passages que nous voulons étudier spécialement forment comme les modèles, les échantillons d’une étoffe: le dessin y est particulièrement accentué, les couleurs y sont plus nettes. L’exemple typique est fourni par les Evangiles, où les couleurs atteignent leur plus vif éclat, où le contraste est le plus saisissant.

 

    2. Prier, c’est lutter

 

    Venons-en donc à la Bible, car ce que nous savons, c’est d’elle seule que nous le tenons; le reste n’est que supposition. Les seules données décisives que nous ayons sur Satan semblent être celles que ce Livre nous donne. Nous commencerons par le Nouveau Testament.

 

    L’Ancien Testament est le livre des images, le Nouveau celui des explications et de l’enseignement. L’enseignement que nous donne l’Ancien Testament emprunte les méthodes de la pédagogie enfantine: c’était alors le meilleur mode d’enseigner, car le monde n’était qu’un enfant. Le Nouveau Testament, par contre, procède par préceptes. Nous trouvons aussi ce procédé dans l’Ancien Testament, où il est très employé également; de même l’enseignement imaginé joue un rôle important dans le Nouveau Testament, témoin les Evangiles qui sont émaillés de paraboles; mais ce que je veux dire, c’est que l’enseignement au moyen de paraboles et d’exemples est la caractéristique de l’Ancien Testament, tandis que l’enseignement par voie de préceptes est celle du Nouveau.

 

    Prenons maintenant l’épître aux Ephésiens. Cette lettre est en somme une prière, ce qui déjà est un point tout à fait significatif. Parmi les treize lettres de Paul, celle qu’il adressa aux Ephésiens est spécialement une lettre-prière; quand l’apôtre l’écrivit, il priait.

 

    Paul a beaucoup de choses à dire à ces frères qu’il a gagnés à Christ, mais il les glisse dans sa prière, comme autant de parenthèses. La phrase qui sans cesse unit les différentes idées est celle-ci: «Voilà pourquoi je prie... je fléchis les genoux», Puis, cet homme, à l’esprit exceptionnel, passe à la condition des Eglises et donne quelques exhortations pratiques toujours nécessaires à la vie de tous les jours. La prière reprend ensuite et l’épître atteint son maximum de force dans un paragraphe remarquable sur la prière. La plus belle partie de cette lettre-prière, c’est cette courte étude, et la plus belle partie de cette étude, c’est la prière. Il prie et le fait de prier le pousse à encourager les autres à l’imiter. Ouvrons notre Bible pendant cet entretien et mettons sous nos yeux ce sixième chapitre, des versets dix à vingt exclusivement.

 

    Le but principal de toute vie chrétienne semble d’une clarté parfaite à ce vétéran des champs de bataille: «Que vous puissiez tenir contre les ruses du diable».

 

    L’apôtre semble n’avoir eu aucune difficulté à croire en un diable personnel; probablement qu’il avait eu trop de corps-à-corps avec lui pour pouvoir en douter. Pour Paul, Satan est un chef rusé, habile à profiter pour la lutte de toutes les ressources et de tous les avantages.

 

    Ce passage du chapitre sixième nous montre deux choses: en premier lieu, quel est le véritable ennemi, contre lequel la bataille se livre, et, en second lieu, il indique avec une intensité extraordinaire les armes qui le mettent en déroute.

 

    Quel est le véritable ennemi? Ecoutez: «Car nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang»—donc pas contre les hommes; cela, jamais! contre quelque chose de plus subtil—«mais contre les dominations»—c’est-à-dire une organisation compacte d’individus—«contre les autorités»—non seulement organisées, mais douées d’une haute valeur intellectuelle—«contre les princes de ce monde de ténèbres» ce sont des princes et non de simples mortels—«contre les esprits méchants dans les lieux célestes»—des esprits, des. armées d’esprits qui ont élu leur quartier général quelque part, au-dessus de la terre. L’ennemi, ce sont des milliers d’êtres spirituels et intelligents, formant un tout solide et uni, souverains du royaume des ténèbres; leur centre d’activité est au-dessus de la terre, au-dessus du trône de Dieu; mais ils sont en relations continuelles avec les habitants de la terre.

 

    Dans le deuxième chapitre de l’épître, la tête de cette organisation est appelée «le prince de la puissance de l’air». {#Eph 2:2}

 

    Puis, dans une de ces périodes fortement ordonnées qui lui sont familières, saint Paul nous dit comment la victoire sera gagnée. Cette phrase comprend sept versets qui forment une gradation ininterrompue.

 

    Il y a six membres de phrase qui conduisent à l’affirmation centrale et qui énumèrent les pièces de l’armure d’un soldat romain armé pour la bataille: les reins ceints; la cuirasse recouvrant la poitrine; les pieds chaussés; le bouclier passé au bras; le casque sur la tête et l’épée à la main. Un légionnaire romain, lisant ce qui précède ou entendant Paul prêcher, s’attendrait à cette conclusion: «et combattant de toute votre force».

 

    Ce serait évidemment la conclusion logique de tout le développement. Mais quand Paul atteint le dernier degré de la gradation, il laisse tomber la figure de rhétorique pour introduire ce avec quoi, dans notre cas, la bataille est gagnée: «en priant intensément». Au lieu du mot attendu «combattant», arrive «priant». Notre lutte consiste à prier. La prière est une lutte, une lutte spirituelle. Ce vieillard, à la fois évangéliste, missionnaire et évêque, nous dit donc par là que nous sommes en pleine mêlée. La guerre est déclarée. Comment combattrons-nous le mieux?

 

    Tout d’abord, mettons-nous dans les meilleures dispositions possibles pour prier; puis, armés de la force que donne la prière et de notre intelligence, prions!

 

    Ce mot de Paul: «priant» est le point culminant de cette longue gradation, la quintessence de toute l’épître. L’action qu’il indique attaquera victorieusement le flanc de l’ennemi et le mettra en déroute, car il ne peut résister au travail qui se fait à genoux, à la prière persévérante.

 

    Remarquez maintenant avec quelle profondeur Paul décrit l’homme qui agit ainsi par la prière. Sous les noms des six parties de l’armure se cachent six qualités: une claire compréhension de la vérité; une vie tout à fait soumise; un service sérieux; une foi simple et forte en Dieu; une assurance parfaite de son propre salut; une connaissance exacte des liens qui nous unissent à Dieu; une bonne intelligence de la vérité à présenter aux autres; voilà ce qui prépare un homme pour le combat victorieux de la prière.

 

L’homme qui remplit ces conditions—et qui prie—met en déroute les armées du prince renégat. Celui qui prie est invincible, grâce à son Chef, Jésus. L’équipement du soldat est simple; pour l’obtenir, il suffit de le désirer sérieusement.

 

    Etudions encore l’affirmation essentielle qui termine cette période; elle est hérissée de pointes, telles celles des baïonnettes. Les instructions qu’elle contient sont celles d’un général la veille d’une bataille. «Faites toutes sortes de prières et de supplications—c’est l’intensité de l’action—, priez—c’est le motif général—, en tout temps—sans cesse, nuit et jour; par le chaud comme par le froid, par le beau temps comme par la pluie—, par l’Esprit—guidé par le Chef—et veillez à cela—vigilance ininterrompue; le mot veille est un mot militaire; surveiller l’ennemi, surveiller ses propres forces—avec une entière persévérance

 

-puissance de l’action, joyeuse, tenace, obstinée—pour tous les saints—il faut être en contact avec toute l’armée—et priez

 

pour moi—moi, c’est le chef de la terre, le ralliement autour du chef direct.»

 

    Voilà donc l’ennemi à combattre et la tactique qui le mettra en déroute.

 

    3. Un double engagement

 

    Revenons maintenant à la partie imagée de la Bible pour obtenir une illustration et une explication des paroles de Paul. Nous la trouvons au chapitre dix du livre de Daniel.

 

    Daniel est un homme âgé. Exilé, il n’a pas vu depuis son enfance les vertes collines de son pays natal. Vivant à Babylone, ville construite sur un terrain plat, il regrette ses chères montagnes de Palestine et gémit sur le sort pitoyable de son peuple. Il a étudié les prophéties de Jérémie et y trouve la promesse certaine que les Hébreux, au bout de soixante-dix ans, pourront regagner leur patrie. Retourner dans la patrie! A cette simple pensée, son pouls bat plus vite; le voilà qui compte les années. Les soixante-dix ans sont bientôt révolus! Daniel consacre alors une partie de son temps à la prière; il assiège, pour ainsi dire, la place de ses supplications.

 

    Vous savez certainement ce qu’était Daniel. Premier fonctionnaire du pays assyrien, c’est lui qui dirigeait, sous le contrôle du roi, les destinées du plus grand empire de l’époque. Homme de force et de ressources, c’était un vrai génie administrateur.

 

    Il répartit son travail de façon à être libre un certain temps et, emmenant avec lui quelques compatriotes qui partageaient ses aspirations, il se rend dans une forêt qu’arrose le Tigre. Là-bas, ils passent un jour dans le jeûne, dans la méditation et dans la prière; leur jeûne n’est pas absolu; ils se contentent simplement d’une nourriture frugale. Je suppose que, pendant ce temps de retraite, ils prient isolément ou réunis; puis ils lisent les prophéties de Jérémie, les méditent, les discutent et se remettent à prier, Ils passent de cette façon un jour entier à lire, méditer et prier.

 

    Ils attendent une réponse; ils l’attendent fermement. Point de réponse. Un deuxième jour passe, un troisième, un quatrième, une semaine... et toujours pas de réponse. Sans aucune hésitation, ils continuent à faire monter au Ciel leurs supplications. Deux semaines! Comme cela dut leur paraître long! Représentez-vous ce que sont quatorze jours d’attente, d’attente fébrile; l’esprit est tendu vers l’objet que l’on désire. Pas de réponse!’ Dieu pourrait être mort, selon le mot de Catherine Luther, puisqu’aucune réponse ne leur parvient. Mais Daniel n’était pas un homme à se laisser déconcerter si facilement. Il sait, pour l’avoir pratiquée, la valeur de la prière. Il ne songe donc nullement à se décourager; non, il va de l’avant, il persévère. Vingt-trois jours passent sans amener aucun changement. Et toujours ils persistent. Puis arrive le vingt-quatrième jour et, avec lui, la réponse désirée. Il est accordé à Daniel une vision dont l’éclat dépasse ce qu’un homme peut supporter; après quelques instants, lorsqu’il peut entendre les paroles de l’envoyé de Dieu et qu’il put y répondre, voici ce qu’il entendit: «Daniel, dès le premier jour, ta prière fut entendue, et c’est à cause de tes paroles que je viens.» Daniel est stupéfait d’étonnement: «Le premier jour... il y a plus de trois semaines.—Oui, il y a trois semaines, je quittai la présence de Dieu avec la réponse à ta prière. Mais (écoutez, car ce qui suit est étrange) le chef du royaume de Perse m’a résisté vingt et un jours; voici, Micaël, l’un des principaux chefs, est venu à mon secours, et je viens maintenant te faire connaître ce qui doit arriver à ton peuple.»

 

    Notez maintenant quatre points que chacun de vous admettra sans peine. Cet être qui parla à Daniel est un être essentiellement spirituel; il est contrecarré dans sa mission par quelqu’un; cet adversaire, évidemment, doit être, lui aussi, un être spirituel pour résister à un esprit. Le messager de Daniel vient de la part de Dieu; aucun doute à ce sujet; l’adversaire doit dès lors venir du camp opposé. Donc, fait étrange et inattendu, l’esprit du mal a le pouvoir de retenir, de retarder l’ange de Dieu, et cela pendant trois semaines. Enfin, il arrive du secours; le messager du mal échoue dans sa mission et l’ange du bien est libre de suivre sa route et de porter son message.

 

    Il y a donc une double action; nous assistons à l’une, tandis que l’autre nous est cachée. Tout d’abord, une lutte se livre dans le royaume des esprits, lutte invisible; puis, comme nous l’indique le chapitre douze, deux esprits revêtus d’une enveloppe humaine se tiennent de chaque côté de la rivière. Les deux scènes se rapportent au même but.

 

    Telle est l’histoire de Daniel. Comme elle illustre les paroles de Paul! C’est une image pleine de vie réelle; cette image est double. De même, toute prière comporte une double action et un double théâtre; elle se passe à la fois sur la terre, parmi les hommes, et dans les régions supérieures, parmi les esprits. Beaucoup d’entre nous, ne voyant que la partie visible, perdent courage. Pendant que nous regardons les choses visibles, regardons aussi attentivement les invisibles; ce que nous voyons est secondaire, ce que nous ne voyons pas est capital, et c’est dans ces sphères supérieures que se décident les destinées humaines.

 

    Voici la première action, celle que l’on voit; un groupe d’hommes conduit par un chef d’une énergie remarquable et capable de diriger un empire; tous sont prosternés devant Dieu, l’esprit lucide, tranquille, vigilant; jour après jour, infatigablement, ils prient.

 

    Voici maintenant ce que l’on ne voit pas: une lutte ardente, opiniâtre, où chaque adversaire déploie son habileté; cette lutte est engagée entre les deux princes du royaume spirituel. D’après les explications de Paul, les deux mondes, visible et invisible, sont en rapport étroit.

 

    Daniel et ses compagnons, eux aussi, sont des lutteurs; ils participent activement à cette lutte supraterrestre; ce sont eux qui décident de l’issue de la bataille, car ils sont sur le terrain contesté. Ces hommes font vraiment en tout temps par l’Esprit toutes sortes de prières et de supplications, veillant à cela avec une entière persévérance. Et enfin la victoire vient.

 

    4. La prière met en jeu trois personnes

 

    Revenons maintenant à la figure centrale du dessin. Jésus, dans une de ses paraboles, répand des flots de lumière sur les rapports de Satan avec la prière.

 

    Deux paraboles traîtent spécialement de la prière; celle de l’homme qui va trouver un ami au milieu de la nuit {#Lu 11:5-13} et celle du juge inique. {#Lu 18:1-8} C’est dans la seconde qu’il est question de Satan. Cette remarquable description de la prière nous a été conservée par Luc, qui nous renseigne le mieux aussi sur la vie de prière de Jésus.

 

    Voici quelle fut l’occasion de cette parabole. La vie de Jésus approche de sa fin. Quittant le terrain de la simple conversation, Il passe à la parabole. Sa lutte avec les Pharisiens a atteint son caractère le plus aigu et leur haine, son apogée, s’exhale dans l’accusation, dont ils chargent Jésus, d’être inspiré du Diable. Ressentant vivement leur attaque, Il leur répond directement et pleinement; c’est alors qu’il prononce la parabole de l’homme fort qu’il faut lier avant de pouvoir piller sa maison. {#Lu 11:21} Et aucun des assistants n’ose lui demander ce que cela signifie.

 

    Examinons maintenant de plus près la seconde des deux paraboles que nous venons de citer, car elle est pleine d’enseignement pour ceux qui veulent coopérer à l’oeuvre de rédemption de notre monde.

 

    Jésus semble si désireux que ses auditeurs comprennent la portée de ce qu’il va dire, qu’il abandonne son procédé habituel et explique nettement que sa grande pensée dans cette parabole, ce qu’il veut qu’on comprenne, c’est «qu’il faut toujours prier et ne point se relâcher». Le fait essentiel, dit-il, est la prière, et le fait essentiel dans la prière est la persévérance;  le danger dans la prière est de perdre courage, de faiblir devant la tâche et d’y renoncer. «Ne point se relâcher!» ces mots prouvent la suprême importance du combat.

 

    La parabole met en jeu trois acteurs: un juge, une veuve, un adversaire. Le juge est profondément égoïste, injuste, impie et insouciant de l’opinion d’autrui..., la pire espèce d’homme, la dernière dont on dût faire un juge. Il sait parfaitement que le droit, dans le procès qu’il doit juger, est du côté de la veuve. Quant à cette dernière, que peut-on ajouter de plus à ce qualificatif de veuve? Est-il possible de dire davantage pour rendre le cas plus pathétique? Une veuve n’est-elle pas l’image de l’abandon et de l’impuissance? Une femme a besoin d’un appui. Celle-ci a perdu son ami le plus proche, le plus cher, son protecteur. Elle est seule.

 

    Il y a, troisièmement, une partie adverse qui, contre toute légalité, a remporté un avantage sur la veuve et qui, sans trêve, l’accule au pied du mur. La femme cherche à gagner le juge à sa juste cause; sa demande pressante, maintes fois répétée, est celle-ci; «Fais-moi justice de ma partie adverse».

 

    Telle est l’image que Jésus emploie pour dépeindre la prière incessante. Etudions-la de plus près.

 

    «Adversaire est un qualificatif commun dans les Ecritures pour désigner Satan. C’est l’accusateur, le haïsseur, l’ennemi.» Le sens étymologique de ce mot est: partie adverse dans un procès civil. C’est le même terme que Pierre employa plus tard: «Votre adversaire, le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui il dévorera». Les mots «fais-moi justice», qui reviennent par quatre fois, montrent que la veuve a des preuves en mains pour gagner son procès et que l’adversaire l’a emporté sur elle, en dépit de tout droit, uniquement par la force.

 

    Signalons aussi dans cette parabole, un trait étrange qui doit avoir sa signification: un homme franchement impie et peu scrupuleux y représente Dieu. Voilà qui est extraordinaire. Dans toute autre bouche que celle de Jésus, cela semblerait un manque de respect; mais ici il faut y voir une extrême habileté. Si cet homme est choisi comme juge, c’est pour mettre en évidence que les procédés nécessaires pour gagner cet individu ne sont certainement pas exigés par Dieu. La veuve doit insister et plaider; c’est à cause du juge auquel elle a affaire. Dieu, lui, ne peut lui être comparé; c’est pourquoi, s’il faut ainsi insister dans nos prières à notre Père céleste, la cause en est attribuable à des raisons essentiellement différentes. Si donc, avec Dieu, de tels mobiles n’entrent pas en jeu, il ne peut rester qu’un obstacle à nos supplications, à savoir celui que suscite l’adversaire.

 

    Ayant choisi, à dessein, un tel homme pour illustrer Sa parabole, Jésus en profite pour parler du vrai caractère de Dieu: «Et tardera-t-Il à leur égard?» Ces paroles, dans la bouche de Jésus, suggèrent immédiatement l’idée de l’amour, et spécialement de la patience dans l’amour. Les théologiens ont beaucoup argué pour savoir, dans cette phrase, en faveur de qui ou avec quoi il avait tant de patience. «A leur égard», voilà les mots qui provoquent la discussion. Combien de temps tardera-t-Il encore en faveur de ceux qui prient? ou combien de temps tardera-t-Il à sévir justement contre quelque adversaire opiniâtre? Quel est-il? La phrase suivante renferme un mot qui forme un frappant contraste avec celui que nous envisageons: promptement. Quel contraste entre ces mots: tardera-t-Il et promptement!

 

    Ces paroles éclairent d’une vive lumière un sujet resté obscur et qui renferme plus de lumière que nous ne sommes capables d’en trouver. Les paroles de Jésus sont touts pleines de pensée; ses mots sont toujours choisis avec sagacité.

 

    Si l’on pense à l’adversaire pour lequel Il fait preuve de tant de patience, la parabole signifierait: une grande lutte se livre dans les sphères supérieures. Dieu y montre une grande patience. Il est juste et droit. Les êtres qui prennent part à la lutte sont tous ses créatures. Il agit aussi droitement avec le diable et sa grande armée d’esprits malfaisants qu’avec ses autres créatures; il fait preuve d’une longue patience pour qu’aucune action déloyale ne soit commise contre ces créatures qui sont aussi les siennes. Il dirige néanmoins tous ses efforts vers une issue rapide de la lutte, pour le salut des fidèles qu’il aime et pour que la justice prévale.

 

    L’enseignement de la parabole est fort simple; il renferme pour nous deux vérités terribles et capitales; celle-ci tout d’abord: la prière concerne trois personnes et pas seulement deux, Dieu que nous prions, l’homme qui prie sur le territoire contesté, et le diable contre qui nous prions. Le but de la prière n’est pas de persuader ou d’influencer Dieu, mais d’unir nos forces aux Siennes contre l’ennemi. Non pas vers Dieu, mais avec Dieu et contre Satan. Tel est l’enseignement capital que nous devons nous rappeler quand nous prions. Le but essentiel n’est pas d’atteindre Dieu, mais de repousser Satan.

 

    La deuxième vérité capitale est que la qualité maîtresse à avoir quand nous prions est la persévérance. C’est l’épreuve finale, le dernier obstacle à franchir. Beaucoup de chrétiens, qui luttent admirablement pour la cause du Christ, perdent pied sur ce point et, par là, perdent tout. Beaucoup de fidèles, admirablement préparés par la prière, échouent là où il faudrait persévérer et leur échec est sûrement dû à une compréhension incomplète de ce qu’est la prière.

 

    La voix du Maître résonne aujourd’hui encore, claire et pressante, à nos oreilles: «Priez sans cesse et ne vous relâchez point.»

 

    5. Défaite d’un ennemi opiniâtre

 

    Voyons maintenant une déclaration nette de Jésus-Christ touchant la prière. Nous la trouvons dans l’histoire d’un jeune démoniaque et d’un père angoissé et nous assistons, au pied de la montagne, à un échec des disciples. {#Mt 17:14-20 Mr 9:14-29 Lu 9:37-43}

 

    Dans ce cas, les extrêmes se touchent sûrement; le sommet de la montagne qu’ils venaient de quitter forme un contraste extraordinaire avec la vallée où la scène se passe. Le démon qui possède l’enfant semble être de toute première force; nous en avons la preuve dans ce qu’il fait du possédé; son but est de le détruire. Il y a toutefois une limite à ses forces, car ses efforts ne furent pas suivis d’un succès complet. Sa persévérance est très grande; il résiste à toutes les tentatives faites pour le chasser du corps du jeune homme; et, jusqu’à un certain point, il lutte avec succès. Les disciples ont essayé de le chasser; on comptait sur eux; ils comptaient eux-mêmes réussir, car ce n’était pas leur première tentative. Ils échouèrent honteusement, au milieu des ricanements et des railleries de la foule et eh face de la détresse croissante du pauvre père.

 

    Alors survint Jésus. Restait-il sur Son visage quelque trace de la gloire de la transfiguration? Il semblerait. La foule, en Le voyant, fut surprise et accourut Le saluer. Sa présence changeait tout. Le démon, furieux, partit en faisant un dernier effort pour détruire le corps qu’il était obligé d’abandonner. L’enfant fut guéri et la foule étonnée de la puissance de Dieu.

 

    Les disciples agirent alors avec beaucoup de sagesse. Si parfois ils commirent des erreurs, cette fois ils firent preuve de discernement; ils cherchèrent un entretien privé avec Jésus. Il n’y a pas de plus grande preuve de sagacité que celle-là. Quand vous avez essuyé un échec, quittez votre travail et recherchez un entretien privé avec Jésus.

 

    Ils sont étonnés, découragés; aussi cette question sort immédiatement de leur coeur abattu: «Pourquoi n’avons-nous pu chasser ce démon?» Matthieu et Marc nous ont transmis la réponse complète que Jésus fit à leur demande; elle commença probablement par ces mots: à cause de votre petite foi. En effet, ils avaient perdu courage devant la force du démon, et le démon l’avait su; ils avaient été plus impressionnés par la force du mauvais esprit que par celle de Dieu, et le démon l’avait vu; ils n’avaient pas prié victorieusement contre lui. Le Maître dit: «Si vous aviez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à cette montagne: Transporte-toi!» Remarquez une fois de plus que la force de la foi est dirigée contre l’obstacle et que ce fut le démon qui fut le plus directement influencé par la foi de Jésus.

 

    Vient ensuite la deuxième partie de la réponse: «Cette sorte de démon ne sort que par la prière.» Certains démons moins tenaces peuvent être expulsés par la foi qui naît de notre contact personnel et constant avec l’Esprit de Dieu. «Cette sorte» nécessite une prière spéciale et la prière seule réussit. La vraie victoire doit être gagnée dans le secret. L’action de la foi, en pleine bataille, n’est que la réalisation d’une victoire déjà gagnée. Ce démon est décidé à ne pas partir; il combat avec force, avec acharnement; il réussit. Survient alors l’Homme de prière. Un ordre tranquille est prononcé et le démon est obligé de partir.

 

    Ces disciples ressemblent d’une manière frappante à certains d’entre nous; ils n’avaient pas compris où la vraie victoire se gagne. Eux aussi, ils avaient prononcé cet ordre, le donnant sans doute au nom de Jésus; mais il n’y avait pas entre Dieu et eux ce contact qui donne la victoire. Leur visage révélait la crainte qu’ils avaient du démon.

 

    La prière, la vraie prière, la prière intelligente, voilà ce qui mettra en fuite les démons de Satan, car elle met en déroute le chef lui-même. David tua le lion et l’ours dans le silence des forêts avant d’affronter le géant Goliath; les disciples affrontaient le géant sans avoir fait l’expérience de la lutte dans la solitude. Cette phrase: «Mais cette sorte de démon ne sort que par la prière et le jeûne» signifie que cette sorte de démon sort et doit sortir devant l’homme qui prie. Ce que Jésus appelle prier chasse les démons. Puissions-nous connaître mieux par expérience ce qu’il entendait par la prière, car nous exercerions une influence positive sur les armées des mauvais esprits. Ils la craignent et redoutent l’homme qui devient habile à la manier.

 

    Il y a évidemment beaucoup d’autres passages bibliques tout aussi explicites que ceux que nous avons étudiés et qui donnent un enseignement tout aussi simple et aussi clair. La Bible entière est pleine de cette vérité; mais ces quatre grands exemples sont tout à fait suffisants pour éclaircir parfaitement cette question. Le grand prince renégat—Satan—est actuellement un facteur actif dans la vie des hommes; il croit à la puissance de la prière; il la craint; il peut, pour un temps, en retarder les résultats et il fait son possible pour y arriver.

 

    Elle contrecarre ses plans et le met en déroute. Il ne peut pas tenir devant elle. Il tremble dès qu’un homme de foi simple et vivante fait monter sa prière vers Dieu. Prier, c’est réclamer avec persévérance que la volonté de Dieu soit faite. La prière exige une volonté en communion absolue avec Dieu; elle s’appuie sur la victoire de Jésus; elle met à néant la volonté mauvaise du grand et déloyal adversaire.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    TROISIEME PARTIE

 

    COMMENT PRIER?

 

    CHAPITRE PREMIER

 

    Comment réaliser l’union avec Dieu

 

    1. Ambassadeurs de Dieu

 

    Si je caressais l’ambition de représenter ma patrie à l’étranger comme ambassadeur, il me faudrait deux choses. Tout d’abord—et ce serait la chose essentielle—être investi de cette fonction; et, pour cela, je devrais entrer en relations avec notre Président, posséder certaines qualités qu’il juge indispensables, et finalement obtenir de lui la charge désirée et des lettres m’accréditant auprès de tel ou tel gouvernement. Ces conditions, une fois remplies, détermineraient mes rapports comme représentant de mon pays auprès d’une nation étrangère et établiraient par là même mes droits à agir en mon nom.

 

    Cette investiture toutefois ne m’empêcherait pas, une fois en charge, de commettre de grosses erreurs. Ma maladresse peut provoquer une telle tension des relations diplomatiques qu’il faudra maintes explications, voire des excuses, pour remettre les choses au point; de plus, les souvenirs que je laisserai après moi seront longs à disparaître. Combien de fois de telles complications ne se sont-elles pas produites! Les nations sont très susceptibles; aussi les affaires d’Etat doivent-elles être traitées avec le plus grand discernement. Il y a donc une seconde chose que je ferais certainement si j’étais jugé capable de remplir les fonctions d’ambassadeur. J’irais voir nos diplomates les plus en vue; je les interviewerais et j’obtiendrais d’eux tous les renseignements possibles sur la vie officielle du pays où je dois me rendre, sur l’étiquette qui règne à la cour, sur les personnages que mes fonctions m’obligeront à fréquenter, bref, sur ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter. Mon unique pensée serait d’être un diplomate habile, de maintenir les bons rapports existant entre les deux gouvernements, de gagner des amis, d’éveiller des sympathies pour mon pays. Mes efforts seraient tendus vers ce seul point, mon esprit orienté dans cette seule direction: avoir une politique heureuse.

 

    La première des conditions, ma nomination ferait de moi légalement un ambassadeur; la seconde tendrait à me doter d’une certaine habileté professionnelle.

 

    Nous trouvons dans la prière les deux mêmes conditions; en effet, d’un côté, l’union entre Dieu et le fidèle doit être établie avant que l’on puisse rien faire d’autre; et, d’un autre côté, il est de toute importance d’acquérir une grande habileté en vue de l’accomplissement de la tâche qui nous est échue.

 

    Pour le moment, nous nous bornerons à parler de la première de ces conditions, de l’union nécessaire entre le Créateur et la créature qui veut le prier. La prière repose sur une entente parfaite avec Dieu; elle est Sa mandataire dans le royaume spirituel de notre monde; elle défend Ses droits, et, grâce aux pouvoirs qu’il lui a confiés, elle combat pour Sa cause. La seule base d’un tel accord est et ne peut être que Jésus. Nous avons été mis hors la loi par le péché; alliés de Dieu, nous avons rompu l’alliance. Etant donnée notre action, nous n’aurions pu par nous-mêmes effacer les effets de cette rupture; il a fallu que Jésus vînt. Dieu et Homme à la fois, Il nous réunit à Dieu; c’est par Lui et par Lui seul que nous rentrons en grâce. Le sang de la Croix a scellé cette nouvelle alliance; par ce sang, l’union que nécessite toute prière est établie à nouveau. Mes supplications ne seront entendues que si je viens à Dieu par l’intermédiaire de Jésus et si le but de ma vie est en accord constant avec l’exemple de notre Sauveur.

 

    2. Six déclarations capitales

 

    Les propres paroles de Jésus justifient et éclairent cette affirmation. Les Evangiles nous fournissent deux groupes d’enseignements sur la prière. Le premier nous est donné dans le Sermon sur la montagne, que Jésus prononça au milieu de la deuxième année de Son ministère; le second, à la fin de sa vie, dans les derniers six mois; la partie la plus importante nous est même fournie par les dix derniers jours; enfin l’enseignement primordiale ne nous est confié que la veille du jour suprême.

 

    C’est après la violente rupture de Jésus et des chefs du peuple que nous est donnée cette deuxième série d’affirmations; ce sont les plus positives et les plus importantes que Jésus ait prononcées sur la prière; nous y trouvons six des huit promesses qu’il fit touchant l’intercession. Examinons-les maintenant; nous montrerons ensuite dans quel rapport elles se trouvent avec notre sujet.

 

    Nous rencontrons la première dans l’Evangile de #Mt 17:19-20: «Je vous dis encore que, si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander une chose quelconque, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux».

 

    Notez dans cette promesse l’origine de la prière: sur la terre;  sa portée: une chose quelconque;  la certitude de l’exaucement: elle leur sera accordée. Voyez ensuite la raison de cet exaucement: «Car, là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux «c’est-à-dire, s’il y a deux personnes qui prient, il y en a en réalité trois; s’il y a trois personnes qui se rencontrent pour prier, en réalité il y en a quatre; il y a toujours quelqu’un de plus, quelqu’un d’invisible. Si peut-être, dans un moment de découragement, vous vous dites: «Il ne m’entendra pas; je suis si pécheur, si faible»—vous auriez tort de le faire; mais que de fois hélas! nous nous trompons—si donc vous avez jamais une telle pensée, reposez-vous immédiatement sur celle-ci: le Père entend toujours Jésus, et Jésus entend toute prière sérieuse et la présente comme sienne.

 

    La deuxième promesse est contenue dans les versets 22 à 24 du chapitre XI de l’Evangile de Marc: «Jésus prit la parole et leur dit: «Ayez foi en Dieu—Dieu, le facteur essentiel dans chaque prière—Je vous le dis en vérité, si quelqu’un dit à cette montagne: Ote-toi de là et jette-toi dans la mer» {#Mr 11:22-24} —Il choisit, vous le voyez, la chose la plus invraisemblable qui puisse arriver. Jamais nous n’avons entendu dire que Jésus ait déplacé une montagne; la nécessité d’une telle action semble ne jamais s’être fait sentir, mais Jésus choisit la chose la plus difficile pour illustrer ses paroles. Peut-on, en effet, s’imaginer une montagne glissant à la mer: la Jungfrau, le Mont Blanc, le Mont Rainier?—«et s’il ne doute point en son cœur»—telle est la définition que Jésus donne de la foi—«mais croit que ce qu’il dit arrivera, il le verra s’accomplir. C’est pourquoi je vous dis: «Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez, et vous le verrez s’accomplir...» Quelle certitude dans cette dernière affirmation! Pour la rendre plus complète, Jésus la fait précéder de ces mots solennels: «C’est pourquoi je vous dis...» Oui, vous le recevrez, quoi que ce soit, qui que ce soit; toute chose, tout homme.

 

    Nous sentons tout naturellement que ces affirmations doivent être accompagnées de conditions précises; nous voudrions les entourer d’une barrière solide. Patientons un moment et nous verrons de quelle barrière Jésus lui-même les entoure.

 

    Les quatre dernières déclarations sur la prière se trouvent dans l’Evangile de Jean; elles furent prononcées dans un long et dernier entretien, la nuit où Jésus fut trahi. Jean nous a conservé, dans les chapitres XIII à XVII, une grande partie de cette conversation intime.

 

    Voici ce que nous lisons au chapitre XIV, aux versets 13 et 14: «Et tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai». Cette répétition a pour but de marquer solennellement la diversité illimitée des demandes que nous pouvons adresser.

 

    Jean XV, vers. 7: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous» {#Jn 15:7}

 

    -Ce mot demeurent est très expressif; il n’indique pas un bref passage, un séjour de quelques heures; non, il désigne une demeure stable—«Demandez ce que vous voulez». D’autres versions traduisent: «Vous demanderez», mais il est plus exact et plus précis de dire: «Demandez; oui, demandez; je vous demande de demander». Il n’est rien dit qui se rapporte directement à la volonté de Dieu, mais il est question de notre propre volonté, à nous Ses créatures

 

    -«et cela vous sera accordé», ou si vous voulez, plus littéralement: «Je ferai que vous l’obteniez».

 

    Cela me rappelle une phrase que me rapporta un jour un de mes amis. Il habite le Nord et appartient à l’Eglise méthodiste, mais son influence s’étend à toutes les Eglises, tant dans sa patrie qu’à l’étranger. Il s’entretenait avec un des évêques de son Eglise, qui s’occupait beaucoup des missions en terre païenne. Ce dernier désirait vivement que mon ami acceptât la charge de secrétaire de la Société de mission de son Eglise. Mais il savait, ce que chacun sait» combien il est difficile de grouper quelques fidèles, en dehors des heures de culte, dans de grandes congrégations. Après avoir sérieusement discuté avec mon ami, il termina par cette phrase: «Si vous m’autorisez à me servir de votre nom pour cette réunion, je me porte garant du succès».

 

    Permettez-moi d’appliquer cet exemple au cas qui nous occupe et de dire qu’il est l’explication pratique des paroles de Jésus: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous»—exercent une influence sur vous—«demandez ce que vous voudrez et... je me porte garant de l’obtenir pour vous». Voilà le sens net et positif de ces paroles de Jésus.

 

    Un peu plus loin, au verset 16 du même chapitre, nous lisons ces mots: «Ce n’est pas vous qui m’avez choisi; mais moi, je vous ai choisis et je vous ai établis, afin que vous alliez, et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure, afin que ce que vous demanderez au Père en. mon nom, Il vous le donne». Ainsi, en nous choisissant, Dieu avait en vue notre alliance avec Lui par la prière.

 

    Vient enfin la dernière déclaration, contenue dans Jean XVI, vers. 28-24: «En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père en mon nom, Il vous le donnera. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite.»

 

    Ces déclarations sont les plus positives) que nous puissions trouver dans les Ecritures touchant la prière. Chacun a donc pleine liberté de demander, et la demande ne souffre aucune restriction. Trois conditions seulement sont imposées: la prière doit passer par Jésus;  celui qui prie doit vivre en parfaite union avec Lui; et, enfin, il doit posséder une grande foi.

 

    3. Un verset capital

 

    Rappelons-nous maintenant que ces six déclarations ne furent pas prononcées devant les foules, mais ne furent confiées qu’au petit groupe intime des douze. Jésus a une manière spéciale de s’adresser aux multitudes; il ne leur parle pas comme il parle à ces hommes qui ont quitté la foule pour pénétrer dans le cercle intime de ses disciples.

 

    Notons de plus qu’avant de s’adresser à ce petite groupe de fidèles, il avait dit quelque chose d’autre, quelque chose de décisif, qui avait provoqué un incident entre lui et Pierre, qu’il dut reprendre sévèrement. Les paroles qu’il prononça alors fixent clairement les rapports des disciples et du Sauveur. Rappelons-nous dans quelles circonstances elles furent prononcées: c’était après la rupture complète avec les chefs du peuple, lorsque Jésus était accusé d’agir sous l’influence de Satan. Le complot se tramait, et il n’y avait plus de remède possible; aussi le Maître se retirait-il souvent de la foule avec les douze disciples. Telle fut l’occasion des grandes promesses que nous étudions.

 

    Avant de se donner en quelque sorte à eux en les leur faisant, il leur dit: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix (Luc ajoute: chaque Jour) et qu’il me suive.» {#Mt 16:24} Ces paroles devraient être écrites en travers des six déclarations précédentes. Jésus, en effet, ne prononça jamais de paroles plus nettes et, partant, plus importantes. Ces promesses, nous disent-elles clairement, ne s’adressent pas à tous; elles ne s’appliquent qu’à ceux qui conforment leur vie à l’ordre précis que Jésus nous a laissé.

 

    Tout homme qui brûle d’exercer le pouvoir de la prière devrait examiner les promesses de Jésus sous cet angle nouveau. «Si quelqu’un veut venir après moi», cela implique une décision ferme, inébranlable comme le roc; une décision qui s’attache à son but comme le lierre s’enroule autour de l’arbre qui le supporte; une résolution qui ait la solidité des nœuds que font les marins et que personne ne peut dénouer.

 

    «Venir après moi ...», ces mots rappellent toute la vie de Jésus, sa puissance, mais aussi ses souffrances. Ils rappellent le désert et la terrible tentation. Pour l’un, ils signifient Nazareth, village obscur et solitaire. Pour un autre, la première année du ministère en Judée, c’est-à-dire des débuts difficiles. Pour un autre, les derniers mois, l’abandon de tous les amis. Pour tous, sans aucun doute, ils signifient Gethsémané, car tout disciple du Maître a, dans sa vie, de telles heures d’agonie. Venir après lui, c’est passer par les mêmes expériences que lui, de façon moins tragique sans doute, mais réelle pourtant. C’est avoir, nous aussi, notre Calvaire à gravir, un Calvaire différent du sien, mais pourtant un Calvaire. Se charger de sa croix et venir après lui, c’est le seul moyen par lequel l’homme, avec sa volonté gangrenée par le péché, peut cependant s’unir à Dieu et se réclamer de toutes les promesses faites à ceux qui prient. Cela peut paraître dur et difficile; en réalité, c’est chose très aisée pour l’homme qui sait vouloir, car la présence de Jésus dans sa vie surmonte tous les obstacles.

 

    Le chrétien, qui obéit à l’ordre de ce vingt-quatrième verset du chapitre XVI de l’Evangile de Matthieu, peut demander ce qu’il voudra; cela lui sera accordé. Si les prières de tant de gens restent inefficaces, c’est que ceux qui prient ne veulent pas—j’appuie sur ce mot—ne veulent pas se laisser pénétrer par l’esprit de ce verset. Par contre, un homme qui, tranquillement et résolument, suivra l’exemple du Christ—exemple qui ne le conduira à rien d’extrême, d’outré, ni de morbide, mais au but que notre conscience nous indique tout bas jour après jour—cet homme sera stupéfait de découvrir que la prière a pour lui un sens tout nouveau.

 

    4. La prière justifiée par son but

 

    Une union vivante se justifie toujours par un but. Celui d’un ambassadeur sera de servir les intérêts de son pays. Jésus dit, et cela seul révèle la nature de Son union avec Son Père: «Je fais toujours les choses qui Lui plaisent».

 

    L’union qui est la base de toute prière a un but capital: plaire à Jésus. Ceci peut paraître fort aisé, et pourtant peu de mots comportent des conséquences plus grandes: Lui plaire! Réfléchissez à cette parole et, par elle, réglez votre vie. Si vous ne l’avez pas fait, essayez un jour, une semaine, et servez-vous de ces mots comme d’une pierre de touche pour juger vos pensées, vos paroles, vos actions. Introduisez-les dans vos affaires personnelles, à la maison, dans le commerce, dans vos relations sociales ou familiales. Il ne s’agit pas par là de se demander: «Ceci est-il droit? cela ne l’est-il pas?» Non, il n’est pas question de tirer une ligne de démarcation entre le bien et le mal, le licite et l’illicite, car il y a bien des choses dont on ne peut pas dire qu’elles soient mal, mais qui ne sont pourtant pas les meilleures qu’on puisse faire, qui ne sont pas celles que préfère notre Sauveur.

 

    Tel négociant sera rendu tout perplexe par cet ordre: Lui plaire? Que faut-il faire? Ne pas écouler ce produit? Mais où donc est le mal? Il n’y en a assurément aucun; mes collègues, chrétiens eux aussi, le vendent dans tout le pays et même à l’étranger.., mais il faut Lui plaire...,  de plus je perdrais tout un profit, une vraie somme.., mais il faut Lui plaire—et à cette lumière une seule solution se présente: détruire la marchandise.

 

    Une maîtresse de maison pense à réunir toute une jeunesse chez elle, dans le but d’offrir une agréable soirée à ses filles. Elle organisera quelques jeux tels qu’il est coutume d’en avoir un peu partout; ils sont inoffensifs, nous en avons eu maintes fois la preuve..., mais peuvent-ils Lui plaire?A cette lumière, ces jeux aussi devront être supprimés; soyez persuadés, du reste, que cela n’empêche pas cette femme sérieuse, consacrée à Dieu, d’organiser une soirée tout aussi agréable.

 

    Bref, ces deux mots: Lui plaire feront réfléchir chacun; l’un à ses habitudes, un autre à ses procédés commerciaux, celui-ci à ses relations sociales, celui-là aux sociétés dont il fait partie, et chaque fois ils pénétreront au fond de l’âme comme un dard qu’on ne peut arracher.

 

    Certains pourraient s’étonner et dire: Pourquoi mettre de telles conditions à la base de la prière?—Je leur répondrai ceci: La vraie base de la prière est la communion avec Dieu, l’unité de but que Dieu et l’homme poursuivent. La prière n’extorque pas des faveurs; ce n’est pas une opération de banque, l’encaissement d’un billet. Non, son but est tout autre et, avant tout, il est unique et nécessite une unité d’efforts. D’une part, Dieu et Son Fils le Vainqueur à; Ses côtés; de l’autre, sur la terre, un homme, et les trois vivent dans une telle union que les pensées de Dieu deviennent celles de l’homme et que Ses volontés sont exprimées et répétées dans chacune des prières de son serviteur.

 

    5. Trois éléments à la base de la vie de Jésus

 

    Reportons-nous maintenant pendant quelques instants à la vie que Jésus-Homme passa sur la terre. Voyez son activité merveilleuse durant ces quelques années, activité qui excita et excite de nos jours encore l’étonnement du monde. Comparez ensuite sa vie de prière tout intime que nous ne faisons qu’entrevoir de temps à autre, et groupez autour de ces mots: «Je fais toujours les choses qui Lui plaisent», les phrases énergiques où un accent spécial est mis sur la

 

    négation: non; non pas ma volonté, non pas mon travail, non pas mes paroles. Jésus nous montre par là qu’il faisait la volonté de quelqu’un d’autre; le but justificateur de sa vie était de plaire à Son Père, et c’est là que gît le secret du pouvoir de Sa carrière terrestre. Communion avec Dieu; une vie de prière secrète et intime; un pouvoir merveilleux sur les hommes; voilà les trois éléments qui dominent et dirigent Sa vie.

 

    A la fin du chapitre Il de l’Evangile de Jean, nous trouvons une expression étonnante: «Plusieurs crurent en son nom, voyant les miracles qu’il faisait. Mais Jésus ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous». Le texte original grec donne le même verbe pour les deux français crurent et se fiait, de sorte que nous pourrions tout aussi bien traduire le verset de cette façon-ci: plusieurs se fièrent à lui, voyant ce qu’il faisait, mais Jésus ne se fiait point à eux parce qu’il les connaissait.

 

    J’ai la ferme conviction que la plupart d’entre vous se fient à lui; mais permettez-moi de vous demander: «Peut-il se fier à vous?»—Aucun d’entre vous n’oserait répondre franchement et entièrement: «Oui!» et pourtant, si l’on envisage notre intention, le but de notre vie, cette question peut en toute conscience recevoir une réponse affirmative. Quel est votre but?—Lui plaire?—Si oui, Il le sait.

 

    Quel réconfort que de savoir que Dieu juge un homme non d’après le résultat, mais d’après l’intention; qu’il me juge non comme je suis, mais comme je voudrais être; qu’il me juge d’après le but primordial de ma vie. Dieu répand sur nous toutes les forces qu’il nous croit capables d’employer à Son service.

 

    Le commerce nous fournit à ce propos un exemple frappant. Un homme est employé par une maison de commerce en qualité de commis. Son habileté et sa probité se manifestent dans différentes circonstances. Premier résultat: il est promu à un poste plus élevé, et sa responsabilité est accrue. Grâce à son caractère à toute épreuve, on se confie de plus en plus en lui, jusqu’à ce qu’il devienne à un moment donné l’homme de confiance de la maison: il en connaît désormais les secrets comme il connaît aussi ceux du coffre-fort, et tout cela, parce qu’on sait, pour en avoir eu la preuve, qu’il usera de tout pour le plus grand intérêt de la maison et non dans un but égoïste.

 

    Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de questions plus élevées, mais le principe est le même. Si j’arrive à réaliser l’union avec Dieu qu’impliquent ces mots: «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive»—et tels doivent être le but et le désir de ma vie,—je pourrai alors demander ce que je veux, cela me sera accordé.

 

    Tout homme qui vit d’après l’ordre compris dans #Mt 16:24, et suit l’exemple donné par Jésus—rien de plus, c’est-à-dire pas de fanatisme, pas d’exagération, rien autre que suivre l’exemple du Christ jour après jour—cet homme peut disposer entièrement des six promesses de Jésus dont la portée est sans limites.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    TROISIEME PARTIE

 

    COMMENT PRIER?

 

    CHAPITRE II

 

    Comment prier?

 

    1. Action secrète de la prière

 

    Une des illustrations modernes les plus remarquables du pouvoir de la prière peut être tirée de la vie de Moody. La prière explique sa carrière incomparable et unique de revivaliste, et il est étonnant que l’on n’en ait pas parlé davantage. L’exemple de cet homme consacré est en effet un vrai stimulant. Je suppose que la raison doit en être attribuée à la modestie de Moody lui-même. Toutefois, durant la dernière année de sa vie, comme s’il y avait été inconsciemment poussé, il fit de plus fréquentes allusions à son expérience.

 

    La dernière fois que je l’entendis, ce fut dans sa propre église de Chicago et, si je ne fais erreur, quelques mois avant sa mort. Un matin, dans cette vieille église, célèbre par son influence, il nous en raconta l’histoire. Il remonta jusqu’en 1871, époque où une grande partie de la ville fut dévastée par un incendie. «La reconstruction de cette église», nous dit-il, «n’était pas encore assez avancée pour qu’on pût y faire grand travail; je décidai dès lors de passer l’Atlantique et d’aller à l’école des grands prédicateurs de l’Europe; j’espérais obtenir, dans la suite, en suivant leurs exemples, de meilleurs résultats à Chicago. J’arrivai à Londres, et là je profitai de toutes les occasions possibles d’entendre les prédicateurs anglais. Un soir, j’allai entendre Spurgeon au Metropolitan Tabernacle; apprenant qu’il devait parler une seconde fois dans la soirée à l’occasion de la dédicace d’une église, je me glissai hors du temple et courus pendant un mille derrière sa voiture; je voulais être sûr de l’entendre une deuxième fois. «Eh! oui», ajouta-t-il en souriant, «c’est ainsi que je courais après les hommes de talent». «Jusqu’alors je n’avais parlé nulle part; je m’étais borné à écouter. Un jour, c’était un samedi, à midi, je me rendis à Exeter Hall, sur le Strand. Me sentant poussé à dire quelques mots, je me levai et parlai. A la fin de la réunion, plusieurs personnes vinrent me saluer et, parmi elles, un pasteur. Ce dernier me pria de venir prêcher, le jour suivant, dans son église, et j’acceptai son invitation. Le lendemain matin, je pénétrai donc dans la dite église et je me trouvai en face d’une grande affluence de fidèles. Je parlai..., mais à présent encore, il me semble que c’est le travail le plus pénible que j’aie jamais accompli. Je ne sentais aucun lien entre l’auditoire et moi; tous ces visages étaient impassibles; ils ne répondaient pas à ma voix; vraiment, ils semblaient être sculptés dans la pierre ou dans la glace. Quelle corvée! Je souhaitais d’être à cent lieues de cette église et surtout je souhaitais de n’avoir pas promis de nouveau le soir. Mais j’avais promis; il fallait donc tenir parole.

 

    «Le soir, ce fut la même chose: salle pleine, auditoire respectueux, mais ne manifestant aucun intérêt, ne vibrant pas. Et de nouveau j’étais au supplice quand tout à coup, au milieu de mon discours, survint un changement. Il me sembla que les portes du ciel s’ouvraient et qu’un souffle vivifiant en descendait. L’atmosphère du bâtiment se transforma: l’expression de mes auditeurs, elle aussi, se transforma. J’en fus si impressionné qu’à la fin de ma prédication, j’invitai ceux qui voulaient être chrétiens à se lever. Je pensais que quelques auditeurs répondraient à mon appel; aussi fus-je stupéfait de voir des groupes entiers. Je me tournai vers le ministre de l’église et lui dis: «Qu’est-ce que cela veut dire?—Je vous assure que je n’en sais rien, me répondit-il.—Pour sûr qu’ils m’ont mal compris, ajoutais-je, je vais leur expliquer ce que je voulais dire».—Je leur annonçai alors un second service qui se tiendrait dans la salle du bas et je leur dis qu’étaient invités ceux-là seuls qui voulaient être chrétiens. J’expliquai encore ce que j’entendais par là et congédiai l’assemblée.

 

    «Nous gagnâmes la salle en question et les auditeurs arrivèrent en foule, se pressant, remplissant tous les sièges, toutes les places disponibles, les corridors et l’entrée. Je parlai pendant quelques minutes et répétai ensuite mon appel: «Que ceux qui veulent être chrétiens se lèvent!» Cette fois, je savais que je m’étais fait comprendre. Et, de nouveau, ils se levèrent par groupes entiers, par séries de cinquante et plus. Je me tournai vers le pasteur et lui dis: «Qu’est-ce que cela veut dire?—Je vous assure que je n’en sais rien», me répondit-il; puis, après quelques instants: «Que ferais-je de cette foule? Je ne sais qu’en faire... Il y a quelque chose de nouveau.—A votre place, lui dis-je, je fixerais une réunion pour demain soir et pour après-demain soir et je verrais alors ce qui se passera; quant à moi, je dois m’embarquer pour Dublin». Je partis; mais à peine étais-je débarqué que je reçus un télégramme du dit pasteur avec ces mots: «Revenez immédiatement. Eglise bondée». Je revins donc et restai dix jours. Le résultat de ces dix jours fut que l’Eglise s’augmenta de quatre cents membres et que les autres Eglises reçurent, par contre-coup, un élan et une impulsion extraordinaires».

 

    Après avoir fait ce récit, Moody baissa la tête, comme s’il réfléchissait à ces événements passés; puis il ajouta: «Je ne pensais à rien d’autre qu’à mon Eglise, mais le résultat de ce voyage fut que je me vouai au ministère itinérant; depuis lors, je ne l’ai pas quitté».

 

    Et maintenant, comment expliquer l’œuvre merveilleuse qui se fit ce dimanche-là et les jours qui suivirent? Moody n’en était pas l’initiateur, bien qu’il fût un homme de valeur que Dieu pouvait employer et qu’il employa largement; le ministre de la dite Eglise ne peut, lui non plus, en être rendu responsable, car il fut aussi grandement surpris que son hôte. Il s’était évidemment passé quelque chose de mystérieux pendant ces dix jours. Moody, avec sa pénétration habituelle, entreprit de découvrir ce secret.

 

    Quelque temps après, le fait suivant parvint à sa connaissance. Un membre de l’Eglise, une femme était tombée malade plusieurs mois avant ce magnifique réveil. Son état empira; les médecins la condamnèrent. Sa maladie n’était pas de celles dont on meurt subitement; elle allait vivre des années encore, mais cloîtrée dans sa maison. Elle resta donc couchée, s’efforçant de comprendre le but de cette longue et douloureuse épreuve. Elle fit un retour sur elle-même et se dit: «Qu’ai-je donc fait pour Dieu? En fait, rien; et maintenant, que puis-je faire, couchée et isolée du monde? Je puis prier», se dit-elle.

 

    Permettez-moi d’ouvrir ici une courte parenthèse. Dieu permet souvent que nous soyons enfermés et isolés. Ce n’est pas Lui qui nous isole, Il n’a pas besoin de le faire; Il se contente de retirer légèrement Sa main, et notre désobéissance à Ses lois a vite fait de nous séparer des humains. Ce qui arrive alors L’afflige; c’est malgré Ses premières intentions à notre égard qu’il permet cette solitude forcée, mais Il le fait, parce qu’ainsi seulement Il arrive à tourner notre attention vers ce qu’il désire que nous accomplissions; ainsi seulement, Il parvient à nous rendre attentifs à certaines choses et à nous les faire juger comme Il désire qu’on en juge. Mais revenons à notre récit.

 

    Elle se dit: «Je peux prier, donc je prierai». Elle le fit et pria, entre autres objets, pour son Eglise. Sa sœur, membre de la même paroisse, vivait avec elle; c’était son seul lien avec le monde extérieur. Le dimanche, après le service, la malade demandait toujours: «Y a-t-il eu quelque chose de nouveau à l’Eglise aujourd’hui?—Non», répondait invariablement la sœur. Chaque mercredi soir, après la réunion de prière, elle interrogeait sa sœur: «Quelque chose de nouveau ce soir? Il doit y avoir eu quelque chose.—Non, rien de nouveau; les mêmes vieux diacres ont fait les mêmes vieilles prières».

 

    Mais, un dimanche, à midi, la sœur rentra du culte et demanda à la malade: «Devine qui a prêché ce matin.—Je n’en sais rien, qui donc?—Eh! bien, un étranger, un Américain du nom de Moody, à ce que j’ai entendu». Le visage de la patiente pâlit, ses yeux devinrent fixes et ses lèvres tremblèrent, mais elle dit tranquillement: «Je sais ce qu’il en est; c’est une visite à la vieille Eglise. Ne m’apporte pas à manger, car je veux passer l’après-midi dans la prière». Ainsi fut fait, et le même soir se produisait ce changement étonnant dans l’auditoire de Moody.

 

    Ce dernier découvrit la malade; elle lui raconta comme quoi, environ deux ans auparavant, un exemplaire de Watchmann, publié à Chicago, lui était tombé entre les mains; il contenait un discours que Moody avait prononcé dans cette ville. Tout ce qu’elle savait, c’était que ce discours enflamma son cœur et qu’il était signé Moody. Elle insista dès lors dans ses prières pour que Dieu envoyât cet homme à Londres, dans son Eglise. Et voilà.! Quoi de plus simple que cette prière!

 

    Les mois passèrent; une année s’écoula et toujours elle priait. Sauf Dieu, personne ne le savait. Pas de changement? N’importe, elle priait, et pour finir... sa prière triompha.—De même toute prière vraiment inspirée de l’Esprit remporte la victoire. Le succès! voilà la pierre de touche de nos supplications.

 

    L’esprit de Dieu poussa Moody à traverser les mers, à venir à Londres, à pénétrer dans cette église. Puis vint la concentration de toutes les forces, le dernier assaut, et cette nuit-là la victoire fut remportée.

 

    Je suis persuadé qu’un jour, quand les ténèbres auront disparu et que la lumière rayonnera partout, quand nous connaîtrons comme nous avons été connus, je suis persuadé qu’alors nous découvrirons que le facteur le plus important de ces dix jours où des milliers d’âmes se sont données à leur Sauveur, sous l’influence de Moody, aura été la prière de cette femme. Non pas le seul facteur, il est vrai, car il faut y ajouter l’appui de la puissante personnalité de Moody et le travail concentré de centaines de pasteurs et de laïques. Toutefois, je place sans hésiter, avant l’influence de Moody et de tous les autres, la prière de cette infirme.

 

    Je ne connais pas son nom, tandis que je connais celui de Moody. Je pourrais citer un grand nombre d’aides qui se consacrèrent à l’œuvre du grand revivaliste. Mais cette femme, qui fut la cause humaine de ce grand succès, je ne la connais pas. On me dit qu’elle vit au nord de Londres et qu’elle continue de faire monter au Ciel ses supplications. C’est vraiment un service secret que celui de la prière, et dans ce domaine nous ne savons pas quels sont les plus puissants des hommes de prière.

 

    Et nous, prierons-nous? saurons-nous prier? saurons-nous, en face d’un événement important, attribuer la première place à la prière?

 

    2. Priant pour la réalisation du plan de Dieu

 

    Laissez-moi vous dire maintenant quelques mots sur la manière de prier. Oui, comment devons-nous prier?

 

    La première condition de toute prière est de connaître les intentions de Dieu, leur direction, leur portée. Il nous faut connaître avant tout la pensée de Dieu et demander ensuite qu’elle se réalise. Dieu est assis dans les cieux sur son trône, avec Jésus glorifié à ses côtés. Partout, dans tous les mondes, la volonté du Créateur est observée; une seule exception: la partie que l’on appelle la terre, avec l’atmosphère qui l’entoure, est le coin du Ciel où règnent Satan et ses armées.

 

    La volonté divine fut accomplie sur la terre par un homme: Jésus. Il descendit vers ce monde prodigue et fit la volonté de Son Père qui est dans les cieux; puis Il partit. Depuis Il a cherché et cherche maintenant encore sur la terre des hommes qui soient dans une telle union avec Lui, qu’il puisse, en eux et par eux, faire ce qu’il veut. Il désire trouver des imitateurs de Lui-même et obtenir ainsi que, par leur moyen la volonté de Dieu règne de nouveau en maîtresse sur la terre. Voici maintenant ce qu’est la prière: découvrir les intentions divines à notre égard, à l’égard du monde, et demander avec insistance qu’elles se réalisent. L’important est de découvrir la volonté de Dieu et de prier sans cesse qu’elle «soit faite». Voilà la réponse à la question: Comment devons-nous prier?

 

    Je me suis rencontré plus d’une fois avec des chrétiens dans le but de prier ensemble, et les sujets d’intercession furent naturellement des plus divers. Tel homme demandent ceci, tel autre cela et ainsi de suite; mais pendant qu’à genoux et priant moi-même, j’écoutais les supplications qu’un frère faisait monter vers les cieux, je me suis dit souvent, sans vouloir toutefois jouer le rôle de critique: «Voici ce que je dois dire: Esprit Saint, Tu connais cet homme, Tu sais ce qui lui manque; Tu connais aussi cette femme malade, et Tu sais quelles sont ses peines; Tu connais cette question que nous t’apportons, Tu en sais les difficultés; Esprit Saint, insuffle en moi la prière que Toi-même Tu formules pour cet homme, pour cette femme, pour cette question. Ta prière est la mienne, au nom de Jésus. Que ta volonté soit faite en tout et partout!» Quelquefois je vois clairement ce que je dois demander, mais souvent je suis embarrassé. Je connais tel fait particulier; je ne puis connaître tous les faits. Par exemple, je connais cet homme qui a besoin de mes prières; c’est peut-être un chrétien; son caractère, ses idées, sa volonté me sont connus; toutefois il y a en lui quelque chose que je ne connais pas et ce quelque chose d’inconnu est cause de toute la difficulté. Dès lors, je suis obligé d’avouer que je ne puis prier comme je le devrais. Mais l’Esprit qui est en moi intercédera pour cet homme selon que je lui laisserai toute latitude d’agir et de prier, et Celui qui, là-haut, prête l’oreille dès qu’il entend que Sa volonté, Sa pensée pour telle ou telle de ses créatures est proclamée sur le champ de bataille, reconnaîtra certainement Sa propre volonté dans ma prière. Le résultat sera l’exaucement de ma prière à cause de la victoire de Jésus sur Satan.

 

    De plus, je puis devenir sensible à la pensée et à la présence de l’Esprit au point de percevoir plus facilement et plus rapidement ce pour quoi il me faut prier. Je serai par là-même un associé toujours plus utile pour réaliser la volonté divine sur la terre.

 

    3. Où rencontrer Dieu

 

    La prière ne peut être exercée que dans certaines conditions; nous en distinguons six.

 

    Tout d’abord, il nous faut du temps pour prier. Trouvons chaque jour le temps nécessaire, et sachons aussi oublier ce qui nous entoure et les occupations qui nous attendent. Ne soyons pas pressés par l’heure. Telle personne se lève précipitamment le matin, s’habille en hâte et s’agenouille quelques instants avant d’aller vaquer à ses affaires; mais ce n’est pas là prier. Telle autre, fatiguée par le travail quotidien, se déshabille, en hâte aussi, car elle a besoin de repos; par habitude—habitude qui peut être excellente—elle parcourt quelques versets, s’agenouille un instant et croit avoir prié; mais ce n’est pas là prier. Je ne critique pas la bonne intention; mais je tiens à dire nettement que, si l’on veut vraiment prier, prier sérieusement, il faut prendre le temps de le faire à l’heure où l’esprit est frais et dispos, et non lorsqu’il est émoussé par la fatigue du jour.

 

    «Nous n’avons pas le temps; la vie est trop remplie», dira-t-on. C’est possible; mais ce temps, nous devons le prendre, fût-ce à quelque chose d’important; ce sera toujours une chose moins importante que la prière.

 

    Le sacrifice est la loi continuelle de la vie; l’important doit être sacrifié au plus important. Il faut arriver à posséder un jugement mûr, sinon notre force sera dilapidée dans mille détails secondaires et l’important ne sera pas accompli, ou si pauvrement qu’il ne sera d’aucune valeur. Si nous désirons intercéder utilement et savoir comment prier simplement, prenons le temps de passer chaque jour quelques instants dans le calme et la solitude.

 

    En second lieu, il nous faut un endroit pour prier. Il va sans dire qu’on peut prier partout, dans la rue, dans les bureaux, en voyageant, en travaillant, en lavant la vaisselle..., que sais-je encore; mais vous ne pouvez vraiment vous recueillir que si vous recherchez un endroit tranquille pour y être seul avec Dieu. Le Maître nous dit: «Entre dans ta chambre, ferme ta porte—cette porte joue un rôle important, elle isole complètement—et prie ton Père en secret.» Dieu se trouve dans cet endroit solitaire. Il faut être seul pour se rendre compte qu’on n’est jamais seul. Plus nous sommes seuls, humainement parlant, et moins nous le sommes au point de vue divin.

 

    La solitude et la tranquillité nous sont nécessaires pour développer notre entendement. Une mère entendra le plus faible cri de son bébé qui se réveille; les pleurs viennent d’un autre étage peut-être; ce n’est qu’un léger bruit que personne n’entend; mais l’oreille maternelle l’a saisi immédiatement et déjà la mère est auprès du berceau. Son oreille est exercée d’une façon toute spéciale par l’amour.

 

    Nous aussi, nous devons exercer notre oreille. Un endroit retiré interceptera les bruits extérieurs et donnera à l’ouïe intérieure la possibilité d’entendre d’autres voix.

 

    Un homme se trouvait un jour dans une cabine téléphonique; placé devant l’appareil, il essayait de comprendre la communication qu’on lui faisait; mais c’était en vain, et sans cesse il répétait: «Je n’entends pas, je n’entends pas». Son interlocuteur, après quelques essais, lui cria un peu sèchement: «Si vous voulez entendre, fermez donc la porte». Sa porte à lui était fermée et il pouvait entendre non seulement la voix de la personne à qui il téléphonait, mais aussi les bruits de la rue et des acheteurs qui remplissaient le magasin où se trouvait la cabine téléphonique.

 

    Certaines personnes n’entendent pas bien, parce qu’elles n’ont pas fermé suffisamment la porte. La voix de l’homme et la voix de Dieu résonnent et se confondent dans leurs oreilles; elles ne peuvent les distinguer. La faute en est pour une part à la porte: «Si vous voulez entendre, fermez donc votre porte!»

 

    La troisième condition mérite aujourd’hui une attention toute spéciale: «Donnez à la Bible sa place dans la prière». La prière ne consiste pas simplement à parler à Dieu; non, écoutez d’abord, vous parlerez ensuite. La prière se sert de trois organes: l’oreille, la langue et les yeux. L’oreille pour entendre ce que Dieu dit, la langue pour lui parler, les yeux pour voir le résultat. Lire la Bible, c’est écouter ce que Dieu dit. Ses paroles nous pénètrent; elles trouvent notre cœur où elles prennent un peu de notre personnalité, et elles ressortent de notre bouche sous forme de prière. Quelle peine Dieu a à obtenir qu’on L’écoute! Il parle constamment; mais les bruits de la terre assourdissent le son de Sa voix, même chez ceux qui auraient quelque désir de l’entendre. Dieu parle par Sa parole; ce que nous savons de Lui, nous le savons par elle. La Bible a été inspirée, et elle est inspirée. Dieu Lui-même parle dans ce livre. C’est donc un livre à part, différent de tous les autres. Etudions-le avec soin, avec intelligence, avec respect, et son contenu nous révélera la volonté souveraine de Dieu. Ce qu’il dit changera complètement ce que vous vouliez dire.

 

    4. Qui nous enseignera à prier?

 

La quatrième condition est celle-ci: Laissez le Saint-Esprit vous apprendre à prier. Plus vous prierez et plus vous vous direz: «Je ne sais pas comment prier.» Vous reconnaissez là l’expérience et les paroles mêmes de Paul. Dieu, qui connaît et comprend cette difficulté, sait comment y remédier. Il nous a envoyé le Saint-Esprit, qui doit habiter dans nos cœurs et nous apprendre l’art si difficile de la prière. Laissez-vous donc enseigner par Lui.

 

    Quand vous vous réfugiez, avec votre Bible, dans la solitude et la tranquillité, que votre prière soit: «Esprit saint et béni, Esprit de prière, apprends-moi à prier!» Et il le fera. Ne soyez pas énervé, agité, et ne vous demandez pas s’il vous comprendra. Apprenez à être calme, dans votre corps et dans votre esprit. Soyez tranquilles, et écoutez. Souvenez-vous de la version que donne Luther du Psaume XXXVII, verset 7: «Sois silencieux devant l’Eternel et laisse-toi façonner par ses mains» {#Ps 37:7}.

 

    Vous verrez alors quelle transformation subiront vos prières. Vous parierez plus simplement, tel un homme occupé à ses affaires ou un enfant faisant une demande,—avec, en plus, évidemment, tout le respect que vous devez à Dieu. Vous cesserez de prier pour certaines choses et vous abandonnerez aussi quelques redites; vous emploierez moins de mots peut-être, mais vous les prononcerez avec une tranquillité, avec une foi si complètes que votre demande sera exaucée.

 

    Cette influence du Saint-Esprit doit exister au début de chaque prière et se maintenir jusqu’à la fin, car il est le facteur principal qui la guidera vers Dieu. Le Saint-Esprit est avant tout un Esprit de prière. La loi suprême de la vie chrétienne est une obéissance complète aux directions du Saint-Esprit. Il faut un jugement éclairé pour comprendre ses voies et ne pas prendre nos pensées imparfaites pour ses ordres. Nous devrions l’autoriser à nous enseigner à prier et plus encore à régler nos prières. La bataille spirituelle se passe sous ses yeux; il est le général de Dieu sur le champ de bataille.

 

    Des fléchissements peuvent se produire durant le combat; il y a des hauts et des bas. Le Saint-Esprit sait alors quand la prière est nécessaire pour ramener l’avantage et, par là, la victoire. Nous devons donc consacrer un temps spécial à la prière et y persévérer jusqu’à ce que le triomphe soit assuré. Obéissons par conséquent à son inspiration.

 

    Nous nous sentons parfois poussés à prier ou à demander à quelqu’un de prier, et nous nous disons: «Pourquoi donc prier encore? Je viens de le faire.» Ou bien: «Je ne vois pas la nécessité d’inciter cette personne à prier, car elle le fait sûrement.» Ne pensons pas à cela, et contentons-nous de suivre cette inspiration de l’Esprit et de l’exécuter avec le moins d’explications possibles.

 

    Laissez cet Esprit merveilleux vous enseigner à prier. Ce sera long; mais, si vous cédez devant sa sagesse et attendez patiemment, il vous enseignera comment il faut prier; il vous suggérera des sujets précis et souvent vous fournira les mots de votre prière.

 

    Si vous y réfléchissez, vous remarquerez que le but principal de ces quatre premières conditions est d’apprendre à connaître la volonté de Dieu. Un endroit solitaire, un moment de tranquillité, la Bible, l’Esprit, voilà qui fera de nous de vrais hommes de prière. Nous apprendrons ainsi à connaître la volonté du Très-Haut, et cette connaissance nous fera toujours plus désirer que cette volonté soit faite et toujours plus prier qu’elle puisse être accomplie.

 

    Il est un mot souvent employé dans les Psaumes et dans le livre d’Esaïe pour désigner notre attitude: attendre. Ce mot est sans cesse pris pour désigner cette union avec Dieu, qui nous révélera Sa volonté et nous fera part de Ses intentions. Le mot attendre n’indique rien d’accidentel, rien de pressé; il signifie fermeté, c’est-à-dire persévérance; patience, c’est-à-dire constance; espérance, c’est-à-dire confiance en Dieu; obéissance, c’est-à-dire entier consentement; il signifie aussi attention, c’est-à-dire calme et tranquillité pour mieux entendre la voix du ciel.

 

    5. Le pouvoir d’un nom

 

    La cinquième condition a déjà été indiquée, mais nous tenons à souligner son importance. La prière doit être faite au nom de Jésus;  elle doit être offerte en son nom, parce que toute sa force repose sur lui. Je me souviens d’une contrée que j’habitai quelque temps et où j’entendis rarement employer le nom de Jésus dans les prières. A différentes reprises, j’entendis prier des hommes que je savais être de vrais chrétiens, et toujours sans mention du nom de Jésus. Rappelons-nous que nous n’avons pas accès auprès de Dieu, si ce n’est par Jésus.

 

    Supposons que le plus habile des juristes anglais, connaissant à fond les lois américaines, les statuts de l’Illinois et les ordonnances municipales de Chicago, vienne en Amérique; pourrait-il plaider devant nos tribunaux? Vous savez pertinemment qu’il ne le pourrait pas, car il n’y serait pas légalement autorisé. De même, vous et moi, nous ne sommes pas autorisés à plaider à la barre de Dieu; nous en sommes exclus de par le péché; nous ne pourrons parvenir à Lui que par Jésus qui a accès au tribunal céleste.

 

    Mais, inversement, puisque nous venons au nom de Jésus, c’est la même chose que si Jésus priait, s’il nous prenait par la main et nous conduisait à son Père en disant: «Père, voici un de mes amis; je T’en prie, accorde-lui ce qu’il Te demande, par amour pour moi.» Dieu se penchera vers vous et dira: «Que désires-tu? Ce que tu demanderas, tu l’obtiendras, au nom de Mon Fils.» Tel est l’effet d’une demande faite au nom de Jésus.

 

    Je suis persuadé, absolument persuadé, et c’est pourquoi j’y reviens avec tant d’insistance, qu’en dernière analyse, si nous pouvons nous réclamer du nom de Jésus, c’est qu’il a vaincu le prince du mal. Prier, c’est répéter le nom du Vainqueur, le proclamer aux oreilles de Satan et demander la défaite finale de ce dernier. La prière incessante au nom de Jésus provoquera la fuite de l’Ennemi; à contre-cœur, irrité, il devra lâcher prise et abandonner le champ de bataille.

 

    6. Origine et progrès de la foi

 

    La sixième et dernière condition nous est familière et, pourtant, combien elle est mal comprise. La prière doit être faite avec foi. Remarquez, à ce propos, que la foi ne consiste pas à croire que Dieu peut, mais qu’il veut. L’homme de foi s’agenouille, prie et dit ensuite: «Père, je Te remercie. Tu exauces ma prière, je Te remercie.» Il se lève et va à ses occupations en se disant que la chose est sûre. A travers son travail de la journée, il répète la prière et les actions de grâces, et il a la ferme assurance de son exaucement. S’il répète sa prière, ce n’est pas pour persuader Dieu, mais parce qu’il sait que la prière est une force décisive dans la lutte spirituelle et que chaque prière est une blessure nouvelle au front de l’ennemi.

 

    D’aucuns diront: «Ne poussez-vous pas les choses à l’extrême? Pouvons-nous tous avoir une foi si grande? Pouvons-nous nous forcer à croire?» Cette question révèle une erreur que commettent beaucoup de personnes des plus sérieuses. Non, assurément, nous n’aurons pas tous une foi si parfaite; cela ne fait aucun doute et la raison en est fort simple à donner. La foi qui croit que Dieu fera ce qu’on Lui demande ne naît pas en un jour; elle ne naît pas non plus dans le tumulte de la rue, ni dans le brouhaha de la foule. Voulez-vous savoir quelle est son origine? Elle se manifeste et se développe dans le cœur de tout homme qui a mis à part, chaque jour, quelques instants pour les vivre avec Dieu et écouter ce que Sa Sagesse lui révèle; le résultat de tels entretiens est la conviction que Dieu exauce toutes les prières que l’on se sent pressé de lui adresser.

 

    Cette foi possède quatre qualités. Elle est intelligente;  elle découvre ce que Dieu veut. La foi n’est jamais l’opposé de la raison; seulement, parfois, elle la dépasse. Secondement, elle est obéissante;  elle adapte sa vie à la volonté de Dieu. De temps à autre, il y a quelques heurts, mais la foi les surmonte. En troisième lieu, elle est attentive;  je dis attentive, en pensant au sens original de ce mot, c’est-à-dire dirigée, tendue vers un but. Elle est enfin persévérante;  elle s’attache à son but et s’écrie: «Que nul ne se décourage! Revenons à la charge, sept fois et soixante-dix fois sept fois.» Connaissant la volonté de Dieu, sachant qu’elle ne change pas, la foi explique les retards et les lenteurs par la présence d’une troisième personne, l’Ennemi, et elle est persuadée que cette résistance opiniâtre sera brisée au nom du Vainqueur et que le diable laissera bientôt le champ libre.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    TROISIEME PARTIE

 

    COMMENT PRIER?

 

    CHAPITRE III

 

    Pour prier, il faut savoir écouter

 

    1. Une oreille exercée

 

    Dans la prière, l’oreille est un organe capital; son importance est égale à celle de la langue, mais elle doit néanmoins être citée en premier. L’oreille est en effet le chemin qui conduit à la langue. L’enfant entend avant de parler. L’art de la parole suppose une période où on a dû écouter. La preuve en est que, chez tout être normal, le langage dépend uniquement de l’ouïe. Telle est la méthode qu’emploie la nature. L’esprit se développe surtout par l’oreille et par les yeux; il s’exprime et s’affirme par la langue. Ce que l’oreille laisse pénétrer, l’esprit le travaille et la langue le fait connaître.

 

    C’est l’ordre que nous trouvons dans le passage prophétique du chapitre 50 du Livre d’Esaïe: «Le Seigneur, l’Eternel m’a donné une langue exercée... Chaque matin, il éveille mon oreille pour que j’écoute comme écoutent des disciples.» {#Esa 50:4} L’oreille est donc éveillée pour que la langue puisse apprendre à parler, et si beaucoup d’entre nous n’ont pas une langue exercée, c’est qu’ils n’ont pas fourni à Dieu l’occasion d’éveiller leur oreille.

 

    Il est frappant de voir que les hommes qui ont été le plus puissants par la prière étaient aussi des hommes qui connaissaient Dieu intimement. Ils furent particulièrement sensibles à Sa volonté et frappés de respect devant Son amour et Sa grandeur. L’Ancien Testament nous offre trois types d’hommes de Dieu qui furent spécialement des hommes de prière. Jérémie nous dit que lorsque Dieu lui parla de l’extrême perversité du peuple juif; il ajouta ces mots: «Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, je ne serais pas favorable à ce peuple.»—Lorsque Jacques cherche pour les Juifs dispersés un type d’homme de prière, il parle d’Elie et d’un moment spécial de sa carrière, la prière sur le Mont Carmel. Moïse, Samuel, Elie sont les trois grands hommes qui apparurent dans les grandes crises Je l’histoire du peuple d’Israël. Moïse fut après Dieu le créateur de la nation élue; c’est lui qui la forma. Samuel en fut le patient pédagogue; il introduisit dans la vie nationale un nouvel ordre de choses. Elie en fut le guide sévère et rigide lorsque le culte national de Jéhovah était près d’être annihilé. Ces trois hommes: le créateur, le pédagogue, le guide occupent une place prédominante dans l’histoire, comme hommes de prière.

 

    Rien n’est intéressant comme de les voir tous trois écouter la voix de Dieu. Leurs oreilles furent exercées très tôt et très longuement, jusqu’à ce qu’elles fussent extraordinairement sensibles à la parole de l’Eternel. Il semble même que Dieu ait pris une peine toute spéciale à former le premier de ces hommes, ce géant de l’histoire, le plus grand juriste qu’ait connu l’univers. Son éducation passa par deux phases distinctes. Il y eut tout d’abord ces quarante ans de solitude dans le désert, seul avec les brebis, seul avec les étoiles, seul avec Dieu. Son oreille était exercée par le silence. Il était séparé et isolé du bruit, du tumulte de la vie égyptienne. Comme la voix de Dieu est silencieuse, et combien peu sont capables d’endurer ce silence! C’est dans le silence que Dieu parle à l’oreille intérieure.

 

Lutte pour obtenir le silence en ton âme,

 

Le silence parfait que ton Dieu te réclame

 

Avant de te parler, silence intérieur,

 

Salutaire et propice.

 

Oui, lutte avec ardeur

 

Pour étouffer la voix de tes vaines pensées,

 

De tes impressions imparfaites et faussées;

 

Que tout se taise en toi devant sa Majesté.

 

Tu connaîtras vraiment quelle est sa volonté

 

Dans le recueillement, et tu pourras sans crainte,

 

Ayant ouï sa voix, sa voix divine et sainte,

 

Obéir d’un cœur simple à sa parfaite loi

 

Et l’accomplir avec foi. (Traduit de Longfellow.)

 

    Un artiste d’une certaine réputation demanda à un de ses amis de venir chez lui examiner une peinture qu’il venait de terminer. L’ami vint à l’heure fixée, fut introduit par un serviteur dans une chambre tout à fait obscure et laissé là. Très surpris, il attendit néanmoins tranquillement la suite des événements. Au bout d’environ quinze minutes, le peintre le rejoignit dans cette pièce et le salua cordialement, puis tous deux gagnèrent l’atelier où se trouvait la peinture. L’œuvre fut très admirée. Avant de se séparer, l’artiste dit en riant à son hôte: «Je suppose que vous avez dû trouver étrange d’avoir été laissé si longtemps seul dans cette chambre obscure.—En effet, lui répondit-il.—Voici l’explication! Je savais que si vous pénétriez dans moi atelier avec l’éclat de la rue dans vos yeux, vous ne pourriez apprécier le fin coloris du tableau, et c’est pourquoi je vous ai laissé dans l’obscurité, attendant que vos yeux se soient reposés.»

 

    Le premier stage de Moïse eut pour but, de l’arracher au tumulte de la vie, de lui donner ce repos qui le rendit capable d’entendre les accents calmes et doux de la voix de Dieu. Pour devenir habile dans la prière, il devait passer quelques semaines à l’école de Dieu, dans les déserts de l’Arabie.

 

    Puis vint le second stage; ces quarante années furent suivies de quarante jours et de quarante nuits passés à écouter la voix de Dieu qui parlait, là-haut, sur la montagne. Cette épreuve fit de lui un intercesseur hors ligne.

 

    Samuel passa à l’école du silence plus tôt que Moïse. Encore enfant, avant que ses oreilles fussent remplies du bruit de la terre, il fut préparé à entendre la voix de Dieu, et la nation juive apprit bien vite qu’elle possédait un homme à qui Dieu parlait. Le cœur des enfants s’ouvre naturellement à la voix divine; ils entendent facilement, et ils comprennent facilement. Ils sont accessibles à la voix d’En-Haut. Oh! si nous pouvions garder le cœur de nos enfants ouvert à la parole divine et habituer leurs oreilles à cette voix qui vient du Ciel!

 

    Nous savons peu de chose du troisième de ces intercesseurs; il ne nous est connu que par les quelques événements importants dans lesquels il figure. La scène qui se termine au Mont Carmel et où les écluses des cieux s’ouvrirent sur une terre assoiffée est celle qui nous est racontée avec le plus de détails. Remarquons à ce propos que ce chapitre XVIII du premier livre des Rois, qui nous parle du conflit du Carmel, commence par un message de Dieu à Elie... «La parole de l’Eternel fut ainsi adressée à Elie... Je ferai tomber de la pluie sur la face du sol.» Cette promesse explique la prière que le prophète adresse à l’Eternel; elle explique aussi son attente pendant laquelle il envoya, par sept fois, son serviteur regarder du côté de la mer si la pluie arrivait. Elie entendit tout d’abord la voix de Dieu; il pria alors avec insistance et enfin il leva les yeux vers les cieux pour voir le résultat dont il était certain. La voix de Dieu, ensuite la voix de l’homme, tel est l’ordre normal dans le domaine de la prière. La mise en pratique de cet ordre donnera toujours des résultats admirables.

 

    2. Par la Bible, vers Dieu

 

    Il s’agit donc d’exercer notre oreille intérieure; nous y parviendrons, une fois l’extrême jeunesse passée, par l’intermédiaire des yeux. Ce que Dieu a dit à d’autres a été écrit pour nous. Nous entendons par nos yeux; l’œil ouvre le chemin de l’oreille intérieure. Dieu se révèle dans son Livre; Il S’y révèle maintenant encore et, par lui, Il nous parle. Toute la question est là: apprendre a connaître Dieu. Il se manifeste à nous par Ses propres paroles et par celles de Ses messagers. Il se manifeste également par Son action parmi les hommes. Chaque fait, chaque expérience que nous trouvons dans la Bible reflètent l’image de Dieu; c’est par elle que nous pouvons le voir.

 

    Il faut étudier la Bible, non pour elle-même, mais pour y trouver la connaissance de Dieu. Le but de cette lecture est non pas la Bible, mais Dieu révélé en elle. Tel ira à l’Université et suivra des cours sur la Bible; il augmentera ses connaissances, enrichira son vocabulaire, mais il pourra retirer de cette étude les idées les plus erronées sur Dieu. Tel autre suivra des cours de droit, étudiera les codes du premier des juristes; il obtiendra une compréhension claire et nette des actes de Moïse, mais, malgré tout, il pourra rester parfaitement ignorant de la nature de Dieu.

 

    Une autre personne pourra se rendre à une école biblique, y devenir capable d’analyser et de synthétiser, d’esquisser le plan de telle ou telle partie de la Bible, d’exposer le contenu de divers chapitres; bref, elle pourra posséder toute une connaissance précieuse et indispensable et néanmoins être incapable de comprendre Dieu, de comprendre Son amour et Sa volonté admirables. Ce n’est pas le Livre que nous devons apprendre, mais Dieu par le Livre; ce n’est pas la vérité que nous devons saisir, mais, par l’intermédiaire de la vérité, Dieu lui-même, qui est la Vérité.

 

    Nous trouvons dans #2Sa 23:9-10, un récit extraordinaire à propos d’un des vaillants guerriers de David. Il y eut un jour une attaque soudaine des Philistins contre le camp israélite. Les Philistins étaient l’ennemi héréditaire; le seul mot de Philistin frappait de terreur les Hébreux. Or, tous les hommes d’armes étaient absents. Seul, cet homme était là. Tranquillement et rapidement il saisit son épée et frappa en tous sens: en haut, en bas, à gauche, à droite; il fit terrible besogne, si bien que l’ennemi tourna les talons et s’enfuit. Et, détail curieux, les muscles de la main du héros devinrent si raides qu’elle resta attachée à la poignée de l’épée. L’homme et l’épée ne faisaient qu’un dans ce combat singulier contre l’ennemi héréditaire. Quand nous, à notre tour, nous serons tellement pénétrés par la Bible et par l’Esprit qui est en elle et la vivifie, que ceux qui nous entourent ne pourront pas faire la démarcation entre l’homme et l’Esprit de Dieu qui est dans l’homme, alors nous obtiendrons d’En-Haut le pouvoir surhumain de la prière pour mettre en fuite l’ennemi. Dieu et l’homme ne formeront qu’un dans l’action contre le mal.

 

    3. Illuminé par l’Esprit

 

    Je désire donner quelques simples conseils en vue de l’étude de la Bible, et, ce faisant, montrer comment elle mène à Dieu. Ceci nous permettra de revenir sur des sujets déjà traités, car une partie de ce qui va suivre a déjà été exposée, sous un angle différent, il est vrai. Insistons tout d’abord sur la notion du temps. Nous devons mettre à part au moins une demi-heure par jour quand l’esprit est encore frais. Un esprit fatigué ne saisit pas facilement les choses. Il faut persister, persévérer dans cette lecture et garder l’esprit en repos et à l’abri de toute distraction.

 

    Ce temps, de plus, devrait être consacré à la Bible elle-même. Si on consulte ou si on lit d’autres livres, ce qui est parfaitement légitime, que cela soit après la lecture de la Bible. Laissez Dieu vous parler directement plutôt que par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre. Abandonnez-vous tout d’abord à Lui; donnez au Livre par excellence la première place sur votre table, et donnez aux autres livres la seconde place.

 

    De plus, lisez dans un esprit de prière, car c’est dans cet esprit que nous apprenons à prier. L’Ecriture ne révèle pas sa douceur et sa force à l’homme intelligent, mais uniquement à l’homme éclairé par l’Esprit. Ce qui nous ouvrira les portes de la vraie connaissance, ce sont nos facultés mentales naturelles illuminées par la claire lumière du Saint-Esprit. J’ai parfois demandé la signification de certains passages à un savant éclairé. Il m’expliquait les tournures orientales, faisait d’habiles distinctions philologiques, me donnait la traduction la plus exacte; mais il ne semblait pas connaître le simple sens spirituel des mots que nous discutions. J’ai posé les mêmes questions à un vieux serviteur de Dieu; il n’avait aucune idée de la langue hébraïque, mais il sentait immédiatement la profonde vérité spirituelle que les mots en question renfermaient.

 

    Nos connaissances, si grandes et si développées soient-elles, seront toujours augmentées et approfondies par l’Esprit qui inspira les Saintes Ecritures.

 

    Lisez avec réflexion. La lecture attentive est un art qui semble se perdre. Les journaux sont si nombreux, la littérature si abondante, que nous sommes devenus une race éclairée, mais non une race réfléchie. Le courant de nos connaissances est souvent très large; hélas! il n’a pas de profondeur. Luttez contre ce manque de profondeurs contre cette superficialité. Efforcez-vous de lire avec réflexion. La Bible renferme un mot très suggestif pour désigner ce genre de lecture: «méditer». Méditer, c’est répéter une chose dans son esprit, la tourner en tous sens, la digérer.

 

    Il est étonnant de remarquer combien d’aliment la Bible fournit à la méditation, en comparaison d’autres livres. On peut méditer les œuvres de Tennyson, de Browning, de Longfellow; mais, soit dit sans vouloir diminuer ces nobles poètes qui sont mes auteurs favoris, ils ne nous donnent pas cette nourriture riche et abondante que nous trouvons dans la Bible. Le Livre de Dieu est unique par sa richesse et par sa fraîcheur. Il nous arrive de lire un passage pour la centième lois et de découvrir un nouveau sens que nous n’avions pas soupçonné.

 

Un autre conseil plus facile à donner qu’à suivre est de lire avec obéissance, c’est-à-dire, lorsque la vérité en appelle à notre conscience, de la laisser transformer notre vie et nos habitudes.

 

    Obéissez à la lumière et vous l’augmenterez; —résistez-lui, vous amènerez la nuit.—Qui donc nous aidera à choisir notre voie—si nous perdons l’amour de la lumière. (Traduit de Joseph Cook)

 

    Jésus nous donne la loi de la connaissance dans ses fameuses paroles: «Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra si ma doctrine est de Dieu». {#Jn 7:17} Si nous faisons ce que nous savons devoir faire, notre connaissance en sera accrue. Si nous savons ce que nous avons à faire, mais que nous hésitions et refusions d’obéir, notre vue intérieure s’obscurcira et disparaîtra; le sens de ce qui est droit s’émoussera et se perdra. L’obéissance à la vérité, voilà ce qui éclairera toujours notre esprit.

 

    4. Une rapide lecture

 

    Il faut avoir un plan lorsqu’on lit, car, grâce à une idée directrice, les divers moments que nous passerons à lire la Parole seront groupés en un tout. Ayons un bon plan et tenons-nous-y. Il vaut mieux en avoir un assez bon, mais scrupuleusement suivi, qu’un excellent, mais appliqué sans régularité. Les nombreuses méthodes pour étudier la Bible peuvent être groupées sous trois rubriques générales: lecture rapide à travers toute l’Ecriture, étude limitée, étude textuelle.

 

    Nous faisons tous, d’une manière plus ou moins approfondie, une étude textuelle de la Bible; par exemple, en méditant une phrase ou un verset, pour en exprimer la vraie et profonde signification. De même, nous nous livrons tous à l’étude limitée de telle ou telle partie des Saintes Ecritures quand nous étudions un caractère ou recherchons certains passages concernant le même sujet. Le nom le plus prétentieux donné à ces études est Théologie biblique; elles consistent à trouver et ordonner tout ce que la Bible nous enseigne sur n’importe quel sujet.

 

    Pour ma part, je tiens à affirmer que la lecture rapide ou cursive est la base de toute étude biblique; c’est la méthode simple, naturelle, scientifique. Elle est à la portée de toutes les intelligences. Je crus un temps qu’elle convenait surtout aux étudiants, mais c’était une erreur; j’ai actuellement la ferme conviction que c’est la méthode par excellence et qu’elle s’applique à tout et à tous. Elle est à la base de toutes les études qui ont pour but de faire connaître le Saint Livre, et c’est elle qui nous donne la plus complète compréhension possible ici-bas de notre Créateur.

 

    J’entends par lecture cursive une lecture rapide, insouciante des divisions en versets, chapitres ou livres; une lecture comme le serait celle d’une histoire telle que: «Le Siège de Pékin» ou «Histoire d’un amour inavoué». La Bible évidemment inspire un respect tout autre; mais ce que je veux dire, c’est qu’il faut la lire avec la même méthode que celle employée pour lire le premier livre venu; la lire pour savoir ce qu’elle renferme. Lu de cette manière, aucun livre n’est plus fascinant que la Bible.

 

Commencez tout d’abord par la Genèse et parcourez-la rapidement, en gros. N’essayez pas de tout comprendre; vous ne le pourriez pas. Ne vous en inquiétez pas pour le moment, mais allez de l’avant. N’essayez pas de vous souvenir de tout; n’y songez pas, mais retenez ce que vous pourrez; vous serez étonnés de ce dont vous vous souviendrez. Eh une demi-heure, vous lirez de dix à vingt pages, et, la fois suivante, vous recommencerez où vous en serez restés. Il suffira de quelques jours pour lire le livre de la Genèse en entier; tout dépendra des dispositions où vous serez et de votre manière de lire plus ou moins rapide. Toute la Bible est comprise dans la Genèse; c’est un livre admirable, fascinant. Rien que par ses anecdotes, ses intrigues, la rapidité de l’action, la beauté du langage, il dépasse infiniment tout livre humain.

 

    Passons maintenant à l’Exode; c’est un livre semblable au précédent. Continuons notre lecture rapide, et abordons le Lévitique. Il ne faut pas essayer de le comprendre la première fois; vous n’y réussirez pas même à la centième, mais il est aisé d’en grouper le contenu. Ainsi, des chapitres parlent des offrandes, d’autres de la loi des offrandes; survient ensuite un incident; puis arrivent les prescriptions hygiéniques, et ainsi de suite jusqu’à la fin du livre. A travers toutes ces pages, nous apercevons l’image de Dieu et c’est là le point principal. Une seconde opération de cette lecture rapide consiste à réunir les différentes parties. Vous savez que l’ordre biblique n’est pas tout à fait chronologique; les livres de la Bible ont plutôt été classés d’après la matière qu’ils traitent. Nos esprits sont presque esclaves de l’ordre chronologique; ceux des Orientaux en usaient plus librement. Ouvrez votre Bible à la fin d’Esther et ensuite à la fin de Malachie. De la Genèse à Esther, c’est la partie historique, tandis que la deuxième partie est poétique et prophétique. Il y a évidemment de l’histoire dans la partie prophétique et des prophéties, de la poésie dans la partie historique; mais, en gros, la première partie est historique, la deuxième, poétique et prophétique. Les deux parties forment un tout, néanmoins; la deuxième peut s’intercaler dans la première; elle en fut retirée et mise à part lorsqu’on préféra la classification par genres à la classification chronologique.

 

    La deuxième opération consistera à réunir, à introduire la poésie et la prophétie dans l’histoire. Faites ce travail par vous-mêmes, comme s’il n’avait jamais été fait. En somme, il a été fait mieux que vous ne pourrez le faire, car vous n’éviterez évidemment pas certaines erreurs; sûrement vous serez embarrassés devant certains passages et ne saurez où les situer. Qu’importe! Le but est de se pénétrer de la Bible, d’en faire une partie de vous-mêmes; elle doit devenir os de vos os, chair de votre chair, mentalement et spirituellement; il faut boire à sa source. De ce travail sortira une nouvelle vision de Dieu, qui transformera radicalement le lecteur pieux. Cherchez à obtenir le sens historique et, pour cela, prenez le recul suffisant pour juger ce que tel ou tel fait signifiait pour ces gens, lorsqu’il se produisit.

 

    Continuez cette étude à travers le Nouveau Testament, mais sans essayer de faire des quatre Evangiles un seul récit, en en fondant tous les détails. Efforcez-vous plutôt d’obtenir une claire vision de l’activité de Jésus pendant ces quelques années, comme nous la font connaître les quatre évangélistes. Introduisez, aussi bien que vous pourrez, les lettres de Paul dans le livre des Actes. Vous vous rendez compte que cette méthode n’est pas à employer un mois, ni même une année, mais des années. L’étude limitée et l’étude textuelle découleront naturellement de cette rapide lecture. Et, pendant que vous ferez connaissance avec ce livre classique merveilleux, vous aurez sous les yeux le style le plus magique que nous possédions, et mieux encore, vous introduirez dans vos âmes une conception de Dieu nouvelle, large, profonde et touchante.

 

    5. La Bible, miroir qui reflète l’amour de Dieu

 

    Il est vraiment stupéfiant de voir quelle lumière projettent certaines pages quand elles sont réintroduites dans leur place historique. Nous en avons un exemple #Ps 3:6:

 

    Je me couche et je m’endors;

 

    Je me réveille, car l’Eternel est mon soutien;

 

    J’ai reçu mon instruction religieuse dans une vieille Eglise où l’on chantait ce Psaume.

 

    Je le savais par cœur. Enfant, je supposais que la nuit était venue et que David dormait; il avait fait sa prière, était allé au lit, et dormait alors paisiblement. Voilà ce que ces versets me suggéraient. Mais la première fois que je fis cette lecture rapide à travers la Bible, mes yeux furent attirés, comme le furent évidemment souvent les vôtres, par l’en-tête du Psaume:—Psaume de David à l’occasion de sa fuite devant Absalom, son fils.

 

    Sans tarder, je revins au 2° livre de Samuel pour trouver le récit mentionné. Voici le tableau que j’obtins: David, un vieillard à cheveux blancs, nu-pieds, est accompagné de quelques serviteurs fidèles, et c’est Absalom, son fils favori, qui vient à la tête des forces nationales pour s’emparer du royaume et de la vie de son propre père. Cette nuit-là, le grand roi coucha sur la terre nue, ayant pour toit le ciel étoile, et pendant qu’il cherchait le sommeil, il pouvait presque entendre la marche pesante de l’armée qui, passant sur les collines, guettait son trône et sa vie.

 

    Une question maintenant: Pensez-vous que vous auriez beaucoup dormi cette nuit-là? Plus d’un, sûrement, serait resté tristement éveillé et aurait pensé toute la nuit: «Pauvre homme que je suis, chassé de mon royaume, de ma maison, par mon propre fils que j’ai aimé plus que ma vie!»

 

    -Avouons que nous n’aurions guère dormi.

 

    David, lui, parlant dans la suite de cette nuit d’angoisse, écrivit ces mots:

 

    Je me couche et je m’endors;  

 

    Je me réveille (sous-entendu raffermi), car l’Eternel est mon soutien.

 

    Eh lisant ces vers, ma pensée fut alors celle-ci: Je n’aurai plus d’insomnies, car je me confierai en Dieu.

 

    Vous voyez par cet exemple quelle leçon de confiance en Dieu découle de ce psaume lorsqu’on le remet à sa place historique. Cette leçon, que je n’ai jamais oubliée, me raffermit et me fortifia. Quel Dieu que Celui qui peut donner le sommeil dans de telles circonstances!

 

    Nous avons une autre illustration de la même idée dans le Nouveau Testament. A la fin de l’épître de Paul aux Philippiens, nous voyons que Paul est couché dans la cellule humide d’une prison. Il fait nuit, il fait froid. Le dos du prisonnier saigne des coups qu’il a reçus; ses articulations sont douloureuses et ses pieds sont meurtris par les fers.

 

    Mais ce n’est là qu’une partie des circonstances historiques de cette épître; voici maintenant le reste: Paul est prisonnier à Rome. S’il essaie de reposer son corps en changeant de position, une chaîne fixée à ses chevilles lui rappelle le soldat couché à ses côtés. Veut-il écrire un dernier mot d’amour à ses vieux et fidèles amis, une chaîne retient son poignet, et c’est avec mille peines qu’il réussit à écrire cette lettre aux Philippiens qui résonne encore du bruit des chaînes.

 

    Quel est le mot qui, dans cette épître, reviendra plus souvent que tout autre?—Patience? Assurément il serait de saison.—Endurance? Ce mot serait encore mieux approprié. Toutefois, ce n’est ni l’un ni l’autre, mais bien plutôt un mot en contraste absolu avec le décor qui entourait Paul. La souffrance est comme un nuage qui ne sert qu’à faire ressortir l’éclat du soleil.—Joie, réjouissance, allégresse! Voilà le cantique qui remplit cette lettre aux Philippiens. Quel Maître admirable que ce Jésus qui inspire de telles paroles à son disciple souffrant à cause de sa fidélité!

 

    Chaque fait, chaque événement que rapportent ces pages est un miroir qui reflète la perfection de l’amour divin.

 

Parole de Dieu, tu es mon appui

 

Pendant mon long pèlerinage.

 

Avec le sceptre d’or, je puis

 

Marcher en paix dans mon voyage:

 

Tout ce que mon Sauveur a dit

 

Est immuable comme Lui.

 

Parole du Père, tu es mon appui,

 

Toi qui es si douce et si pure

 

Et comme un invincible abri.

 

Tu es très forte et très sûre,

 

Toi, la charte de mon salut,

 

Sécurité de tout élu.

 

Sainte Parole, tu es mon appui;

 

La vérité, seule éternelle

 

Tu demeures quand tout finit,

 

Et ta beauté est immortelle.

 

Jamais tu ne me tromperas

 

Et toujours tu me soutiendras! (D’après Frances Ridley Havergal.)

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    TROISIEME PARTIE

 

    COMMENT PRIER?

 

    CHAPITRE IV

 

    La volonté de Dieu et la prière

 

    1. Il vint chez les Siens

 

    Le but de la prière, c’est l’accomplissement de la volonté de Dieu. Mais combien Dieu est étranger dans Son propre monde! Nul n’est plus calomnié que Lui. Il descend vers Ses créatures, mais elles Le laissent heurter à la porte, tel un pèlerin, le bâton à la main, et elles L’observent avec méfiance. Certains d’entre nous se refusent à Lui confier pleinement leur vie et si la vraie raison en était connue, on découvrirait qu’ils ont peur de Dieu. Ils ont peur qu’il introduise quelque souffrance dans leur vie, quelque difficulté sur leur chemin. S’ils ont peur de Lui, c’est tout simplement qu’ils ne Le connaissent pas. La prière qui sortit du cœur de Jésus, en cette nuit tragique où il veillait avec les onze, était celle-ci: «Qu’ils Te connaissent, Toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.». {#Jn 17:3}

 

    Pour comprendre la volonté de Dieu, il faut comprendre Son caractère, il faut Le connaître Lui-même.

 

    Il y a cinq mots que nous employons tous les jours et qui peuvent nous aider à nous faire une idée de Dieu; ce sont des mots familiers, d’un usage constant. Père est le premier. Le père, c’est la force, mais la force dans l’amour. Un père fait des plans pour les siens; il pourvoit à leurs besoins; il les protège. Réfléchissez au meilleur père que vous ayez connu; revoyez-le en pensée et dites-vous que Dieu est un père, mais qu’il est supérieur au plus parfait des pères que vous puissiez imaginer; et que sa volonté pour votre vie (je ne parle pas ici du ciel, ni de vos âmes) sa volonté pour votre vie, ici-bas sur la terre, est la volonté d’un père pour ceux qu’il chérit.

 

Le deuxième mot est un mot encore plus beau; c’est le mot de Mère. Si le père incarne la force, la mère incarne l’amour, un amour grand, patient, tendre et durable. Que ne ferait-elle pas pour l’enfant qu’elle aime? Pour qu’il vînt au monde, elle descendit dans la vallée des larmes, et elle le fit avec joie, les yeux brillant de la lumière de l’amour. Et cette épreuve, elle la subirait à nouveau pour sauver la vie de son enfant. Voilà la mère! Pensez maintenant à la mère la plus parfaite que vous connaissiez—ces mots évoquent dans ma mémoire des souvenirs bénis—puis souvenez-vous de ceci: Dieu est une mère, seulement Il est plus parfait que la plus parfaite des mères.

 

    Les passages bibliques assimilant Dieu à une mère sont nombreux. «Sous ses ailes» est une image féminine. La poule rassemble ses poussins sous ses ailes pour les réchauffer et les protéger. Il est vrai que le mot mère n’est pas employé dans la Bible pour Dieu. Je suppose que cela tient à ce que l’expression Dieu le Père comprend aussi les qualités de la mère. Toute la force du père, tout le splendide amour de la mère, sont compris dans le mot de Père quand il s’agit de Dieu. Et sa volonté à notre égard est la volonté d’une mère, la volonté d’une mère prudente et aimante pour son enfant bien-aimé.

 

    Ami est le troisième mot; et par là je n’entends pas le terme qu’aimablement et par politesse on applique à toutes sortes de connaissances. Tupper dit que nous qualifions d’amis tous ceux que nous ne considérons pas comme nos ennemis. Je prends le mot en un sens plus exact, plus profond. L’ami c’est celui qui vous aime d’une affection désintéressée, qui s’attache fermement à vous, sans penser à provoquer de la reconnaissance ou même à se faire aimer en retour. Les Anglais ont un dicton qui dit: «Vous pouvez remplir l’église de vos connaissances, mais vous ne remplirez pas les sièges de l’estrade de vos amis.» Si vous réussissez à avoir dans votre vie un ou deux vrais amis, vous êtes assurément très riches. Pensez maintenant au meilleur ami possible, puis méditez cette parole: Dieu est un ami, seulement il est meilleur que le meilleur des amis que vous puissiez connaître, et le plan qu’il a conçu pour votre vie correspond en grandeur à la grandeur de son amitié.

 

    J’hésite à employer le quatrième mot, et pourtant je puis le faire sans crainte d’être mal compris. Mon hésitation provient de ce que le mot et ce qu’il implique ont souvent un sens trop superficiel, et cela même dans la société sérieuse: c’est le mot de fiancé. Il évoqué pour moi deux personnes qui se rencontrent et qui, peu à peu, passent d’une simple connaissance à l’amitié la plus profonde; cette amitié, à son tour, se transforme en un sentiment plus parfait, plus sacré. Que ne ferait-il pas pour elle? Elle devient le nouveau centre de sa vie; il baise le sol que ses pieds ont foulé; et elle, elle renoncera à la richesse pour embrasser la pauvreté, pourvu qu’elle puisse vivre avec lui dans les jours à venir; elle quittera parents et amis et se rendra aux extrémités de la terre pour rejoindre celui qu’elle aime. Rappelez à votre souvenir les fiancés les plus parfaits que vous connaissiez, et permettez-moi de dire avec tout le respect dû à Dieu: Dieu est un fiancé, seulement Il est plus parfait que le plus parfait des fiancés que vous puissiez connaître, et Sa volonté, Son plan pour votre vie et pour la mienne est la volonté d’un fiancé pour celle qu’il chérit.

 

    Le cinquième mot ressemble au quatrième, mais sa signification est plus complète, plus élevée; c’est le mot époux. Epoux c’est le mot qui désigne les liens les plus sacrés sur terre; c’est l’apogée de l’union. Chez les hommes, toutefois, le mot d’époux n’est pas toujours plus beau que celui d’amant. Quel crime! Comment l’homme ose-t-il amoindrir les plans de Dieu? Comment ose-t-il mépriser l’amande et préférer la coquille? Dans la pensée de Dieu, l’époux est l’amant parfait. Il est tout ce que le meilleur amant peut être; plus encore, car il est plus tendre, plus empressé, plus prévenant. Deux vies sont unies et commencent à vivre une seule vie; deux volontés sont fondues en une seule; deux personnes et pourtant une seule direction; c’est la dualité dans l’unité. Evoquez le type le plus parfait d’époux que jamais femme de votre connaissance ait eu, puis souvenez-vous que Dieu est un époux; seulement Il est infiniment plus prévenant que le plus prévenant des époux que vous puissiez connaître, et Sa volonté pour votre vie est la volonté, la sollicitude d’un époux pour l’amie et la compagne de sa vie.

 

    Maintenant, que nul de vous ne choisisse un de ces mots et ne dise: «Celui-là me plaît.» Que nul autre ne dise: «Cette conception de Dieu est conforme à mes idées.» Nous diminuons Dieu par l’étroitesse de nos idées. Il faut accepter les cinq mots, admettre le sens parfait de tous les cinq, et les unir ensuite tous pour obtenir une idée exacte de l’Eternel, car Il est tout cela, et plus encore.

 

    Vous remarquerez que Dieu est si grand, que la définition de ce qu’il est nécessite l’union de cinq qualités humaines. C’est un père, une mère, un ami, un fiancé, un époux. A l’appui de cette thèse je n’ai avancé aucun livre, aucun chapitre, aucun verset; mais vous savez que nous pourrions passer des heures ensemble à lire les nombreux passages qui appuieraient mes cinq affirmations.

 

    La volonté de Dieu à notre égard, c’est de réaliser son plan si parfait; Sa volonté pense au corps, à la santé, à la force corporelle, à la famille et à ses préoccupations; elle s’applique à l’amitié, au choix du meilleur ami; elle comprend le travail quotidien, la vie tout entière et la totalité des vies humaines. Dieu a pensé à tout cela, avec amour et avec prudence.

 

    Une mère prudente et avisée ne pense-t-elle pas aux besoins de son enfant, aux exigences et aux attentions délicates qu’il réclame? Vous savez qu’il en est ainsi, et telle est aussi la sagesse de Dieu.

 

    2. Le but unique de la prière

 

    Le but de la prière est donc d’obtenir que la volonté de ce Dieu si parfait se fasse dans nos vies et sur la terre. La prière par excellence est celle-ci: «Que ta volonté soit faite!» Elle peut être exprimée sous mille formes diverses, accompagnée de mille détails différents, variant selon les circonstances, mais ces cinq mots en seront toujours la base. Il n’y a rien de vraiment bon auquel vous ayez pensé et que Jésus n’ait pas déjà prévu avant vous... en y ajoutant probablement quelque chose de plus.

 

    Sachez, en outre, qu’il ne s’agit pas d’implorer Dieu à regret et de dire, en soupirant: «Ta volonté soit supportée;  elle est amère, mais je dois m’y résigner en qualité de chrétien. Ta volonté soit supportée!» Non, pas cela, je vous en prie, ce serait calomnier Dieu. Il existe chez beaucoup une croyance superficielle qui charge le Créateur d’une foule d’accidents et de malheurs dont Il n’est pas du tout responsable; au contraire, Il dirige tous ses efforts, dans toutes les circonstances, en vue du meilleur résultat. Ah! s’il n’était pas obligé de lutter contre ces volontés têtues et faussées que Lui opposent les hommes! Avec infiniment de patience, d’habileté, de diplomatie, et aussi de succès, Il travaille sans cesse à démêler l’écheveau de la vie humaine embrouillé par la volonté do l’homme.

 

    Il peut être utile de nous souvenir que Dieu a deux volontés pour nous, une supérieure, et l’autre inférieure. Il préfère toujours que sa première volonté soit accomplie en nous; mais, lorsque nous n’atteignons pas cette hauteur, Il descend jusqu’au point que nous avons atteint, et là travaille avec nous. Par exemple, la première décision de Dieu pour Israël était d’être lui-même leur Roi, car cette royauté devait mettre le royaume à part des autres pays. Hélas! pour le plus grand chagrin de Samuel, plus encore de Dieu, les Israélites demandèrent un roi qui vécût au milieu d’eux; et Dieu le leur donna. David le berger, le psalmiste et le roi, fut un homme selon le cœur de Dieu et le Sauveur du monde descendit de la lignée davidique. C’est ainsi que Dieu travailla au niveau qu’Israël avait choisi et vous savez comment Il sut tirer parti des conditions qu’on lui faisait. Quel travail ce fut! Toutefois, l’onction d’un premier roi et cette succession de rois n’étaient pas dans le plan original de Dieu; ce fut le résultat d’une deuxième décision prise, parce qu’Israël ne voulait pas accepter la première; Dieu fait toujours pour nous le plus qu’il peut faire par notre moyen.

 

    Le premier plan de Dieu à l’égard de nos corps est évidemment de doter chacun de nous d’un corps robuste et sain; toutefois, il faut voir beaucoup plus haut que cette question de santé. Voilà pourquoi, malgré la douleur qu’il en ressent Lui-même, Il permet que la faiblesse et la maladie s’emparent de nous, car, étant donnée notre volonté, les biens plus élevés ne peuvent être atteints que par la souffrance. Mais quand la volonté humaine s’accorde avec la volonté de Dieu et qu’ainsi une plus grande perfection peut être obtenue, Il fait disparaître avec joie et empressement tout désavantage physique.

 

    Deux causes au moins modifient la première volonté de Dieu à notre égard:

 

    En premier lieu, notre consentement plus ou moins grand à Le laisser agir librement.

 

    En second lieu, les circonstances particulières de la vie de chacun de nous. Chaque homme est le centre d’un cercle de personnes, cercle toujours changeant; si donc nous sommes unis à Dieu, Il peut parler, pour chacun de nous, à ce cercle qui nous entoure. Nos expériences avec Dieu, et Sa manière d’agir à notre égard dans toutes les circonstances de la vie, sont un message de Sa part à ceux qui sont autour de nous. L’effort de Dieu porte sur ce point: gagner des âmes. Diplomate hors ligne, tacticien admirable, il a néanmoins besoin de nous pour L’aider dans Son œuvre. Nous devons consentir pleinement à ce que Sa volonté soit faite; mieux encore, nous devons être persuadés qu’il sait ce qu’il doit faire en nous et par nous dans les circonstances où nous nous trouvons, Dieu est économe; Il ne dilapide pas ses forces; Il les conserve pour le grand but qu’il a en vue.

 

    Dans certains cas d’affliction, il peut y avoir de notre part une fausse soumission à ce que nous supposons être sa volonté; il arrive que nous n’acceptions pas tout ce qu’il a en vue pour nous. D’un autre côté, nous pouvons adresser à Dieu, pour une chose désirable, une prière raisonnée, sur le conseil d’un ami. Et par prière raisonnée, j’entends l’étude d’une déclaration de Dieu, son explication probable par un frère plus expérimenté, la connaissance de certains cas où un exaucement a été réclamé en s’appuyant sur cette déclaration, et enfin la conclusion que nous devrions faire la même chose. Le malheur, c’est que cette prière s’arrête à moitié chemin.

 

    Prier par l’Esprit, au lieu de prier par le raisonnement, c’est sans doute faire cette déduction logique; mais c’est ensuite remettre tranquillement tout à Dieu pour savoir quelle est Sa volonté à notre égard dans telle ou telle, circonstance et au milieu des gens qu’il veut atteindre par nous.

 

    3. L’Esprit d’adoption

 

    Il y a dans l’épître aux #Ro 8:26-28, un passage remarquable sur la prière et la volonté de Dieu: «De même aussi l’Esprit nous aide dans notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il nous convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables, et Celui qui sonde les cœurs, connaît quelle est la pensée de l’Esprit, parce que c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints.»

 

    Rapprocher ces mots de ceux qui terminent le verset 15 (les versets 18 à 25 sont une parenthèse): «Vous avez reçu un Esprit d’adoption par lequel nous crions: Abba! Père!» C’est l’Esprit qui nous fait dire: Père; Père, c’est le cri de l’enfant, c’est aussi le cri de la prière: l’Esprit nous aide donc à prier. Notre faiblesse consiste à ne pas savoir prier comme nous le devrions. Nous voulons bien prier, il nous tarde même de le faire, cela est hors de doute, mais nous ne savons pas comment prier, l’Esprit, lui le sait; il connaît parfaitement la volonté de Dieu; il sait ce que nous devons demander dans toutes les circonstances, et il est dans chacun de nous. Demeurant chez nous en qualité d’Esprit de prière, il nous incite à prier. Il nous conduit dans la solitude où nous pourrons plier les genoux dans le calme et la tranquillité. Où que nous soyons, il nous pousse à prier. Ses pensées ne peuvent être exprimées par nos lèvres, car elles ne correspondent pas à notre manière de penser. L’Esprit prie avec une intensité qu’aucun langage ne peut exprimer. Et «Celui qui sonde les cœurs» sait parfaitement ce que pense cet Esprit qui est en nous; Il comprend sa prière silencieuse, car Lui et l’Esprit sont un. Il reconnaît Ses propres intentions et Ses propres plans quand ils sont exprimés sur la terre, dans un homme et par Son propre Esprit.

 

    L’Esprit d’adoption, qui habite en nous, exprime dans ses prières la volonté de Dieu. Il nous enseigne la volonté de Dieu; il nous apprend à la formuler; il formule en nous cette volonté divine. Il cherche à exprimer en nous la volonté de Dieu, c’est-à-dire à prier pour le plan que Dieu a conçu, avant que nous ayons clairement compris nous-mêmes quelle est cette volonté.

 

    Il faut veiller à ce que notre âme soit sensible aux directions de l’Esprit qui réside en nous; et quand vient cet appel intérieur à la prière, lui obéir avec fidélité. Que nous sachions ou non ce que notre demande doit être, prions sans cesse, pendant que l’Esprit se sert de nous pour présenter sa propre prière.

 

    La meilleure prière que nous puissions’ souvent présenter pour un de nos amis ou pour un sujet qui nous préoccupe, est de dire, après avoir exposé le cas aussi bien que nous le pouvons: «Saint-Esprit, formule en moi ce que le Père désire voir s’accomplir. Père, ce que l’Esprit formule en moi, c’est là ma prière au nom de Jésus.

 

    Que ta volonté, ce que Tu désires, ce que Tu penses, puisse être fait complètement ici-bas.»

 

    4. Comment connaître la volonté de Dieu

 

    Nous devrions faire une étude de la volonté de Dieu; nous devrions nous rendre habiles à la connaître. Plus nous connaîtrons notre Père et plus aussi nous aurons l’intelligence de Sa volonté.

 

    On peut dire que Dieu a deux volontés pour chacun d’entre nous, ou mieux que sa volonté se compose de deux parties; il veut, d’une part, nous sauver; de l’autre, diriger notre vie. La Bible nous montre qu’il veut notre salut: que nous serons sauvés, sanctifiés, purifiés, et que bientôt nous serons glorifiés en Sa présence. D’autre part, pour y parvenir, Il a conçu un plan particulier pour chacun d’entre nous. Il a tracé le plan de chacune de nos vies; aussi l’ambition la plus haute que nous puissions avoir est d’atteindre, de saisir ce plan. Il nous le révèle petit à petit, au fur et à mesure de nos; besoins. Lorsqu’on Lui consacre sa vie, Il! révèle quel service Il attend, où et quand Il l’attend; dans la suite, Il rend facile chaque pas en avant.

 

    La connaissance de Sa volonté repose sur trois conditions, simples, il est vrai, mais essentielles. Nous devons être en communion avec Lui pour que nous soyons prêts à L’entendre. Nous devons nous réjouir de faire Sa volonté, parce que c’est Sa volonté. Il faut insister surtout sur la dernière condition. Après avoir observé les deux premières, beaucoup sont arrêtés par la troisième. La voici: Sa parole doit avoir la liberté de discipliner le jugement que nous portons sur Lui et sur Sa volonté.

 

    Plusieurs hésitent devant les deux premières conditions; mais un plus grand nombre encore, malgré leur bonne volonté, sont arrêtés et démontés par la troisième: c’est qu’ils n’ont pas un jugement discipliné sur Dieu et Sa volonté. Si nous nous imprégnions, de la Bible dans un esprit de prière, notre jugement en ressortirait plus lucide. Il nous faut acquérir une idée générale de la pensée de Dieu, respirer Dieu Lui-même en lisant Sa parole. Dieu guérira dans son jugement et dans ses pensées l’homme faible, c’est-à-dire celui qui consent à abdiquer devant une volonté plus forte. {#Ps 25:9}

 

    C’est le point de vue de Jean dans le passage fameux de la première épître: {#1Jn 5:14-15} «Nous avons auprès de lui cette assurance que, si nous demandons quelque chose selon Sa volonté, Il nous écoute. Et, si nous savons qu’il nous écoute, quelque chose que nous demandions, nous le savons, parce que nous obtenons ce que nous lui avons demandé.» Ces mots concordent absolument avec ceux de l’épître aux Romains que nous citions plus haut.

 

    La première condition est donc d’apprendre à connaître la volonté du Créateur sur le sujet qui nous occupe. Ceci obtenu, nous allons de l’avant et prions avec hardiesse; car, si Dieu désire quelque chose et que nous le désirions aussi, notre union est assurée d’un complet succès.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    TROISIEME PARTIE

 

    COMMENT PRIER?

 

    CHAPITRE V

 

    Pouvons-nous prier avec assurance pour la conversion de ceux que nous aimons?

 

    1. Comment Dieu pénètre dans une demeure

 

    Dieu désire ardemment racheter le monde. Dans ce but, Il a donné son propre Fils, Son unique, quoique le traitement subi par ce dernier déchirât son cœur de Père. Dans ce but également, Il a envoyé le Saint-Esprit pour accomplir dans les hommes ce que le Fils avait fait pour eux. Dans ce but encore, Il a confié à l’homme la plus grande de toutes les forces, la prière, pour que nous puissions devenir ses associés.

 

    Toujours dans le même but, Il a établi les liens de parenté et d’amitié. Il gagne des hommes par les hommes. L’homme est le point d’arrivée et il est aussi le chemin; il est le but visé et il est le moyen d’approche, soit du côté de Dieu, soit du côté de Satan. Dieu ne veut pas pénétrer dans le cœur de l’homme sans son consentement et Satan ne le peut pas, comme nous l’avons dit plus haut. Dieu désirerait atteindre les hommes par les hommes et Satan ne peut pas les atteindre autrement. Ainsi Dieu nous a unis par le lien le plus fort qui unisse les hommes, le lien de l’amour, afin que nous puissions exercer une influence réciproque les uns sur les autres. La parenté nous lie particulièrement à l’homme et à la terre.

 

    Quelques personnes sérieuses et particulièrement délicates m’ont demandé parfois s’il n’était pas égoïstes de s’inquiéter spécialement de ses propres parents, ceux pour lesquels le cœur s’émeut le plus vite de tendresse et pour lesquels les prières montent plus tendres, plus ardentes et plus fréquentes.—Mais si vous ne priez pas pour eux, qui donc le fera? Qui peut prier pour eux avec une ferveur aussi convaincue, aussi persistante que vous?—C’est justement dans ce but que Dieu nous a établis dans des relations d’affection personnelle et de parenté. Il nous unit les uns aux autres par les liens de l’amour pour que nous puissions nous préoccuper les uns des autres. N’y eût-il qu’une seule personne dans une demeure en contact avec Dieu, cette seule personne devient la porte par laquelle Il pénétrera dans la famille entière.

 

    Toute relation crée une possibilité, et toute possibilité implique une responsabilité. Plus étroites sont les relations, plus grandes sont aussi les possibilités et partant la responsabilité.

 

    Le désintéressement n’exige pas que l’on s’exclue du salut soi-même et sa parenté; il demande que l’on se mette à sa vraie place. L’humilité ne consiste pas à se torturer, mais à s’oublier en pensant aux autres. Non seulement il n’est pas égoïste de prier pour les siens, mais encore cette prière fait partie du plan de Dieu. Nous sommes responsables surtout de ceux qui nous tiennent de près.

 

    2. L’esclavage d’un homme libre

 

    La question de savoir si nous pouvons prier avec assurance pour la conversion de ceux que nous aimons est une de celles que l’on pose le plus souvent; il n’y en a pas de plus capable de nous émouvoir. Je me souviens d’avoir parlé un jour dans une église, sur ce sujet, de façon plutôt affirmative. A la fin de la réunion, une dame que je savais être instruite et cultivée, et qui était de plus une chrétienne, vint vers moi et me dit: «Je ne crois pas que nous puissions prier de cette manière.—Et pourquoi? lui répondis-je. Elle se tut un instant, et l’agitation qu’elle réprimait, mais que ses yeux et ses lèvres néanmoins révélaient, me disait quelle lutte se livrait en elle; puis, tranquillement, elle me dit: «J’ai un frère, ce n’est pas un chrétien. Le théâtre, le vin, le club, les cartes, voilà sa vie. Et il se moque de moi. Je désirerais tellement le voir se convertir, mais—et ici on reconnaissait son esprit décidé et son éducation première—je ne crois pas que je puisse prier pour lui en toute franchise, car il est libre et Dieu ne veut pas sauver l’homme contre sa volonté.»

 

    Voici ce que je lui répondis: «L’homme est libre autant qu’il s’agit de Dieu; il est tout à fait libre, voilà ce qu’on ne cesse de répéter. Mais il est le plus esclave des êtres dès qu’il s’agit de l’égoïsme et de l’opinion. Le but de notre prière n’est pas de forcer ou de restreindre la volonté de l’homme; cela, jamais; mais bien plutôt de l’affranchir des influences délétères qui le tiraillent en tous sens. Il faut enlever de ses yeux la poussière qui les aveugle et lui rendre la vue. Une fois qu’il sera libre, capable de bien juger, de peser les choses sans parti pris, il est fort probable qu’il se servira de son jugement pour choisir le droit chemin.»

 

    Voici quelle est la prière idéale que j’adresserais dans un tel cas; c’est une adaptation des propres paroles de Jésus, et chacun peut l’offrir à Dieu en lui ajoutant les détails qu’il désire:

 

    «Délivre-le du mal et opère en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de Jésus le Vainqueur.»

 

    Cette prière s’appuie sur trois passages. Tout d’abord, #1Ti 2:4: «Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés.» C’est là la volonté de Dieu pour ceux que vous aimez. Deuxièmement, #2Pi 3:9: «Ne voulant pas qu’aucun périsse, mais voulant que tous arrivent à la repentance.» Telle est la volonté ou le désir de Dieu pour le cas qui nous occupe en ce moment. Le troisième passage se rapporte à nous qui prions; il nous dit qui peut adresser cette prière avec persévérance: «Si vous demeurez en moi, et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez, et cela vous sera accordé». {#Jn 15:7}

 

    Il y a dans la deuxième épître de Paul à Timothée {#2Ti 2:24-20} une déclaration qui illustre cette idée: «Or il ne faut pas qu’un serviteur de Dieu ait des querelles; —ne pas discuter, ne pas combattre—il doit avoir au contraire de la condescendance pour tous, être propre à enseigner; prêt et habile à donner des explications, à aider—il doit redresser avec douceur (ou instruire) les adversaires, dans l’espérance que Dieu leur donnera de se convertir à la connaissance de la vérité, de revenir à leur bon sens, d’échapper aux pièges du diable, qui s’est emparé d’eux pour les soumettre à sa volonté.»

 

    Le mot délivre, tel qu’il est employé par Jésus dans la prière, cache un sens des plus saisissants. Il signifie proprement arrache. Voici par exemple un homme qu’on emmène captif et enchaîné. Il aime néanmoins son ravisseur et ne se soucie nullement de sa condition. Notre prière pour lui sera dès lors: «Arrache-le au Malin», et ce sauvetage aura lieu, car déjà Jésus a vaincu le ravisseur.

 

    Il est absolument certain que nous pouvons assurer la conversion de ceux qui nous tiennent de près, par cette prière. Faite au nom de Jésus, elle chasse l’ennemi du champ de bataille qu’offre la volonté de l’homme et elle laisse celui-ci libre de choisir sa voie.

 

    Notons une exception, une seule. Dans certains cas extrêmes, il arrive que nous ne puissions nous servir d’une telle prière; mais c’est qu’alors l’esprit de prière s’est retiré. De tels cas, il est vrai, sont rares; ce sont des cas extrêmes, et, quand ils se présentent, il n’y a aucun doute à avoir à leur égard; la situation est claire.

 

    Je ne puis m’empêcher d’exprimer enfin la conviction—je le fais contre mon gré et préférerais pouvoir me taire—qu’il y a des gens sur cette pauvre terre qui sont en état de péché, parce que quelqu’un a négligé de mettre sa vie en contact avec Dieu et de prier.

 

    3. L’endroit où Dieu n’est pas

 

    Cela dit, je continue mon exposé pour en arriver à cette triste affirmation: Il y a un enfer. Il doit y avoir un enfer. Cette déclaration, du reste, n’a besoin d’aucun passage biblique pour l’étayer. Philosophiquement, il doit y avoir un endroit méritant cette appellation qui évoque de si tristes associations d’idées. C’est le nom qui désigne l’endroit où Dieu n’est pas, l’endroit où Il rassemblera ceux qui persistent à L’exclure de leur vie. Exclure Dieu! Il ne peut pas y avoir de pire enfer que celui-là! Dieu parti! L’homme livré à tous ses penchants!

 

    Je suis persuadé que l’enfer n’est pas ce que certains hommes ont représenté. Ce n’est pas ce tableau que je vis, enfant, et devant lequel je reculais terrifié. Soyons prudents à son égard et n’en disposons pas, en pensée ou en parole, pour telle ou telle personne que nous jugeons perdue. Quand elle est morte, le plus que nous puissions faire est de la remettre à Dieu qui est infiniment juste et personnifie l’amour.

 

    Certaines sectes ont inconsidérément disposé de l’enfer, et, de nos jours, il s’est produit une réaction exagérée. Les deux extrêmes sont à éviter. Agissons avec bienveillance et néanmoins avec franchise. Nous devons avertir les hommes en toute sincérité. Nous connaissons les claires déclarations de la Bible d’après lesquelles ceux qui préfèrent ignorer Dieu seront perdus. Ce sont eux qui, de leur plein gré, ont choisi leur situation. Quant à nous, ne faisons pas de personnalités, gardons le silence devant la tombe et occupons-nous des vivants.

 

    Un jour, à la fin d’une matinée où nous avions entretenu nos auditeurs de la Bible, une jeune femme vint me prier de lui accorder quelques instants. Elle me parla d’un ami, chrétien non pratiquant, pour qui elle avait beaucoup prié et qui était mort subitement. Pendant les instants qui précédèrent sa mort, il était inconscient et ainsi personne n’avait pu recevoir ses dernières confidences. Cette femme était très émue en me racontant cela, et, pour finir, elle me dit: «Il est perdu! Il est en enfer, et je ne pourrai plus jamais prier.»

 

    Nous causâmes quelques instants et voici les renseignements qu’elle me donna. Son ami appartenait à une famille chrétienne, chez qui la Bible était en grand honneur. Lui-même était un homme qui réfléchissait et qui menait une vie droite. Il parlait à l’occasion de questions religieuses, mais jamais sa conversation n’avait trahi une foi personnelle en Christ. Sa santé était chancelante... Tout à coup vint la fin. J’appris encore que, des années durant, cette femme avait prié pour sa conversion, qu’elle était une chrétienne convaincue et soucieuse du salut de ses frères.

 

    Dans ce récit, nous nous trouvons en face de quatre faits: Cet homme savait comment aller à Dieu; il réfléchissait; il n’avait jamais confessé ouvertement le christianisme; enfin quelqu’un avait prié pour lui.

 

    Peut-on savoir quelque chose de sûr touchant cet homme? Il y a deux sortes de connaissances: directe ou déductive. Je sais qu’il y a une ville qui s’appelle Londres, car j’en ai parcouru les rues. Voilà la connaissance directe. Je sais qu’il existe une ville du nom de Saint-Pétersbourg, car, quoique je n’y aie jamais été, je suis persuadé de son existence par mes lectures, par les photographies que j’en ai vues, et par mes amis qui y ont été. Voilà la connaissance déductive.

 

    Pour ce qui est de la destinée de cet homme après qu’il a été arraché à l’étreinte de ses amis, je n’ai pas de connaissance directe; par contre, j’ai une connaissance déductive très forte, parce que basée sur quatre faits. Trois de ces faits, à savoir le premier, le deuxième et le quatrième, sont en faveur de l’idée qu’il a dû être sauvé; le troisième n’est une preuve dans aucun sens. Le facteur dominant est le quatrième fait; c’est lui qui a le plus de poids dans le jugement. Ce qui influe le plus, c’est la communion persistante avec Dieu de cette personne qui pria avec foi jusqu’au moment où l’homme fut emporté subitement. Ce fait, s’ajoutant aux autres, nous donne une ferme connaissance déductive touchant cet homme, et cela suffit pour réconforter et renouveler la foi dans la prière pour autrui.

 

    4. L’homme agent du salut des siens

 

    Nous ne pouvons pas lire dans la pensée d’un homme. Il est bien certain que, si, dans la dernière minute de sa vie, une créature regarde en suppliant vers Dieu, ce seul regard prouve que sa volonté est dirigée vers Dieu. Et cela est parfaitement suffisant. Dieu attend impatiemment ce dernier regard; il est avide de le voir. Il est hors de doute que plus d’une personne, au seuil de la mort, a levé les yeux vers Dieu, alors que nous ne pensions pas qu’elle avait sa connaissance et que, la voyant extérieurement inconsciente, les mouvements de son être subconscient nous échappaient. On peut être inconscient à l’égard de la vie extérieure et être néanmoins intimement conscient de la présence de Dieu.

 

    Lors d’une autre réunion, je fus l’objet d’une autre confidence. Un homme d’esprit mûr et de jugement avisé me parla d’un de ses amis. Cet ami n’était pas un chrétien pratiquant. Or, un jour, il tomba d’un bateau; il plongea deux ou peut-être trois fois; il fut pourtant sauvé et ramené à la vie. Il racontait dans la suite avec quelle rapidité mille pensées, sa vie tout entière, se présentèrent à son esprit. Il eut nettement l’impression qu’il était perdu, mais il resta calme; il pensa à Dieu, il s’accusa de ne pas s’être confié en Lui, et en pensée il implora Son pardon. L’avenir montra en lui un chrétien pratiquant et convaincu. Ce simple exemple met en lumière toutes les possibilités de salut que Dieu offre à l’homme, et souvent sans que d’autres puissent s’en douter.

 

    Ces paroles suffiront certainement à réconforter plus d’un cœur attristé, et de plus elles nous inciteront à prier incessamment et avec foi pour ceux que nous aimons, car le pouvoir de la prière est incommensurable. Dans tous les cas semblables, soyez persuadés que la prière est toute puissante.

 

    Mais soyons prudents, très prudents. Ne nous laissons pas entraîner trop loin, car ce serait folie que de s’appuyer sur de telles affirmations pour résister à un appel miséricordieux. Nous ne devons pas perdre une occasion d’avertir nos frères, en toute charité, avec amour, mais néanmoins avec franchise, du danger terrible de toujours renvoyer au lendemain quand il s’agit de Dieu. Telle personne pourra être enlevée si subitement qu’elle n’aura pas le temps de lancer un dernier regard vers les cieux, et même, si elle est sauvée, elle sera responsable de sa vie devant Dieu. Il nous faut des hommes qui vivent pour Jésus et gagnent des âmes à Sa cause; les récompenses, les préférences, les honneurs dans le royaume des cieux dépendront de la fidélité que nous lui aurons témoignée sur la terre. Qui donc désirerait être sauvé in extremis? Le fait important que nous devons sans cesse avoir devant les yeux, c’est que nous pouvons ouvrir à nos bien-aimés l’accès auprès de Dieu si seulement nous redoublons d’efforts dans la bataille.

 

    5. Préparant les voies du Seigneur

 

    Voyageant une fois dans les Etats qui se trouvent au delà du Mississipi, je fus mis en présence d’une illustration du pouvoir de la prière si typique, qu’elle me frappa immédiatement et me fut dans la suite d’un grand secours pour comprendre la prière.

 

    Les faits parlent plus que les images. Si on pouvait savoir ce qui se passe autour de soi, que de surprises on aurait! Si nous pouvions saisir tous les faits dont se compose un événement, les avoir dans leur pureté, et posséder le jugement capable de les passer au crible et de les analyser, quels exemples stupéfiants du pouvoir de la prière nous seraient révélés!

 

    L’histoire que je vais vous raconter a deux faces; nous étudierons tour à tour l’homme qui fut transformé et la femme qui pria.

 

    L’homme, américain de naissance et d’éducation, vivait dans l’ouest des Etats-Unis. La nature l’avait pour ainsi dire gratifié d’un corps de géant et d’une intelligence spécialement brillante. Il exerçait la profession d’avocat. Encore enfant, il avait décidé, s’il devenait chrétien, de se vouer à la prédication. Hélas! il tourna au scepticisme; ses lectures furent toutes dirigées de ce côté, et ce fut dans cet esprit qu’il exerça sa profession. Il représentait au Congrès un des districts de son département, et le Congrès, à ce que je crois, était à sa quatrième période.

 

    L’expérience que je raconte ici se produisit durant le Congrès où eut lieu le grand débat Hayes-Tilden {1}, le Congrès le plus passionnant qu’il y ait eu à Washington depuis la guerre civile. Ce n’était pas là un moment bien choisi pour penser à Dieu. Lui-même me dit qu’il connaissait plus ou moins tous les incrédules qui faisaient partie de la Chambre des représentants, dite Chambre basse, qu’ils se voyaient beaucoup et se fortifiaient réciproquement dans leurs idées par leurs conversations.

 

    Un jour qu’il était en séance à la Chambre des représentants, au milieu de la discussion il eut la conviction que Dieu—ce Dieu en qui il ne croyait pas et dont il niait l’existence—était tout près de lui, pensait à lui et désapprouvait sa conduite à Son égard. Il se dit: «Voilà qui est absurde, parfaitement ridicule. J’ai trop travaillé; je ne suis pas assez sorti; j’ai la tête fatiguée. Je m’en vais faire quelques pas, prendre un peu le frais, et tout de suite je retrouverai mes esprits.»

 

    Ce qu’il fit. Mais la conviction de la présence de Dieu ne fit que devenir plus intense; chaque jour elle s’imposait à lui avec une force plus grande. Des semaines passèrent. Il décida de rentrer chez lui pour s’occuper d’affaires particulières et prendre quelques mesures en vue de sa candidature comme gouverneur de son département. Et, autant que je puis le savoir ou juger de ces matières, les affaires marchaient à merveille; sa candidature prenait corps. Le parti auquel il appartenait avait la majorité, et en général le candidat qu’il choisissait était agréé par le peuple.

 

    Il rentra donc chez lui. A peine eut-il pénétré dans la maison qu’il apprit que sa femme et deux de ses amies s’étaient unies dans la prière pendant des mois et que leur but avait été sa conversion. Immédiatement il pensa à la curieuse expérience qu’il avait faite à Washington et son intérêt fut éveillé. Désirant toutefois ne pas révéler cet intérêt, il demanda négligemment quand avaient commencé ces réunions quotidiennes. Sa femme lui donna la date. Il fit alors un rapide calcul. «J’eus alors, me dit-il, l’intuition immédiate que la date qu’on me donnait devait s’accorder exactement avec le jour où cette conviction de la présence de Dieu se produisit en moi.»

 

    Cette coïncidence le frappa vivement. Homme loyal envers lui-même, il savait que la seule preuve d’un fait de ce genre, la seule preuve d’un tel résultat obtenu par la prière, devait entraîner en lui un changement complet. D’où une lutte intérieure terrible. Avait-il été dans l’erreur durant toute sa vie? Il retournait la question en tous sens, l’examinant comme un avocat qui veut établir une preuve.

 

    «Comme honnête homme, me dit-il, j’étais obligé d’admettre les faits, aussi aurais-je pu me donner à Christ ce soir même.»

 

    Quelques jours plus tard, il s’agenouillait dans une réunion tenue à l’Eglise méthodiste et abdiquait sa forte volonté devant celle de Dieu. Le désir de son enfance réapparut. Chrétien, il devait prêcher l’Evangile. Et comme Paul, il transforma complètement sa vie. Depuis cette époque, il n’a cessé de prêcher Christ ressuscité.

 

    Voyons maintenant la deuxième phase de cette histoire, le côté intérieur. Nous y trouvons une leçon admirable.

 

    Sa femme était chrétienne depuis des années déjà; sa conversion datait d’avant son mariage. Quelques conférences auxquelles elle assista dans son Eglise l’amenèrent à se donner plus complètement encore à Jésus-Christ et elle retira de cette consécration une nouvelle expérience de la présence et du pouvoir du Saint-Esprit. Elle fut prise d’un intense désir de voir son mari se convertir, et ce désir, elle en fit part à deux amies qui se joignirent à elle dans une prière journalière et persévérante.

 

    Comme elle priait dans sa chambre, ce fameux soir, elle fut prise d’une grande détresse en pensant à son mari et en priant pour lui. Elle était si troublée qu’elle ne trouvait aucun repos; enfin elle se leva, s’agenouilla près de son lit et pria. Comme elle était à genoux, plongée dans la prière, elle entendit en elle une voix qui disait: «Veux-tu en supporter les conséquences?» Elle tressaillit. Une telle chose était nouvelle pour elle. Elle ne savait ce que cela signifiait. Sans y faire attention, elle se remit à prier. Mais de nouveau la même voix tranquille chuchota à son oreille: «Veux-tu en supporter les conséquences?» Effrayée, elle se remit au lit pour dormir, mais le sommeil ne vint pas. Et de nouveau elle se mit à genoux, et de nouveau elle entendit cette voix calme et tranquille.

 

    Alors, avec un sérieux qui révélait l’agonie qu’elle traversait, elle s’écria: «Seigneur, je veux supporter toutes les conséquences qui peuvent survenir, si seulement mon mari peut être amené à Toi.» Aussitôt l’angoisse disparut; une douce paix l’envahit et le sommeil ferma ses paupières. Elle pria des semaines, elle pria des mois, patiemment, incessamment, jour après jour. L’angoisse avait disparu et une douce paix remplissait son âme; elle avait l’assurance que sa supplication serait exaucée.

 

    Quelles furent pour elles les conséquences de cette conversion? Elle était femme de député; elle allait être, autant qu’on peut en juger, la femme du gouverneur du département, atteindre le haut de l’échelle sociale. Elle est maintenant l’épouse d’un pasteur méthodiste, forcée de changer de demeure tous les trois ou quatre ans, suivant que son mari est appelé dans telle ou telle localité. Quelle différence de situation! Aucune femme n’est insensible aux différences sociales; toutefois, j’ai rarement vu femme plus belle et plus heureuse, de cette beauté et de ce bonheur que procure la paix de Dieu.

 

    Sentez-vous la simple conclusion qui se dégage de ce récit? Le consentement de la femme donna à Dieu l’occasion de pénétrer la volonté du mari. Quand le chemin fut libre, sa prière fut une force spirituelle traversant instantanément des centaines de kilomètres et modifiant par sa présence l’atmosphère spirituelle.

 

    Et nous, ne mettrons-nous pas notre volonté en contact avec celle de Dieu? ne plaiderons-nous pas sans cesse pour ceux que nous aimons? «Délivre-le du mal, accomplis en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de Jésus le Vainqueur.» Puis disons: «Amen, ainsi soit-il.» Non pas: «que cela puisse être ainsi; ce n’est pas un désir, mais «ainsi soit-il», c’est-à-dire confiance absolue dans le pouvoir de Jésus-Christ. Et ces vies seront gagnées, ces âmes seront sauvées.

 

{1} Hayes était candidat républicain à la présidence de 1876; Tilden était candidat démocrate. Une commission électorale nommée à ce sujet eut à trancher le conflit. Hayes fut nommé. Note du traducteur.)

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    QUATRIEME PARTIE

 

    COMMENT JÉSUS PRIAIT

 

    CHAPITRE PREMIER

 

    Simple Esquisse

 

    Quand Dieu voulut regagner le monde prodigue, Il envoya un Homme. Cet Homme, quoique plus qu’un homme, affirmait qu’il était vraiment homme. Sur chaque point, il était en contact avec la vie humaine, et aucun homme ne semble avoir mieux compris la prière, ni avoir prié comme il fit. Comment donc pourrions-nous mieux conclure ces entretiens sur la prière qu’en nous groupant autour de sa personne et en étudiant sa manière habituelle de prier?

 

    Une habitude est un acte répété si souvent qu’on l’accomplit inconsciemment, c’est-à-dire sans qu’une nouvelle décision de l’esprit ait à intervenir.

 

    Jésus priait, il aimait à prier. La prière, parfois, était pour lui un repos. Il priait tellement et si souvent que cet acte devint une partie de sa vie; il priait en quelque sorte comme il respirait.

 

    Il n’y a rien qui nous importe plus que de savoir prier. Nous pouvons nous instruire de deux manières: ou par l’enseignement d’autrui, ou par l’observation. La dernier moyen est le plus simple et le plus sûr. Comment pouvons-nous mieux apprendre à prier qu’en observant Jésus et en essayant de l’imiter? Non pas en étudiant ce qu’il disait de la prière, si importantes que soient ses déclarations à ce sujet; ni en considérant comment il recevait les requêtes des hommes pendant qu’il était sur la terre, malgré les enseignements que nous pouvons en tirer touchant Son attitude actuelle en face de nos prières; mais en observant comment Lui-même priait, quand il était dans les mêmes circonstances entouré par les mêmes tentations que nous.

 

    Les Evangiles et les Psaumes sont les deux parties de la Bible auxquelles nous nous adresserons immédiatement pour obtenir la lumière. Dans les Evangiles, nous sommes mis en présence du côté extérieur des habitudes de prière de Jésus, et, dans certains Psaumes, nous avons quelques aperçus du côté intérieur;  ils sont peu nombreux, mais positifs.

 

    Si nous prenons d’abord les Evangiles, nous y trouvons comme une esquisse de la manière de prier de Jésus. Cette esquisse est faite en quelques coups de plume, une ligne ici, une ligne là; il suffit parfois d’un seul mot ajouté par un écrivain au récit des autres pour mettre graduellement en lumière les traits d’une personne solitaire, les yeux levés au Ciel.

 

    Parmi les quinze mentions que les Evangiles font de la prière de Jésus, il est intéressant de noter que Matthieu en donne trois, Marc et Jean chacun quatre; c’est Luc, le compagnon et l’ami de Paul qui nous fournit les plus nombreux renseignements.

 

    Pour le dire en passant, cela n’explique-t-il pas cette autre esquisse que nous distinguons nettement dans les épîtres de Paul et où l’apôtre nous révèle sa magnifique vie de prière?

 

    Matthieu, plongé dans les textes hébreux, parle aux Juifs du roi davidique qui leur a été promis. Marc, à la plume rapide, transmet l’activité incessante du Christ, cet admirable serviteur du Père. Jean dépeint le Fils de Dieu venant porter à la terre un message d’En-Haut; puis il nous Le montre quittant la terre et retournant dans la demeure paternelle. Luc, par contre, insiste sur le côté humain de Jésus-Homme, Jésus, un des nôtres. Et le Saint-Esprit, au travers de tout le récit de Luc, nous fait sentir que l’Homme-Jésus’ priait, qu’il priait beaucoup, qu’il avait besoin de prier, qu’il aimait à prier.

 

    Et nous, vivant sur la terre, envoyés dans le monde avec la même mission que celle qu’il reçut de son Père, dans le même champ d’activité, pour combattre le même ennemi, dotés de la même force que donne le Saint-Esprit, ne comprendrons-nous pas que notre force consiste à vivre dans le plus étroit contact avec Celui qui nous a envoyés, et complètement à l’écart du monde?

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    QUATRIEME PARTIE

 

    COMMENT JÉSUS PRIAIT

 

    CHAPITRE II

 

    Coup d’œil révélateur sur la vie de prière de Jésus

 

    Examinons rapidement, dans l’ordre chronologique, ces quinze mentions fournies par les évangélistes.

 

    La première se trouve dans Luc III Les trois autres Evangiles nous parlent du baptême de Jésus, mais c’est Luc qui ajoute «pendant qu’il priait.» Ce fut pendant qu’il priait qu’il reçut le don du Saint-Esprit. Il n’osait pas commencer sa mission publique sans cette onction qui avait été promise dans les écrits prophétiques. Maintenant il est dans les eaux du Jourdain; il attend et il prie jusqu’à ce que le ciel s’ouvre et que l’Esprit descende sur lui, sous forme d’une colombe, pour habiter en lui. La prière est une source de pouvoir;  elle est elle-même une puissance. Lorsqu’on prie, on est fort. Prier, c’est entrer dans une telle union avec le Divin, que sa puissance, comme un courant électrique, puisse arriver jusqu’à nous sans perte et sans interruption.

 

    La deuxième mention est faite par Marc, au chapitre premier. Luc» au chapitre quatre, fait allusion au même fait. «Dès que le jour parut, il sortit et alla dans un lieu désert.» Marc, plus explicite, nous dit au verset 35: «Vers le matin, pendant qu’il faisait encore très sombre, il se leva, et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria.» Il avait passé toute la journée précédente dans la ville qu’il affectionnait particulièrement, à Capernaüm. Il avait été occupé tout le jour au service de son Père, enseignant dans la synagogue et guérissant un démoniaque qui l’avait interrompu; puis il avait guéri la belle-mère de Pierre, et le soir on lui avait amené tous les malades et les démoniaques. Pendant une partie de la nuit, en passant au milieu d’eux, en les touchant simplement, il avait guéri ceux qui souffraient et délivré les possédés. Journée remplie et harassante s’il en fut.

 

    A sa place, après une pareille journée, nous aurions ressenti le besoin de prolonger notre sommeil, car enfin il faut se reposer. Mais Jésus semble avoir eu, en plus du sommeil, un autre moyen de se reposer. Cette; nuit-là, il occupait probablement la chambre d’ami dans la demeure de Pierre et la maison se réveilla à l’heure habituelle. Le déjeuner fut préparé, mais on attendit pour se mettre à table que le Maître parût. Au bout de quelques minutes, la servante se rendit à la chambre de l’hôte et heurta légèrement. Pas de réponse. Elle heurta de nouveau et enfin entrouvrit la porte... et trouva la chambre inoccupée, «Où est donc le Maître? dit-elle.—Je crois que je le sais, répondit Pierre. J’ai remarqué que souvent il sortait le matin pour gagner quelque endroit tranquille où il peut être seul.» Pierre et ceux qui étaient avec lui se mirent alors à sa recherche, car déjà toute une foule affamée de miracles remplissait la rue. Ils le cherchèrent donc ici et là, au flanc des collines, dans les bosquets d’arbres, et finirent par le découvrir priant avec calme dans la tranquillité. Ecoutez alors le cri impatient de Pierre: «Maître, la foule est grande, et tous te réclament», et mettez en opposition la réponse nette et calme du Maître: «Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi; car c’est pour cela que je suis venu.» Il eût été plus facile de retourner à Capernaüm et d’avoir de nouveau affaire à la foule du jour précédent, que d’affronter le scepticisme de localités nouvelles; mais, pour Jésus, il n’y a aucun doute sur ce qui doit être fait. La prière éclaircit merveilleusement la vision; elle raffermit les nerfs; elle définit le devoir; elle renforce la volonté; elle assouplit et fortifie l’esprit. Plus ses journées étaient chargées, et plus il était fidèle au rendez-vous qu’il avait avec Dieu le jour suivant; plus son départ pour cette rencontre avec son Père était matinal, {#Esa 50:4} plus il dépensait de force, plus il laissait rayonner de puissance, et plus aussi il devait passer de temps seul à seul avec Celui de qui découle toute puissance.

 

    Nous trouvons la troisième mention de la vie de prière de Jésus dans Luc V C’est peu de temps après la scène que nous venons de décrire, et peut-être lors de ce voyage dont Jésus parlait à Pierre. Dans une de ces nombreuses bourgades galiléennes, ému de cette compassion qui remplissait toujours son cœur, il avait guéri un cas avancé de lèpre, et le malade, sans s’occuper de l’ordre exprès qu’il avait reçu de Jésus, avait si largement publié sa guérison miraculeuse, que de grandes foules barraient le chemin à Jésus. Il résolut alors de se rendre dans la campagne. La multitude qui remplissait le village l’y suivit. Voyez maintenant ce que le Maître faisait: il se retirait dans les déserts et priait. Cette parole n’indique pas un acte isolé, mais une action habituelle, pratiquée des jours et des semaines durant. Obligé à cause de l’immensité de la foule de se retirer dans la solitude et, malgré ses efforts, poursuivi jusque dans sa retraite, il avait moins l’occasion d’être seul; il en ressentait toutefois un impérieux besoin; aussi, pendant que patiemment il continue son admirable travail, il recherche chaque occasion d’échapper de temps à autre à la foule et de prier.

 

    Comme sa vie ressemblait à la nôtre! Sollicités par nos devoirs, par notre activité, par les besoins de ceux qui nous entourent, nous sommes fortement tentés de consacrer peu de temps à la méditation. «Cet ouvrage doit être fait, pensons-nous, bien que parfois il trouble et agite les minutes que nous donnons à la prière».—Non! proclame l’expérience du Maître. Non, ne mettez pas le travail à la première place, comptant sur la prière pour le bénir mais placez d’abord la prière: notre activité bénie d’avance par la prière n’en acquerra que plus de force. Plus le monde extérieur cherchait à envahir sa vie privée, et plus Jésus défendait l’heure de sa prière et le calme de son âme. Plus son esprit était tendu, et plus il donnait de temps à une prière que rien ne venait troubler.

 

    Luc nous fournit la quatrième allusion; au chapitre VI, verset 12: «En ce temps-là, Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu». Ceci se passe environ au milieu de la seconde année de son ministère. Il venait de faire des expériences décevantes avec les chefs spirituels de la Judée qui épiaient ses pas, critiquaient ses actes et jetaient des semences de scepticisme chez les Galiléens, gens à l’esprit simple et absolu. C’est le jour qui précède le choix des douze disciples et le Sermon sur la montagne. Luc ne nous dit pas que Jésus avait l’intention de passer toute la nuit en prière. L’esprit fatigué par les traits incessants et la haine infatigable de ses ennemis, pensant au travail si sérieux qui l’attendait le jour suivant, il sentit qu’il n’avait qu’une chose à faire. Il savait où trouver le repos, une douce compagnie, une présence apaisante et un sage conseil. Dirigeant ses pas vers le nord, il rechercha la solitude de la montagne pour y méditer et pour prier. Et comme il priait, comme il écoutait et parlait sans même ouvrir les lèvres, la lumière du jour fit place au crépuscule et bientôt les étoiles brillantes de l’Orient s’allumèrent. Et toujours il priait, pendant qu’à ses pieds l’ombre s’épaississait et qu’au-dessus de sa tête le bleu du ciel devenait plus intense; le calme bienfaisant de Dieu enveloppa la nature et remplit l’âme du Christ d’une paix profonde. Fasciné par la présence adorable de son Père, il perdit toute notion de la fuite des heures, mais pria, pria jusqu’à ce que peu à peu la nuit fût écoulée. L’Orient s’empourpra, le sol de la Palestine, parfumé de la rosée d’une nuit orientale, se réchauffa au soleil renaissant. Et alors «quand le jour parut»—c’est ainsi que continue le récit—«Il appela ses disciples et il en choisit douze; il descendit avec eux et s’arrêta dans une plaine où se trouvait une foule d’autres disciples et une multitude de gens... et il les guérissait... et il les enseignait... car une force,sortait de lui». Y a-t-il là quelque chose d’étonnant après cette veillée d’armes? Si nos émotions, si nos inquiétudes étaient suivies de prière, si nos décisions et nos paroles étaient précédées d’une calme prière, quel pouvoir sortirait également de nous! Car il n’y a pas de différence entre ce qu’il était dans ce monde et ce que nous sommes.

 

    La cinquième mention d’une prière de Jésus se trouve dans Matthieu IV et Marc VI Jean y fait allusion au chapitre sixième de son Evangile. C’était au début de la dernière aimée de son ministère. Lui et ses disciples avaient été très occupés par les foules incessantes qui se groupaient autour d’eux. Ils venaient d’apprendre la fin tragique du Précurseur. Un repos physique s’imposait dans ces circonstances, aussi bien qu’un temps de calme, pour réfléchir aux obstacles que dressait l’opposition, alors à son apogée. Montant dans un bateau, ils se dirigèrent vers la rive est du lac. Mais la foule avide surveillait leurs mouvements et reconnaissant la direction qu’ils avaient prise, ils contournèrent le lac, coururent littéralement après eux et même les devancèrent. Quand Jésus sortit de la barque, comptant prendre ce repos si nécessaire, il y avait là sur la rive des milliers d’hommes qui l’attendaient.

 

    Les disciples manifestèrent-ils quelque impatience en voyant qu’ils ne pouvaient pas même avoir un moment de repos? C’est fort probable et nous pouvons le présumer. Mais Jésus «fut ému de compassion» et, tout fatigué qu’il fût, il passa patiemment toute la journée à enseigner, et le soir, quand les disciples proposèrent de renvoyer la foule à cause du manque de nourriture, à l’aide de quelques pains et de quelques poissons il rassasia cette foule de cinq mille personnes et plus.

 

    Il n’y a rien qui ait frappé davantage les peuples de tout temps et de tout pays que cette puissance de fournir des vivres en abondance. Des milliers de gens s’endorment chaque soir ayant faim; c’était le cas ce jour-là. Aussitôt un fort courant populaire se dessina dans cette multitude; ils voulaient mettre à leur tête ce chef admirable et secouer le joug des Romains. Ils pensaient que si seulement Jésus consentait, le succès était sûr.

 

    Cette manifestation ne se rapproche-t-elle pas étonnamment des propositions que Satan lui avait faites dans le désert? C’était bien une tentation, alors même qu’elle ne trouvait aucun écho en lui. Avec l’influence étonnante que sa présence exerçait parfois, il calma le mouvement et força {1} les disciples à monter dans la barque et à passer avant lui de l’autre côté pendant qu’il renvoyait la foule.

 

    «Quand il l’eut renvoyée, il s’en alla sur la montagne et continua de prier jusqu’au matin.» Une seconde nuit passée en prière! Fatigué physiquement, l’esprit frémissant à l’approche d’un événement qu’il pressentait déjà, sa mort tragique, il a de nouveau recours au remède infaillible: la solitude et la prière. C’est par elles en effet qu’il surmonte toutes les difficultés, triomphe des tentations et pare à tous les besoins. Combien nous, ses disciples d’aujourd’hui nous nous rendons peu compte du temps que consacrait à la prière cet Homme qui la comprenait et la pratiquait si bien!

 

{1} Ce mot énergique n’indiquerait-il pas qu’il y a peut-être eu une entente entre les disciples et les chefs révolutionnaires

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    QUATRIEME PARTIE

 

    COMMENT JÉSUS PRIAIT

 

    CHAPITRE III

 

    Dans l’ombre grandissante

 

    Nous comprendrons probablement mieux les autres exemples de prière que nous allons citer, si nous nous souvenons que Jésus est maintenant dans la deuxième année de son ministère, et que ses rapports avec les chefs du peuple ont atteint cet état aigu qui précède la rupture finale. L’ombre terrible de la croix assombrit toujours plus son chemin; la haine du diable croît, elle aussi, de plus en plus en intensité. Les qualités nécessaires pour être un de ses disciples sont mises en relief par les circonstances; l’incapacité de la foule, de ses disciples et d’autres gens encore, à le comprendre, apparaît clairement. Beaucoup de ceux qui s’étaient donnés à lui reculent maintenant, et Jésus s’efforce de trouver plus de temps pour entretenir les douze. Nous le voyons se rendre dans des lieux éloignés du centre de la vie juive et même franchir les frontières du pays avoisinant. Les épreuves et les expériences à venir—et spécialement la scène qui aura pour théâtre une petite colline hors des murs de Jérusalem—semblent ne pas quitter ses pensées.

 

    Le sixième passage nous est fourni par Luc IX Jésus et ses disciples sont dans le nord du pays, dans les environs de la ville romaine de Césarée. «Un jour que Jésus priait à l’écart, ayant avec lui ses disciples...» A l’écart, c’est-à-dire loin de la foule curieuse. Il semble que Jésus veuille rendre plus intime le contact entre sa vie intérieure et celle des douze. Il semble aussi qu’il ait voulu essayer de leur communiquer ce même amour pour la solitude et la prière qui remplissait son cœur. Peut-être aussi qu’il voulait simplement accroître cette belle et profonde camaraderie qu’il avait inaugurée avec ses disciples. Il prenait plaisir à l’amitié sincère, telle que la pratiquaient Pierre, Jacques et Jean, Marthe et Marie, et d’autres encore. Or, il n’y a pas d’amitié qui puisse se comparer à l’union dans la prière.

 

    «Il est une place où les esprits s’unissent,—Où l’ami s’unit à son ami; —Une place plus que tout autre propice.—C’est le jardin de la miséricorde—Qui fut acheté au prix du sang.»

 

    La septième allusion se trouve au même chapitre IX et mentionne une troisième nuit de prière. Matthieu et Marc parlent aussi de la transfiguration, mais c’est Luc qui nous déclare que Jésus monta sur la montagne pour prier et que ce fut comme il priait que l’aspect de son visage changea. Sans nous arrêter à étudier le but de cette merveilleuse manifestation de sa gloire divine à ces trois disciples seuls, à l’heure où l’abandon et la haine se faisaient le plus sentir, qu’il nous suffise de noter que ce changement se produisit pendant qu’il priait. Transfiguré pendant qu’il priait. Et, à ses côtés, se tenaient Moïse et Elie, qui, des siècles auparavant, avaient passé des heures nombreuses seuls avec Dieu. La glorieuse lumière qui émanait de la présence de Dieu transfigurait son visage, sans qu’il en fût conscient. Transfiguré par le contact avec Dieu! Nous, à qui le Maître a dit: «Suis-moi», n’irons-nous pas aussi avec Lui et Sa divine parole, le visage découvert, c’est-à-dire l’esprit dégagé des préjugés et de l’égoïsme, pour que, contemplant dans un miroir la gloire de Sa face, nous soyons de plus en plus transformés en la même image. {#2Co 3:18}

 

    Nous trouvons la huitième mention dans Luc X Jésus avait choisi un certain nombre de disciples et les avait envoyés deux à deux dans tous les lieux où lui-même devait aller. Ils étaient revenus avec de joyeuses nouvelles, parlant du pouvoir qui les avait assistés dans leur travail. Se tenant au milieu d’eux, le cœur débordant de joie, il leva les yeux comme s’il voyait la face du Père et il manifesta l’allégresse qui remplissait son âme. Il paraissait être toujours conscient de la présence paternelle et pour lui c’était chose toute naturelle que de Lui parler. Ils étaient toujours assez proches pour s’entretenir et leur entretien n’avait pas de fin.

 

    La neuvième mention est contenue dans le onzième chapitre de Luc; elle ressemble beaucoup à la sixième: «Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit: «Seigneur, enseigne-nous à prier.» Ses disciples, sans doute étaient des hommes de prière, et Jésus avait dû les en entretenir souvent. Mais, remarquant quelle place considérable la méditation occupait dans la vie de leur Maître et quels merveilleux résultats en étaient la conséquence, le fait qu’il y avait dans la prière un pouvoir extraordinaire, un secret important dont ils étaient ignorants, s’imposa à eux avec force. Ils pensèrent qu’ils ne savaient vraiment pas comment il fallait prier; d’où leur demande. Cette requête, plus que toute autre, dut réjouir Jésus. Enfin, ils prenaient conscience du pouvoir secret caché dans la prière.

 

    Puisse cette simple revue des prières de Jésus avoir le même effet sur chacun de nous, nous pousser à rechercher la solitude avec Dieu et à Lui faire cette même sérieuse demande. Le premier pas pour apprendre à prier est de s’écrier: «Seigneur, enseigne-moi à prier.» Et qui mieux que Lui pourra nous l’enseigner?

 

    Le dixième passage se trouve dans Jean XI; c’est la deuxième des quatre supplications instantes de Jésus. Toute une société est réunie près du village de Béthanie, au bord d’une tombe dans laquelle, depuis quatre jours, repose le corps d’un jeune homme. Marie est présente; elle pleure. Marthe est là aussi, maîtrisant son émotion. Elles sont entourées de quelques amis personnels, d’habitants du village et de connaissances venues de Jérusalem. Sur l’ordre de Jésus, après quelques hésitations, la pierre de la tombe est roulée de côté. Et Jésus, levant les yeux, s’écrie: «Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé. Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours; mais je parle ainsi à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé.» Avant de se rendre à la tombe, Jésus, évidemment, avait prié en secret pour la résurrection de Lazare, et ce qui suivit lut la réponse à sa supplication.

 

    Comme ce fait rend manifeste que le merveilleux pouvoir révélé dans la brève carrière du Christ eut pour source la prière!

 

    Quelle liaison extraordinaire entre sa vie active, universellement admirée, alors et depuis, et sa vie intérieure dont nous n’avons que des lueurs passagères! Le plus grand pouvoir confié à l’homme est sans contredit celui de la prière. Mais combien parmi nous sont infidèles à la confiance qui leur est témoignée, en n’utilisant pas ce pouvoir étrange placé entre leurs mains.

 

    Remarquez aussi l’entière confiance de Jésus en Dieu qui écoute sa prière: «Je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé.» Rien de visible n’étayait cette certitude. Au contraire, car le corps était dans la tombe depuis quatre jours déjà. Mais Jésus était confiant, comme voyant Celui qui est invisible. La foi est aveugle aux choses de la terre; elle ne peut voir que le ciel. Elle est aveugle aux impossibilités et sourde au paroles de doute. Elle n’écoute que Dieu; elle ne voit que Sa puissance et agit en conséquence. La foi ne consiste pas à croire que Dieu peut, mais qu’il veut. Une telle foi ne peut résulter que d’une union constante avec le Père, et sa source c’est la chambre close, le temps mis à part, la Bible; de plus, il faut une oreille attentive et un cœur apaisé pour l’amener à son développement.

 

    Le douzième chapitre de Jean nous donne la onzième mention. Deux ou trois jours avant le fatal vendredi, quelques Grecs, venus pour assister à la Pâque juive, recherchèrent une entrevue avec Jésus. Cette démarche semble avoir évoqué en lui une vision du monde des Gentils pour lequel son cœur brûlait si vivement et qui venaient à lui pour obtenir ce que lui seul, pouvait donner. Au même instant, une autre vision, lugubre celle-là, traversa la première, une vision qui n’était jamais absente de ses pensées, celle de la croix. Reculant d’horreur devant elle, sachant toutefois que la première ne pouvait se réaliser que grâce à cette suprême épreuve, il s’écrie, oubliant pour un moment ceux qui l’entouraient, se parlant à lui-même: «Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je?... Père, délivre-moi de cette heure!... Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure; voici ce que je dirai—et ici le conflit intense qui se livrait dans son âme se termine par la complète victoire de sa volonté soumise—«Père, glorifie ton nom!» Et aussitôt que la prière fut prononcée, une voix vint du ciel: «Je l’ai glorifié et le glorifierai encore.» Comme le Ciel doit être près de nous! Comme le Père entend rapidement! Il doit être sans cesse attentif à nos prières, impatient de saisir fût-ce le plus faible murmure qui s’échappe de nos lèvres.

 

    Les spectateurs de cette scène, assourdis par les bruits de la terre, inaccoutumés à entendre les voix célestes, ne purent rien comprendre du tout, mais Lui avait une oreille exercée.

 

    #Esa 50:4 (passage éminemment prophétique) nous suggère comment il se fait que Jésus pouvait comprendre cette voix si facilement et si rapidement: «Il éveille, chaque matin, Il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent les disciples.»

 

    Pour prier, il est aussi nécessaire de savoir entendre que de savoir parler. Pour l’un comme pour l’autre, l’entretien matinal avec Dieu est chose essentielle.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    QUATRIEME PARTIE

 

    COMMENT JÉSUS PRIAIT

 

    CHAPITRE IV

 

    Sous les oliviers

 

    Le douzième passage se trouve dans Luc XII C’est le jeudi soir de la semaine de la Passion.. Jésus et ses disciples sont réunis à Jérusalem, dans la chambre haute, et là, ils célèbrent la vieille fête de Pâque, instituant en même temps la nouvelle Pâque chrétienne. Mais cette heure consacrée elle-même est troublée par l’égoïsme des disciples. Jésus, avec la patience et l’amour qui le caractérisent, leur donne cet admirable exemple d’humilité que relate le treizième chapitre de Jean. Il leur explique avec douceur ce qu’il attend de ses disciples et, se tournant vers Pierre, qu’il interpelle par son ancien nom, il lui dit: «Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point.» Il avait prié spécialement pour Pierre. Voici aussi une de ses habitudes de prière: prier pour les autres, et cette habitude bénie, il ne s’en est pas départi. Il est capable de sauver jusqu’à la fin ceux qui s’approchent de Dieu par son intermédiaire, car il vit toujours pour intercéder pour eux. Assis maintenant à la droite du Père, dans la gloire, il prie pour chacun de ceux qui se confient en lui.

 

    La treizième mention est bien connue. Elle est contenue dans le chapitre XVII de Jean. Ce chapitre renferme les dernières paroles de Jésus au monde. Du chapitre XIII à la fin du dix-septième, nous trouvons Jésus seul avec ses disciples. Lorsqu’on lit cette prière avec attention, on découvre que Jésus s’appuie sur la certitude que son œuvre sur la terre est terminée (quoique la scène principale soit encore à venir); désormais il va rentrer en la présence de Son Père et être réinstallé à nouveau dans Sa gloire. Cette prière nous donne une idée de la prière qu’il adresse maintenant pour nous, de sa prière en qualité d’Intercesseur ou de Grand-Prêtre. Pendant trente ans, il a vécu une vie de perfection; pendant trois ans et demi, il a parlé aux hommes de la part de Dieu; depuis dix-neuf siècles, il est un Grand-Prêtre parlant à Dieu au nom de l’humanité. Lorsqu’il reviendra, il sera Roi et gouvernera les hommes au nom de Dieu.

 

    Le quatorzième texte nous amène dans les limites sacrées du jardin de Gethsémané, un des endroits que Jésus affectionnait tout particulièrement pour prier. Cette scène est relatée dans Matthieu XXVI, Marc XIV et Luc XXI

 

    Approchons-nous avec le plus profond respect de cet endroit, car c’est un lieu saint. La scène se passe également le jeudi, mais un peu plus tard; cette journée avait été extraordinairement remplie et pourtant elle devait être encore fertile en incidents. Après l’entretien de la chambre haute et la prière si simple et si magnifique que Jésus y prononça, le Maître conduit ses disciples hors de la ville; ils passent le Cédron rapide et boueux et pénètrent dans le bosquet d’oliviers qui le domine. Jésus ne devait pas dormir cette -nuit-là. Dans une heure ou deux, les soldats romains et la populace juive, conduits par le traître, allaient venir le chercher. Jésus entendait donc passer dans la prière les instants qui lui restaient.

 

    A cause de ce besoin de sympathie qui apparaît si fort durant ces derniers mois, il prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et se retire dans la partie la plus sombre du jardin; et c’est là qu’eut lieu ce combat intérieur étrange et terrible. Il semble que ce soit le renouvellement du conflit qu’il eut à subir {#Jn 12} lorsque les Grecs vinrent le trouver; mais ce fut infiniment plus douloureux. Lui qui se savait sans tache, il commençait maintenant à éprouver dans son esprit ce qu’il allait éprouver en fait dans quelques heures, à savoir qu’il allait être fait péché pour nous. Et cette effrayante vision s’empare de lui avec une force si terrible qu’il semble que son corps ne supportera pas l’effort de cette agonie mentale. L’épreuve, qu’il subit réellement le jour suivant, produisit une agonie telle que ses forces physiques l’abandonnèrent. En effet, il ne mourut pas des souffrances physiques qu’il endura, si atroces fussent-elles; mais son cœur se brisa sous l’effet de sa souffrance intérieure. Il n’est pas possible à une âme pécheresse de juger avec quelle crainte et avec quelle horreur l’âme pure de Jésus vit s’approcher le moment où il allait entrer en contact avec le péché d’un monde entier. Silencieusement, pleins d’un saint respect, nous suivons cette forme solitaire à travers les arbres; tantôt il est à genoux; par moments, il se jette la face contre terre et reste étendu sur le sol. Il priait, demandant que, si c’était possible, cette heure pût passer loin de lui. Un fragment de cette prière parvient à nos oreilles: «Abba, Père, toutes choses Te sont possibles. S’il est possible que cette coupe s’éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que Tu veux.» Nous ne savons combien de temps il resta en prière, mais la tension de son esprit était si grande qu’un ange lui apparut pour le fortifier. Ensuite, «étant en agonie, il priait instamment, et la sueur devint comme des grumeaux de sang, qui tombaient en terre.» Quand, enfin, il se relève, après ces instants de lutte et de prière si intense, la victoire semble être remportée, et quelque chose du calme d’autrefois réapparaît sur ses traits. Il se rend vers les disciples endormis; soucieux de les préparer à l’épreuve suprême, il leur recommande de prier; puis il retourne dans la solitude, toujours pour prier; mais le changement qui s’opère dans sa prière nous révèle qu’il a remporté la victoire intérieure: «Mon Père, s’il n’est pas possible que cette coupe s’éloigne sans que je la boive, que Ta volonté soit faite!» La victoire est complète; la crise est passée. Il s’abandonne à cette épreuve terrible qui, seule, peut faire aboutir l’adorable plan de rédemption de Dieu pour un monde qui, sans cela, périrait. De nouveau Jésus retourne vers ses pauvres disciples si faibles; puis il regagne encore la solitude pour se fortifier davantage dans la communion avec son Père. Voici maintenant les torches qui brillent dans les ténèbres et qui lui disent: «L’heure est venue!» Le pas ferme, une paix merveilleuse illuminant son visage, il va au-devant de ses ennemis.

 

    C’est ainsi qu’il surmonta la plus grande crise de sa vie de prière.

 

    Vient enfin la quinzième et dernière mention. Des sept paroles que Jésus prononça sur la croix, trois sont des prières. Luc nous dit que, pendant que les soldats enfonçaient les clous dans ses mains et ses pieds et pendant qu’ils dressaient la croix, lui, le Christ, ne pensant même pas à lui, mais aux autres, s’écria: «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.»

 

    C’était à l’heure du sacrifice du soir, à la fin de cette étrange période de ténèbres qui jetèrent leur voile sur la nature entière, après un silence de trois heures, qu’il jeta ce cri déchirant: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné?» Un peu plus tard, un cri triomphant montra que sa tâche était accomplie, et ses dernières paroles furent une prière qu’il prononça dans la paix, avant de rendre l’âme: «Je remets mon esprit entre Tes mains.»

 

Ainsi son dernier souffle fut encore une prière.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    QUATRIEME PARTIE

 

    COMMENT JÉSUS PRIAIT

 

    CHAPITRE V

 

    Dernier coup d’œil sur la vie de prière de Jésus

 

    Pour clore cette étude, je pense qu’il sera utile au lecteur d’avoir un tableau d’ensemble de ces différents passages.

 

    1. Heures de prière de Jésus.

 

    —Il semble qu’il ait consacré habituellement les heures du matin à la méditation et à la prière; c’est alors qu’il venait chercher la volonté de Son Père. Cette idée est suggérée par #Mr 1:35 Esa 50:4-6; à rapprocher de #Jn 7:16 8:28 12:49.

 

    Outre ces heures régulières, il recherchait toutes les occasions de prier et priait chaque fois qu’il en sentait particulièrement le besoin, jusque tard dans la nuit quand tous dormaient. Trois fois il resta en prière toute la nuit. Remarquez qu’il choisissait un moment tranquille, l’heure où les voix de la terre se taisaient. Il passait aussi dans la prière les heures qui précédaient ou qui suivaient des événements importants.

 

    (Voir mentions 1, 2, 3, 4, 5, 10 et 14).

 

    2. Lieux de prière.

 

    —Celui qui disait: «Entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père en secret» n’avait lui-même pas de chambre où il pût se retirer pour prier. Sans foyer pendant les trois ans et demi de ses courses incessantes, sa place favorite était un lieu abandonné, le désert, les montagnes, un endroit solitaire. Il aimait la nature. Le sommet de la colline qui dominait le village de Nazareth, les coteaux qui s’étageaient au-dessus du lac de Galilée étaient des endroits qu’il affectionnait particulièrement. Et remarquez que c’était toujours un lieu tranquille, à l’abri des sons discordants de la terre.

 

    3. Il était toujours en prière.

 

    —Son esprit était sans cesse plongé dans la méditation. Il pouvait être seul au milieu d’une foule.

 

    On a dit qu’il y a trois sortes de solitudes: celle due au temps: les premières heures du matin ou toutes celles de la nuit; celle due au lieu: un sommet, une forêt, une chambre close; et enfin la solitude d’esprit, grâce à laquelle un homme, entouré d’une foule, peut se sentir seul et rester plongé dans sa méditation. Jésus recherchait et trouvait ces trois solitudes, pour parler avec son Père.

 

    (Voir mentions 8, 10, 11 et 15).

 

    4. Il priait dans les grandes crises de sa vie.

 

    —Cinq exemples nous en sont donnés: 1° Avant la terrible bataille que Satan lui livre dans le désert; 2° avant de choisir les douze chefs qui poursuivraient son œuvre; 3° au moment où la Galilée se détache de lui; 4° avant son départ de la Galilée pour la Judée et Jérusalem, et enfin 5° à Gethsémané, la plus grande crise de toutes. (Voir mentions 1, 4, 5, 7 et 14).

 

    5. Il priait pour d’autres

 

    —Il priait opur d’autres par leur nom, et il continue de le faire. (Voir mention 18).

 

    6. Il priait avec d’autres.

 

    —C’est une habitude dont nous devrions nous inspirer davantage. Quelques minutes consacrées à la prière avec des amis, des collègues, calment étonnamment l’esprit, cimentent les amitiés, aplanissent les difficultés et facilitent la solution des problèmes les plus ardus. (Voir mentions 7, 9, 12).

 

    7. Les plus grandes bénédictions de sa vie vinrent pendant la prière.

 

    —Les Evangiles nous fournissent six faits à ce sujet: Pendant qu’il priait, 1° le Saint-Esprit descendit sur lui; 2° Il fut transfiguré; 3°, 4°, 5° par trois fois une voix du Ciel se fit entendre pour l’approuver, et enfin, dans son heure de plus grande détresse, un messager du Ciel vint pour le fortifier. (Voir mentions 1, 7, 11 et 14).

 

    Quelle puissance la prière était pour Jésus! Non seulement c’était une habitude régulière mais c’était sa ressource toutes les fois qu’il avait une décision à prendre, importante ou non. Quand il était préoccupé, il priait;  quand le travail l’accablait, il priait. Quand il avait besoin de compagnie, il la trouvait dans la prière. Il choisissait ses aides à genoux. Etait-il tenté, il priait;  critiqué, il priait. Etait-il fatigué de corps ou d’esprit, il avait encore recours à son remède infaillible, la prière. Elle lui donnait un pouvoir sans bornes et maintenait cette puissance intacte durant toute son activité. Il n’y avait pas d’événement, de difficulté, de nécessité, de tentation qu’il ne surmontât grâce à la prière, telle qu’il la pratiquait.

 

    Et nous, qui avons ainsi suivi pas à pas sa vie de prière, ne voulons-nous pas méditer ces passages à nouveau jusqu’à ce que nous respirions l’esprit de prière qui s’en dégage et ne lui demanderons-nous pas, nous aussi, de nous enseigner jour après jour comment prier? Et enfin n’essaierons-nous pas d’être seuls avec lui, à heures régulières, pour lui donner l’occasion de nous enseigner et pour avoir ainsi l’occasion de mettre en pratique son enseignement?

 

Dieu veuille que tel soit le désir de chacun de nous!

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    UNE DÉLIVRANCE MIRACULEUSE {1}

 

    Dieu n’est jamais la cause d’aucune de nos déceptions. Il ne l’a jamais été; Il ne le sera jamais; Il ne peut pas l’être. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons jamais de déceptions. Nous connaissons trop la vie pour nous faire des illusions à ce sujet. Mais cela veut dire que nos déceptions ne viennent pas de Dieu; au contraire, elles viennent malgré Lui. Et Il en souffre autant que nous, plus peut-être.

 

    Dieu ne manque jamais à sa Parole; Il y est absolument fidèle. La promesse d’un banquier est loin d’offrir autant de garanties, car une banque peut faire faillite, mais Dieu pas. L’Ecriture ne peut être anéantie. {#Jn 10:35} Jusqu’ici rien n’a pu l’ébranler. Dieu veille attentivement sur sa Parole et n’en laisse pas effacer un iota. {#Jer 1:12 Mt 5:18 24:35}

 

    La vraie prière est toujours efficace. Elle ne peut pas échouer, parce qu’elle s’appuie sur Dieu et sur sa Parole. Je parle ici, notez-le bien, de la vraie prière, car on emploie trop souvent le mot prière d’une façon superficielle et on lui fait désigner bien des choses qui ne sont pas vraiment des prières.

 

    La prière est en elle-même une chose fort simple. C’est la demande de quelque chose dont on a besoin, demande faite par un cœur sincère, s’appuyant sur les promesses de la Parole de Dieu et se réclamant du sang de Jésus. {#Ap 12:11} C’est là une chose toute simple. Sa puissance, pour autant qu’elle dépend de l’homme, réside dans sa simplicité même. Cette prière-là ne demeure jamais sans réponse. Elle est toujours exaucée; elle ne peut pas ne pas l’être. Le ciel et la terre passeraient avant qu’une vraie prière reste sans effet.

 

    On ne peut guère se représenter qu’à la suite d’un événement extraordinaire et vraiment invraisemblable, la Banque d’Angleterre soit obligée un jour de suspendre ses paiements, ou que le gouvernement de Washington ne puisse plus faire face à ses engagements. Et, pourtant, des catastrophes analogues se sont déjà produites. Mais que Dieu permette qu’un de ses enfants, après avoir placé sa confiance en Lui, soit déçu, cela est impossible, pour autant du moins que cela dépend de Lui. Sa Parole est sûre et ne peut faillir.

 

    Le jour où se produiront les tremblements de terre prédits dans l’Apocalypse, les chèques, les billets de banque, les actions garanties par l’Etat, les valeurs «de toute sécurité» n’auront pas plus de valeur que le papier sur lequel ils sont imprimés. Tandis que pas une lettre de ce vieux Livre qu’on nomme la Bible ne sera atteinte, pas une parcelle de la puissance de Dieu ne sera amoindrie. Il n’y aura pas de baisse dans ses trésors, ses actions seront plus haut que jamais.

 

    La vie de tous les jours se charge d’illustrer cette vérité. Il arrive encore à notre époque des histoires aussi frappantes que celle de la veuve de Sarepta dont la provision de farine ne s’épuisait jamais. {#1Ro 17:8-16} En maint endroit ignoré de la terre, Dieu montre sa fidélité à ceux qui ont à la fois assez de simplicité et assez de force pour se confier en Lui et pour gravir l’âpre sentier de la foi.

 

    J’ai appris dernièrement un fait de ce genre; je veux le raconter ici, tout simplement, tel qu’il m’a été révélé. Je ne le considère pas, d’ailleurs, comme un fait exceptionnel; il me semble plutôt qu’il est conforme à la manière dont Dieu agit à l’égard de ceux qui mettent leur confiance en Lui. {#Ge 22:16-18 Jn 2:24,25}

 

    Bien des fleurs cachent modestement leur beauté et leur suave parfum sous un épais feuillage. Le muguet recherche les coins ombragés. Les fleurs les plus belles ne se trouvent pas dans les vitrines des magasins; elles ne sont découvertes que par ceux qui les cherchent dans la douce retraite des vallées ou dans la solitude de la montagne. La vérité, elle aussi, est modeste et réservée. Et il y a, si j’ose dire, une exquise modestie en Dieu. Il parle à l’humanité par le soleil radieux, par le ciel étoile, par la pluie bienfaisante et la fraîche rosée. Mais il ne se révèle vraiment qu’à ceux qui sortent de la foule et qui s’approchent de Lui. C’est à ceux qui cherchent la communion du cœur avec Lui et à ceux-là seuls qu’il fait connaître les profondeurs de son amour. {#Ps 25:14 Jn 15:15}

 

    L’histoire que je vais raconter est celle d’une femme qui menait une existence tranquille dans un coin retiré du monde. Nous y verrons la pauvreté spirituelle du milieu dans lequel elle vivait; le courage avec lequel elle s’efforça de remédier à cette misère; la détresse par laquelle elle passa lorsque l’Adversaire harcelait et torturait son âme; enfin, l’inébranlable fidélité de Dieu. Car tout l’enseignement de ce simple récit est là: Dieu est fidèle. {#1Co 10:13} Il ne peut pas manquer à sa Parole. La prière est toujours exaucée.

 

    Je vous rapporte cette histoire comme elle s’est présentée à moi, car je vois, dans les circonstances mêmes à travers lesquelles elle m’est parvenue, une action directe de Dieu. J’ai été conduit, nettement conduit à la découvrir. Cela fait comme une introduction à mon récit.

 

    Je me trouvais à Stockholm, un soir d’hiver, parmi tout un cercle de chrétiens réunis à table. Nous revenions d’une réunion et, pendant le repas, nous nous faisions part de nos expériences touchant la bonté du Seigneur. Une dame de la société en vint à raconter, en se faisant traduire, une expérience peu commune faite par une de ses amies en Finlande.

 

    Il s’agissait d’une femme qui avait à payer une traite faussement surchargée, pour des bois de charpente employés à la construction d’une petite chapelle. Elle n’avait pas assez d’argent, et tous ses efforts pour se procurer la somme nécessaire avaient échoué; la justice allait intervenir; tout à coup, pendant qu’elle priait, la somme, contenue dans une petite boîte, se mit à augmenter et devint suffisante pour payer la traite. Telle était l’histoire, en résumé. Elle frappa vivement tous les auditeurs. Un tel fait, de nos jours, paraissait chose inouïe. Aussi les plus sérieux et les plus avisés parmi nous ne craignirent-ils pas d’exprimer quelque doute. On doutait, non pas que Dieu puisse faire une chose pareille, mais que l’histoire fût exactement rapportée. On se demandait si, dans sa joie, cette femme ne se serait pas trompée; si un ami ne lui serait pas venu en aide à son insu; si elle avait l’habitude de tenir des comptes; si la boîte était bien fermée. Il s’agissait sans doute d’une femme sincère, mais très impressionnable. C’est ainsi que questions et remarques allaient leur train.

 

    En entendant ce récit, puis les commentaires, je me dis que, si l’histoire était vraie—et l’amie qui nous la racontait et qui connaissait personnellement la femme en question, en semblait absolument convaincue—on devait la garder secrète jusqu’au jour où l’on aurait les moyens d’en vérifier l’exactitude, mais que lorsqu’on pourrait en faire la preuve, il y aurait lieu de la publier, et de la publier hautement. Depuis lors, ma femme et moi, nous nous mîmes à présenter chaque jour la chose à Dieu, lui demandant, si le fait était exact, de nous permettre de visiter un jour cet humble village de Finlande et de m’accorder le privilège de prêcher dans la petite chapelle.

 

    Plusieurs mois s’écoulèrent; à la fin du même hiver, je reçus un appel de Finlande, mais ne pus l’accepter, étant déjà engagé ailleurs pour la date qu’on me fixait. Un peu plus tard, on me demanda, de façon pressante, de me rendre l’été en Finlande, et cette fois j’eus la joie de pouvoir accepter. Mais c’était sur la côte sud de la Finlande, à une longue distance—douze heures de trajet—du village où la chose s’était passée. Cependant ma prière quotidienne permit à Dieu d’accomplir son plan.

 

    Peu de temps après, me trouvant à Christiania pour des réunions, je fus invité à la Conférence annuelle des Eglises libres de Finlande. Le nom de la localité où elle devait se tenir m’était totalement inconnu. Aussi nous nous hâtâmes, ma femme et moi, de nous rendre à un bureau de renseignements et de consulter une carte. Nous vîmes avec une réelle émotion, que c’était tout au nord de la Finlande et que nous devrions juste passer par le village que nous désirions tant connaître. Comme la date de cette conférence suivait de près celle des réunions que je devais avoir en Finlande, il nous sembla que nous étions dirigés par une main invisible, que l’histoire devait être vraie et que Dieu désirait le faire connaître, à nous et à d’autres. Mais je persistai à garder le secret le plus absolu.

 

    C’est alors que je reçus une lettre de la personne qui avait fait cette remarquable expérience et avec laquelle j’avais correspondu pendant l’hiver. Elle me disait qu’elle était déléguée à cette conférence des Eglises libres et m’invitait à prendre part à des conférences régionales qui devaient avoir lieu la semaine d’après dans le village qu’elle habitait. Enfin je fus invité à des cours de vacances d’une Université finlandaise, cours qui avaient lieu à deux heures de ce même village.

 

    Lieux et dates, tout s’accordait à merveille. Mon émotion s’accrut. Je sentais qu’il y avait là un plan de Dieu et que j’étais dans la main d’un Guide invisible. Il allait me faire rencontrer cette femme, m’amener dans son village, dans sa maison, et jusque dans la petite chapelle qui était comme un témoin et un monument de cette merveilleuse délivrance. J’avais demandé à Dieu que, si ce voyage en Finlande et en Norvège était conforme à sa volonté, il le montrât en en réglant lui-même le cours. Or, aucun itinéraire n’avait jamais été aussi satisfaisant que celui-là. Tout y concordait à merveille, l’heure des trains et l’heure des réunions, comme si tout avait été arrangé d’avance. En trois semaines, je pus ainsi assister à cinq congrès annuels, réunissant des chrétiens de toutes les parties de la Finlande et des auditoires très différents. J’appris dans la suite que l’amie à laquelle la chose était arrivée avait, de son côté, demandé à Dieu de faire connaître au loin la délivrance qu’il lui avait accordée, afin que sa fidélité fût glorifiée. Puis, lorsqu’elle apprit que je venais en Finlande, elle pria pour que les portes me fussent largement ouvertes, mais évita de faire quoi que ce soit elle-même, pour que la volonté de Dieu et sa puissance en fussent plus manifestes. On voit que nos prières furent admirablement exaucées.

 

    Nous avions également demandé à Dieu de nous faire trouver un bon interprète. En effet, je ne pouvais arriver à une claire intelligence de l’événement que si j’avais, pour me l’expliquer, une personne parlant à la perfection l’anglais et le suédois. Or, c’était très difficile. D’abord, parce que les bons interprètes sont très rares; ensuite, parce que les habitants de cette région ne parlent que le finnois, qui est la langue des sept huitièmes des Finlandais environ. Il fallait donc trouver un interprète capable de parler couramment le finnois et l’anglais pour nos réunions et, de plus, pour notre histoire, le suédois, langue maternelle de la personne que nous allions visiter.

 

    Tout s’arrangea de telle sorte que la réponse à nos prières n’aurait pas pu être plus satisfaisante. L’une des personnes qui m’avait traduit à la Conférence de l’Eglise libre se trouvait être en relations avec notre amie. C’était une maîtresse d’école de la capitale de la Finlande, et elle réunissait à un rare degré les qualités intellectuelles et spirituelles qu’il faut pour bien traduire. Le finnois était sa langue maternelle; elle avait appris le suédois dans son enfance et parlait l’anglais avec toute la facilité désirable. J’ai appris dans la suite qu’elle était bien connue pour ses aptitudes à l’enseignement, son habileté à traduire, son sérieux comme chrétienne. Quoique j’aie eu d’excellents interprètes, je n’ai jamais été traduit avec autant de ferveur, d’amour et d’intelligence. Cette dame était en vacances et eut l’amabilité de mettre à ma disposition le temps dont elle disposait. J’ai un peu anticipé sur les événements, afin de mettre en pleine lumière la façon dont Dieu m’a guidé dans toute cette affaire.

 

    C’est avec une singulière émotion et un profond sentiment de la présence de Dieu que nous nous rendîmes en Finlande, aux différents endroits où nous étions attendus. Jamais je n’oublierai ces trois semaines passées en Finlande. Si jamais je me suis senti au pouvoir de la volonté de Dieu, c’est pendant ces jours-là. Il se dégageait des réunions une calme et irrésistible puissance. C’était comme un courant qui m’entraînait, et pour avoir de la puissance, je n’avais qu’à rester dans le courant.

 

    Nous trouvâmes donc notre amie, et nous nous rendîmes ensuite dans son village situé dans l’intérieur du pays, à deux heures de chemin de fer de la côte de la mer Baltique; nous arrivâmes enfin dans sa modeste demeure et jusque dans la petite chapelle dont l’histoire nous parlait en termes si admirables de la fidélité de Dieu.

 

    L’endroit qu’elle habite n’est pas à proprement parler un village, c’est un embranchement important de lignes de chemin de fer se rendant en Russie. Nous avions environ deux jours devant nous avant les réunions suivantes, pour nous entretenir avec notre nouvelle amie et pour entendre son histoire C’est une directrice des postes, une femme d’âge moyen, d’apparence modeste, dont le visage bon et patient racontait toute une vie de pénible labeur et de dévouement. Son frère était un ministre de la vieille Eglise nationale, à Abo, la vieille cité épiscopale du centre de la Finlande. Elle y avait passé son enfance et sa jeunesse; le père de sa mère était médecin. Elle-même était depuis plus de vingt ans dans les postes, et elle avait dû passer un sérieux examen pour y entrer.

 

    Cela a plus d’importance que chez nous, car, dans ces régions reculées de la Finlande, la poste est en réalité une sorte de banque d’Etat, et la plupart des transactions, au lieu de se faire par chèques, se font par mandats. En outre, le développement du trafic par voie ferrée avait augmenté l’importance de son bureau, et elle avait toujours trois, parfois quatre ou cinq employés. J’ai pu constater que, pendant le trimestre écoulé, il lui avait passé entre les mains, rien que comme valeurs recommandées, une somme d’environ un million de marks finnois {2}, ce qui représente pour l’année entière à peu près quatre millions de francs. Je ne parle pas des sommes non recommandées, dont on ne peut savoir la valeur, mais cela suffit pour montrer l’importance de son bureau et la responsabilités qui lui incombait.

 

    Ses livres étaient parfaitement tenus, aussi bien tenus que ceux que j’ai pu voir lorsque j’étais moi-même dans une banque. Cela anéantissait les objections que j’avais entendu faire à Stockholm: cette femme était habituée, depuis de longues années, à tenir une importante comptabilité. L’exactitude absolue dans les affaires d’argent était devenue comme inhérente à sa nature.

 

    Par quelques questions, je me rendis compte des besoins qui avaient conduit à la construction de cette chapelle. Il y a en Finlande une Eglise nationale, l’Eglise luthérienne, qui est en somme la seule Eglise du pays, l’Eglise libre étant d’origine relativement récente et n’ayant pas encore d’existence légale. Le territoire est divisé en paroisses, la plupart très étendues. En cet endroit, la paroisse, très grande, n’avait qu’une seule église pour une population de quatre mille habitants et un territoire de vingt-huit kilomètres de long. Cette église se trouvait à quatre kilomètres du village, et les églises les plus rapprochées après elle se trouvaient à six, seize et dix-neuf kilomètres. Grâce à l’initiative de notre amie, des réunions avaient été organisées dans des salles d’école et dans des maisons particulières, et il en était résulté de nombreuses conversions et beaucoup de bénédictions; aussi le besoin d’une petite chapelle se faisait-il grandement sentir. L’histoire de sa construction est très intéressante, mais je dois en venir de suite à celle de l’argent.

 

    Durant la construction de la chapelle, arriva tout à coup une traite en paiement de bois qui avait été commandé et livré pour la charpente. Seulement, la somme était plus grande que le prix convenu: 751 francs au lieu de 616. De plus, la traite était accompagnée d’une lettre peu courtoise exigeant un paiement immédiat et menaçant de poursuites judiciaires. Cela, contrairement aux usages commerciaux du pays qui accordent de longs crédits. Ainsi la somme était malhonnêtement augmentée; le délai usuel n’était pas accordé, et on menaçait d’une action judiciaire. C’était un événement aussi imprévu que désagréable.

 

    Notre amie était bien embarrassée par cette augmentation inattendue de la dette. Une différence de plus de 130 francs était sérieuse, vu les fonds limités dont on disposait et la difficulté qu’il y avait à trouver de l’argent pour l’entreprise. Elle pouvait refuser de payer et aller en justice; mais c’étaient des complications sans fin et de nouvelles dépenses, et d’ailleurs, notre amie ne pouvait, en bonne conscience, engager la cause de Dieu dans un procès. Les paroles de Jésus: «Si quelqu’un veut plaider avec toi pour t’enlever ta tunique, abandonne-lui aussi ton manteau» {#Mt 5:40} lui revenaient sans cesse en mémoire. Enfin, elle résolut de payer la somme entière si elle y était contrainte, mais non sans protester énergiquement contre cette injustice. Elle devait, par la suite, être grandement fortifiée dans ses prières par le sentiment qu’elle avait agi d’une manière conforme aux enseignements du Maître.

 

    Les fonds pour la construction de la chapelle venaient uniquement de dons volontaires offerts par les fidèles. Ceux-ci étant très pauvres, les ressources étaient des plus limitées. Toute la responsabilité reposait sur notre amie qui avait, d’autre part, rencontré beaucoup d’opposition du côté des membres de l’Eglise nationale. Elle connut des jours de profonde détresse.

 

    Mais elle cria à Dieu, et une paix profonde finit par envahir son âme et semblait planer sur elle. Elle commença alors à prier pour cet argent. Cela se passait en mai 1908, et si l’affaire allait en justice, elle avait jusqu’en octobre pour payer.

 

    Ce fut pour elle un temps inoubliable d’efforts incessants, de continuelles déceptions, de prière constante, de détresse intérieure, et, alternant avec tout cela, de paix et de calme. Tous ses efforts pour obtenir de l’argent, sous forme de dons ou sous forme de prêt, restaient vains. Elle semblait se heurter à un mur. Elle rencontrait partout critiques, reproches et railleries, mais guère d’argent. Son embarras fut bientôt connu et commenté par la petite communauté, surtout par ceux qui s’étaient opposés à la construction de la chapelle et qui annonçaient maintenant qu’il faudrait la vendre pour payer la dette.

 

    Mais elle ne cessait pas de prier. Selon son expression, «la lampe de la prière brillait jour et nuit.» Son angoisse était grande. Le dernier délai approchait; il fallait agir. L’encaisseur était bien disposé, mais naturellement il devait faire son devoir. Un dernier effort, un voyage à une ville voisine demeura de même sans résultat. L’ami qu’elle voulait voir était absent, et sa femme exprima l’avis qu’elle n’aurait pas dû commencer à bâtir avant d’avoir les fonds nécessaires. Elle reprit son train, plus embarrassée que jamais, et pourtant elle avait toujours cet étrange sentiment de paix qui ne la quittait pas.

 

    Elle était si émue en nous faisant ce récit qu’elle dut s’interrompre un moment, pour reprendre possession d’elle-même, elle toujours si calme. Et nous étions, de notre côté, saisis d’une vive émotion en face de cette âme humaine qui nous révélait le secret de sa vie intérieure et l’intensité de ses luttes.

 

    Dans le train, au milieu du bruit, assise à côté de gens indifférents à ses préoccupations, elle eut conscience de la présence de Jésus. Elle se sentit pressée de prier et le fit avec plus de ferveur que jamais. Dans son angoisse extrême, elle s’en remit entièrement à Dieu. Alors lui revint une pensée qu’elle avait déjà eue lors de la construction de la chapelle, mais qui prenait maintenant une portée toute nouvelle. Elle songeait au temps où les pains et les poissons avaient été multipliés dans le désert, et se sentait poussée à prier Dieu de bénir de même la somme insuffisante dont elle disposait et de la rendre assez grande pour acquitter sa dette.

 

    De retour chez elle, elle alla chercher la petite boîte où elle mettait l’argent pour la construction de la petite chapelle. La somme, qu’elle avait comptée avant son départ, n’était que de trois cent cinquante francs. Elle apporta la boîte dans la chambre où elle se tenait. Elle avait à la main quatre-vingt dix francs qui lui appartenaient. Elle les ajouta à l’argent du Seigneur et posa le tout sur la table. Il était midi. Le bureau de poste, attenant à l’appartement, était fermé. Elle était absolument seule.

 

    Elle se jeta à genoux, joignit les mains au-dessus de la table où était la somme et pria Dieu de réaliser le désir qu’il avait lui-même mis dans son cœur. Dans sa foi naïve, elle disait: «Seigneur Jésus; bénis ton argent, comme tu as béni les pains dans le désert. J’y ajoute ma part aussi, je la mets avec la tienne, fais que cet argent suffise pour payer la dette.» Et elle demeura ainsi quelque temps en prière.

 

    Alors elle compta cent francs, dont elle fit une pile à part; puis elle fit de même une seconde, une troisième fois, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il y eût sept piles de cent francs et une plus petite de cinquante et un. Elle constata qu’il y avait beaucoup de pièces d’or, alors qu’elles étaient auparavant en petite proportion dans la boîte. Et cela lui rappela les paroles de #Esa 60:17. {3} Avec un profond sentiment de gratitude, elle se jeta à genoux pour remercier le Seigneur, puis elle se releva et recompta soigneusement la somme. Elle étendit de nouveau les mains sur elle, et demanda à Jésus, dont elle sentait la présence, que la somme pût rester jusqu’au moment de payer.

 

    Nous l’avons vue sortir cette boîte d’un tiroir pour nous la montrer. Personne, à la vue du gros trousseau de clefs qu’elle avait toujours sur elle, et du soin avec lequel elle ouvrait et refermait les tiroirs contenant ses papiers et ses registres, n’aurait pu mettre en doute que cette petite boîte de bois avait été soigneusement enfermée et absolument hors d’atteinte. Elle se rendit chez l’encaisseur et lui dit qu’il pouvait passer chez elle, qu’elle avait l’argent. Il ne pouvait pas le croire, connaissant sa détresse, et lui demanda comment elle s’était procuré la somme. Elle répondit tout simplement: «Le Seigneur l’a envoyée.» Deux jours plus tard, il la prévint qu’il passerait le lendemain pour encaisser le montant de la traite.

 

    Ce jour-là, dès qu’elle eut fini son travail à la poste, et se retrouva seule, elle alla chercher la boîte et en vida de nouveau le contenu. Cette fois, elle se sentit poussée à commencer par mettre à part les quatre-vingt-dix francs qui lui appartenaient. Elle obéit à cette impulsion; puis elle étendit de nouveau les mains au-dessus de l’argent, elle pria et bénit Dieu, et lorsqu’elle compta, elle fut en présence d’une nouvelle preuve de la puissance de Dieu: la somme de sept cent cinquante et un francs était intacte, et à côté se trouvait son petit avoir, si péniblement amassé.

 

    Le cœur trop plein de reconnaissance pour pouvoir parler, elle tomba à genoux, dans l’adoration. Elle comprit mieux alors ce qu’avait fait le Seigneur; elle avait donné sans compter ses propres économies, mais Dieu les lui rendait. Il voulait parfaire la somme sans les prendre. Elle Le pria encore de conserver la somme jusqu’au moment de payer.

 

    Enfin l’encaisseur vint. Lorsqu’elle lui raconta l’histoire, il en fut fortement impressionné. Puis, comme elle avait fait les autres fois, elle versa l’argent sur la table, pria tranquillement et bénit Dieu, puis compta la somme et paya. Elle avait mis de côté son propre argent, et pourtant, après qu’elle eut payé, il restait quelques pièces d’argent. Elle avait demandé souvent à Dieu que sa petite boîte pût n’être jamais complètement vide, et Il s’était souvenu de cette prière. L’huissier en fut profondément ému et y ajouta une pièce de cinq francs, en disant: «Je désire ajouter mon offrande à ce merveilleux argent.»

 

    C’est ainsi que la dette fut payée, et que notre amie entra en possession d’une quittance régulière. Elle écrivit alors une lettre qui devait être envoyée en même temps que l’argent au marchand de bois. Elle lui disait que la traite était inexacte, comme il le savait d’ailleurs, qu’elle’ la payait, néanmoins, en protestant énergiquement, pour mettre en pratique le précepte d’amour du Sauveur: «Si quelqu’un veut plaider contre toi pour t’enlever ta tunique, laisse-lui encore le manteau.» {#Mt 5:40} Ainsi, tout en payant, elle rendait son témoignage.

 

    Récapitulons l’histoire.

 

    Notre amie avait trois cent cinquante francs dans une petite boîte qu’elle tenait sous clef. Elie y ajouta quatre-vingt dix francs lui appartenant, ce qui fit en tout quatre cent quarante francs. Cette somme arriva au total de sept cent cinquante et un francs; elle s’accrut donc de trois cent onze francs. Une seconde fois, elle fut augmentée de quatre-vingt dix francs, soit en tout une augmentation de quatre cent un francs, sans compter la petite somme qui resta dans la boîte après le paiement.

 

    Cette augmentation a été produite par l’action de la prière seule, sans aucun secours humain, quoique tout ait été mis en œuvre pour obtenir ce secours humain. Cette femme ne pria ainsi que parce qu’elle s’y sentait poussée intérieurement. L’intervention divine ne se produisit qu’après cinq mois de longs et rudes combats intérieurs, de continuelles prières, de cruelles épreuves; enfin, après le sacrifice complet d’économies péniblement réalisées. Ce sacrifice n’était d’ailleurs, comme je l’appris par la suite, qu’un incident dans la vie de continuels renoncements que menait cette femme depuis que la chapelle était en construction.

 

    C’est un miracle analogue à celui qui se produisit pendant des mois pour la veuve de Sarepta. {#1Ro 17:8-16} Il est identique à celui qui arriva à la veuve d’un prophète dont les fils allaient être vendus comme esclaves pour payer ses dettes; {#2Ro 4:1-7} identique aussi à la multiplication des pains dans un temps de famine. {#2Ro 4:42-44} Il ne diffère qu’en degré des multiplications des pains et des poissons par lesquelles le Seigneur, à deux reprises, nourrit les multitudes et dans lesquelles il y eut aussi un reste important de pain et de poisson, qui fut soigneusement recueilli et servit à nourrir d’autres affamés {#Mt 14:13-21; 15:32-39et parallèles.}. Enfin on peut le placer dans le même groupe de miracles que les deux pêches miraculeuses {#Lu 5:4-11 Jn 21:1-14} dont nous parlent les Evangiles et qui furent dues à la présence du Maître.

 

    Je dois avouer que l’interprète, ma femme et moi, nous ne fûmes pas toujours maîtres de nos larmes, lorsque, réunis autour de notre amie, nous écoutions son récit. Elle consultait son journal intime, très soigneusement tenu, pour faire revivre devant nous ces jours mémorables. Et nous avons revécu avec elle son angoisse et sa joie, nous arrêtant avec elle lorsque l’émotion l’empêchait de continuer, puis l’écoutant attentivement, lui posant des questions et bénissant dans nos cœurs ce Sauveur, cet Ami, ce Maître si fidèle.

 

    L’enseignement qui se dégage de cette émouvante histoire est fort simple. Je demande instamment à mes éditeurs de ne jamais séparer les lignes qui suivent du récit lui-même.

 

    Je ne conclus pas de ce miracle que nous devions demander à Dieu d’augmenter notre argent de cette manière. Je ne conclus même pas que nous puissions le faire, Si jamais le Seigneur conduit quelqu’un de ses enfants à présenter une prière analogue et à faire de semblables expériences, ce chrétien saura reconnaître la main de Dieu, sans avoir à s’appuyer sur ce qui est arrivé à d’autres.

 

    Il est possible qu’une semblable intervention ne se produise pas de toute une génération, ou même de plusieurs générations. Je n’ai jamais entendu parler jusqu’ici d’un fait du même genre, quoique je sois très attentif, depuis des années, à enregistrer les preuves de l’action de Dieu à notre époque. C’est là une délivrance particulière, accordée dans une crise spéciale.

 

    L’enseignement que nous apporte ce récit est le suivant: Dieu ne trompe jamais notre confiance. Il ne déçoit jamais personne. Sa Parole ne peut faillir. La vraie prière, inspirée par le Saint-Esprit, pénétrée de l’esprit de sacrifice, est toujours exaucée et ne peut pas ne pas l’être. Dans une crise où les hommes refusent d’aider, Dieu accomplit un acte créateur, plutôt que de laisser faillir sa Parole, ou de permettre que l’un de ses enfants ne vienne à être déçu dans sa confiance en Lui. Dieu peut seul savoir quand des circonstances pareilles se produisent. Son Esprit dirige nos prières. Voilà la pierre de touche de la vraie prière.

 

    Quelqu’un pourrait ne voir dans notre histoire qu’un moyen commode de sortir des embarras d’argent. Mais il se pourrait qu’un pareil fait ne se reproduise pas, même dans un cas de grande détresse. Il y a lieu de noter, en particulier, qu’au moment où nous écrivons ces lignes, la petite chapelle n’est pas encore complètement payée. C’est même une grosse préoccupation et un continuel sujet de prière pour notre amie de Finlande. Il reste encore plus de quatre mille francs à payer, ce qui est une grosse somme, vu l’indigence de cette population pourtant généreuse. Cependant notre amie n’a pas eu l’idée de demander à Dieu de renouveler le miracle dont elle a été l’objet. Cette prière ne lui a pas encore été mise au cœur; elle ne sait pas d’où lui viendra l’argent, mais elle continue à prier avec confiance.

 

    J’y vois un second enseignement: la vraie prière est mise dans nos cœurs par le Saint-Esprit. Lorsque nos cœurs soupirent après Dieu, lorsqu’ils intercèdent pour des bien-aimés ou pour un besoin spécial, ces prières ne sont qu’un écho. Ces sentiments sont d’abord dans le cœur de Dieu, et ils y sont avec plus d’intensité que dans le nôtre. Ils ne font que passer, comme un écho, de son âme dans la nôtre. Il désire ardemment que nous soyons dans une telle communion spirituelle avec Lui, que notre coeur batte à l’unisson du sien.

 

    Lorsque, jour après jour, penchés en sa présence sur les pages de sa Parole inspirée, nous Le laissons parler à notre âme, Il nous attire à Lui, Il élève notre jugement, Il forme notre intelligence, Il nous discipline pour son service, Il nous apprend ce qu’il faut demander, comment il faut le demander, et surtout avec quelle persévérance il faut le demander.

 

    Notre amie dut passer pendant cinq mois par l’école de la prière avant que Dieu lui mît au cœur la requête qu’il attendait d’elle. Jusqu’à ce moment-là, elle n’était pas prête. Si elle l’avait présentée plus tôt, de son propre mouvement, elle n’aurait obtenu aucun résultat. La vraie prière n’est pas le produit d’une déduction logique venant de l’étude des promesses de la Parole de Dieu, c’est quelque chose d’infiniment plus profond et pourtant de très simple. On l’apprend à genoux, dans la communion du Saint-Esprit.

 

    C’est avec autant d’émotion que d’intérêt que nous descendîmes le chemin poudreux qui conduisait à la petite chapelle. C’est une construction des plus modestes, mais bien comprise et aménagée de façon très pratique. La salie principale communique avec une salle plus petite et avec une pièce pouvant servir de chambre à coucher et de cuisine. En haut est ce qu’on appelle la «chambre du prophète», à la fois cabinet de travail et chambre à coucher pour le prédicateur de passage, quand ils ont le bonheur d’en posséder un.

 

    Le dimanche, à dix heures, il y a une Ecole du Dimanche en finnois; à midi, un culte, dont notre amie se charge quand il n’y a pas de pasteur: enfin, à quatre heures de l’après-midi, une Ecole du Dimanche en suédois. La concierge est une femme pratique: elle habite la pièce du bas et s’occupe de tout le service; elle est convertie et dirige l’Ecole du Dimanche finnoise.

 

    La chapelle, lorsqu’elle est bien remplie, peut contenir environ deux cents auditeurs. Mais nous en avons eu beaucoup plus pendant nos quelques jours de réunions; tout l’espace libre était occupé, et sur l’estrade, orateur et interprète n’avaient que juste la place de se mouvoir. L’on voyait même à chaque fenêtre un groupe d’auditeurs attentifs, écoutant du dehors. Quoi d’étonnant à ce que, dans un bâtiment comme celui-là, l’Esprit de Dieu agît sur les cœurs avec une puissance persuasive? Il semblait que les cieux étaient ouverts et que les brises du Ciel soufflaient doucement sur la terre. Des cœurs fermés s’ouvrirent à ce contact, et d’autres à demi-ouverts s’épanouirent complètement à la vie divine.

 

    Tout en causant avec notre amie dans la petite chapelle, en la questionnant, en réfléchissant, il m’apparut de plus en plus nettement que cette histoire n’était qu’un chapitre d’une longue histoire. Ce miracle est le point culminant de toute une vie. L’histoire qui le précède parle de longues années de luttes, de fidélité; de patience au milieu de difficultés de toute sorte; elle parle de plans constamment renversés, comme si des esprits ou des forces invisibles étaient ligués contre eux; elle parle de persévérance dans la prière et dans la lutte, persévérance toujours un peu plus prolongée que la résistance de la force ennemie; elle parle par-dessus tout de la continuelle présence de l’Ami invisible. C’est là le facteur essentiel, le secret de la victoire. La persévérance l’a emporté, et elle l’a emporté parce qu’elle se prolongeait toujours un peu plus que la résistance.

 

    En écoutant ce récit, les paroles du Maître: «Il faut toujours prier et ne point se lasser» {#Lu 18:1-8} me revenaient à la mémoire. La prière est l’arme essentielle contre les soucis du monde et pour le service de Dieu. Les grands dangers qui la menacent sont la lassitude et le découragement. Il semble qu’une puissance invisible essaie de nous abattre, d’épuiser notre vigueur physique et notre persévérance. Une persévérance ferme, inlassable, inaccessible au découragement, mais n’ayant rien de commun avec l’entêtement, voilà ce qu’il faut à notre prière. Gardons-nous, en effet, de confondre la persévérance avec l’entêtement, qui n’a rien d’intelligent ni de raisonnable. {#Ps 32:9} On peut être assez fort pour résister, mais pas assez pour résister avec bonne grâce, pas assez pour céder sur les points secondaires. La force de persévérance qui vient du Saint-Esprit sait examiner, interroger, changer au besoin ses plans pour mieux affronter l’obstacle; elle sait déployer un calme, une égalité d’humeur, un aimable bon sens, qui n’ont aucun rapport avec l’entêtement. Cette persévérance, qui seule triomphe, ne peut venir que de l’Esprit. Lui seul là donne, et il ne peut la donner qu’à ceux qui se mettent sérieusement, jour après jour, à son école. C’est ce que le Maître veut dire par l’expression: «Ne vous relâchez point.» Cette persévérance vaillante et joyeuse {#Lu 11:8-9} est l’un des caractères essentiels de la prière qui transforme le monde; un autre caractère est la précision. {#Mat 18:19 Mr 11:24}

 

    Telles sont les réflexions que m’inspirait l’expérience de notre amie.

 

    Au début, elle n’avait trouvé à acheter aucun terrain convenable pour construire la chapelle. Peu à peu les choses changèrent. Le propriétaire de l’emplacement que l’on désirait vint de l’étranger visiter ses propriétés; on put lui parler directement, et finalement un beau terrain fut légalement acquis. Mais ce n’avait pas été sans longues luttes; il avait fallu vaincre, pas à pas, une âpre opposition; elle durait toujours, mais l’Ami invisible était là avec sa force et son appui.

 

    Ensuite, lorsqu’il s’agit de bâtir, il sembla impossible de se procurer le bois nécessaire. Toutes les réserves de la saison étaient épuisées. Mais l’Ami fidèle permit à notre amie de conserver l’espérance au milieu des circonstances les plus désespérées. {#Ro 4:17-21} Elle ne fut pas déçue. Un lot de poutres inattendu arriva par la rivière; il y eut une baisse de prix sur diverses marchandises; des ouvriers inconvertis vinrent offrir leurs services; on put engager le meilleur entrepreneur. A mesure que les difficultés surgissaient, elles étaient aplanies, et notre amie avançait ainsi, pas à pas, de délivrance en délivrance. A la fin, à mesure que la flèche de la chapelle s’élevait, sa foi atteignit, elle aussi, son point culminant. Le miracle que nous avons raconté n’est que la dernière pierre d’un édifice; il est soutenu par des années de luttes, de crises de prière et d’inébranlable fidélité de la part de Dieu.

 

    Je l’ai rapporté pour rendre gloire à Dieu et pour que les hommes aient en Lui une confiance plus absolue et plus simple.

 

{1} The Finnish gold story, tiré de The quiet lime, par S.-D. Gordon.)

 

{2} Le mark finnois vaut exactement 1 franc et ne doit pas être confondu avec le mark allemand, qui vaut 1 fr. 25.

 

{3} Au lieu de l’airain, je ferai venir de l’or.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

    RECUEILLEMENT ET PRIÈRE

 

    Notre génération est, plus qu’aucune autre, agitée, haletante, fiévreuse. Tout travaille à nous distraire, à nous dissiper, à nous rendre superficiels: la multiplicité des découvertes, les nouvelles du monde entier, et même les œuvres religieuses et sociales.

 

    Et pourtant l’expérience nous montre, et la Parole de Dieu nous dit que rien de grand, de fécond, de durable ne s’est jamais accompli ici-bas sans recueillement. La réflexion a toujours précédé l’action. Les individualités puissantes, les hommes aux convictions fortes et lumineuses se sont formés dans la solitude. Les Moïse, les Elie, les Jean-Baptiste, les Paul, les Luther, les Calvin, les Wesley ont été des hommes puissants parce qu’ils avaient commencé par se recueillir en présence de Dieu. C’est là le secret de toute vie féconde. Pour apprendre à nous connaître, pour nous voir tels que nous sommes, pour cesser de nous séduire par de faux raisonnements, pour arriver à cette sincérité absolue qui permet à l’esprit de Dieu de nous juger, de nous dépouiller, de nous vider, il faut absolument que nous ayons des heures de solitude. «Toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet».

 

    La solitude, toutefois, peut n’être qu’apparente. On peut s’isoler sans se recueillir, parce que le cœur est rempli de préoccupations mondaines. C’est pourquoi, après avoir dit: «Entre dans ton cabinet», le Seigneur ajoute: «ferme ta porte».

 

    C’est que la voix de Dieu a besoin de silence pour se faire entendre. Si le cœur est rempli de convoitises charnelles, si le bruit des passions mondaines s’y fait entendre, Dieu se tait. L’arche de Dieu et Dagon, Jésus-Christ et Satan ne peuvent habiter ensemble. Pour rencontrer Dieu dans le sanctuaire de notre âme et nous entretenir avec Lui, il faut en chasser le Diable.

 

    Ferme la porte de ton cœur à l’incrédulité, aux pensées mondaines, aux soucis; mets dehors ta sagesse propre, ta volonté propre, tes ambitions charnelles. Détourne-toi du monde et tourne-toi vers ton Père.

 

    Ces heures de recueillement sont infiniment sérieuses. C’est là que se remportent les victoires ou que se font les chutes; c’est là qu’un Jacob devient Israël et qu’un Balaam se perd; c’est là que les Abraham sont appelés à immoler leur Isaac; c’est là que Dieu forge ses instruments d’élite.

 

    Et à mesure que le monde s’éloigne et que l’âme, penchée sur les pages divines, se sépare de tout ce qui la souille, Dieu s’approche.

 

    Le cœur, en effet, ne peut rester vide. S’éloigner du monde, c’est s’approcher de Dieu. «Comme une biche altérée soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant.» L’âme se retrouve et se reconnaît; elle n’est pas sourde, ni muette; elle entend la voix divine et elle y répond; elle apprend à se connaître et à connaître Dieu. Un dialogue sublime a lieu entre le Père céleste et son enfant; Dieu se révèle et se communique. Des vérités cent fois entendues froidement deviennent esprit et vie en nous. Dans ces entretiens bénis, des impressions qui jadis n’avaient fait que nous effleurer, des vérités qui étaient restées mortes en nous, nous sont rappelées par le Saint-Esprit et rendues vivantes. Toute la volonté de Dieu nous est révélée à la lumière de son amour. Ses compassions et notre misère, sa miséricorde et notre égoïsme, sa puissance et notre faiblesse, sa sagesse et notre folie, sa grandeur et notre petitesse, notre origine, notre vocation, notre destinée, le don de Dieu en Jésus-Christ, tout cela nous humilie, nous subjugue et nous remplit de reconnaissance.

 

    Et quand ces tête-à-tête se prolongent avec notre conscience et Dieu, qui nous instruit par sa Parole et son Esprit, nous sommes amenés à toujours plus rechercher nos voies et à les sonder. Que de découvertes pénibles! Que de racines d’amertume, que de restes d’orgueil, d’égoïsme, de volonté propre, de timidité nous sont révélés! Nous commençons seulement à nous prendre en dégoût, à haïr notre vie propre. Nous avions cru être consacrés au Seigneur, et voici, nous découvrons que dans mille circonstances, c’est notre volonté que nous avons faite, ce sont nos décisions que nous avons prises, ce sont nos paroles que nous avons prononcées, c’est l’esprit du monde qui nous a inspirés.

 

    Et la stérilité de nos œuvres nous est révélée. Il n’y avait pas entre le Seigneur et nous une communion profonde et permanente; notre foi était plus une conviction de l’intelligence qu’une confiance, qu’un abandon de nous-mêmes à Lui. Ce n’était pas Lui qui portait des fruits par notre moyen. Nous avions oublié que, hors de Lui nous ne pouvions rien faire, que Lui seul doit être l’inspirateur de toutes nos pensées, de tous nos actes, que son Esprit doit être le mobile de toute notre vie. Notre stérilité nous étonnait; maintenant nous en découvrons la source.

 

    Et la stérilité de nos prières, que de fois ne nous a-t-elle pas angoissés, tourmentés, découragés. Jésus a dit: «Demandez et vous recevrez»; or, nous demandions et nous ne recevions pas. Et voici, dans le silence du recueillement, l’Esprit de Dieu nous révèle la duplicité de notre cœur. Les lèvres formulaient certaines demandes, tandis que le cœur soupirait après d’autres biens. Entre nos prières et nos sentiments, entre nos prières et notre vie, il y avait contradiction. Nous disions à Dieu: «Donne-moi, pardonne-moi», et nous ne donnions pas, et nous ne pardonnions pas. Nous lui demandions son Saint-Esprit, c’est-à-dire l’humilité, le renoncement, la générosité, le zèle, la fidélité, l’amour, et nous gardions de l’orgueil, de l’avarice, de l’égoïsme, de la paresse à nous dépenser pour autrui. Nous manquions donc de conscience dans nos prières; elles n’étaient pas suffisamment sérieuses: elles consistaient le Saint-Esprit parce qu’elles renfermaient du mensonge.

 

    Oh! révélations bénies, continuez votre œuvre de lumière et de purification! Pénétrez dans tous les recoins de notre âme jusqu’à ce que tout en nous soit esprit et vie.

 

    Maintenant l’enfant; de Dieu peut prier. Dans la solitude du cabinet, il a contemplé l’aveuglement et la surdité de l’Eglise. Ses yeux, à lui ont été ouverts. La vision d’une humanité certainement coupable, mais aussi victime d’une Eglise trop sourde et trop aveugle, le hante. Ses oreilles entendent des cris de détresse ses yeux contemplent partout la souffrance, le péché, des enfers corrupteurs. En regardant notre monde comme Jésus le regardait, en voyant les hommes assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort comme saint Paul et le Christ, il éprouve une grande tristesse et il a dans le cœur un chagrin continuel. Comme le voyant de Patmos, il est hanté par de douloureux problèmes jusqu’à ce que le plan d’amour de Dieu lui ait été dévoilé et qu’il entende la voix de Jésus lui dire: «Prie ton Père là dans le secret, et ton Père, qui te voit dans le secret, te le rendra publiquement.»

 

    L’histoire de l’Eglise est une merveilleuse illustration de cette vérité. Les dix jours de retraite dans la chambre haute ont produit la Pentecôte avec ses 3.000 convertis; les prières incessantes de l’Eglise ont arraché Pierre à sa prison et à la mort; les prières constantes de Paul ont enfanté une légion de croyants. Suivez les évangélistes des premiers siècles ou les missionnaires du moyen âge, étudiez la vie intime des grands remueurs de consciences, suivez dans leurs retraites les croyants qui ont porté des fruits qui demeurent, songez aux grands réveils de l’Eglise, et vous verrez que, partout et toujours, les effusions du Saint-Esprit ont été la récompense publique de ceux qui avaient lutté avec Dieu dans le secret.

 

    Essayez par la pensée de supprimer nos hautes montagnes couvertes de glaciers et de neiges éternelles. A quoi servent-elles? N’est-ce pas du terrain perdu? dites-vous peut-être. Ne vaudrait-il pas mieux voir à leur place de magnifiques vignobles ou de beaux champs de blé?

 

    Malheureux! l’ignorance vous fait déraisonner. Si votre vœu se réalisait, notre monde ne serait bientôt plus qu’un désert. Savez-vous d’où viennent les fleuves qui fertilisent nos campagnes et qui alimentent nos industries? Ils jaillissent de ces montagnes, qui vous paraissent inutiles. C’est là qu’ils ont leurs sources.

 

    De même, interrogeons les hommes de foi et de dévouement, demandons-leur quelle est la source de leur vie féconde, comment sont nés en eux ces fleuves d’eau vive qui arroseront éternellement le monde. Ils nous diront qu’à genoux devant Dieu, ils ont appris à connaître la communion des souffrances de Christ. Ils ont entendu les blasphèmes, les sanglots, les cris de détresse de l’humanité païenne et civilisée; ils ont vu les existences qui se perdent dans le péché et la souffrance, les bastilles qui doivent disparaître. Puis leurs regards se sont tournés vers Celui qui fait surabonder la grâce là où le péché abonde. Dans sa communion, ils ont trouvé le secret de la prière victorieuse et de l’action efficace.

 


SIMPLES ENTRETIENS SUR LA PRIÈRE

 

     ENCORE LE RECUEILLEMENT

 

    Il n’y a pas d’inimitié avec Jésus-Christ et de foi vivante sans recueillement.

 

    «Si nous sommes stériles, c’est plutôt faute de repos que de travail», a dit le père Gratry. Il faut ajouter que Gratry appelait repos l’activité intérieure, le recueillement. Notre faiblesse vient donc de notre dissipation. Avant de pouvoir parler aux hommes avec puissance, il faut avoir pris le temps d’écouter Dieu.

 

    Toutes les erreurs, les préjugés, les traditions, les mensonges que nous gardons dans nos habitudes, dans nos vies, dans nos Eglises ont leur source dans l’absence de recueillement.

 

    C’est encore à la même cause qu’il faut attribuer le vague des convictions, la peur de l’étroitesse, le manque de connaissances bibliques, les grands mots et les grandes phrases sans signification précise. On est assez fort pour détruire; on ne l’est pas assez pour édifier. Les vastes horizons, les lumineuses visions des prophètes et des apôtres n’ont guère été contemplés; le plan de Dieu n’a pas été compris. De là, l’absence de pensées fortes.

 

    «Hors de moi, vous ne pouvez rien faire» {s} dit Jésus. Nous ne pouvons rien sans lui; Il ne peut rien sans nous. Hors de nous, sans s’incarner dans nos vies, Il est rendu absolument impuissant. Le monde, qui vivrait de sa présence, meurt de son absence. «Le mal social et tous les autres maux ne sont que les résultats de l’absence de Dieu, manifesté en chair», a dit W. Stead. La vie de Dieu est descendue sur la terre. «La vie a été manifestée et nous l’avons vue», dit Jean. «La parole a été faite chair, elle a habité parmi nous», elle a été et elle est le Pain de vie qui nourrit les âmes repentantes et croyantes. Nous vivons lorsque nous contemplons avec foi la vie sainte du Sauveur et sa mort expiatoire. Et nous donnons Jésus-Christ à manger au monde quand nous, les membres du corps de Christ, nous sommes la lumière du monde, le sel de la terre, en laissant le Sauveur s’incarner dans nos vies. Car le monde vit de la foi, de la patience, de la charité, de l’intercession des chrétiens, c’est-à-dire de Jésus vivant dans ses rachetés. Dans l’exacte mesure où nous incarnons le Christ, nous sommes des paroles vivantes de Dieu, nous éclairons et réveillons les consciences, nous touchons les cœurs, nous agissons sur les volontés. Ce qui laisse le ciel sourd à nos prières et le monde indifférent, c’est l’absence de Dieu dans nos vies.

 

    Ne cherchons pas ailleurs la cause de l’état de corruption du monde. Que deviendrait l’Océan si ses eaux, perdant leur puissante saveur, devenaient fades et insipides? Il se corromprait et empesterait l’humanité. Et que deviendra la société humaine si l’Eglise ne devient pas plus réellement le sel de la terre, la lumière du monde? Si nous prenons la parole de Dieu au rabais, comment le monde la prendrait-il au sérieux? Avant de nous affliger du peu de fruits qu’elle porte chez les mondains, affligeons-nous du peu de fruits qu’elle porte en nous. Sondons nos cœurs, examinons nos mobiles, descendons au fond de notre âme, visitons-en tous les recoins avec sincérité, à la lumière de la parole de Dieu et du Saint-Esprit. Demandons-nous si nous voulons réellement, sincèrement mourir à nous-mêmes, à toute réputation, à toute recherche de la gloire qui vient des hommes, à nos pensées propres.

 

    Si nous sommes purs de cœur devant Dieu, cet examen nous amènera sans doute à opérer bien des réformes dans nos vies.

 

    A l’heure actuelle, en pensant au monde perdu, mille questions angoissantes nous oppressent. Le danger est d’essayer de les résoudre avec notre sagesse. Les réponses à nos douloureux pourquoi se trouvent dans le cœur de Dieu. C’est là qu’il faut aller les chercher. Il faut que nous pensions ses pensées, que nous voulions sa volonté, que nous disions ses paroles, que nous fassions son œuvre par le Saint-Esprit. «Je ne puis rien faire de moi-même», dit le Sauveur.

 

    C’est à genoux, dans le recueillement, en face de la parole sainte sérieusement consultée, seul à seul avec Dieu, que nous pouvons rentrer en nous-mêmes et arriver à une sincérité absolue, à une situation vraie vis-à-vis de nous, du monde et de Dieu. Là seulement Dieu peut nous montrer et nous faire sentir le néant des choses d’en bas, la valeur des âmes, le prix de la grâce, l’immensité de son amour, l’horreur du péché. Là, il nous humilie. Là nous sommes amenés à nous interroger: Est-ce que j’expérimente la vérité des promesses divines? Est-ce que j’obéis à tous les ordres de Dieu? Cet évangile de la régénération, de la liberté, de la sainteté, de la perfection, l’ai-je pris au sérieux?

 

    Quand nous avons des oreilles pour entendre ce que Dieu nous dit, nous avons des cœurs et des bouches pour prier. Et la prière humble, intense, persévérante nous donne une ouïe toujours plus fine, elle brise nos chaînes, elle nous apporte la lumière, elle nous sépare du monde pour nous unir à Dieu, elle est notre réponse à la volonté révélée de Dieu, elle nous apprend à recueillir les cris de détresse de la terre comme les paroles de miséricorde du ciel.

 

    Et alors, dans cet intense recueillement aux pieds du Seigneur, nous avons de saintes visions. Tout d’abord la révélation de ce que nous sommes, de notre passé coupable, de tout ce qui n’a pas été jugé et abandonné, de tout ce qui reste en nous de charnel. A cette vue, nous nous prenons toujours plus en dégoût et nous appelons dans notre âme les puissances divines.

 

    Nous avons aussi une révélation de la gloire de Dieu. Le Saint-Esprit nous révèle le caractère de Dieu en illuminant pour nous la croix de Jésus-Christ.

 

    Nous avons encore une révélation de l’état du monde. Dieu nous montre notre pauvre humanité plongée dans les ténèbres et la souffrance, il nous donne les yeux de Christ pour sonder toutes les plaies et son cœur pour les sentir; il met en nous d’immenses compassions. Souvenons-nous de Moïse, de Daniel et de Paul. Comme ils se solidarisaient avec leur peuple coupable, prenant sur eux ses péchés, les confessant, s’en repentant, s’unissant à leur nation pécheresse par un lien d’une puissance indestructible.

 

    Sommes-nous incapables de posséder un pareil amour et d’éprouver une telle douleur? Prosterné devant Dieu, Paul ne peut prendre son parti de posséder Jésus-Christ et d’en voir sa nation privée. Il souffre, il pleure, il prie. Et quelles souffrances, quelles larmes, quelles prières! Il contemple la situation de son peuple et du monde, et, en face de tant d’existences qui se perdent, tant de souillures qui ravagent l’âme humaine, tant de folies et de souffrances, tant d’aveuglement et de ruines, ses larmes coulent brûlantes et son cœur se brise. Il connaît la communion des souffrances de Christ. S’il n’était rempli d’espérance, il mourrait de douleur. Mais Paul sait que s’il y a sur la terre une abondance d’iniquités, de souffrances, d’esprit d’égarement, il y a dans le ciel une surabondance de pardon et de vie capable de détruire tous les maux d’ici-bas.

 

    Pour devenir des témoins et des intercesseurs puissants, il nous faut cette double vision: la vision de l’œuvre de Satan détruisant santé, bonheur, pureté, cœur, conscience, intelligence, espérance, ne laissant que des ruines, puis la vision de l’œuvre du Christ, de tout ce qu’il peut et veut recréer dans les créatures humaines en se servant de nous comme d’instruments. Et c’est dans le recueillement que nous l’aurons. Si nous voulons entrer et demeurer dans le sanctuaire de la présence de Dieu, recueillis à ses pieds, il nous dépouillera de toute impureté et de toute inintelligence, il nous rendra semblables à Jésus-Christ. Alors nos vies sanctifiées raconteront la gloire de Dieu.

 

    Il va sans dire que tout cela ne se réalisera pas en un jour. Dieu ne fait rien magiquement. C’est en contemplant la gloire du Seigneur que nous sommes transformés de gloire en gloire. D’une révélation obtenue dans le silence du recueillement naît dans notre âme une prière plus pure, et de cette nouvelle prière une révélation plus haute et des grâces nouvelles. Prosternés devant Dieu, la lumière et la vie grandissent sans cesse dans notre âme, Dieu peut nous associer à son œuvre, mettre entre nos mains les rênes du gouvernement du monde, réaliser ses promesses, exercer par nous la toute puissance au ciel et sur la terre.

 

    Que l’Eglise écoute ainsi Dieu dans un intense recueillement, et elle sera le canal béni par le moyen duquel toutes les richesses du ciel descendront sur la terre.

 


Nouvelle édition numérique Yves PETRAKIAN 2011 – France

Copie autorisée pour diffusion gratuite uniquement

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