·
I L'homme qui se séduit lui-même.
·
III Les actions douteuses sont des péchés.
·
IV La répréhension est un devoir.
·
VII La religion de l'opinion publique.
·
VIII La conformité au monde.
·
IX La vraie et la fausse repentance.
·
X Malhonnête dans les petites choses, malhonnête en
tout.
·
XI Chacun de nous est tenu de connaître le véritable
état de son âme.
·
XII La vraie et la fausse conversion.
·
XIV Egoïsme, fausse religion.
·
XVI La Justification par la foi.
·
XVII La Sanctification par la foi.
·
XVIII Le Chapitre VII de l'Épître aux Romains.
·
XIX La Perfection chrétienne I.
·
XX La Perfection chrétienne II.
·
XXII Nécessité d'un enseignement divin.
·
XXIII L'amour est le tout de la religion.
·
XXV Christ l'Epoux de l'Eglise.
PRÉFACE DE L'AUTEUR
Comme ces discours
duraient d'une heure et quart à une heure trois quarts, on comprendra que, dans
les pages qui suivent, le reporter (1) n'en a guère donné que l'esquisse. En
révisant ces notes du reporter, je n'y ai fait que très peu de changements et
d'additions, et cela pour les raisons suivantes :
1. Leur publication
fut décidée trop tard, de sorte que je n'avais que très peu de temps.
2. Ma santé
chancelante et la multiplicité de mes devoirs m'interdisaient de faire
davantage.
3. Développer ces notes
eût grossi le volume.
4. L'expérience m'a
montré que le style de la conversation et la forme condensée de ces notes
intéressent et édifient plus le commun des lecteurs qu'un style plus élevé et
moins laconique.
Je les ai donc
laissées telles que le reporter les avait prises, sauf quelques changements
insignifiants.
L'auteur de ces
discours n'a aucune prétention au mérite littéraire ; et, s'il connaît son
propre coeur, il n'a pas d'autre désir que de les voir utiles.
J'ai des raisons de croire
que, vu les circonstances où je suis, ils le seront autant. dans la forme
qu'ils ont, qu'ils le seraient sous toute autre forme que j'aurais pu leur
donner.
Les amis qui ont
exprimé le désir d'avoir ces discours en un volume, voudront donc bien les prendre
tels qu'ils sont.
C. G. FINNEY.
(1) Le reporter du
journal L'Evangelise. (Trad.)
AVANT-PROPOS DU TRADUCTEUR
Voici donc en
français les notes du reporter. Nous ne faisons pas d'excuse pour les
imperfections de la forme : nous avons à nous occuper d'autre chose.
Il n'est certainement
pas d'ouvrage plus propre à éclairer « ceux qui font profession d'être
chrétiens » que ces notes. Le christianisme désintéressé qui s'y révèle sera
d'emblée reconnu par tout homme droit comme le seul vrai. Et cependant ce
christianisme-là est encore peu connu parmi nous.
Nous avons erré, nous
errons encore, la plupart, sur la question même qui est tout dans le monde et
dans l'Univers, la question du but suprême de la vie. Or, cette question est
traitée à fond dans les Discours: elle y est résolue avec une telle abondance
de lumière que toute conscience honnête le reconnaîtra : il n'y a plus
d'objection possible. Avec pleine connaissance de cause, ou « sauver sa vie »
dans la honte éternelle, ou « la perdre » enfin avec joie : c'est la seule
alternative qui reste.
En bénissant Dieu de
ce qu'il nous a donné de faire quelque chose qui sera utile à plusieurs, nous
nous sentons pressés de remercier deux de ses serviteurs dévoués, M. Albin
Peyron qui a fort encouragé et facilité la présente publication, et M. le
pasteur Bahut qui a bien voulu prendre la peine de lire notre traduction avec
le plus grand soin, la comparant au texte anglais et nous adressant des
observations qui nous ont été des plus précieuses.
CH. CHALLAND,
pasteur.
Genèse, Octobre 1888.
L'HOMME QUI SE SEDUIT
LUI-MEME
« Soyez observateurs
de
Il y a, en religion,
deux extrêmes également faux et funestes ; et il y a deux classes d'hypocrites
qui occupent ces deux extrêmes. Les uns font consister la religion uniquement
dans la foi en certaines doctrines abstraites (du moins dans ce qu'ils
appellent la foi) et n'attachent que peu ou point d'importance à ce qu'ils
appellent les bonnes œuvres. Les autres ne font consister la religion que dans
les bonnes œuvres (je parle d'oeuvres mortes) et n'attachent que peu on point
d'importance à la foi en Jésus-Christ; ils espèrent faire leur salut par leurs
propres œuvres. Les Juifs appartenaient généralement à cette dernière classe.
Ceux qui leur enseignaient la religion leur disaient qu'ils seraient sauvés par
l'obéissance à la loi cérémonielle. Aussi Paul semble-t-il avoir, dès ses débuts,
attaqué plus spécialement cette erreur des Juifs. Il tenait à bien établir
l'importante vérité que les hommes sont justifiés par la foi en Jésus-Christ,
on opposition à la doctrine des scribes et des pharisiens qui faisait dépendre
le salut de l'obéissance à la loi. Il insista si sérieusement sur ce point,
dans sa prédication et dans ses épîtres, qu'il le fit admettre; et dès lors la
grande doctrine de la justification par la foi fut établie dans l'Eglise. Mais
certains individus s'emparèrent bientôt de cette doctrine, la poussèrent à
l'extrême et proclamèrent que l'homme est sauvé uniquement par la foi,
indépendamment de toute espèce d'œuvre. Ils oubliaient ce principe évident que
la vraie foi produit toujours les bonnes œuvres et qu'elle est elle-même une
bonne œuvre.
J'ai dit que ces deux
extrêmes dont l'un fait consister la religion uniquement en œuvres extérieures,
et l'autre uniquement dans la foi, sont, également faux et également funestes.
Ceux qui font consister la religion uniquement en bonnes œuvres oublient que
les œuvres elles-mêmes ne sont point acceptables devant Dieu, à moins qu'elles
ne procèdent de la foi. Car sans la foi il est impossible de plaire à Dieu. Et
ceux qui font consister la religion seulement en foi, oublient que la vraie foi
opère toujours par la charité et produit invariablement les œuvres de l'amour.
Ces deux extrêmes
sont également funestes, parce que d'un côté, sans la foi personne ne peut être
pardonné ou justifié ; et de l'autre, sans la sanctification personne ne peut
être préparé, ni pour l'activité, ni pour les joies du ciel. Qu'un pécheur se
détourne de ses mauvaises actions, et qu'on suppose ses œuvres aussi parfaites
qu'il les voit lui-même, il n'en reste pas moins qu'il ne peut être pardonné
sans la foi en l'expiation de Jésus-Christ. De même si quelqu'un croit qu'il
peut être justifié par la foi tandis que ses œuvres sont mauvaises, il a besoin
d'apprendre que sans la sanctification sa foi est morte et ne peut pas même
être l'instrument de sa justification.
Il me paraît que,
dans son épître, l'apôtre Jacques se propose de remettre ce sujet sous son vrai
jour, de montrer exactement où se trouve la vérité, et de faire comprendre tout
à la fois la nécessité de la foi et la nécessité des bonnes œuvres. Cette épître
est vraiment pratique ; elle aborde de front toutes les grandes questions
pratiques du jour et elle les résout.
Il y a, en religion,
deux sortes de doctrines : celles qui se rapportent à Dieu et celles qui se
rapportent à la conduite de l'homme. Beaucoup de gens se contentent de la
première sorte ; ils pensent qu'il n'y a, à proprement parler, de doctrines que
celles qui se rapportent à Dieu, à ses attributs, à son mode d'existence,
à ses décrets, etc. Quand j'annonçai que je commencerais une série de «
Discours pratiques » j'espère que vous ne m'avez pas attribué la pensée que ces
discours ne seraient pas dogmatiques ou qu'ils ne renfermeraient pas de
doctrines. Mon intention est de prêcher, si le Seigneur le veut, une série de
discours sur des doctrines pratiques. La doctrine que je me propose de
considérer maintenant est celle-ci: Celui qui professe la religion et qui ne
pratique pas ce qu'il reconnaît vrai se séduit lui-même.
Il y a deux classes
d'hypocrites parmi ceux qui font profession d'être religieux : ceux qui
trompent les autres et ceux qui se trompent eux-mêmes.
L'une de ces classes
est composée de ceux qui, sous une apparence trompeuse de moralité et de
religion, cachent l'inimitié de leur cœur contre Dieu et réussissent à
persuader aux autres qu'ils sont des gens très pieux. C'est ainsi que les
pharisiens obtinrent la réputation d'être remarquablement pieux ; ils y
arrivèrent par leur extérieur religieux, leurs aumônes et leurs longues
prières.
L'autre classe est
celle à laquelle se rapporte notre texte, elle est composée de ceux qui ne
trompent pas les autres mais se trompent eux-mêmes. Ils sont orthodoxes en
théorie et relâchés en pratique. Ils semblent croire que la religion consiste
en une quantité de notions sans rapport avec la pratique, et ils se trompent
eux-mêmes en se tenant pour bons chrétiens tandis qu'ils sont destitués de
vraie sainteté. Ils sont auditeurs de
Peut-être y a-t-il
ici, ce soir, bien des personnes qui appartiennent soit à l'une, soit à l'autre
de ces deux classes d'hypocrites.
Maintenant, remarquez-le,
je ne vais point prêcher ce soir à ceux d'entre vous qui trompent les autres
par la grande rigueur de leur morale et par l'étalage qu'ils font de leur
religion. Je m'adresse à ceux d'entre vous qui ne pratiquent point ce qu'ils
savent être vrai ; à ceux qui sont auditeurs et non point pratiquants. Je crois
remplir un devoir en ajoutant que, selon toute vraisemblance, il y a ici
maintenant un grand nombre de personnes de ce caractère. Je ne connais pas vos
noms, mais je désire que vous compreniez que si votre caractère est tel, vous
êtes les personnes à qui je parle, exactement comme si je vous nommais par vos
noms. Je veux dire vous, vous qui êtes là devant moi. Vous entendez la
parole et vous la croyez en théorie, tandis que vous la reniez en pratique.
Je vous dis que vous vous trompez vous-mêmes. Notre texte en est, la preuve; il
est pour vous un formol : « Ainsi a dit- le Seigneur » qui ne permet pas de
douter que tous ceux qui portent, le caractère qui vous distingue, ne se
séduisent eux-mêmes. Je pourrais citer beaucoup d'autres passages des Ecritures
qui ne laissent, non plus aucun doute à ce sujet. Mais je désire attirer votre
attention sur quelques considérations autres que le témoignage direct de
l'Ecriture.
Premièrement, vous ne
croyez pas véritablement l'Ecriture. Vous l'écoutez, vous admettez qu'elle est
vraie, mais vous ne la croyez pas véritablement. Ici laissez-moi vous dire que
celui qui se trompe sur ce point est responsable de son erreur. Ce n'est pas
votre conscience qui vous trompe, mais c'est vous qui ne discernez pas ce que
votre conscience témoigne. Deux choses sont indispensables à la foi
évangélique, c'est-à-dire à la foi qui sauve. La première est une conviction
intellectuelle de la vérité de ce qu'il s'agit de croire ; non pas en tant que
vérité abstraite seulement, mais en tant que vérité ayant telle ou telle
relation avec vous. C'est donc cette vérité concernant votre conduite que vous
devez recevoir intellectuellement ; cela fait; la vraie foi se montre alors en
entraînant un état correspondant du cœur. Cet état, correspondant du cœur est
toujours partie essentielle de la vraie foi. Quand l'intelligence d'un homme
est convaincue et qu'il admet la vérité dans ses rapports avec sa personne, il
doit encore donner sa cordiale approbation à cette vérité telle qu'elle est
dans sa relation avec lui-même. Ces deux états d'esprit sont indispensables à
la vraie foi. La conviction intellectuelle de la vérité n'est pas la foi qui
sauve ; mais la conviction intellectuelle accompagnée d'un état correspondant
des affections du cœur, c'est là la foi qui sauve. Il s'en suit que là où est
la vraie foi, celle qui sauve, se trouve toujours la conduite qui lui
correspond. La conduite est invariablement liée à la foi réelle. Il est tout
aussi certain que les hommes agiront comme ils croient, qu'il est certain que
la volonté dirige la conduite. Supposez que je dise à un homme : « Croyez-vous
cela? » — « Oui, je le crois, » répond-il; mais que veut-il dire? Il se peut
qu'il parle d'une conviction purement intellectuelle; or, il peut avoir cette
conviction sans avoir la foi.
Un homme peut même
éprouver un sentiment d'approbation pour une vérité abstraite. Et c'est là ce
que beaucoup de gens supposent être la vraie foi ; — le sentiment d'approbation
qu'ils éprouvent pour le caractère et le gouvernement de Dieu, ainsi que pour
le plan du salut considéré abstraitement. Beaucoup de personnes, quand elles
entendent un éloquent sermon sur les attributs ou sur le gouvernement de Dieu
sont transportées d'admiration à la vue des choses excellentes qu'on a
déployées devant elles, mais cela sans avoir un atome de vraie foi. J'ai
entendu parler d'un incrédule transporté même jusqu'à l'extase en considérant
de tels sujets. La raison est ainsi constituée qu'elle approuve naturellement
et nécessairement la vérité considérée d'une manière abstraite. Les plus
méchants démons de l'enfer l'aimeraient s'ils pouvaient la considérer en dehors
de toute relation avec eux-mêmes. S'ils pouvaient voir l'Evangile en dehors de
toute relation avec leur égoïsme, non seulement ils le trouveraient vrai, mais
ils lui donneraient encore leur approbation cordiale. Tous les êtres de
l'enfer, s'ils pouvaient voir Dieu dans son existence absolue, sans aucune
relation avec eux-mêmes, ne manqueraient pas de donner leur cordiale
approbation à son caractère. La raison pour laquelle les méchants et les démons
haïssent Dieu, c'est qu'ils le voient dans ses rapports avec eux-mêmes. Leurs
cœurs sont en révolte contre lui parce qu'ils le voient opposé à leur égoïsme.
Ici se trouve la
source d'une grande illusion au sujet de la religion. L'homme voit qu'elle est
vraie et se réjouit réellement en la contemplant ; il ne s'occupe point des rapports
qu'elle a avec lui, il aime à l'entendre prêcher et il prétend en être nourri;
mais voyez! il s'en va et il ne la met point en pratique. Voyez cette personne
; elle est malade et sa sensibilité est très vivo; à la vue de Jésus-Christ,
aimable et tendre Sauveur, son cœur se fond et elle éprouve une vive sympathie
pour lui. Pourquoi? Il en est ainsi par la même raison qui lui ferait éprouver
les plus vives émotions au sujet du héros d'un roman. Mais elle n'obéit pas à
Christ; elle n'agit jamais pour l'amour de Lui; elle le considère en lui-même,
sans s'occuper des rapports qu'il peut avoir avec elle; elle fait ses délices
de son caractère glorieux et souverainement aimable ; mais pendante ce temps
elle demeure dans le fiel le plus amer. Il est donc évident que votre foi doit
être une foi efficace qui règle votre conduite et produit les bonnes œuvres,
autrement ce n'est point la foi de l'Evangile, ce n'est point du tout une foi
réelle.
Il est d'autant plus
manifeste que vous vous séduisez vous-mêmes, que toute vraie religion consiste
en obéissance. Quelle que soit donc l'approbation que vous donniez au
christianisme, vous n'avez pas de religion à moins que vous ne lui obéissiez.
En disant que toute religion consiste en obéissance, je ne parle nullement
d'obéissance extérieure. La première obéissance, c'est la foi elle-même, la
vraie foi qui opère par l'amour et produit des actions en conséquence. Il n'y a
de réelle obéissance que celle du cœur : l'amour est l'accomplissement de la
loi; et la religion consiste dans l'obéissance du cœur avec la conduite
extérieure qui en résulte. Celui donc qui entend la vérité, l'approuve et ne la
pratique pas, se trompe lui-même. « Il est semblable à un homme qui contemple
son visage naturel dans un miroir, et qui, après s'être regardé, s'en va, et
oublie aussitôt quel il était. »
Cet état d'esprit que
par erreur vous prenez pour de la religion, cette conviction intellectuelle de
la vérité et cette approbation que vous lui donnez quand elle se présente dans
sa forme abstraite, sont si loin d'être la preuve que vous êtes pieux, qu'on
les trouve aussi communément chez les méchants que chez les bons, du moins
lorsque la vérité se présente en dehors des rapports qu'elle doit soutenir avec
nous. C'est là la raison pour laquelle il est souvent difficile de convaincre
les pécheurs qu'ils sont opposés à Dieu et à la vérité. L'homme est ainsi
constitué qu'il approuve la vertu, qu'il admire le caractère et le gouvernement
de Dieu, et qu'il approuverait et admirerait toutes les vérités de
Je suis de plus en
plus persuadé que dans toutes nos églises se trouvent de grandes multitudes à
qui les doctrines abstraites de l'Evangile sont beaucoup prêchées, multitudes
qui aiment la prédication, qui aiment à entendre parler de Dieu et de toutes
les choses de Dieu et qui cependant sont encore inconverties. Il n'y a pas de
doute que beaucoup de gens n'aillent dans les lieux de culte, parce qu'ils
aiment la prédication orthodoxe, quand, après tout, il est manifeste qu'ils ne
sont point des observateurs de
C'est chose convenue
pour eux qu'ils sont chrétiens, et comme tels ils se joignent à une église,
parce qu'ils aiment à entendre la prédication de la saine doctrine et qu'ils
l'approuvent, ou parce qu'ils lisent
REMARQUES.
1. On a commis une
grande injustice en portant sur les vrais chrétiens des jugements défavorables
qu'en réalité les faux chrétiens méritent seuls.
A ce qu'on dit, un
célèbre prédicateur donnait, il y a peu de temps, cette définition du chrétien
: «Un peu de la grâce et beaucoup du diable. » Je donne un démenti absolu
à cette définition; elle ost fausse et désastreuse. «Beaucoup du diable », c'est
parler de manière à faire l'impression que les vrais chrétiens sont les êtres
les plus méchants qu'il y ait sur la surface de la terre. II est vrai que quand
ils pèchent leur culpabilité est grande ; car pour un chrétien pécher est
hautement criminel. Aussi les chrétiens éclairés voient-ils dans leurs péchés
une grande méchanceté. Quand ils comparent leurs obligations avec leur vie, ils
sont grandement humiliés, et expriment leur humiliation en un langage fort
énergique. Mais ce n'est pas vrai qu'ils soient aussi méchants que le démon, ni
même qu'ils en approchent. Ceci est parfaitement démontrable. Le péché prend
une gravité exceptionnelle quand il apparaît en eux ; il est alors d'une
méchanceté extrême aux yeux de Dieu. Mais supposer que des gens soient, de vrais
chrétiens pendant qu'ils vivent au service du diable, ou qu'ils aient alors
quelque religion, c'est une pensée qui non seulement est fausse, mais qui est
encore des plus dangereuses (1) Rapprochez de ce passage, Discours XVI, partie
IV, n° 6, où la pensée de Finney se complète.). Elle est faite aussi bien pour
encourager les relaps, les apostats et toute la classe des hypocrites qui
n'aiment point la loi, que pour faire le plus grand tort à la cause de Christ
dans l'esprit des adversaires. La vérité est que ceux qui n'obéissent pas à
Dieu ne sont pas chrétiens. La doctrine contraire est la ruine des églises; en
effet elle les remplit d'une foule de gens dont la piété se réduit à l'adoption
de certaines notions ou de certaines formalités. tandis qu'ils n'ont jamais
entendu obéir de tout leur cœur aux exigences de l'Evangile.
2. Ceux qui sont
beaucoup plus zélés pour les doctrines que pour la pratique et qui mettent
beaucoup plus importance à cette classe de doctrines qui se rapportent à Dieu
qu'à celles qui se rapportent à leur propre conduite,sont ANTINOMIENS
Il y a beaucoup de
gens qui reçoivent cette classe de doctrines de la Bible qui se
rapportent à Dieu, qui l'approuvent et qui l'aiment, et qui cependant n'ont pas
un atome de vraie religion ; ils ne sont jamais « nourris », comme ils disent,
par aucune prédication autre que par celle qui traite de certains points
abstraits de doctrine. Ce sont des antinomiens: pareils précisément à ceux
contre lesquels l'apôtre Jacques écrivit son épître; ils font consister la
religion en un ensemble de notions et de théories et ne mènent point une vie
sainte.
3. Quant à
cette classe de chrétiens de profession qui n'aiment jamais à entendre parler
de Dieu, de ses attributs, de
Ils ont de grandes
prétentions à la piété extérieure, ils ont peut-être des élans intérieurs, de
vives émotions empreintes d'une certaine teinte poétique, tandis qu'ils ne
veulent pas recevoir les grandes vérités qui se rapportent à Dieu et qu'ils
renient les doctrines fondamentales de l'Evangile.
4. La tendance, le
but de toute vraie doctrine, quand elle est crue véritablement, c'est de
produire une conduite et une vie irréprochables.
Partout
où vous voyez quelqu'un se conduire
d'une manière hérétique (répréhensible), vous pouvez être certain que sa foi
est hérétique aussi. La foi qu'il a dans le coeur est juste aussi hérétique que
sa vie. Il peut n'être pas hérétique dans ses idées et dans ses théories ; il
peut être parfaitement orthodoxe sur les points mêmes où il est hérétique en
pratique. Mais il ne les croit pas réellement
Voyez ce pécheur
insouciant se précipitant à corps perdu dans la recherche des richesses.
Croit-il véritablement qu'il avance constamment vers la mort ? Peut-être
direz-vous qu'il sait qu'il doit mourir. Mais je réponds que tant qu'il est
plongé dans sa recherche avide, il ne croit pas qu'il marche sans cesse à la
mort. Ce sujet n'est pas du tout présent à son esprit à ce moment-là, aussi
est-il impossible qu'il croie, dans cet état de complète insouciance. Vous lui
demandez s'il s'attend à vivre toujours et il vous répond : « Oh ! non ! je
sais bien que je dois mourir ; tous les hommes sont mortels. » Aussitôt en
effet qu'il tourne ses pensées de ce côté-là. il donne son assentiment à la
vérité ; et s'il pouvait garder cette conviction dans son esprit jusqu'à ce
qu'elle fût gravée dans son cœur d'une manière permanente, il changerait
infailliblement de conduite et vivrait pour le monde à venir an lieu de vivre
pour celui-ci. Il en est parfaitement de même en religion : quelles que soient les
choses qu'un homme croit réellement, il est absolument aussi certain que sa foi
gouverne sa conduite qu'il l'est que sa volonté dirige ses actions.
5. L'Eglise a
beaucoup trop agi, et depuis longtemps, dans le sens antinomien.
Elle a été très
attachée aux doctrines les plus abstraites et a trop perdu de vue les plus
pratiques. Elle a recherché et exigé l'orthodoxie dans les premières bien plus
que dans les secondes. Examinez les confessions de foi des églises et vous
verrez que toutes donnent la place principale aux doctrines qui n'ont que peu
de rapport avec la pratique. On peut être le plus grand hérétique quant à la
pratique, pourvu qu'on ne soit point ouvertement profane ou vicieux et qu'on
garde une bonne position dans l'église. Que la vie corresponde ou ne
corresponde pas aux exigences de l'Evangile, ce n'est point ce que l'on prend
en considération. N'est-ce pas monstrueux? Quand on entreprend de purifier
l'église quant à ce qui touche à ses erreurs pratiques, elle ne peut le
supporter. Que d'irritation et d'opposition, en effet, ne produit-on pas
lorsqu'on essaie de purifier l'église de sa participation aux péchés de
l'intempérance, de la violation du jour du repos et de l'esclavage? Et pourquoi
est-il si difficile d'amener l'église à tenter un sérieux effort pour la
conversion du monde? Quand l'église sera-t-elle purifiée et le monde converti?
Cela n'arrivera pas tant que l'on n'aura pas reconnu que l'hérésie de la
pratique est la preuve de l'hérésie de la foi. Cela n'arrivera pas tant qu'un homme
pourra renier tout l'Evangile par sa conduite de chaque jour et cependant
passer dans l'église pour un bon chrétien.
6. Voyez comment un
pasteur peut être trompé quant à l'état de son église.
Il prêche beaucoup de
doctrines abstraites qui ne se rapportent pas immédiatement à la pratique, et
ses auditeurs disent qu'ils sont « nourris » et s'en réjouissent ; et lui, il
pense qu'ils croissent dans la grâce, quand en fait il n'y a aucun signe
certain qu'il y ait quelque religion parmi eux. Si, an contraire, il prêchait
des doctrines pratiques et que ses auditeurs montrassent qu'ils aiment la
vérité quand elle leur est appliquée, et qu'ils le montrassent en la
pratiquant, il serait manifeste alors qu'il y a parmi eux un véritable amour de
la vérité.
Si un pasteur
constate que son troupeau aime la prédication des doctrines abstraites, mais
que lorsqu'il en vient à insister sur les doctrines pratiques, ses auditeurs se
révoltent, il peut être certain que s'il y a quelque religion dans l'église
qu'il dirige, cette religion est dans un triste état ; et si, après un loyal
essai, il constate qu'il ne peut pas amener ses auditeurs à recevoir un
enseignement religieux d'un caractère pratique et direct, il peut être sûr
qu'ils n'eut pas un atome de religion, et qu'ils ne sont absolument que des
antinomiens qui pensent pouvoir aller au ciel avec une foi morte, avec une
abstraite orthodoxie.
7. Quelle immense
multitude de gens n'y a-t-il pas qui font profession d'être religieux et qui se
trompent eux-mêmes !
Beaucoup supposent
qu'ils sont chrétiens parce qu'ils éprouvent des émotions à la vue de la
vérité, mais ils ne la reçoivent que lorsqu'elle leur est présentée de façon à
ce qu'ils ne voient pas les droits qu'elle a sur eux. Si au contraire vous la
leur présentez telle qu'elle est par rapport à eux, de manière à détruire leur
orgueil et à les arracher à leur mondanité, ils résisteront aussitôt. Voyez
quelle multitude d'églises orthodoxes et de chrétiens orthodoxes se nourrissent
et vivent de doctrines abstraites ; et maintenant considérez leur vie et voyez
combien peu la foi qu'ils professent a d'influence sur eux. Ont-ils la foi qui
sauve ? Non, cela ne se peut pas. Je ne veux pas dire qu'aucun des membres de
ces églises ne soit pieux ; je dis que ceux qui ne pratiquent pas ce qu'ils
reçoivent en théorie, qui sont auditeurs et non observateurs de
Il s'agit maintenant
de savoir combien d'entre vous croient réellement les vérités que vous entendez
prêcher. Je me suis proposé de faire une série de discours « pratiques; » mais
je n'ai pas eu la pensée de prêcher des discours qui ne contiennent pas de
doctrines ; ce serait ne pas prêcher du tout. Ce que je désire est de savoir si
vous, église; vous voulez faire ce que vous savez être vrai. Que je ne
réussisse pas à vous convaincre que telle doctrine que j'avance soit vraie,
c'est une autre affaire, et ce serait une raison pour que vous ne la missiez
pas en pratique; mais si je réussis à vous prouver par les Ecritures et à
convaincre votre intelligence qu'elle est vraie, et que cependant vous ne la
pratiquiez pas, j'aurai alors devant mes propres yeux la manifestation de votre
vrai caractère et je ne continuerai pas à me tromper en gardant la pensée que
vous êtes une église chrétienne.
Avez-vous conscience
que l'Evangile produit sur vous un effet pratique, en rapport avec votre
avancement dans la connaissance ? Vous a-t-il sevré du monde et des choses qui
sont au monde ? Est-ce là votre expérience, que lorsque vous avez admis quelque
vérité pratique, vous l'aimez, vous aimez son application à votre propre
personne et vous prenez plaisir à la pratiquer ? Si vous ne croissez pas dans
la grâce, devenant de plus en plus saints, vous abandonnant vous-mêmes à
l'influence de l'Evangile, vous vous séduisez vous-mêmes. Vous, anciens de
cette église, où en êtes-vous maintenant ? Et vous, pères et mères de famille,
où en êtes-vous ? Quand vous entendez un sermon, vous en emparez-vous,
l'emportez-vous dans vos demeures et l'y mettez-vous en pratique ? Ou bien
serait-il vrai que vous le recevez dans votre esprit, que vous l'approuvez et
que vous ne le pratiquez jamais ? Malheur à l'homme qui admet la vérité, puis
qui s'en retourne ne la pratiquant point, ressemblant à celui qui « regarde son
visage naturel dans un miroir et qui, après s'être regardé, s'en va et oublie
aussitôt quel il était ! »
LES FAUX CHRETIENS.
« Ils craignaient
l'Eternel et ils servaient en même temps leurs dieux.» 2 Rois XVII :33.
Quand les dix tribus d'Israël
furent emmenées captives par le roi d'Assyrie, celui-ci établit à leur place
des étrangers appartenant à différentes nations idolâtres qui ne connaissaient
rien de la religion des Israélites. Les bêtes sauvages se multiplièrent
aussitôt dans le pays et les lions détruisirent beaucoup de monde ; ces
étrangers pensèrent alors que tout cela leur arrivait parce qu'ils ne
connaissaient pas le dieu du pays et que, par ignorance, ils avaient
transgressé sa religion. Ils en informèrent le roi d'Assyrie qui leur dit de
s'adjoindre l'un des prêtres des Israélites pour qu'il leur enseignât la
manière de servir le dieu du pays. Ils se rangèrent à cet avis et obtinrent
qu'un prêtre israélite vint à Béthel et leur enseignât les cérémonies
religieuses pratiquées auparavant en Israël. Ce prêtre leur enseigna à craindre
Jéhovah comme le Dieu de la contrée; mais ils ne reçurent point Jéhovah comme
le seul Dieu. Ils le craignirent, c'est-à-dire qu'ils craignirent sa colère et.
ses jugements et que, pour les détourner, ils accomplirent les rites qu'on leur
enseignait. Mais ils « servaient » leurs propres dieux. Ils conservèrent leur
culte idolâtre et c'était celui qu'ils préféraient et qu'ils aimaient, bien
qu'ils se sentissent tenus de témoigner quelque respect à Jéhovah, comme au
dieu de la contrée.
Ils sont très
nombreux encore aujourd'hui ceux qui font profession de craindre Dieu et qui,
tout en ayant peut-être une certaine crainte de Dieu, servent néanmoins « leurs
propres dieux. » Ils ont en effet d'autres objets de confiance et d'affection
qu'au fond du coeur ils préfèrent au Dieu vivant.
Il y a, comme vous
savez, deux sortes de crainte. Il y a cette sorte de crainte qui est le
commencement de la sagesse et qui est fondée dans l'amour. Et il y a cette
crainte servile qui n'est que de la peur, peur que le diable éprouve et qui est
pur égoïsme. Cette dernière crainte est celle que possédaient ceux dont parle
notre texte. Ils avaient peur que Jéhovah n'exerçât ses jugements sur eux s'ils
n'accomplissaient pas certains rites, et c'était là le motif du culte qu'ils
lui rendaient. Ceux qui sont mus par cette crainte sont souverainement égoïstes
et tandis qu'ils professent de révérer Jéhovah, ils ont d'autres dieux qu'ils
aiment et qu'ils servent.
Il y a plusieurs
classes de personnes qui sont dans ce cas et je me propose, ce soir, d'en
décrire quelques-unes de telle filon que ceux dont j'aurai défini le caractère
puissent se reconnaître.
Servir une personne
c'est obéir à sa volonté et être dévoué a ses intérêts. Il n'y a pas proprement
service là où il n'y a que l'accomplissement de certains actes, sans que l'on
se. mette à la disposition d'une personne; celui qui sert fait son affaire de
l'accomplissement de la volonté et du soin des intérêts de la personne à
laquelle il est soumis. Servir Dieu, c'est faire de la religion la principale
affaire de sa vin. C'est se dévouer soi-même, coeur, vie, forces, temps,
influence, tout ce que l'on a et tout ce que l'on est pour servir les intérêts
de Dieu, établir son royaume et augmenter sa gloire.
Qui sont ceux qui
servent leurs propres dieux tout en faisant profession de craindre le Seigneur
? Je réponds : ce sont :
1. Tous ceux qui
n'ont pas renonce dans leur cœur et dans leur conduite au droit de propriété
sur tous leurs biens, et qui ne les ont pas abandonnés à Dieu.
Il est parfaitement
évident que si vous n'avez pas fait cela vous ne servez pas Dieu. Supposez
qu'un marchand emploie un commis pour prendre soin de son magasin, et que le
commis continue à s'occuper de ses propres affaires, de sorte que lorsqu'on lui
demande de faire pour son patron le travail nécessaire, il réponde : « Je Suis
vraiment trop occupé de mes propres affaires, je n'ai pas le temps de faire ce
que vous me demandez ; » tous n'élèveront-ils pas la voix contre un pareil
serviteur et ne diront-ils pas qu'il ne sert pas son patron; que son temps
n'est point à lui, qu'il lui a été payé et que cependant il l'emploie pour
lui-même ? Il en est de même de l'homme qui ne renonce pas à la possession de
sa propre personne, non seulement en pensée, mais en pratique. Il n'a pas
encore appris l'a b c de la religion. Il ne sert point le Seigneur, mais ses
propres dieux.
2. Tout homme
qui ne fait point de ses affaires une partie de sa religion ne sert point Dieu.
Il arrive parfois que
vous entendez quelqu'un dire : « Je suis tout le jour tellement occupé, que je
n'ai pas le temps de servir Dieu. » Il croit servir Dieu un petit moment le
matin avant d'aller à ses affaires mondaines. Il laisse, en effet, sa religion là
où il a dit ses prières. Il est disposé peut-être à donner à Dieu le temps qui
précède son déjeuner, avant qu'il soit prêt pour aller à ses propres affaires ;
mais dès qu'il est prêt, il court les entreprendre. Peut-être craint-il assez
le Seigneur pour dire ses prières soir et matin, mais il sert ses propres
dieux. La religion d'un tel homme est la risée de l'enfer. Il prie très
dévotement, puis, au lieu de faire ses affaires pour Dieu, il les fait pour
lui-même. Il n'y a pas de doute que ses dieux ne soient très satisfaits de cet
arrangement, mais quant à Dieu, il en est tout à fait mécontent.
3. Vous
servez aussi vos propres dieux, vous qui ne sacrifiez à Jéhovah que ce qui vous
coûte peu ou rien.
Il y a bien des gens
qui font, consister la religion en certains actes de piété qui ne sont point
incompatibles avec leur égoïsme. Vous priez le matin avec votre famille parce
qu'en ce moment-là vous pouvez le faire sans inconvénients ; mais vous ne
souffrez pas que le service de Dieu vienne gêner le service de vos dieux, vous
ne souffrez pas qu'il soit un obstacle à votre recherche des richesses ou des
jouissances du monde. Les dieux que vous servez n'ont pas à se plaindre d'être
méprisés ou négligés pour le service de Jéhovah.
4. Servent encore
leurs propres dieux,: tous ceux qui supposent que les six jours de la semaine
leur appartiennent, et que le dimanche seul est le jour du Seigneur.
Il y a une multitude
de gens qui pensent que la semaine est le temps de l'homme et que le dimanche
est le temps de Dieu, et qu'ils ont le droit pendant la semaine de faire leurs
propres affaires, d'être au service de leur propre personne, de prendre soin de
leurs propres intérêts, pourvu qu'ils observent strictement le jour du
Seigneur, servant Dieu ce jour-là. C'est ainsi qu'un célèbre prédicateur
dépeignant la méchanceté qu'il y a à violer le jour du repos, se sert de cet
exemple : « Un homme a sept dollars dans sa poche, il rencontre un mendiant en
grande détresse et lui donne six dollars, n'en gardant qu'un seul. Mais le
mendiant voyant qu'il en garde un, le lui dérobe aussitôt. Chacun ne
flétrira-t-il pas la bassesse de ce mendiant ? » Vous voyez là l'incarnation de
cette idée qu'il est fort ingrat de violer le jour du repos, puisque Dieu a
donné aux hommes six jours pour vaquer à leurs propres affaires, pour être
ainsi au service de leurs propres personnes, tandis qu'il ne s'est réservé que
le jour du sabbat.
Vous qui faites cela,
vous ne servez pas Dieu du tout. Si vous êtes égoïstes pendant la semaine, vous
êtes entièrement égoïstes. Supposer que vous avez une piété réelle,
impliquerait que vous êtes convertis chaque dimanche et inconvertis chaque
lundi. Pour qu'un homme qui n'a fait que se servir lui-même toute la semaine
devint réellement religieux le dimanche, il faudrait qu'il se convertit.
Mais est-ce là l'idée
du dimanche : un jour mis à part pour le service de Dieu à l'exclusion de tous
les autres? Dieu a-t-il besoin de nos services le jour du repos pour continuer son
oeuvre? Dieu demande tous nos services autant pendant les six jours ouvriers
que pendant le jour du repos ; seulement il a réservé le sabbat pour des
devoirs particuliers et il demande qu'il soit observé comme un jour de repos où
la fatigue corporelle cesse, ainsi que tous les soins et les travaux qui
concernent ce présent siècle. Mais parce que l'homme a un corps aussi bien
qu'une âme, et que l'Evangile doit être propagé et maintenu par des moyens
terrestres, Dieu demande que vous travailliez les six jours à vos emplois
séculiers; travail qui doit être uniquement pour son service aussi bien que le
culte du dimanche. Ce jour n'est donc pas plus voué au service de Dieu que le
lundi. Vous n'avez pas plus le droit d'être au service de vous-même le lundi que
le dimanche. Si quelqu'un de vous a compris ce sujet en ce sens que les six
jours de la semaine lui appartiendraient, cela montre qu'il est souverainement
égoïste. Ne vous imaginez pas, je vous en conjure, que vos prières et vos
dimanches soient un véritable service de Dieu, si pendant le reste du temps
vous vivez pour vous-mêmes. En ce cas, vous ne savez pas même ce que c'est que
de servir Dieu.
5. Ils sont au
service de leurs propres personnes, ou au service de leurs propres dieux, ceux
qui ne veulent pas faire de sacrifices quant à leurs aises et à leur confort
dans l'église.
Il y a beaucoup de
gens qui n'aiment pas les églises où les bancs sont gratuits parce que, d'après
eux, elles n'ont point assez d'égard à l'agrément personnel de leurs membres.
Ils disent : « Nous désirons être assis avec nos familles; » ou bien : « Nous
tenons à avoir nos siéges garnis de coussins, ». ou encore : « Nous aimons à
être assis toujours à la même place. » Ils admettent bien que les églises à
places gratuites sont nécessaires pour rendre l'Evangile accessible aux
milliers de gens qui dans cette cité sont sur le chemin de l'enfer; mais ils ne
peuvent se résoudre à faire pour leur propre compte ces petits sacrifices afin
d'ouvrir à cette multitude les portes de la maison de Dieu.
Ces petites choses
indiquent souvent avec la plus grande clarté quel est l'état d'un coeur.
Supposez que votre servante en vienne à dire : « Je ne puis pas faire ceci. Je
ne puis pas faire cela, parce que cela porte atteinte à mes aises et à mon confort.
Je ne puis pas faire ceci, parce que j'aime à être assise sur des coussins pour
travailler. Je ne puis pas faire cela, parce que cela me séparerait de ma
famille pendant une heure et demie. » Quoi ! serait-ce là ce qui s'appelle
servir ? Si un homme entre au service d'un autre, il abandonne ses aises et son
confort pour se vouer aux intérêts de cet autre et pour suivre sa volonté.
Est-il vrai qu'un homme soit dévoué au service de Dieu au suprême degré, quand
il montre que ses aises et son confort lui sont plus chers que le royaume de
Jésus-Christ et qu'il sacrifierait le salut des pécheurs plutôt que d'aller
s'asseoir sur un siége un peu dur, ou que d'être séparé de sa famille pendant
une heure ou deux ?
6. Ceux-là servent
leurs propres dieux, qui, lorsqu'ils donnent leur temps et leur argent, les
donnent à contrecoeur, par contrainte et non point avec empressement et d’un
coeur joyeux.
Que penseriez-vous de
votre domestique si vous aviez à le harceler ou à le contraindre constamment
pour lui faire faire quelque chose pour vous? ne diriez-vous pas qu'il n'est
qu'un mercenaire paresseux et négligent ? Combien de gens n'y a-t-il pas qui,
lorsqu'ils font quelque chose pour la religion, le font à contre-coeur! Si vous
demandez à l'un d'eux son temps ou son argent pour quelque objet religieux,
vous obtiendrez difficilement qu'il s'engage à faire quelque chose; et s'il s'y
résout, il ne le fera qu'à regret; rien ne lui sera aisé, ni naturel. Il est
évident que cet homme-là ne considère point les intérêts du royaume de Christ
comme étant les mêmes que les siens. Il peut faire grand étalage de sa crainte
de Dieu, mais il sert d'autres dieux qui sont « ses propres dieux. »
7. Ceux qui
cherchent toujours le moyen de faire pour le service de Dieu LE MOINS et non
pas LE PLUS possible, ceux-là aussi servent leurs propres dieux.
Il y a une multitude
de gens qui semblent toujours demander s'il ne suffit pas de faire telle petite
part de ce que l'on pourrait faire pour Dieu. Vous pouvez voir de telles
personnes faire leurs comptes par profits et pertes : « Tant de donné cette
année — tant pour la charité — obligé de donner tant pour la religion (OBLIGÉ
donner pour les intérêts du royaume de Christ !) — tant de perdu pour
cause d'incendie, tant par les mauvaises créances, etc. » De telles gens
servent-ils Dieu? — Si vous êtes tels, il est certain que vous n'avez jamais
mis votre coeur à l'avancement du règne de Dieu dans le monde. Si vous l'aviez
fait, vous demanderiez : « Combien puis-je faire pour cette oeuvre ; combien
pour celle-là ; ne pourrais-je pas faire davantage, donner telle somme plus
considérable ? »
8. Ceux qui
mettent de côté des richesses pour leurs familles, afin de rehausser leur
position, de leur donner éclat et grandeur, servent leurs propres dieux et non
pas Jéhovah.
Ceux qui ont pour but
de faire monter leur famille, de la faire entrer dans une classe plus élevée de
la société, en amassant pour cela des richesses, ceux-là montrent que leur vie
a un autre but que celui d'amener le monde sous l'autorité de Jésus-Christ. Ils
ont d'autres dieux à servir. Ils peuvent avoir la prétention de craindre Dieu,
mais ils servent leurs propres dieux.
9. Ceux qui ont
pour objet d'accumuler assez de biens pour pouvoir se retirer des affaires et
vivre à leur aise, servent leurs propres dieux.
Il y a beaucoup de
gens qui font profession d'être les serviteurs de Dieu et qui travaillent
ardemment à acquérir des biens, calculant de manière à pouvoir se retirer
bientôt dans leur maison de campagne pour y vivre à leur aise. Qu'en
pensez-vous? Dieu vous donne-t-il droit à un sabbat perpétuel dès que vous avez
acquis certaine somme d'argent ? Quand vous avez déclaré entrer à son service,
vous a-t-il dit de travailler rudement pendant tant d'années et qu'après cela
vous pourriez avoir vacances perpétuelles ? Vous a-t-il promis de vous tenir
quittes, après cela, d'avoir perdu la plus grande partie de votre temps et de
vos talents? Du reste, vous a-t-il seulement promis de vous laisser, après vos
labeurs, vivre à votre aise le reste de vos jours ? Si vous avez de telles
idées, je vous le dis, vous ne servez point Dieu mais seulement votre propre
égoïsme et votre paresse.
10. Ceux-là
servent leurs propres dieux qui aiment mieux satisfaire leurs appétits que de
se priver de choses nécessaires, nuisibles même, afin de faire du bien.
On trouve des gens
qui aiment extrêmement des choses qui ne leur font aucun bien, d'autres qui se
créent un appétit artificiel pour une chose positivement repoussante ; et ils
s'adonneront à leur passion sans que jamais aucun argument puisse les décider à
l'abandonner, pas même la pensée de faire du bien. De telles gens sont-ils
absorbés par le service de Dieu ? Certainement non. Sacrifieront-ils leurs vies
pour le royaume de Jésus-Christ ? On ne peut pas même leur faire. abandonner
une chique de tabac ! une mauvaise herbe qui est nuisible pour la santé
et dégoûtante pour la société, ils ne peuvent y renoncer, fût-ce même pour
sauver une âme de la mort !
Qui ne voit, pas que
l'égoïsme prédomine en de telles personnes ? Les faits que je viens de rappeler
montrent la puissance étonnante de l'égoïsme. Souvent cette puissance se montre
davantage en de telles petites choses qu'en de plus grandes. L'homme montre
l'état réel de son coeur dans le fait que sa propre satisfaction est le mobile
de sa vie; il recherche cette satisfaction égoïste avec tant de force, que,
même dans les bagatelles, il lui sacrifiera ces grands intérêts à la poursuite
desquels il est ténu. de se vouer tout entier.
11. Ceux qui sont
dans un état d'âme tel, que ce sont les appels à leurs intérêts égoïstes qui
les décident le plus vite à l'action, montrent par là qu'ils sont au nombre de
ceux qui servent leurs propres dieux.
Vous voyez quel motif
influe sur de telles gens. Supposons que je veuille les faire contribuer à
l'érection d'un temple, quelles considérations devrai-je leur présenter pour
réussir? Je devrai leur montrer que cela augmentera la valeur de leur
propriété, ou que cela fera les affaires de leur parti, ou que leur égoïsme y
trouvera sa satisfaction de quelqu'autre manière. Si ces gens sont plus touchés
par de tels motifs que par le désir de sauver les âmes qui se perdent et
d'avancer le règne de Christ, il est clair qu'ils ne se sont jamais donnés
eux-mêmes au Seigneur ; ils sont, toujours au service de leur propre personne.
Tous ces principes bienfaisants qui sont à la base de toute vraie piété ont
moins d'influence sur eux que leurs intérêts égoïstes. Le caractère d'un vrai
serviteur de Dieu est juste le contraire.
Prenez le cas de deux
serviteurs, l'un dévoué aux intérêts de son maître, l'autre n'ayant aucune
conscience et ne se faisant souci de rien, si ce n'est de tirer ses gages. L'un
rejette dans l'ombre toute considération personnelle et se donne coeur et âme à
l'accomplissement de sa tâche. L'autre ne veut rien faire à moins que son
maître ne lui présente quelque motif qui satisfasse son égoïsme, à moins qu'il
ne lui dise : « J'augmenterai tes gages, » ou « je te donnerai une position
plus élevée ; » ou quelque chose de semblable. N'y a-t-il pas une différence
radicale entre ces deux serviteurs ? Et n'est-ce pas là une image de ce que
l'on voit, actuellement dans nos églises ? Proposez, pour faire du bien, un
plan dont l'exécution ne coûtera rien, tous en seront partisans. Mais si vous
en proposez un qui touche à leurs intérêts personnels, qui doive leur coûter de
l'argent ou leur prendre du temps au moment de leurs plus grands travaux, vous
les verrez se diviser. Les uns hésiteront, douteront, feront des objections,
d'autres refuseront résolument; mais d'autres accepteront immédiatement parce
qu'ils verront un grand bien à accomplir. Plusieurs se tiendront sur la réserve
jusqu'à ce que vous trouviez moyen de mettre leur égoïsme de votre côté.
Pourquoi cette différence entre eux? C'est que beaucoup servent leurs propres
dieux.
12. Sont aussi
dans ce cas, ceux qui sont moins intéressés par la religion que par d'autres
sujets.
Si vous trouvez un homme
plus empressé à parler des choses de ce monde que des choses qui sont
d'En-Haut, plus facilement excité par ces choses terrestres, plus éveillé pour
apprendre les nouvelles du jour ; c'est là un homme qui sert ses propres dieux
(1). Quelle multitude de gens n'y a-t-il pas qui sont plus émus par la question
de la bourse, par celle de la guerre, ou par le récit des incendies ou de tout
autre évènement de ce monde, que par les réveils, les missions, ou autres faits
concernant l'avancement du règne de Dieu! Vous les trouvez tout absorbés par la
politique ou la spéculation ; mais si vous mettez sur le tapis le sujet de la
religion, les voilà tout effrayés à la pensée de l'excitation que cela
pourrait produire, ils parlent alors du danger qu'il y a à échauffer les
imaginations. Ils montrent par là que la religion n'est point du tout le sujet
le plus cher à leurs coeurs. C'est toujours par le sujet qui lui tient le plus
à coeur que l'homme est le plus facilement ému. Qu'on le lui présente et il est
aussitôt intéressé. S'il n'est donc pour vous jamais ni trop tôt ni trop tard
pour parler des nouvelles du jour et de tout autre sujet mondain de
conversation, tandis qu'il est impossible de vous intéresser en vous présentant
le sujet de la religion, vous avez là la preuve que votre coeur n'est point à
la religion ; et si vous prétendez être un serviteur de Dieu, vous êtes un
hypocrite.
13. Si vous êtes
plus jaloux de votre réputation que de là gloire de Dieu, vous montrez par là
que vous vivez pour vous-mêmes et que vous servez vos propres dieux.
Si vous voyez un
homme plus vexé ou plus affligé par ce qui est dit contre lui que par ce qui
est dit contre Dieu, qui penserez-vous qu'il sert ? quel est son Dieu, sa
propre personne ou Jéhovah ? Si un ministre est jeté dans un état de fièvre par
un mot peu élogieux que quelqu'un aura pu dire sur son savoir, sur son mérite,
ou sur son infaillibilité, tandis qu'il est froid comme glace au sujet de
toutes les indignités dont on couvre le nom béni de Dieu ; cet homme
est-il un imitateur de Paul qui était tout disposé à être considéré comme fou à
cause de Christ? a-t-il jamais appris l'a b c de la religion ? S'il l'avait
jamais appris, il se réjouirait quand son nom serait « rejeté comme mauvais »
pour la cause de la religion. Non ! un tel homme ne sert point Dieu, il sert
ses propres dieux.
14. Il en est de
même de tous ceux qui ne font pas de salut des âmes le grand et le premier but
de leur vie.
Le but de toutes les
institutions religieuses, ce qui leur donne à toutes leur valeur, c'est le
salut des pécheurs. Le but pour lequel Jésus-Christ a vécu et pour lequel il a
laissé son église dans le monde, c'est le salut des pécheurs. C'est là
l'affaire dont Dieu charge ses serviteurs et si quelqu'un n'en fait point son
affaire, la première et maîtresse occupation de sa vie, il ne sert point
Jéhovah, mais ses propres dieux.
15. Ceux qui ne
font que peu pour Dieu, ou qui ne font rien d'efficace, rien qui subsiste pour
l'éternité, ne peuvent pas être appelés proprement serviteurs de Dieu.
Je suppose que vous
demandiez à quelqu'un qui prétend être un serviteur de Dieu : « Que
faites-vous. pour Dieu ? Réussissez-vous à faire quelque chose de positif ?
Etes-vous un instrument pour la conversion des pécheurs ? Produisez-vous
quelque impression sur les autres en faveur de la religion, avancez-vous la
cause de Christ ? » Et qu'il réponde : « Eh bien..... je ne sais pas, —
j'espère ; je pense quelquefois que j'aime Dieu ; mais je ne peux pas dire
qu'en ce moment je fasse quelque chose de particulier pour lui. » Je le
demande, celui qui parle ainsi sert-il Dieu ? ou sert-il ses propres dieux ? «
Je parle parfois aux pécheurs, dit-il mais ils ne semblent pas en recevoir
grande impression. »
— Alors, vous, vous
ne sentez pas ce que vous dites. Si votre coeur n'y est pas, il n'y a rien
d'étonnant à ce que vous ne fassiez pas impression sur les pécheurs. Tandis que
si vous faisiez votre devoir, mettant votre cœur à votre oeuvre, les pécheurs
ne pourraient s'empêcher de sentir ce que vous leur diriez.
16. Ceux qui
cherchent à être heureux dans leur religion, plutôt qu'à être utiles, ceux-là
servent leurs propres dieux.
Leur religion est
entièrement égoïste. Ils désirent jouir de la religion et cherchent toujours
comment ils pourront acquérir d'heureuses et agréables dispositions d'esprit,
éprouver de vives et douces émotions. Ils ne veulent que des réunions et des
prédications qui les rendent heureux, et ils ne posent jamais la question de
savoir si c'est le moyen de faire le plus grand bien. Maintenant
représentez-vous que votre serviteur agisse ainsi et soit toujours à calculer
comment il peut, faire pour jouir ; il pense qu'il peut être plus heureux au
salon, il y va, il s'étend sur le sofa, avec un coussin de plumes sous la tête,
se faisant éventer par un autre serviteur, et il refuse de faire le travail que
vous lui avez donné et que votre intérêt exige impérieusement. Au lieu de
manifester un désir de travailler pour vous, de la sollicitude pour vos
intérêts et de l'empressement à se mettre lui-même de toutes ses forces à votre
service, il ne pense qu'à être heureux ! Il en est exactement de même de ces
gens qui professent être serviteurs de Jéhovah et qui ne veulent rien faire
d'autre que de s'asseoir sur leurs moelleux coussins pour s'y laisser « nourrir
» par le prédicateur de leur choix. Au lieu de chercher comment faire le bien,
ils ne cherchent absolument qu'à être heureux. Leur prière quotidienne n'est
pas comme celle du converti Saul de Tarse : « Seigneur, que veux-tu que je
fasse ? » Mais plutôt : « Seigneur, dis-moi comment je puis être heureux. »
Est-ce là l'esprit de Jésus-Christ ? Non, car il disait : « Mes délices, ô
Dieu, c'est faire ta volonté. » Est-ce là l'esprit de l'apôtre Paul ? Non, car
en un instant il déposa son costume de rabbin pour entrer bras nus dans une vie
de rudes labeurs.
17. Celui-là aussi
sert ses propres dieux qui fait de son propre salut le but suprême de sa
religion.
Il y a une foule de
gens dans l'Eglise qui montrent par leur conduite et qui même avouent ouvertement
que leur but suprême est de faire leur propre salut (2) ; leur détermination la
plus ferme est que leur âme soit installée un jour sur les solides créneaux de
REMARQUES.
1. Vous voyez
pourquoi, dans le monde, il n'y a encore que bien peu de chose de fait
pour le règne de Jésus-Christ.
C'est parce qu'il y a
si peu de gens qui fassent quelque chose pour établir ce règne ; parce que
Jésus-Christ a si peu de réels serviteurs dans le monde. Combien pensez-vous
qu'il y ait de professants dans cette église, ou parmi toutes vos
connaissances, qui soient réellement à l'oeuvre pour Dieu, faisant de la
religion leur affaire, se donnant eux-mêmes tout entiers pour avancer le règne
de Jésus-Christ? La raison pour laquelle la religion n'avance pas plus vite, c'est
qu'il y a si peu de gens pour la faire avancer, tandis qu'il y en a tant pour
l'enrayer. Voyez cette foule à cet incendie; on s'efforce de sortir les
marchandises d'un magasin en feu. Quelques-uns sont déterminés à les sortir ;
mais les autres n'y sont pas décidés et ils détournent l'attention des premiers
en parlant d'autre chose ; ou bien ils les empêchent d'agir en trouvant à
redire à leur manière de faire ou en les retenant loin du feu. Ainsi en est-il
dans l'Eglise. Ceux qui désirent faire l'oeuvre sont grandement empêchés par la
répugnance, les contestations et la résistance positive des autres.
2. Vous voyez
pourquoi si peu de chrétiens ont l'esprit de prière.
Comment
pourraient-ils avoir l'esprit de prière? Pourquoi Dieu le leur donnerait-il ?
Voilà un homme tout absorbé par les choses de ce monde ; supposez que Dieu lui
donne l'esprit de prière ; il priera alors tout naturellement pour les choses
qui lui tiennent le plus à coeur, c'est-à-dire pour le succès de toutes ses
affaires mondaines; il priera pour le service de ses propres dieux. Dieu
donnerait-il l'esprit de prière pour de pareils objets ? Jamais que cet homme
aille à ses propres dieux pour leur demander un esprit de prière; mais qu'il ne
s'attende pas à ce que Jéhovah lui accorde jamais cet esprit tant qu'il ne
renonce pas à servir ses propres dieux.
3. Vous voyez
qu'il y a une multitude de gens qui professent la religion et qui n'ont pas
encore commencé à être religieux.
Si l'on dit à l'un
d'eux : « Avez-vous le sentiment que vos biens et toutes vos affaires sont à
Dieu, les gardez-vous et les administrez-vous pour Dieu ? » « Oh non !
répondra-t-il, je ne suis pas aussi avancé que cela. » — Pas aussi avancé
! Cet homme a fait profession d'être chrétien pendant des années et il
n'en est pas encore arrivé à considérer ses biens, ses affaires et tout ce
qu'il a, comme appartenant à Dieu! Il n'y a pas de doute que jusqu'à maintenant
il n'ait servi ses propres dieux. J'insiste sur ce point, car c'est là le VRAI
COMMENCEMENT de la religion. Qu'est‑ce que la conversion, si ce n'est
abandonner le service du monde pour entrer au service de Dieu? Or cet homme
n'était pas, de son propre aveu, un serviteur de Dieu, et il semblait penser
que c'était avoir atteint un degré très supérieur de vie religieuse que de
sentir que tout ce que l'on a est au Seigneur.
4. Il est
malhonnête de prétendre servir le Seigneur quand en réalité on se sert
soi-même.
Vous qui accomplissez
des devoirs religieux par des motifs égoïstes, vous ne faites pas autre chose
en réalité que de vous efforcer de rendre Dieu votre serviteur. Si votre propre
intérêt est votre but suprême, tous vos services religieux ne sont que des
tentatives pour amener Dieu à travailler à vos propres intérêts. Pourquoi
priez-vous, pourquoi gardez-vous le jour du repos, pourquoi donnez-vous de vos
biens pour des oeuvres religieuses? Vous répondez : « Pour avancer l'oeuvre de
mon propre salut. » Vraiment! Ce n'est pas pour glorifier Dieu, mais seulement
pour acquérir le ciel Ne pensez-vous pas que, s'il y trouvait son intérêt, le
diable lui-même ferait tout cela tout en restant le diable ? Le plus
grand chef-d'oeuvre de l'égoïsme doit consister à s'emparer de Dieu, pour
l'enrôler, avec tous ses glorieux attributs, au service de notre moi.
Et maintenant, mes
chers auditeurs, où en êtes-vous? servez-vous Jéhovah ou servez-vous vos
propres dieux? Comment avez-vous travaillé pendant ces six mois de mon absence
? Avez-vous fait quelque chose pour Dieu? Avez-vous vécu. comme serviteurs de
Dieu? Le royaume de Satan a-t-il été affaibli par ce que vous avez fait?
Pouvez-vous me dire maintenant: « Venez avec moi et je vous montrerai tel
pécheur converti et encore tel autre, je vous montrerai des chrétiens déchus
ramenés sur le champ de bataille, je vous montrerai des saints qui étaient
faibles et qui ont été aidés et fortifiés? » Pouvez-vous m'amener des gens qui
soient de vivants témoignages de ce que vous avez fait au service de Dieu?
Ou me répondrez-vous:
« Je suis allé aux réunions régulièrement le jour du Seigneur et j'ai entendu
beaucoup de bonnes prédications; j'ai assisté généralement aux réunions de
prières et nous en avons eu de précieuses; j'ai prié avec ma famille, je l'ai fait
aussi deux ou trois fois par jour dans la solitude de mon cabinet, et j'ai lu
— Et en tout cela
vous avez été purement passifs. S'il ainsi, vous avez « craint le Seigneur et
servi vos propres dieux. »
— « Oui, mais
j'ai vendu tellement de marchandises et gagné tant d'argent, que j'ai
l'intention d'en donner la dîme aux missions. » — Qui a requis cela de vos
mains, au lieu de travailler à sauver des âmes? Envoyer l'Evangile aux païens
et laisser, sous ses propres yeux, les pécheurs se précipiter vers l'enfer! Ne
vous trompez pas vous-même; si vous aimiez les âmes, si vous étiez engagé au
service de Dieu, vous penseriez aux âmes qui sont ici et vous feriez l'oeuvre
de Dieu ici. Que penseriez-vous d'un missionnaire qui se rendrait auprès des
païens et qui n'aurait jamais dit un mot aux pécheurs dans sa maison et autour
de lui? Aurait-il l'amour des âmes? C'est une idée burlesque que d'envoyer de
tels hommes comme missionnaires auprès des païens. L'homme qui ne veut rien
faire chez lui n'est pas qualifié 'pour aller parler aux païens. Et celui qui
prétend ramasser de l'argent pour les missions, tandis qu'ici il ne veut pas
essayer de sauver les âmes, n'est qu'un hypocrite.
(1) A ce sujet, voici
un trait qui nous a beaucoup frappé. Un de nos prédicateurs les plus pieux et
les plus instruits ne s'était jamais animé dans sa prédication; certes, il
faisait bien de ne pas chercher à faire des gestes ; mais c'était avec
tristesse qu'on en était réduit à le comparer à un robinet d'eau tiède. C'était
sa nature, disait-on, et personne n'avait l'idée de le considérer comme moins
pieux pour cela. Mais voilà qu'au milieu de son sermon. un dimanche en 1870, il
se met à parler des Prussiens. Aussitôt il prend feu, son auditoire se
réveille, on est suspendu à ses lèvres, on ne respire plus. Jamais on n'avait
vu de prédicateur plus animé, plus éloquent. (Trad.)
(2) De lugubres
personnages, comme Charles-Quint, le duc d'Albe et beaucoup d'autres, ont été
dans ce cas. (Trad. .)
LES ACTIONS DOUTEUSES
SONT DES PECHES.
« Celui qui doute,
est condamné s'il mange parce: » que cela ne vient pas de la foi. Or, tout ce
qui ne vient pas de la foi, est péché. » Rom. XIV :23.
C'était une coutume parmi
les païens idolâtres d'immoler des animaux et d'en offrir la chair en sacrifice
à leurs dieux. Le prêtre recevait sa part de chaque victime et envoyait
ordinairement cette part au marché où elle était vendue comme toute autre
viande. Les Juifs chrétiens qui étaient répandus partout, étaient fort
difficiles quant à la viande qu'on leur présentait; ils avaient peur de violer
en quoi que ce fût la loi de Moïse, aussi élevaient-ils des doutes et
soulevaient-ils des discussions et toutes sortes de difficultés parmi les
églises. Ce sujet, entre autres, divisait et agitait l'Eglise de Corinthe
tellement qu'enfin on écrivit à l'apôtre Paul pour requérir ses directions. Il
répondit dans sa première épître aux Corinthiens. Il semble, d'après ce qu'il
dit dans cette épître, que quelques-uns poussaient leurs scrupules si loin
qu'ils pensaient ne devoir manger d'aucune viande, vu qu'au marché ils ne
pouvaient jamais être sûrs de ne point acheter ce qui avait été consacré aux
idoles. D'autres ne faisaient aucune différence entre ce qui était consacré aux
idoles et ce qui ne l'était pas; sachant avoir le droit de manger de la viande,
ils achetaient au marché celle qu'ils y trouvaient, sans se mettre en peine de
sa provenance. Pour terminer leur dispute, ils écrivirent donc à l'apôtre Paul,
et dans le chapitre VIII de la 1e aux Corinthiens, nous avons la discussion
approfondie qu'il fit de ce sujet.
« Quant aux choses
sacrifiées aux idoles, nous savons que nous avons tous de la connaissance: la
connaissance enfle, mais l'amour édifie. Et si quelqu'un pense savoir quelque
chose, il n'a encore rien connu comme il faut connaître. Mais si quelqu'un aime
Dieu, il est connu de lui. Or, quant à l'action de manger clos choses
sacrifiées aux idoles, nous savons qu'une idole n'est rien .dans le monde, et
qu'il n'y a point d'autre Dieu qu'un seul. Car quoi qu'il y en ait qui sont
appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre (comme il y a beaucoup de
dieux et beaucoup de seigneurs) toutefois, pour nous, il y a un seul Dieu, le Père,
duquel sont toutes, choses, et nous pour lui ; et un seul Seigneur,
Jésus-Christ, par le moyen duquel sont toutes choses, et nous par lui. Mais la
connaissance n'est pas en tous; et quelques-uns se faisant encore à présent
conscience de l'idole, mangent une chose comme sacrifiée aux idoles, et leur
conscience qui est faible en est souillée. »
« Leur conscience est
souillée » c'est-à-dire qu'ils regardent cet aliment comme une viande consacrée
à une idole et qu'ils font réellement acte d'idolâtrie. Manger de la viande est
en soi chose totalement indifférente. « Mais ce n'est pas un aliment qui nous
recommande à Dieu; car si nous mangeons nous n'en avons rien de plus; et si
nous ne mangeons, pas, nous n'en avons rien de moins. Mais prenez garde que ce droit
même que vous avez, ne devienne une occasion. d'achoppement pour les faibles.
Car si quelqu'un te voit, toi qui as de la connaissance, assis à table dans un
lieu consacré aux idoles, la conscience de celui qui est faible ne se.
fondera-t-elle pas là-dessus pour manger les choses sacrifiées. aux idoles; et
le frère qui est faible, à cause duquel Christ mourut, ne périra-t-il pas par
suite de ta connaissance? »
En d'autres termes :
si tu as une connaissance suffisante du sujet pour savoir qu'une idole n'est
rien, et pour ne faire aucune différence entre les viandes, il n'en résulte pas
que tu fasses bien d'user de cette liberté. Car si l'on te voit manger d'une
viande reconnue pour avoir été consacrée aux idoles, celui qui est faible et
moins éclairé que toi, pourra être entraîné par ton exemple à mander des
viandes consacrées aux idoles, en les considérant comme telles; et par là il
fera, selon sa manière de voir, acte d'adoration à l'égard de l'idole.
Or si vous péchez
ainsi contre vos frères et portez atteinte à leur conscience qui est faible,
vous péchez contre Christ.. « C'est pourquoi, si un aliment scandalise mon
frère, je ne mangerai plus jamais de viande, afin de ne pas scandaliser mon
frère. »
Paul arrive donc à
cette charitable conclusion qu'il vaudrait mieux renoncer absolument à l'usage
de la viande que d'être une occasion de chute pour un frère plus faible; car,
en fait, pécher ainsi contre un frère faible, c'est pécher contre Christ.
En écrivant aux
Romains, il traite le même sujet (car la même discussion existait parmi eux).
Après avoir posé quelques principes généraux, il leur donne cette règle.
« Quant à celui qui
est faible dans la foi, recevez-le, mais non pour des disputes d'opinions. L'un
croit qu'il peut manger de tout.; l'autre qui est faible, mange des légumes. »
Il y avait à Rome des
chrétiens qui préféraient ne vivre que de nourriture végétale, plutôt que de
courir le risquer d'acheter de la viande qui eût été consacrée aux
idoles. D'autres achetaient et mangeaient indistinctement toute viande offerte
au marché, sans s'informer de rien par scrupule de conscience. Ceux qui
vivaient de nourriture végétale accusaient les autres d'idolâtrie; et ceux qui
mangeaient de la viande accusaient les autres de superstition et de faiblesse.
C'était un mal.
« Que celui qui
mange, ne méprise point celui qui ne mange pas; et que celui qui ne mange pas,
ne juge point celui qui mange, car Dieu l'a reçu. Toi, qui es-tu pour juger le
domestique d'autrui? S'il se tient debout ou s'il tombe, cela regarde son
maître. Or, il sera affermi; car Dieu est puissant pour l'affermir. »
Il y avait aussi une
controverse touchant les fêtes juives. Les uns supposaient que Dieu en
.exigeait l'observation, aussi les observaient-ils; les autres pensaient que
Dieu ne l'exigeait pas, aussi les négligeaient-ils.
« L'un juge un jour
au-dessus d'un autre jour; l'autre juge que tous les jours sont égaux: que
chacun ait en son esprit une pleine conviction. Celui qui pense au jour, c'est
pour le Seigneur qu'il y pense; et celui qui ne pense pas au jour, c'est
pour-le Seigneur qu'il n'y pense pas. Celui qui mange, c'est pour le Seigneur
qu'il mange, car il rend grâce à Dieu; et celui qui ne mange pas, c'est pour le
Seigneur qu'il ne mange pas, et il rend grâce à Dieu. Car nul de nous ne vit
pour soi-même; et nul ne meurt pour soi-même. Car, soit que nous vivions, c'est
pour le Seigneur que nous vivons; soit que nous mourions, c'est pour le
Seigneur que nous mourons; soit que que nous vivions, soit que nous mourions,
nous sommes au Seigneur. C'est pour cela que Christ mourut, et qu'il se
releva, et qu'il reprit la vie; afin de dominer et sur les morts et sur les
vivants. Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère? ou toi aussi, pourquoi
méprises-tu ton frère? car nous serons tous placés devant le tribunal du
Christ. Car il est écrit : « Je suis vivant, dit le Seigneur, que tout genou
fléchira devant moi, et que toute langue confessera Dieu hautement. » (Esa XLV:
23.) Ainsi donc, chacun de nous rendra compte à Dieu pour ce qui le concerne. »
« Ne nous jugeons
donc plus les uns les autres ; mais jugez plutôt ceci, que vous ne devez point
mettre d'achoppement ou de scandale devant votre frère. »
Maintenant remarquez
ce qui suit :
« Si ton frère est
contristé à cause d'un aliment, tu ne marches plus selon l'amour. Ne fais pas
périr par ton aliment celui pour lequel Christ mourut. »
C'est-à-dire : je
sais que la distinction entre viandes pures et viandes impures ne nous lie
plus, sous la dispensation de Christ; mais pour celui qui croit à cette distinction,
c'est un crime que de manger indistinctement les diverses viandes qu'on lui
présente, car il fait ce qu'il croit être contraire aux commandements de Dieu.
« Toutes choses, il est vrai, sont pures, mais il y a du mal pour l'homme qui
mange avec scrupule. » Tout homme doit être persuadé que ce qu'il fait est
bien. Si un homme mange des viandes réputées impures sans être convaincu qu'il
fait bien, il offense Dieu.
« Il est bien
de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, et de ne manger ou boire
quoi que ce soit qui puisse être pour ton frère une occasion de chute, de
scandale ou de faiblesse. ».
« Pour toi, conserve
en toi-même devant Dieu la persuasion que tu as ; heureux celui qui ne se juge
pas lui-même dans le parti qu'il adopte ! Mais celui qui hésite s'il doit ou
non manger est condamné s'il mange, parce qu'il n'agit pas par persuasion ; or
tout ce qui ne se fait pas par persuasion est un péché. »
Condamné signifie :
reconnu coupable d'avoir violé la loi de Dieu.
Si un homme fait Une
chose, bien qu'il doute que cela soit permis, il offense Dieu ; il viole la loi
et il est condamné, que son action soit en elle-même légitime ou non. J'ai été
très explicite en expliquant mon texte dans sa connexion avec le contexte,
parce que je désirais vous convaincre entièrement de la justesse du principe
posé ici, à savoir que si un homme agit tout en doutant de la légitimité de son
action, il pèche et il est condamné. devant Dieu. Que son action soit légitime
ou non en elle-même, là n'est pas la question. Il doute de cette légitimité et
il agit quand même; c'est assez pour qu'il soit coupable.
Il y a ici une
exception à noter. C'est le cas où l'on doute autant de la légitimité de
l'abstention que de celle de l'action ; où l'on doute aussi honnêtement et aussi
complètement dans un sens que dans l'autre. C'est précisément ce cas-là que le
président Edwards a en vue dans sa 39e résolution :
« Résolu de ne jamais
faire une chose dont la légitimité me paraîtrait douteuse (légitimité que j'examinerais
.ensuite) ; excepté le cas où la légitimité de l'abstention m'apparaîtrait tout
aussi douteuse. »
En effet, dans tel
cas donné, un homme peut éprouver autant de scrupule à s'abstenir qu'à agir.
Tout ce que l'on peut dire alors, c'est qu'il doit agir selon la plus grande
somme de lumière qu'il pourra obtenir. Mais s'il doute de la légitimité de
l'action, sans avoir de doute quant à la légitimité de l'abstention, et que
malgré cela il agisse, il pèche et il est condamné devant Dieu ; il faut qu'il
se repente ou qu'il soit condamné. Pour examiner ce sujet de plus prés, je me
propose :
1. D'indiquer
quelques-unes. des raisons pour lesquelles il est criminel de taire des choses
de la légitimité desquelles on doute.
2. De montrer
l'application de ce principe à plusieurs cas particuliers.
3. De tirer
quelques conclusions et de faire. quelques remarques, selon que le temps me le
permettra.
I.
Je vais donc donner
quelques raisons qui démontrent l'exactitude du principe posé dans notre texte,
— à savoir
que si un homme fait
une chose de la légitimité de laquelle il doute, il est condamné.
1. Il est condamné
parce que si Dieu éclaire son esprit de manière à lui faire mettre en doute la
légitimité d'un acte, il est tenu de s'arrêter, d'examiner cette question de
légitimité et de la résoudre à sa complète satisfaction.
Supposez que votre
enfant ait envie de faire une chose ou qu'il soit invité par ses compagnons à
aller en quelque lieu,
et qu'il doute de
votre consentement, ne penserez-vous pas que son devoir est de vous consulter
avant d'agir? Si l'un de ses camarades l'invite à venir chez lui et qu'il doute
que cela vous fasse plaisir et que cependant il y aille, ne sera-ce pas
évidemment mal de sa part?
Ou supposez un homme
jeté au loin sur une île désolée, chu il ne rencontre aucun être humain. Cet
homme fait sa demeure dans une caverne solitaire, se considérant comme
entièrement seul, privé d'amis, de tout secours et de toute espérance ; mais
chaque matin il trouve une provision de nourriture saine et fortifiante
préparée pour lui; déposée à l'entrée de sa caverne et suffisante pour tous,
les- besoins du jour. Quel est son devoir ? Direz-vous qu'il ne sait pas s'il y
a dans l'île quelqu'autre être que lui et que par conséquent il n'a d'obligation
envers personne ? La reconnaissance ne demande-t-elle pas qu'il recherche,
qu'il découvre son ami invisible et qu'il le remercie de sa bonté ? Il ne peut
pas dire : « Je doute qu'il y ait quelqu'autre être que moi ici, je ne veux par
conséquent rien faire d'autre que de manger les provisions qui me sont
allouées, prenant mes aises et ne me mettant en peine de rien. » Le fait
qu'il ne s'occuperait pas de rechercher son bienfaiteur suffirait à lui seul à
le convaincre d'une méchanceté de coeur aussi grande que celle dont il ferait
preuve si, connaissant ce bienfaiteur, il refusait de lui témoigner de la
reconnaissance.
Maintenant, voyez
l'athée, il ouvre ses yeux à cette lumière bénie qui nous vient du ciel et
respire cet air qui. envoie la santé et la vigueur dans nos membres ; il y a là
assez d'évidence en faveur de l'existence de Dieu, pour le pousser à faire des
recherches au sujet de cet Etre Suprême qui nous dispense tous ces moyens de
vie et de bonheur. Et s'il ne fait pas de recherches pour acquérir plus de
lumière, s'il ne s'en soucie pas, s'il se tourne au contraire contre Dieu, il
montre qu'il a non seulement l'intelligence mais encore le coeur d'un athée.
Il a, pour dire le
moins, la preuve qu'il peut y avoir un Dieu. Qu'a-t-il donc à faire ? Il a
évidemment à faire des recherches, honnêtement, avec respect, et d'un coeur
semblable à celui du petit enfant, pour acquérir toute la connaissance que l'on
peut avoir de ce Dieu, et parvenir enfin à lui payer le tribut de sa
reconnaissance et de son adoration. Si, au contraire, quand il a assez de
lumière pour concevoir des doutes au sujet de l'athéisme, il continue à faire
comme s'il n'en avait pas, ne recherchant point la vérité pour lui obéir, il
montre que le mal est dans son cœur, et qu'il ne veut pas entendre parler de
l'existence de Dieu.
Voici maintenant un
déiste, et voici un livre qui prétend être une révélation de Dieu. Beaucoup
d'hommes excellents l'ont admis comme tel. Les preuves à l'appui sont telles
que les esprits les plus pénétrants et les plus droits ont été parfaitement
convaincus de la vérité de ce livre. Ces preuves, soit externes, soit internes,
sont d'un grand poids ; celui qui nierait, l'existence de ces preuves nous
obligerait à douter ou de la rectitude de son esprit ou de son honnêteté. Pour
dire le moins, il y a, en faveur de ce livre, assez d'évidence pour faire
douter de la thèse déiste qui en fait une fable ou une imposture. En être
arrivé à ce doute n'est encore que bien peu de chose, mais cela nous suffit
comme point de départ. A partir de là, que fera-t-on ? A-t-on le droit de
rejeter le livre ?
Aucun déiste n'osera
prétendre qu'il est si parfaitement persuadé en son esprit, qu'aucun doute
n'existe pour lui. Tout ce qu'il pourra faire, sera de soulever des difficultés
et des doutes quant à l'affirmation contraire. Son devoir est donc de s'arrêter
et de cesser toute opposition à
De même pour
l'unitaire. Etant admis, ce qui n'est nullement vrai, que la divinité de
Jésus-Christ ne soit pas proclamée dans
Aucun homme
intelligent et honnête ne peut dire que les Ecritures ne présentent aucune
preuve de la divinité de Jésus-Christ. Elles présentent au contraire des
preuves qui ont convaincu et pleinement satisfait des milliers d'esprits des
plus pénétrants, esprits précédemment opposés à cette doctrine de la divinité
du Sauveur. Personne ne peut rejeter cette doctrine sans avoir de doute, parce
qu'il y a ici de fortes raisons de penser qu'elle peut être vraie. Et si elle
peut être vraie, celui qui la rejette, la rejette à ses risques et périls.
Voyez enfin
l'universaliste. Qui peut dire qu'il croit, sans avoir aucun doute, qu'il n'y a
point d'enfer où les pécheurs vont après la mort dans les tourments éternels ?
Celui qui a quelque doute à ce sujet est tenu de s'arrêter, de faire des
recherches, de sonder les Ecritures. Il ne lui suffit pas de dire qu'il ne
croit pas à l'enfer. Il se peut qu'il y en ait un, et s'il ne veut point
l'admettre et qu'il continue à vivre en ne se souciant pas de connaître la
vérité à cet égard, il se constitue ainsi rebelle envers Dieu. Il n'a pas
la certitude. qu'il n'y ait point d'enfer à éviter et cependant il agit comme
s'il avait cette certitude. Il est condamné. J'ai connu un médecin qui était
universaliste et qui est allé dans l'éternité éprouver la valeur de ses
spéculations. Ce médecin me dit un jour qu'il avait beaucoup de doutes sur la
vérité de l'universalisme et qu'il avait exprimé ses doutes à un ministre
universaliste qui, lui aussi, lui avait confessé ses doutes sur le même sujet.
Ce Ministre ne pensait pas qu'il y eût un universaliste au monde qui n'eût pas
les mêmes doutes.
2. Si un homme
fait une chose en doutant de sa légitimité, il montre qu'il est égoïste, et
qu'il a d'autres objets en vue que de faire la volonté de Dieu.
Il est évident qu'en faisant
cette chose, c'est sa propre satisfaction qu'il cherche. Il doute que Dieu
l'approuve et il la fait quand même. N'est-ce pas être un rebelle ? Quand il
est ainsi dans le doute, s'il désirait sincèrement servir Dieu, il
s'arrêterait, il ferait des recherches, il examinerait jusqu'à ce qu'il fût
pleinement persuadé. Mais, passer outre tout en étant dans le doute, montre
qu'il est égoïste et méchant, et qu'il a la volonté de faire la chose qu'elle
plaise à Dieu ou qu'elle ne lui plaise pas, qu'elle soit juste ou qu'elle soit
injuste. Il agit donc non parce que la chose est bonne, mais parce qu'il lui
plaît d'agir ainsi.
3. Se conduire de
la sorte, c'est accuser la bonté de Dieu.
C'est admettre en
effet que Dieu n'a pas manifesté sa volonté assez clairement pour que chacun
puisse connaître son devoir quand il le veut. C'est dire implicitement que le
sentier du devoir a été laissé dans une telle obscurité que l'on est obligé de
marcher à l'aventure.
4. Cela
dénote de la paresse et de la stupidité.
Celui qui se conduit
ainsi montre qu'il aime mieux agir mal que de prendre la peine et le soin
nécessaires pour apprendre à connaître le sentier du devoir. Il montre qu'il
est ou négligent ou malhonnête dans ses recherches.
5. Cela montre un
esprit insouciant.
C'est la preuve, en
effet, d'un manque de conscience ; cela dénote de l'indifférence pour le droit
et la justice ; cela montre une disposition à mettre de côté l'autorité de
Dieu, ne point faire sa volonté et à ne point se soucier de savoir ce qui
lui plaît et ce qui ne lui plan pas ; c'est la preuve d'une profonde
insouciance et d'un caractère léger. C'est une véritable perversité.
Ce principe qui est
si nettement posé dans notre texte et dans son contexte, ainsi que dans le
chapitre des Corinthiens que j'ai lu, ce principe si clairement exprimé est
donc pleinement confirmé par l'examen. Il établit que quiconque fait une chose
tout en doutant de sa légitimité, pèche, attire sur lui la condamnation. de
Dieu, et doit, ou se repentir ou être condamné.
II.
Je dois maintenant
montrer l'application de ce principe à différents cas particuliers.
Premièrement je mentionnerai
quelques cas où un chrétien peut réellement être dans le doute, la légitimité
de l'abstention étant à ses yeux tout aussi incertaine que celle de l'action.
Prenons le sujet du
vin dans
Depuis que les
promoteurs de l'oeuvre de la tempérance ont soulevé la question de l'usage du
vin et que l'on a reconnu la difficulté qu'il y a en ce pays d'avoir des vins autres
que des vins très fortement alcooliques; la légitimité de l'emploi du vin dans
Je n'ai pas
l'intention de discuter cette question de l'usage du vin dans la communion, ce
n'est point ici le lieu ; je ne vous l'ai présentée que comme exemple, mais
maintenant qu'elle est devant vous, je ferai deux ou trois remarques.
1. Je n'ai jamais
craint que l'usage du vin ordinaire dans la communion fît autant de mal que
quelques-uns le craignent. Je n'ai jamais été alarmé à la pensée du danger ou
du mal qu'il pourrait y avoir à prendre quelques gouttes de vin, environ une
cuillerée à café, une fois par mois ou une fois tous les deux ou trois mois. Je
ne crois pas que la maladie de l'intempérance (car l'intempérance, vous le
savez, est en réalité une maladie du corps ) puisse être ni engendrée, ni
perpétuée par une cause aussi insignifiante. Je ne crois pas non plus qu'il y
ait là de quoi porter atteinte à la cause de la tempérance, autant que
quelques-uns l'ont supposé. Je crois par conséquent que si l'on use ici du vin
ainsi que nous avons été accoutumés à le faire, et que l'on soit pleinement
persuadé en son esprit, l'on ne pèche point.
2. D'un autre côté, je
ne pense pas que l'usage du vin soit essentiel dans l'ordonnance du Seigneur.
Sur ce sujet, l'on a dit et écrit beaucoup de choses, de sorte que le conseil
du Seigneur a été obscurci par des paroles sans connaissance. Il y a des
raisons qui sont pour moi plus fortes que toutes celles que j'ai entendu donner
et qui me. conduisent à croire que le vin ne fait pas nécessairement partie de
l'ordonnance du Seigneur. On a pris beaucoup de peine pour établir que notre
Sauveur s'était servi de vin non fermenté quand il institua
Pour résoudre cette
question du vin, il faudrait se demander quel est le sens de l'institution de
Il se proposait de
prendre les deux substances qui contribuent le plus à l'alimentation de
l'homme, nourriture et breuvage, et de s'en servir pour exprimer la vertu aussi
bien que la nécessité de l'expiation.
Il est évident que
Jésus-Christ avait cette pensée, car elle correspond à ce qu'il dit: «Ma chair
est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage.»
De même, dans le temple, il s'écriait : « Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à
moi et qu'il boive. »
Il est appelé le
«pain de vie». Ces images n'ont d'autre but que celui d'exprimer la valeur des
souffrances de Christ. Pourquoi Christ prend-il ici le pain plutôt que tout
autre aliment? Ceux qui connaissent l'histoire et les usages du Pays où il
vivait comprendront qu'il choisit l'aliment dont l'usage était le plus commun.
Quand j'étais à Malte, le pain semblait être l'unique nourriture d'une grande
partie du peuple ; les gens se rendaient en foule au marché, achetaient un
morceau de grossier pain et le mangeaient sur place. Ainsi, Christ choisit pour
représenter sa chair, le plus commun, le plus universel des aliments.
Maintenant pourquoi choisit-il le vin? Par la même raison. Dans toutes ces
contrées, le vin est la boisson commune du peuple, surtout aux repas. Il coûte
là environ un sou la bouteille ; moins que la petite bière ne coûte ici. En
Sicile, on me dit que le vin coûtait cinq sous le gallon et je ne sais pas s'il
n'était pas aussi bon marché que l'eau. Et vous observerez que la cène fut
prise, la première fois, à la fin du repas pascal, moment où les Juifs usaient
toujours de vin. La pensée du Seigneur dans l'institution de
J'estime donc que si
quelqu'un est « pleinement persuadé en son esprit, » il ne pèche point en
abandonnant l'usage du vin. Qu'une église agisse avec pleine persuasion et je
n'aurai aucun scrupule à suivre avec elle l'une ou l'autre voie, soit qu'elle
veuille substituer au vin quelque boisson saine et d'un commun usage, soit
qu'elle veuille suivre l'ancienne manière de faire. Mais ne perdez pas de vue
le grand principe que nous examinons. Si un homme doute sincèrement, qu'il soit
légitime de faire une chose et qu'il doute également qu'il soit légitime de ne
point la faire, il doit prier à ce sujet, sonder les Ecritures, s'éclairer de
son mieux, et agir ensuite selon ses lumières. Agissant ainsi, il ne doit ni
être jugé, ni être blâmé par ses frères : « Qui es-tu toi qui juges le
serviteur d'autrui ? » Personne n'est autorisé à faire de sa propre conscience
la règle de la conduite de son voisin.
Un cas semblable est
celui où un ministre est dans la nécessité d'aller prêcher au loin, le
dimanche; comme c'est le cas lorsqu'il a deux églises. S'il voyage, il peut
paraître n'avoir point égard au jour du repos; et s'il ne voyage pas, une
de ses églises sera privée de sa prédication. Il peut douter sincèrement de son
devoir. Ce qu'il doit taire, c'est d'en faire un sujet de prières, de sonder
les Ecritures, de s'éclairer le mieux possible, examinant la chose à fond, puis
d'agir en conséquence.
Il en est de même
pour un directeur d'école du dimanche qui est obligé de voyager le dimanche
pour se rendre à son école, sans quoi les enfants n'auraient pas d'école. Il
peut être sincèrement dans le doute quant à son devoir : ou rester dans sa
propre église le dimanche, ou faire un voyage de cinq, huit ou dix milles pour
aller tenir son école dans quelque localité dénuée de ressources spirituelles.
Que cet homme s'éclaire de son mieux et juge lui-même du parti qu'il doit
prendre ; et qu'aucun homme ne se lève pour le juger, lui, humble et
consciencieux serviteur de Jésus-Christ !
Vous le voyez, il est
bien entendu et il est évident que, dans tous ces cas, le but est d'honorer
Dieu, et que le doute ne porte que sur la voie à suivre pour l'honorer
réellement. Paul dit à ce sujet : « Celui qui distingue entre les jours agit
ainsi pour le Seigneur ; et celui qui ne distingue pas entre les jours agit
aussi pour le Seigneur. » Le but est de bien faire, le doute ne peut porter que
sur le moyen.
Secondement, je mentionnerai
quelques cas où le but est mauvais, c'est-à-dire où il n'est autre que la
satisfaction d'un désir personnel et où l'on doute s'il est permis ou non de
s'accorder cette satisfaction. Je mentionnerai plusieurs choses sur lesquelles
on diffère d'opinion, et de la légitimité desquelles, pour dire le moins, on ne
peut s'empêcher de douter.
1. Telle est, par
exemple, la fabrication ou la vente des liqueurs.
Après tout ce qui a
été dit sur ce sujet et toute la lumière dont il a été éclairé, y a-t-il un
homme, en ce pays, qui puisse dire qu'il n'a aucune raison de douter de la
légitimité de ce genre d'affaires ? Le moins que l'on puisse dire, c'est
qu'aucun homme droit ne peut faire autrement que d'en douter ; nous croyons
même qu'il n'y a pas d'honnête homme qui ne reconnaisse que ces affaires-là
sont illégitimes et criminelles. Mais faisons la supposition la plus charitable
que l'on puisse faire à l'égard du distillateur et du vendeur ; supposons
qu'ils ne soient pas entièrement convaincus du caractère illégitime de leur commerce.
Ils doivent au moins douter qu'il ne soit légitime. Que doivent-ils faire alors
? doivent-ils fermer les yeux à la lumière, et continuer leur chemin
insouciants de la vérité, aussi longtemps du moins qu'ils ne sont pas forcés de
la regarder en face ? Non ! Ils peuvent contester et élever autant d'objections
qu'il leur plaira, toujours est-il qu'ils savent qu'ils ont des doutes au sujet
de la légitimité de leurs affaires ; si, après cela ils les continuent,
sans prendre la peine d'examiner et de voir ce qui est bien, ils peuvent être
précisément aussi certains d'être condamnés que s'ils péchaient avec pleine
connaissance de cause. Vous entendrez cependant ces hommes dire : « Mais je ne
suis pas entièrement convaincu que
2. J'appliquerai
la même règle à la violation du jour du repos.
Comme c'est le cas,
par exemple, pour les employés de-la poste, pour ceux des péages, des octrois,
des bateaux à vapeur, des chemins de fer, et pour quiconque est employé-le
dimanche à toute oeuvre qui n'est pas absolument nécessaire. Il y aura toujours
des oeuvres qui devront être faites ce jour-là : telles sont les oeuvres de
miséricorde et les oeuvres d'absolue nécessité. Mais lorsqu'il s'agit d'un
travail qui n'a pas ce caractère, le moins qu'on puisse dire au sujet de ceux
qui s'y livrent, c'est qu'a leurs yeux la légitimité de ce travail du dimanche
est douteuse. Or c'est assez pour les condamner.
3. Je tiens pour
blâmables, d'après le mène principe, les loteries, jeux à la bourse, etc.
(1)
(1) Nous omettons ici
quelques détails sur le placement des capitaux et sur l'usage de différentes
boissons, détails inutiles pour nos lecteurs. (Trad.)
4. Même
objection relativement à l'usage du tabac.
Y a-t-il un homme qui
puisse prétendre qu'il n'a aucun doute que son habitude de fumer ne soit
agréable à Dieu? D'autre part, personne ne doute qu'il soit parfaitement
légitime de ne pas fumer. Or, le fumeur qui doute de la légitimité de son
habitude, et qui la garde, est condamné.
5. Appliquons ce
principe à divers amusements.
(1.) Le théâtre. Il y
a beaucoup de gens qui font profession d'être chrétiens et qui vont au théâtre.
Ils prétendent que
(2.) Parties de
plaisir où l'on mange et boit à l'excès. N'y aucune raison de douter que ce
soit bien là l'usage que Dieu veut qu'on fasse de son temps et de son argent ?
Considérez les pauvres qui souffrent de la faim et rendez-vous compte de
l'effet que produisent votre gaîté et vos extravagances, puis voyez si vous
pourrez jamais retourner à de tels
amusements sans avoir
de doutes sur leur légitimité. Où trouverez-vous un homme ou une femme qui,
dans ce cas, irait jusqu'à dire qu'il n'a aucun doute ? Y a-t-il ici un seul
homme droit qui le pourrait ? Or, si vous avez de tels doutes et que vous
persistiez néanmoins à prendre part à de telles parties de plaisir, vous êtes
condamné.
Vous voyez que ce
principe touche à toute une catégorie de questions controversées ayant trait à
des actions que l'on a coutume d'excuser en disant qu'elles ne sont pas plus.
mauvaises que d'autres.
(3.) J'en dirais
autant des bals, de la lecture des romans et de tant d'autres choses où l'on a
coutume de perdre son temps. Est-ce de cette façon-là que Dieu vous appelle à
dépenser votre vie? Pouvez-vous dire que vous n'avez aucun doute à cet
égard?
(4.) Visites
faites le dimanche. On veut faire une visite ce jour-là et l'on se justifie en
disant : « Je ne sais pas si cela est bien, mais je m'en vais toujours le
tenter. » Qu'en elle-même cette visite soit bonne ou mauvaise, celui qui parle
ainsi est, au fond de son coeur, un violateur du dimanche, car il agit malgré
ses doutes.
(5.) Se
conformer aux coutumes mondaines du jour de l'an (1). Ce jour-là les dames
restent à la maison et les messieurs courent toute la ville pour leur rendre
visite. Les dames font leurs grands préparatifs ; elles reçoivent leurs
visiteurs avec gâteaux, vins, punch, etc., assez pour les empoisonner presque
complètement ; et tous ensemble s’inclinent jusqu'en terre devant la déesse de
la fashion. Y a-t-il ici une dame qui ne concevrait aucun doute sur la
légitimité de tout ceci ? On peut démontrer que c'est mauvais, mais je me borne
à poser cette question aux dames de cette ville : n'est-il pas DOUTEUX que cela
soit bien ? L'on pourrait avoir des craintes au sujet de l'état mental de tout
homme ou de toute femme qui ne concevrait aucun doute sur la légitimité d'une
telle coutume, au milieu d'une intempérance pareille à celle qui règne en cette
ville. Qui parmi. vous. pratiquera encore de telles choses ? -Pratiquez-les, si
vous l'osez, — au péril de votre âme ! Si vous faites ce qui est simplement
douteux, Dieu réprouve et condamne ; et SA voix doit être respectée.
Je sais que l'on
cherche à excuser la coutume dont je viens de parler en disant qu'il est bon
d'avoir un jour exprès pour de telles visites, un jour où les dames sont à la
maison et oit les messieurs sont libres de toute affaire ; et que tout cela est
très bien. Mais quand on voit tous les abus et tout le mal dont ces visites
sont l'occasion, je le demande à chacun ici, un chrétien peut-il se défendre
d'avoir quelque doute sur la légitimité d'une pareille coutume ? Et si
cette coutume est d'une légitimité douteuse, elle tombe sous la règle : « Il
est bien de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin, et de s'abstenir
de ce qui peut être pour ton frère Une occasion de chute, de scandale ou de
faiblesse. »
(1) Ces paroles
étaient prononcées le soir même du jour de l'an. (Trad.)
(6.) Suivre
toujours la dernière mode, la mode du jour, la fashion extravagante. Dames
chrétiennes, n'avez-vous jamais douté, ne doutez-vous point maintenant qu'il
soit bien de copier ces modes venues de lieux que l'on n'oserait pas seulement
nommer dans une assemblée comme celle-ci ? N'avez-vous vraiment aucun doute à
cet égard ? Si vous en avez et que vous persistiez dans votre manière de vous
vêtir, vous péchez; vous devez vous repentir de votre péché ou subir la
condamnation.
(7.) Mariages
entre chrétiens et pécheurs inconvertis.
Voici la réponse
qu'on nous fait toujours : « Après tout, vous savez, il n'est pas certain que
ces mariages ne soient pas permis. » Supposons qu'il en soit ainsi,
Voyez ce chrétien,
homme ou femme, qui est sur le point de s'unir avec un inconverti ; il doute
continuellement que •ce soit là le chemin que Dieu l'appelle à suivre ; il
essaie de prier contre sa conscience sous prétexte de prier pour être éclairé ;
il prie tournant tout autour de son devoir ; et cependant il continue à marcher
dans la voie a prise. PRENEZ GARDE ! Vous savez que vous avez des doutes
au sujet de la légitimité de la voie que vous suivez ; souvenez-vous « que
celui qui doute est condamné. »
Vous voyez, mes chers
auditeurs, qu'il y a ici un principe qui viendra à votre aide quand vous
reprendrez le péché, et que l'on essayera de vous réduire au silence ou de vous
embarrasser en vous demandant des preuves absolument probantes de l'iniquité de
certaines pratiques auxquelles l'on ne veut point renoncer. Rappelez-vous alors
que vous n'êtes point tenus de prouver jusqu'à évidence entière l'illégitimité
de ces pratiques. Si vous pouvez indiquer des raisons suffisantes pour douter
de leur légitimité, si vous pouvez ainsi faire naître des doutes sérieux sur
leur accord avec la volonté de Dieu, vous rejetez sur la partie adverse cette
obligation de donner des preuves dont on voulait vous charger. Et, à moins que
l'on ne puisse dissiper ces doutes et établir avec certitude la légitimité de
la pratique contestée, l'on n'a aucun droit d'y persister ; si on le fait, on
pèche contre Dieu.
REMARQUES
1. La connaissance du
devoir n'est pas indispensable. pour que nous soyons responsables, il suffit que
les moyens d'arriver à cette connaissance soient à notre disposition.
Si quelqu'un a les
moyens de connaître si ce qu'il veut faire est bien ou mal, il est tenu d'user
de ces moyens ; il est tenu de faire des recherches à ses risques et périls et
d'arriver à la certitude quant à la conduite qu'il doit tenir.
2. Si ceux-là sont
condamnés qui font des choses de la légitimité desquelles ils doutent, que dire
de la multitude de ceux qui font continuellement ce qu'ils savent et confessent
être mal ?
Malheur à celui qui
pratique ce qu'il condamne. « Heureux celui qui ne se condamne pas lui-même
dans le parti qu'il adopte ! »
3. Les hypocrites
essaient souvent de se retrancher derrière leurs doutes pour se soustraire à
leur devoir.
L'hypocrite ne tient
pas à s'éclairer, il ne désire pas connaître la vérité, parce qu'il ne désire
pas obéir au Seigneur ; c'est pour cela qu'il se retranche derrière ses doutes,
détourne ses yeux de la lumière et ne veut point examiner ni faire des
recherches pour voir quel est son devoir ; c'est ainsi qu'il cherche à se
débarrasser de toute responsabilité; mais Dieu l'arrache de ses cachettes de
mensonge par le principe qu'expose notre texte : il doute, ses doutes le
condamnent
L'on ne veut point
être éclairé au sujet de la tempérance et l'on persiste à boire ou à vendre de
l'absinthe, sous prétexte que l'on n'est pas pleinement convaincu que cela soit
mal. On ne veut lire ni traité, ni journaux combattant ces pratiques, on ne
veut assister à aucune réunion de tempérance, de peur d'être convaincu.
Cela montre que l'on est décidé à excuser le péché et que l'on espère
pouvoir cacher sa perversité derrière son doute. Quelle démonstration plus
complète pourrait-on donner de son hypocrisie?
Quel est l'homme,
dans tous les Etats-Unis, qui pourrait dire qu'il n'a aucun doute sur la
légitimité de l'esclavage? (1) Cependant la grande majorité de la nation ne
veut rien entendre sur ce sujet ; il suffit de le nommer pour que l'on
s'emporte aussitôt ; et l'on a même proposé sérieusement, dans le nord et dans
le sud, d'édicter des lois défendant de l'examiner et de le discuter. Supposons
maintenant qu'elles passent, ces lois qui ont pour but de permettre à la nation
de se retrancher derrière ses doutes. Qu'y gagnera-t-on ?
Si nos compatriotes
continuent à faire de leur prochain leur propriété, le tenant dans l'esclavage,
tout en doutant que
cela soit juste, ils
sont condamnés devant Dieu; et nous. pouvons être sûrs que leur péché les
trouvera et que Dieu leur montrera de quel oeil il regarde leur conduite. Il
est étonnant de voir la folie des gens à cet égard ; ils pensent donc qu'en
refusant de se débarrasser de leurs doutes, ils se débarrassent de leur péché !
Pensez un peu : dans le sud, des chrétiens et même des ministres refusant de
lire un écrit concernant la question de l'esclavage et le renvoyant avec
insultes et menaces! — Des menaces! et pourquoi? Parce qu'on a osé les
entretenir de leur devoir.
On peut démontrer
absolument que l'esclavage est inique, qu'il faut s'en repentir, et l'abandonner
comme tout autre. péché; mais supposons que tout ce qu'on puisse dire de ceux
qui le soutiennent, c'est qu'ils doutent de sa légitimité et qu'ils n'entendent
point être éclairés ; cela suffit ; ils sont condamnés devant Dieu. Il ne
pourront jamais sortir de là. Aussi longtemps qu'ils douteront s'il est juste
ou non de tenir son prochain dans l'esclavage, ils ne pourront avoir des
esclaves sans pécher ; et qu'ils aient des doutes sur la légitimité de
l'esclavage, c'est ce que démontre leur refus d'examiner la question.
Nous pouvons supposer
ce cas-ci, — et peut-être qu'il se rencontre dans le sud; — un homme
doute de la légitimité de l'esclavage et doute également de la légitimité
de l'émancipation des esclaves en leur présent état d'ignorance et de dépendance.
C'est le cas prévu par la règle d'Edwards. Le devoir sera, pour un tel homme,
non pas de se mettre en colère contre ceux qui attireront son attention sur ce
sujet, ni de renvoyer, sans les lire, les écrits qu'on pourra lui faire.
parvenir; mais au contraire de chercher à s'éclairer, examinant la question
loyalement à la lumière de
(1) Ces paroles
étaient prononcées en 1836. (Trad.)
4. Il est manifeste
qu'il n'y a que très peu de conscience, dans l'église.
Qu'ils sont nombreux
en effet ceux qui persistent à faire une chose sans cependant être certains
qu'elle soit bonne!
5. Il y a encore
moins d'amour pour Dieu que de conscience. Vous ne pouvez pas prétendre que
l'amour pour Dieu soit le mobile qui vous pousse à suivre les modes du jour, à
vous livrer à des plaisirs, à des amusements et à tant d'autres choses de la
légitimité desquelles vous doutez. Vous ne persistez pas dans toutes ces choses
parce que vous aimez Dieu. Non, non, vous y persistez parce que vous y trouvez.
votre agrément, votre convenance ; et vous préférez courir le risque de faire
mal plutôt que de voir vos doutes dissipés : tout cela vient de ce que vous
avez si peu d'amour pour Dieu, et de ce que vous prenez si peu de souci de sa
gloire.
6. Ne dites pas dans
vos prières : « O Seigneur, si j'ai péché en cette chose, pardonne-moi. »
Si vous avez fait la
chose en doutant qu'elle fût bien, vous avez péché ; que la chose en elle-même
soit bonne ou qu'elle soit mauvaise. Dans un cas comme dans l'autre, vous devez
vous repentir et demander pardon.
Et maintenant,
laissez-moi vous le demander, à vous tous qui êtes ici présents : êtes-vous
convaincus que faire une chose dont la légitimité vous parait douteuse, soit un
péché ? Si vous l'êtes, je n'ai plus qu'une question à vous faire. Êtes-vous
décidés à abandonner dès ce moment-ci toute chose dont la légitimité ne vous
paraît pas certaine, tout amusement, toute complaisance pour vous-même,
toute pratique, toute occupation, qui seraient dans ce cas ? Voulez-vous le
faire ? ou préférez-vous être condamné au dernier jour devant le tribunal de
Christ, on nous devons tous comparaître ? — Si vous ne voulez pas délaisser ces
choses douteuses, vous montrez que vous êtes un pécheur impénitent qui n'a
point l'intention d'obéir à Dieu ; et si vous ne vous repentez pas, vous
attirez sur votre tète la condamnation et la colère de Dieu pour l'éternité.
« Tu reprendras soigneusement
ton prochain, et tu ne souffriras point de péché en lui. » Lev. XIX :17.
Voici le verset
entier, traduit exactement : « Tu ne haïras point ton frère dans ton coeur. Tu
reprendras soigneusement ton prochain, et tu ne porteras pas de péché à cause
de lui. »
La pensée est donc :
si tu ne reprends pas soigneusement le pécheur, tu deviens son complice; mais
si tu le reprends soigneusement, comme je te le recommande, tu n'es point son
complice, tu ne participes pas à son péché, « et tu ne porteras pas de péché à
cause de lui. »
En vous parlant de ce
commandement de Dieu, je me propose :
I. De vous en montrer
les motifs;
II. De vous montrer à
qui il s'adresse;
III. De mentionner
quelques exceptions que Dieu a faites à son accomplissement ;
IV. De vous montrer
la manière de l'accomplir ;
V. De vous présenter
quelques cas particuliers où il doit être accompli;
VI. D'examiner
quelques difficultés qu'on élève parfois contre son accomplissement.
I.
Les raisons du
commandement que Dieu nous donne ici.
1. L'amour
pour Dieu en exige évidemment l'exécution.
Si vous aimez
réellement Dieu, vous vous sentirez tenus de reprendre ceux qui le haïssent,
qui l'outragent et qui violent ses commandements. Si j'aime le gouvernement de
ce pays, ne reprendrai-je pas celui qui insultera et outragera ce gouvernement
? Si un enfant aime ses parents, n'en résultera-t-il pas tout
naturellement qu'il reprendra celui qui parlera mal d'eux en sa présence ?
2. L'amour
pour cet univers que Dieu a créé en demande autant.
Si un homme, aime la
création de Dieu, s'il est animé d'une bienveillance universelle, il comprend
parfaitement que le péché est incompatible avec le plus grand bien de
l'univers, qu'il tend directement à en renverser l'ordre et à en détruire le
bonheur ; qu'il est fait pour le gâter, le ruiner, et qu'il ne manquerait pas
de le faire, s'il n'était rendu impuissant. Lors donc qu'un tel homme voit le
péché à l'oeuvre, sa bienveillance le conduit à le reprendre et à le combattre.
3. L'amour
pour la société dans laquelle vous vivez est une autre raison.
Ce n'est pas
seulement l'amour pour l'univers en général, c'est l'amour pour la société
particulière, quelle qu'elle soit, dont vous êtes membre, qui doit vous pousser
à reprendre le péché. Le péché est l'opprobre d'un peuple; et celui qui pèche,
quel qu'il soit, produit un état de la société qui est nuisible à tout ce qui
est bon ; son exemple tend à corrompre la société, à détruire sa paix, à
introduire le désordre et la ruine, et c'est le devoir de quiconque aime son
peuple de résister au péché et de le réprimander.
4. L'amour
pour le prochain doit vous conduire ça la même conclusion
Le prochain est ici
quiconque pèche dans le milieu où s'étend votre influence ; non seulement en votre
présence, mais encore dans votre voisinage, ou dans votre nation, ou dans le
reste du monde, partout où votre influence peut s'exercer. Si votre prochain
pèche, il se fait du tort à lui-même, si donc vous l'aimez vous devez reprendre
son péché. L'amour pour celui qui tombe dans l'intempérance doit nous conduire
à l'avertir des conséquences de sa conduite. Supposez que nous voyions notre
prochain exposé à quelque grand péril extérieur, par exemple que le feu soit à
sa maison. Un véritable amour nous poussera à l'avertir et à ne pas le laisser
périr dans les flammes. S'il arrivait qu'il demeurât, volontairement au milieu
du péril, nous n'épargnerions aucun effort pour le sauver de sa propre folié et
nous ne souffririons pas qu'il se détruisit lui-même, pour peu qu'il nous fût
possible de l'en empêcher. Beaucoup plus encore devons-nous l'avertir des
conséquences du péché, le reprendre et nous efforcer de l'amener à la
repentance avant qu'il soit trop tard.
5. Il serait
cruel d'agir autrement.
Si vous voyez votre
voisin pécher et que vous passiez outre, négligeant de le reprendre, c'est tout
aussi cruel que si vous voyiez sa maison en feu et que vous passiez votre
chemin sans l'en avertir, Pourquoi ne l'avertiriez-vous pas ? S'il est dans la
maison et que la maison brille, il perdra la vie ; s'il pèche et qu'il reste
dans son péché, il ira en enfer ; ne serait-ce pas cruel que de le laisser,
aller en enfer sans l'avertir ? Il y a des gens qui semblent penser que ce
n'est pas cruel de laisser son prochain marcher dans le péché jusqu'à ce que la
colère de Dieu éclate sur lui ; leurs sentiments sont si tendres qu'ils
craignent de le blesser en lui parlant de son péché et du danger qu'il court.
Certainement, « les tendres compassions du méchant sont cruelles. » Au lieu
d'avertir son prochain des conséquences du péché, il l'encourage à persévérer
dans sa mauvaise voie.
6. Refuser de
reprendre son prochain quand il pèche, c'est se révolter contre Dieu.
Voir la rébellion et
ne point la blâmer, ni s'y opposer, c'est être soi-même rebelle ; les lois
humaines elles-mêmes le considèrent ainsi. Si quelqu'un a connaissance d'un
complot de trahison et qu'il ne le dévoile point, ou n'entreprenne point de le
mettre à néant, il sera tenu pour complice et condamné comme tel par la loi. De
même si quelqu'un voit la révolte contre Dieu s'organiser et qu'il ne s'y
oppose point et ne fasse aucun effort pour la supprimer, il est lui-même un
révolté.
7. Si vous ne
reprenez pas votre prochain quand il pèche,vous êtes responsable de sa mort.
Dieu nous tient
responsables de la mort de ceux que nous laissons marcher dans le péché sans
les reprendre ; et cela est juste, Dieu doit agir ainsi. Si nous les voyons
pécher et que nous ne fassions pas d'opposition, ne leur adressant aucune réprimande,
nous consentons à leur péché et nous les encourageons à le commettre. Si vous
voyez un homme se préparer à tuer son prochain et que vous restiez tranquille,
ne faisant rien pour l'en empêcher, vous consentez au crime et vous en êtes
responsable comme complice ; aux yeux de Dieu et d'après les lois humaines vous
êtes coupable exactement comme le meurtrier. Le sang du meurtrier sera sur sa
propre tête, mais de quelle main Dieu le redemandera-t-il ? Que dit Dieu à
celui qu'il a établi comme sentinelle ? « Fils de l'homme, je t'établis comme
sentinelle sur la maison d'Israël. Tu écouteras la parole qui sortira de ma
bouche, et tu les avertiras de ma part. Quand je dirai au méchant : Tu mourras,
si tu ne l'avertis pas, si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa
mauvaise voie et pour lui sauver la vie, ce méchant mourra dans son iniquité,
et je redemanderai son sang de ta Main (Eze III:17,18.) »: Ceci s'applique à
tous les hommes, et non pas .seulement ceux qui sont réputés avoir charge
d'âmes. Si vous souffrez que votre prochain, quand il peut être atteint par
votre influence, marche dans le péché sans être averti, il mourra .dans son
iniquité, mais son sang sera redemandé de votre main.
8. Votre
silence l'encourage à pécher.
Votre silence l'autorise
à penser que vous approuvez son péché, ou tout au moins, que vous ne vous en
mettez point en peine. Il pensera cela d'autant plus, s'il sait que vous faites
profession de christianisme. Comme le dit une maxime bien connue : « qui ne dit
rien, consent. » Les pécheurs regardent votre silence comme une sanction
implicite de leur conduite.
9. En
reprenant votre prochain lorsqu'il pèche, vous pouvez le sauver.
Combien de gens ont été
réformés par une répréhension venant à propos! La plupart de ceux qui sont
sauvés l'ont été par quelqu'un qui les a repris à cause de leur péché et qui
les a pressés de se repentir. Vous pouvez être. l'instrument par lequel un
homme sera sauvé éternellement, si vous lui parlez, si vous le reprenez et si
vous priez pour lui comme vous le devez. Dans combien de circonstances une
simple répréhension n'a-t-elle pas été pour le transgresseur comme la flèche
empoisonnée qui demeure dans la plaie et qui brûle jusqu'à ce que le feu ait
envahi tout le corps, de sorte qu'enfin le pécheur n'a pu que se soumettre à
Dieu! J'ai connu des cas où un regard de réprobation a suffi pour accomplir
l'oeuvre.
10. Si vous ne
sauvez pas celui que vous reprenez, votre répréhension peut sauver quelque
autre personne qui en aurait connaissance.
Il est arrivé souvent
que le transgressent n'a pas été corrigé, mais que d'autres ont été détournés
de suivre son exemple par la répréhension qui lui avait été adressée. Sans
contredit, si tous les chrétiens de profession étaient fidèles au devoir
d'exercer la répréhension, les pécheurs craindraient souvent d'encourir
leur blâme et cette crainte les arrêterait dans leur mauvaise conduite. Des
multitudes de gens qui poursuivent leur mauvaise voie sans honte et sans
crainte s'arrêteraient alors, réfléchiraient, s'amenderaient, et seraient
sauvés. Cette raison d'être fidèle étant mise sous vos yeux, pourriez-vous
encore laisser les pécheurs sans avertissement, et les voir ainsi se précipiter
vers l'enfer?
11. Dieu requiert
expressément que vous repreniez votre prochain.
L'expression de notre
texte, dans l'original, est extrêmement, forte. Le mot qui signifie tu
reprendras est répété, répétition qui, en hébreu, redouble la force du terme et
par conséquent celle de la pensée; cette répétition est destinée à ne pas
laisser dans l'esprit la moindre incertitude relativement au devoir
imposé à chacun de reprendre son prochain quand il pèche ; de façon à ce que
celui qui manquerait à ce devoir ne pût trouver aucune excuse à sa conduite. Il
n'y a pas, dans toute
12. Si vous
observez le commandement de Dieu, vous garderez une conscience sans reproche à
l'égard de votre prochain, quelle que soit sa fin.
Vous ne pouvez pas
avoir cette conscience sans reproche si vous n'êtes pas fidèle quant au devoir
de reprendre le péché. En effet, ce n'est point vivre consciencieusement envers
Dieu et envers les hommes, que de négliger de 'reprendre les transgresseurs qui
sont sous votre influence. Nous rencontrons ici une des principales raisons
pour lesquelles il y a si peu de conscience dans l'église. En effet, s'il est
un point où les chrétiens de profession aient l'habitude de résister à leur
conscience, c'est bien le devoir de reprendre le péché. Nous avons ici un des
commandements les plus positifs de
13. A moins que
vous ne repreniez les hommes au sujet de leur péché, vous n'êtes pas prêts à
les rencontrer au Jugement dernier.
Etes-vous préparés à
rencontrer vos enfants au jour du Jugement, si vous ne les avez pas repris, ni
châtiés, ne veillant point sur leur caractère moral? — « Certainement non, » me
répondez-vous. — Et pourquoi? « Parce que, dites-vous, c'est là la tâche que
Dieu nous a assignée, c'est notre devoir, nous en sommes responsables devant
lui. » Très bien! Et cette personne qui pèche, là, sous vos yeux, ou dans le
cercle où s'étend votre influence, qui est en route pour l'enfer et que vous
n'avez jamais reprise, vous n'auriez aucune responsabilité à son égard! Oh!
combien de gens qui gémissent maintenant dans l'enfer et que vous avez vus
pécher sans les avertir! Leurs malédictions sont maintenant sur votre tête.
14. A moins que
vous n'exerciez la répréhension vous n'êtes point préparés à la rencontre de
votre Dieu.
Combien de gens qui
font profession d'aimer Dieu et qui cependant, de leur propre aveu, ne l'aiment
pas assez pour pouvoir dire qu'ils obéissent à son commandement! De telles gens
sont-ils préparés à la rencontre de Dieu? Quand il dit : « Tu reprendras
soigneusement ton prochain, » il n'admet aucune excuse.
II.
A qui le
commandement s'adresse.
Il s'adresse manifestement
à tout homme qui a un prochain. Il était adressé à tout le peuple d'Israël, et
à travers Israël, il est adressé à tous ceux qui sont sous le gouvernement de
Dieu, — à ceux qui sont haut placés et à ceux qui sont plus. bas, aux riches et
aux pauvres, aux vieux et aux jeunes, aux hommes et aux femmes, à tout
individu, quel qu'il soit, qui est sous le gouvernement de Dieu ou qui est tenu
d'obéir à ses commandements.
III.
Quelques exceptions à
observer dans l'exécution de ce commandement universel.
Celui qui fait la loi
a le droit d'établir des exceptions. Or, il y a quelques exceptions faites par
1. Dieu dit : «ne
reprends point le moqueur, de peur qu'il ne te haïsse. »
Il y a des gens qui
sont connus pour être des moqueurs, des gens qui méprisent toute religion, qui
haïssent Dieu, qui n’ont aucun respect pour sa loi et qui ne sont influencés ni
par crainte, ni par souci d'un Dieu quelconque. Pourquoi reprendriez-vous ces
gens-là? Cela ne ferait que provoquer une querelle, sans aucun profit pour qui
que ce soit. C'est pour cela que Dieu a fait une exception à la règle à l'égard
de cette classe de personnes.
2. Jésus-Christ
dit : « Ne jetez pas vos perles aux pourceaux de peur qu'ils ne les foulent aux
pieds et que se retournant ils ne vous déchirent. »
Quoi que ce passage
puisse signifier d'autre, il me paraît signifier ceci: les gens sont parfois
dans un tel état d'esprit que leur parler de religion serait à la fois
irrationnel et dangereux, comme de jeter ses perles aux pourceaux. Ils ont un
tel mépris pour la religion, un coeur si stupide, si sensuel, si profane, si
brutal, qu'ils fouleraient aux pieds toutes vos réprimandes et qu'ils se retourneraient
contre vous avec colère. Il est conforme à la loi de Dieu de laisser de telles.
gens poursuivre leur chemin; et ne vous point mêler avec eux sera plus sage que
de chercher à les attirer. Mais ici il faut user d'une grande charité pour ne
point regarder comme pourceaux ceux de vos semblables qui ne méritent pas
d'être regardés comme tels, et qui pourraient tirer profit d'une répréhension
convenable.
3. Ceux qui sont
pétrifiés dans leur propre justice, — vaut mieux les laisser de côté.
Jésus disait des
scribes et des pharisiens : « Laissez-les, ce sont des aveugles. » C'est à
dire: ils sont si remplis d'orgueil et de suffisance, si satisfaits de leur
haute sagesse et de leur bonté, qu'ils ne peuvent être atteints par aucune
répréhension ; il semble mieux de les laisser, car si vous vous mettez à les
reprendre, autant vaudrait prétendre émouvoir la pierre et le bois que de
songer à faire la moindre impression sur eux; ils vous feront baisser les yeux;
ils sont tellement remplis d'arguments, de disputes, de menaces et de
forfanterie, que vous ne gagnerez absolument rien.
IV.
La manière
d'exercer la répréhension.
1. Elle doit
toujours être faite au nom du Seigneur.
Il est important,
quand vous reprenez votre prochain, qu'il sente qu'il n'y a là aucune
controverse personnelle, aucune pensée égoïste de votre part, aucune idée de
prétendre à quelque supériorité, aucune tentative de prendre autorité sur lui;
mais que vous venez au nom du Seigneur, et pour l'honneur de Dieu, parce que sa
loi a été violée. Si, par votre manière de faire, vous produisez l'impression
qu'il y a là une controverse personnelle, ou que vous agissez par quelque motif
d'amour-propre, votre prochain s'élèvera invariablement contre vous; il vous
résistera, et peut-être retournera contre vous tout ce que vous lui aurez dit.
Mais si vous faites sur lui l'impression que vous venez au nom de Dieu et que
vous le transportiez d'emblée en la présence du Seigneur, comme un violateur de
sa loi, il trouvera extrêmement difficile de vous échapper sans confesser au
moins qu'il a tort.
2. La répréhension
doit toujours être faite avec une grande solennité.
Par dessus toutes
choses, n'allez pas lui faire penser qu'il s'agit là de quelque bagatelle; vous
devez lui faire sentir que vous le reprenez pour un péché contre Dieu, et que
c'est là pour vous une chose terrible.
3. Vous devez user
d'une sévérité plus ou moins grande selon la nature du cas et selon les
circonstances dans lesquelles le péché a été commis.
a). Il faut considérer
la relation qu'il y a entre vous et celui que vous devez reprendre.
Si un enfant doit
reprendre son père ou sa mère, qu'il le fasse d'une manière qui convienne à sa
position d'enfant. Si quelqu'un doit reprendre un magistrat ou un vieillard,
qu'il le fasse en « l'exhortant comme un père, » ainsi que le dit l'apôtre Paul
; sa manière d'exercer la répréhension devra être tout entière inspirée par cet
esprit filial. Il faut tenir compte de même des différentes relations qu'il y a
entre parents et enfants, entre maris et femmes, entre frères et soeurs; il
faut tenir compte aussi des différences d'âge et des diverses circonstances de
la vie de chacun. Il serait inconvenant que des serviteurs reprissent leurs
maîtres de la même manière qu'ils reprendraient leurs égaux. Ce point ne doit
jamais être oublié, car s'il l'est, tout le bon effet de la répréhension sera
perdu. Mais rappelez-vous ceci: NI RAPPORTS DE POSITION, NI CIRCONSTANCES
QUELCONQUES DE VOTRE VIE OU DE CELLE DU TRANSGRESSEUR, NE PEUVENT VOUS
SOUSTRAIRE A L'OBLIGATION DE LE REPRENDRE. Quels que soient les rapports dans
lesquels vous êtes avec le pécheur, vous êtes tenu de reprendre le péché et de
le faire au nom du Seigneur. Faites-le, non comme vous plaignant, ou comme
trouvant à redire pour quelque tort fait à votre personne, mais comme reprenant
un péché commis contre Dieu. Ainsi quand un enfant doit reprendre l'un de ses
parents, il ne doit pas agir comme s'il faisait quelque remontrance pour une
injure qu'il aurait reçue lui-même; mais avec l'oeil fixé sur le fait que son
père ou sa mère a péché contre Dieu; il doit le faire par conséquent avec toute
la simplicité; la fidélité et la fermeté nécessaires.
b). La répréhension
doit tenir compte de la connaissance plus ou moins grande que le transgresseur
a de son devoir.
S'il est un ignorant,
la répréhension doit s'exercer plutôt sous forme d'instruction que sous forme
de sévère réprimande. Comment faites-vous avec votre jeune enfant ? Vous l'instruisez
et vous vous efforcez de l'éclairer sur sou devoir. Naturellement vous agissez
tout autrement qu'avec un pécheur endurci.
c) Il faut aussi
tenir compte de la fréquence du péché.
Vous ne reprendrez
pas un premier péché de la même manière qu'une transgression habituelle. Si
votre prochain a l'habitude de pécher, bien qu'il sache qu'il fait mal, vous
devez user d'une plus grande sévérité; mais s'il pèche pour la première fois,
il se peut qu'une simple allusion suffise pour prévenir la répétition du fait.
d) Vous devez
considérer aussi la fréquence de la répréhension qui a pu être déjà exercée.
S'il s'agit non
seulement d'un péché fréquent, mais encore, d'un péché fréquemment repris et
que le pécheur ait raidi son cou, il est extrêmement nécessaire d'user de
sévérité. Il a résisté aux répréhensions précédentes et s'est ainsi endurci,
aussi ne sera-ce pas une répréhension ordinaire qui pourra le tirer de là. Il a
besoin que les terreurs du jugement fondent sur lui comme une tempête de grêle.
4. Faites en sorte
qu'à la façon dont vous reprenez, on reconnaisse toujours qu'il n'y a point
chez vous de susceptibilité personnelle.
Ne manifestez jamais
à l'égard du transgresseur un déplaisir qu'il pourrait prendre pour de la
mauvaise humeur.
Néanmoins il est
souvent, nécessaire de manifester le plus, grand déplaisir au sujet de ses
actions, autrement il penserait que vous n'êtes point sérieux. Supposez que
vous repreniez un homme pour un meurtre et que vous le fassiez d'une façon qui
ne dénoterait aucune horreur pour le crime; il est clair qu'alors vous n'auriez
à attendre aucun bon résultat de votre répréhension. Celle-ci doit être en
rapport avec la nature du crime, sans jamais produire l'impression qu'elle
procède de quelque sentiment personnel. Nous touchons ici à l'un des grands
défauts de la répréhension telle qu'elle est pratiquée actuellement soit dans
la chaire, soit ailleurs. De peur de blesser, l'on n'exprime pas d'horreur pour
le péché, aussi les transgresseurs ne sont-ils que rarement corrigés.
5. Reprenez
toujours avec l'Esprit de Dieu.
Vous devez être
toujours tellement rempli du Saint-Esprit que lorsque vous reprenez quelqu'un à
cause de son péché, il sente que cela vient de Dieu. J'ai connu des cas où la
répréhension faite par un chrétien dans cet état a transpercé le coeur du
transgresseur comme une flèche du Tout-Puissant, de sorte qu'il n'a pu s'en
débarrasser jusqu'à ce qu'il se fût repenti.
6. Il y a
différentes manières de faire parvenir la répréhension.
Parfois le mieux est
d'envoyer une lettre, soit que la personne habite à distance, soit même qu'elle
habite dans votre voisinage. Je connais un homme qui traversant l'Atlantique
employa ce moyen pour réprimander le capitaine de vaisseau qui se rendait
coupable d'intempérance. Ce capitaine buvait énormément, surtout quand le temps
était mauvais et que l'on avait le plus besoin de ses services. Celui qui le
reprit fut quelque temps dans une grande angoisse, car le capitaine n'était pas
seulement intempérant, il était encore fort méchant quand il avait bu, de sorte
qu'à bord la vie de tous était en danger. Mais le serviteur de Dieu en fit un
sujet de prières. Le cas était difficile ; il ne savait en effet comment
aborder le capitaine de manière à ce qu'il nit probable que du bien et non du
mal en résulterait ; car il y .avait à craindre de le blesser ; vous savez en
effet qu'un capitaine de vaisseau est un parfait despote, et qu'il a, en mer,
le pouvoir le plus absolu qu'il y ait au monde. Après quelque temps, le
chrétien dont je parle s'assit et écrivit une lettre, puis il la donna de sa
propre main au capitaine. Il lui montrait, dans cette lettre, sa conduite et le
péché qu'il commettait envers Dieu et envers les hommes ; il le faisait
simplement et affectueusement, mais fidèlement et de la manière la plus
positive. Il fit tout cela avec beaucoup de prières. Le capitaine lut la lettre
et se corrigea complètement. Il fit des excuses au serviteur de Dieu et ne
toucha plus à aucune boisson autre que le thé et le café pendant toute la traversée.
7. Il est parfois
nécessaire d'exercer la répréhension en formant des sociétés, en fondant des
journaux, en formant le sentiment public et en le dirigeant contre tel
péché particulier, de manière à produire une action continue qui finisse par
l'écraser. Les sociétés de tempérance, les sociétés pour la réforme des moeurs,
les sociétés contre l'esclavage, etc., ont été fondées dans ce but.
V.
Quelques cas dans
lesquels il faut appliquer ces principes.
Ils doivent être appliqués
tout particulièrement à ces crimes qui sont de nature à miner toutes les
institutions de la société et à exercer leur influence au loin dans le monde.
De tels péchés ne peuvent être tenus en échec et vaincus que par la fidélité
dans l'exercice de la répréhension.
1. Violation du
jour du repos.
Si partout et
toujours tous les chrétiens étaient d'accord pour noter tout violateur du
dimanche et pour le reprendre, ils feraient plus ainsi pour mettre fin à la
violation de ce,jour que par tous les autres moyens. S'ils étaient bien unis
dans ce but, combien de temps pensez-vous qu'il faudrait pour vaincre ce péché?
Si seulement, un petit nombre d'entre eux étaient fidèles, fermes et
persévérants, ils pourraient faire beaucoup. Mais s'il n'y en a que peu qui
agissent et qu'ils ne le fassent que de temps en temps, l'effet ne sera pas
grand.
Selon ma conviction,
si tous ceux qui professent la religion étaient fidèles à exercer la
répréhension, toute boutique d'épicerie, tout café, tout dépôt d'huîtres, et
tout magasin de fruits seraient fermés le dimanche. Quoi qu'il en soit, ceux
qui se disent chrétiens sont tenus de reprendre ceux qui violent le jour du
Seigneur, quels qu'en puissent être les résultats ; et aussi longtemps qu'ils
négligent ici leur devoir, ils sont responsables devant Dieu de toute la
profanation du dimanche qui existe dans le lieu qu'ils habitent. Si toutes les
églises du pays étaient unies pour adresser des remontrances au gouvernement,
continuant à le faire avec fermeté, au nom du Seigneur, pensez-vous que le
gouvernement continuerait à violer le jour du repos avec ses malles-postes?
Non! je vous le dis, il ne le ferait pas. L'Eglise peut obtenir ce résultat en
une année, je le crois, si toutes les congrégations sont unies d'un bout à l'autre
du pays et qu'elles parlent haut, avec pleine liberté, dans la crainte de Dieu
et sans aucune crainte des hommes. Si l'Eglise agissait ainsi, tout homme qui
voudrait être élu à quelque poste se garderait bien de conseiller la violation
du jour du Seigneur. Mais maintenant que l'Eglise est divisée et que l'on
trouve en elle si peu de sérieux, elle élève si peu la voix, que le
gouvernement la méprise et ne lui accorde aucune attention. L'Eglise est donc
complice de la violation du jour du. Seigneur, et elle reste sans excuse,
jusqu'à ce qu'elle élève hautement la voix et reprenne an nom de l'Eternel les
gouvernants qui violent sa loi sainte.
2. Intempérance et
débits de liqueurs.
Supposez que tout
homme qui vend des liqueurs dans cette ville soit continuellement, l'objet des
répréhensions que Dieu ordonne, supposez que chaque chrétien en relation avec
lui le reprenne pour son péché; combien de temps encore continuera-t-il son
funeste commerce? Si seulement l'Eglise faisait son devoir, si ce diacre, si cet
ancien le faisait, et si chaque chrétien suivait son exemple, reprenant au nom
du Seigneur ceux qui donnent la mort à leurs semblables en les empoisonnant
avec leur absinthe, ce péché ne pourrait durer longtemps. Un tel témoignage,
résolu et énergique, aurait bientôt arraché tous ces vendeurs de liqueurs à
leur commerce de mort. Ils n'auraient plus d'autres moyens de se défendre que
de céder à la pression d'une répréhension aussi solennelle.
3. Prostitution
sous toutes ses formes.
C'est ici un mal immensément
étendu et qui doit être repris universellement.
Il doit être repris
impitoyablement, non seulement en chaire, mais dans la presse, dans les rues,
jusqu'à ce qu'il soit arraché de ses places fortes et obligé de se cacher dans
les chambres de l'enfer.
4. Esclavage.
Quoi ! faudra-t-il
souffrir que les hommes commettent un péché d'une audace inouïe, un des péchés
qui déshonorent le plus Dieu, et qu'ils ne soient pas repris ? C'est un péché.
contre lequel tous les hommes doivent apporter leur témoignage, contre lequel
tous doivent élever leur voix comme une trompette, jusqu'à ce que ce géant
d'iniquité soit banni de notre pays. et du monde entier.
VI.
Je dois examiner
quelques difficultés qu'on élève parfois contre l'accomplissement du devoir de
la répréhension.
1. On demande souvent
si c'est un devoir de reprendre son prochain quand on n'a pas l'espoir que
cela puisse produire quelque bien.
Je réponds : il peut
être très nécessaire de reprendre le péché dans beaucoup de cas où il n'y a pas
à attendre que, le transgresseur en retire du profit. Ainsi dans le cas où
votre silence serait pris pour de la connivence. Dans le cas encore où le fait
que vous auriez repris le pécheur au sujet de son péché empêcherait d'autres
personnes de tomber dans le même péché en suivant son exemple. Lorsque le
transgresseur présente tous les caractères du moqueur ou du pourceau, Dieu fait
une exception et vous n'êtes point tenu de reprendre ; mais dans tous les
autres cas, le devoir est votre affaire et les conséquences appartiennent à
Dieu.
2. On fait encore
cette question : « Dois-je reprendre un étranger? » — Pourquoi pas?
L'étranger n'est-il pas votre prochain ? Vous n'avez pas à reprendre un
étranger de la même manière qu'une personne avec laquelle vous seriez familier;
mais le fait que quelqu'un vous serait étranger n'est pas une raison pour qu'il
ne soit pas repris s'il viole le commandement de Dieu. Si un homme jure d'une
manière profane, ou viole le jour du Seigneur en votre présence, le fait qu'il
est un étranger pour vous ne vous décharge pas de votre responsabilité à son
égard, et ne vous dispense pas du devoir d'exercer la répréhension envers lui,
ou de vous efforcer de l'amener à la repentance et de sauver son âme.
3. On demande encore si
l'on doit reprendre quelqu'un qui est ivre. Généralement non, car quand une
personne est ivre elle n'est pas dans son bon sens ; il peut y avoir des cas
cependant où il serait bon de le faire, ainsi quand ce serait un avertissement
pour d'autres personnes; mais règle générale, pour autant qu'il s'agit de
l'ivrogne, il n'est pas utile d'exercer la répréhension. Cependant il y a
beaucoup d'exemples où la répréhension adressée à un homme ivre a pris un tel
empire sur son esprit qu'il en est devenu sobre et qu'il s'est dès lors
détourné de son ignoble péché.
4. Dois-je reprendre
quelqu'un de considérable ? quelqu'un qui est beaucoup plus haut placé que
moi dans la société et qui pourrait jeter un regard de mépris sur moi et sur ma
répréhension? — Cela ne change pas votre devoir. « Tu reprendras soigneusement
ton prochain, et tu ne porteras pas de péché à cause de lui. » Vous devez
prendre en considération la position où il se trouve par rapport à vous et le
traiter en conséquence. Mais encore une fois, s'il pèche contre Dieu, c'est
votre devoir de le reprendre d'une manière convenable.
REMARQUES.
1. Ne parlez pas
des péchés des autres, mais allez à eux et reprenez-les.
Parler des péchés des
autres derrière leur dos est très ordinaire, mais c'est là une grande
méchanceté. Si vous avez besoin de parler des péchés de quelqu'un, allez en
parler à lui-même et efforcez-vous de l'amener à s'en repentir et à les
abandonner. N'allez pas parler aux autres contre lui, à son insu, tandis que
vous le laissez, lui, sans avertissement dans son péché, poursuivant sa route
vers l'enfer.
2. Qu'il y a peu
de gens parmi les chrétiens de profession qui soient pleinement consciencieux
dans la pratique de ce devoir !
Il y a probablement
des milliers de gens dans cette ville qui n'ont jamais pensé à l'accomplir.
Oui, il y a des gens qui font profession de piété et qui vivent dans une
désobéissance habituelle à ce commandement de Dieu si clair et si fortement
exprimé. Et ils s'étonnent ensuite de ce qu'ils n'ont pas l'esprit de prière et
de ce qu'il n'y pas plus de réveils!
3. Vous voyez
pourquoi si peu de gens trouvent la joie dans la religion.
Ils vivent dans une
négligence habituelle du commandement qui nous occupe, donnant toutes sortes
d'excuses, là où Dieu n'en a admis aucune. Comment pourraient-ils être heureux
dans leur religion? Qu'est-ce que l'univers penserait de Dieu s'il accordait la
joie de la religion à des chrétiens aussi infidèles ?
4. Nous voyons que
la grande majorité de ceux qui font profession de piété prennent plus de soin
de leur propre réputation que des commandements de Dieu.
En voici la preuve :
plutôt que de courir le risque d'être appelés censeurs ou de se faire des
ennemis en reprenant le péché, ils laissent les hommes poursuivre leur voie
dans le péché, sans avertissement, bien que Dieu ait dit : « Tu reprendras
soigneusement ton prochain. »
— « Mais ! je
l'offenserai si je reprends son péché. »
« Tu le reprendras
soigneusement, » dit l'Eternel.
Ils montrent que leur
crainte des hommes est plus grande que leur crainte de Dieu. De peur d'offenser
les hommes, ils courent le risque d'offenser Dieu. Oui, vraiment, ils
désobéissent complètement à Dieu dans un de ses commandements les plus clairs
et les plus pressants, plutôt, que d'encourir le déplaisir des hommes en
reprenant leur péché.
5. Aucun homme n'a
le droit de nous dire, quand nous reprenons son péché, que ce n'est point notre
affaire, que cela ne nous regarde pas.
Qu'elle est fréquente
cette réponse ! Ceux qui reprennent fidèlement leur prochain sont appelés des
importuns, des brouillons qui se mêlent des affaires d'autrui. Les gens du sud
sont entrés dans une grande rage parce que nous nous efforçons de les
convaincre que l'institution de l'esclavage est inique. Ils disent que ce n'est
pas notre affaire, que la question de l'esclavage est leur affaire propre et
ils ne souffrent pas que personne d'autre qu'eux s'en occupe ; ils exigent que
nous les laissions tranquilles et ne veulent pas même nous permettre de parler
sur ce sujet. Ils demandent que les législatures de nos Etats du nord fassent
des lois nous défendant de reprendre le péché de notre prochain du sud qui
tient des hommes en esclavage. Dieu nous défend de nous taire: L'Eternel
lui-même nous a commandé de reprendre notre prochain soigneusement; peu nous
importent les conséquences ! Nous les reprendrons quand bien même tout l'enfer
devrait se soulever contre nous.
Nous efforcerons-nous
de conserver la paix en participant au péché de l'esclavage ; en demeurant
complices de ce péché? Dieu le défend. Nous parlerons de ce péché, nous
apporterons notre témoignage contre lui, nous prierons à son sujet, et nous
nous plaindrons de lui à Dieu et aux hommes. Le ciel doit savoir, et le monde
doit savoir, et l'enfer doit savoir que nous protestons contre ce péché et que
nous voulons continuer à le reprendre jusqu'à ce qu'il ait disparu. Le Dieu
tout-puissant dit : « Tu reprendras soigneusement ton prochain ; » et nous ne
pouvons autrement que de le faire.
De même le marchand
de liqueurs ne cesse de dire : « Ce que je fais ne vous regarde pas, mêlez-vous
de vos affaires et laissez-moi tranquille. » Mais c'est notre affaire de le
reprendre quand il répand son poison ; et c'est l'affaire de chacun; tout homme
est tenu, quand l'occasion lui en est donnée, de reprendre son crime jusqu'à ce
qu'il l'ait abandonné et qu'il cesse de détruire le corps et l'âme de son
prochain.
6. Nous voyons
combien la fermeté est importante dans la religion.
Si un homme prétend
aimer Dieu, il doit avoir assez de consistance, assez de fermeté, pour
reprendre ceux qui s'opposent à Dieu. Si tous les chrétiens étaient fermes et
persévérants dans ce devoir, beaucoup seraient convertis par ce moyen, un
sentiment public juste et droit se formerait et le péché serait forcé de
reculer devant la majesté de la répréhension chrétienne. Si ceux qui font
profession d'être chrétiens n'étaient pas de tels poltrons, absolument
désobéissants à un commandement de Dieu clair et net, une de ces deux choses
arriverait certainement, ou ils mourraient martyrs, tués dans les rues, parce
que les hommes ne pourraient supporter d'entendre la vérité, ou ceux-ci
seraient promptement convertis à Dieu.
Que dire donc de
pareils chrétiens ? Effrayés à la pensée de reprendre les pécheurs ! Quand Dieu
commande, pas préparés à obéir! Que répondront-ils à Dieu?
Maintenant,
bien-aimés, voulez-vous pratiquer ce devoir?
Voulez-vous reprendre
le péché fidèlement et ne point porter de péché à cause de votre prochain ?
Voulez-vous faire de toute votre vie un témoignage contre le péché ?
Voulez-vous purifier vos âmes; ou voulez-vous conserver votre tranquillité,
pour être bientôt écrasés sous le poids des crimes de tous les transgresseurs
que vous auriez pu reprendre et que vous n'aurez pas repris ? Dieu dit: « tu
reprendras fidèlement ton prochain et tu ne porteras aucun péché à cause de
lui. »
LES VRAIS CHRETIENS.
« Qui est pour
l'Eternel? » Exode XXXII :26.
Cette question fut adressée
par Moïse au peuple qui faisait profession d'être le peuple de Dieu ; elle le
fut immédiatement après qu'il se fut empiétement détourné de Dieu pendant que
Moïse était sur la montagne, alors que les enfants d'Israël adorèrent le veau
d'or que leur fit Aaron. Après avoir fait des remontrances à la nation
coupable, Moïse s'écria : Qui est pour l'Eternel ? »
Je n'ai pas
l'intention de m'arrêter sur ce cas particulier, j'en viens immédiatement au
but que je me propose ce soir, savoir de vous montrer que l'on peut distinguer
TROIS CLASSES DE
CHRÉTIENS DE PROFESSION
I. Les vrais amis de
Dieu et des hommes.
II. (1). Ceux qui
sont mus par l'espérance et la crainte, en d'autres termes par l'amour de
soi-même ou par l'égoïsme.
III. (2). Cieux qui
sont mus par l'opinion publique.
(1) Pour le no II,
voir le 6e discours
(2) Pour le n° III,
voir le 7e discours.
Ces trois classes
sont reconnaissables à différents caractères qui révèlent le motif principal de
leur religion. Il est superflu de démontrer qu'en religion les gens sont
conduits par des motifs très divers, les uns par un amour réel pour Dieu, les
autres par d'autres motifs. Tous font profession d'être serviteurs de Dieu,
mais en observant la vie d'un grand nombre, vous reconnaissez qu'au lieu d'être
serviteurs de Dieu, en réalité ils s'efforcent de rendre Dieu leur serviteur.
Leur but suprême est de faire leur propre salut ou d'obtenir quelqu'autre
avantage pour eux-mêmes, et cela par le moyen des grâces de Dieu. Ils cherchent
à faire de Dieu leur ami, afin de le faire servir ensuite à l'accomplissement
de leurs desseins.
I.
Il y a une classe de
chrétiens qui sont de vrais amis de Dieu et des hommes.
Si vous considérez
les faits qui trahissent le vrai mobile, le vrai but de leur religion, vous
reconnaîtrez que ces chrétiens sont animés d'une affection sincère pour Dieu et
pour les hommes.
1. Ils se
reconnaissent au soin qu'ils mettent à éviter le péché.
Ils montrent qu'ils le
haïssent en eux-mêmes et qu'ils le haïssent chez les autres. Ils ne le
justifieront point en eux et ils ne le justifieront pas non plus chez les
autres. Ils rechercheront pas à cacher leur propre péché, ni à déguiser celui
d'autrui. En un mot, leur but est
2. Ils montrent
toujours une grande horreur pour les péchés des autres.
Ils ne déguisent pas
les péchés des autres, ils ne parlent point en faveur de ces péchés, ils n'en
nient point la gravité. Vous ne les entendrez jamais faire l'apologie du péché.
Comme ils sont indignés contre le péché quand. ils le trouvent en eux-mêmes,
ainsi le sont-ils, et dans la môme mesure, quand ils le rencontrent chez
d'autres ; ils connaissent son caractère odieux et ils l'abhorrent toujours.
3. Ils sont pleins
de zèle pour l'honneur et la gloire de Dieu.
Ils montrent la même
ardeur pour l'honneur et les intérêts de Dieu que le patriote pour l'honneur et
les intérêts de son pays. Si le patriote aime ardemment son pays, son
gouvernement et les intérêts de son peuple, il se met de tout son coeur à leur
service ; il n'est jamais si heureux que lorsqu'il peut faire quelque chose
pour la gloire et la prospérité de sa patrie. De même pour un enfant qui aime
véritablement son père; il n'est jamais si heureux que lorsqu'il peut faire
quelque chose qui l'honore et favorise ses intérêts; et il n'est jamais si
indigné que lorsqu'il le voit injurié ou lésé. S'il voit qu'il est désobéi ou
outragé par ceux qui doivent lui obéir, l'aimer et l'honorer, son coeur éclate
de douleur et d'indignation.
Il y a beaucoup de
chrétiens de profession et même des. pasteurs qui sont très zélés pour défendre
leur propre honneur; mais il n'y a que les chrétiens dont nous parlons, qui se
sentent directement atteints, et de la façon la plus douloureuse, lorsque
l'honneur de Dieu est compromis. Ils sont les véritables amis de Dieu et de
l'homme.
4. Ils montrent
qu'ils sympathisent arec Dieu dans ses sentiments à l'égard de l'homme.
Ils ressentent pour
les âmes la même sorte d'affection que Dieu. Je ne dis pas que leur affection
soit aussi grande que celle de Dieu, mais elle est de même
nature.
C'est un fait que
l'on peut aimer les âmes des hommes et haïr leur conduite ; cela se voit chez
plusieurs. C'est un fait aussi que l'homme est fait de telle sorte qu'il
ressent de la sympathie pour ceux qui sont dans la détresse ; il en est
toujours ainsi à moins qu'il n'ait quelque raison égoïste d'être malveillant.
Si vous voyez un meurtrier pendu, vous ressentirez de la compassion pour lui.
Le méchant lui-même a cette sympathie naturelle pour ceux qui souffrent.
Il y a pareillement
une espèce particulière de sympathie que le vrai enfant de Dieu ressent pour le
pécheur et qu'il lui témoigne. C'est un mélange d'horreur et de compassion,
d'indignation contre ses péchés et de pitié pour sa personne. Il est possible
d'avoir une grande horreur pour le péché mélangée d'une profonde compassion
pour l'âme capable. d'un bonheur sans fin et cependant prête à tomber. dans une
éternelle misère.
Je m'explique. Il y a
deux sortes d'amour, l'un qui est un amour de bienveillance ; un amour qui ne
considère point le caractère de la personne aimée, mais qui ne voit en elle que
l'être sensible et exposé au péril. C'est celui que Dieu ressent pour tous les
hommes. L'autre est un amour qui renferme estime pour la personne et
approbation de son caractère. Cet amour-ci, Dieu ne le ressent que pour le
juste ; il ne le ressent jamais pour le pécheur. Le pécheur, il l'abhorre
infiniment. Il ressent pour lui, tout à la fois, une compassion infinie et une
horreur sans bornes. Les chrétiens éprouvent les mêmes sentiments, ils les
éprouvent à un degré moindre, mais ils les éprouvent en même temps. Il est
probable qu'ils n'ont jamais les sentiments qu'ils doivent avoir tant qu'ils
n'éprouvent pas ces deux sentiments en même temps. Aussi longtemps qu'il n'en
est pas ainsi, leurs sentiments vis-À-vis des pécheurs ne sont en harmonie ni
avec ceux de Dieu, ni avec le vrai caractère des pécheurs eux-mêmes.
Un fait très frappant
le démontre. Le chrétien reprendra, de la façon la plus catégorique et la plus
fréquente précisément ceux pour lesquels il ressent la plus profonde
compassion. N'avez-vous jamais remarqué cela ? N'avez-vous jamais vu un père
ému de compassion envers son enfant, le reprendre avec larmes et cependant avec
une sévérité propre à le dompter entièrement? Jésus-Christ pleura sur Jérusalem
tout en éprouvant une brûlante indignation contre la conduite de ses habitants
: « O Jérusalem, toi qui tues les prophètes et qui lapides ceux qui te sont
envoyés ! » Ah ! quelle vue profonde de leur méchanceté il avait, au
moment même où, dans sa compassion, il pleurait à la pensée du jugement
suspendu sur leurs tètes ! Il en est précisément de même de cette classe
de chrétiens qui nous. occupe. Vous n'entendrez aucun d'eux parler à un pécheur
de manière à le faire pleurer parce qu'un autre pleure sur lui, par un effet de
pure sensibilité. Car les plus tendres appels de ces chrétiens sont accompagnés
de blâmes énergiques au sujet du péché.
Je désire que
vous vous rappeliez ce point : le vrai ami de Dieu et de l'homme ne prend
jamais le parti du pécheur, parce qu'il n'agit jamais par pure et simple
compassion. Il ne dénonce jamais non plus au pécheur la condamnation qui pèse
sur lui, sans montrer en même temps de la compassion pour son âme, ainsi que le
plus ardent désir de la sauver de la mort.
5. La grande
affaire de ces chrétiens: dans tous leurs rapports avec leurs semblables, c'est
de faire de ceux-ci des amis de Dieu.
Qu'ils conversent, ou
prient, ou accomplissent leurs devoirs journaliers, leur grand but est toujours
de recommander la religion de Jésus-Christ et de conduire chacun à glorifier
Dieu. Il est très naturel qu'on agisse ainsi, si l'on est un vrai ami de Dieu.
Un vrai ami du gouvernement désire que chacun soit ami du gouvernement. Un vrai
fils, rempli d'amour filial, désire que chacun aime et respecte son père ; si
quelqu'un montre quelque inimitié à son égard, il s'efforcera constamment. de
le réconcilier avec lui, De même, le trait dominant chez tout vrai ami de Dieu,
c'est qu'il fera toujours de la réconciliation des pécheurs avec Dieu la grande
affaire de sa vie.
Maintenant,
attention ! je vous en supplie. Si la réconciliation des hommes avec Dieu
n'est pas la pensée qui vous absorbe, si elle n'est pas le but constant de vos
efforts, si la poursuite de cette réconciliation n'est pas le trait
caractéristique de votre vie, vous n'avez « ni part, ni lot dans cette affaire,
» c'est la source même de la vie qui vous manque. Quelque apparence de religion
que vous puissiez avoir, je le répète, c'est le trait caractéristique et la
base même de toute vraie piété qui vous manque. Ce qui fait le fond du
caractère et le but de la vie chez Jésus-Christ, chez les apôtres et chez les
prophètes, fait défaut en vous. Considérez ces hommes de Dieu, et vous verrez
que ce qui vous manque ressort chez eux en un relief ineffaçable et d'une
netteté incomparable; c'est chez eux le trait dominant du caractère, le but
suprême de la vie. Maintenant laissez-moi vous demander quel est le grand objet
de votre vie, celui qui se montre dans tous les détails de votre conduite de
chaque jour. Est-ce de soumettre à Dieu tous ses ennemis ? S'il n'est pas
celui-là, arrière toutes vos prétentions en fait: de religion quoi que ce soit
que vous puissiez posséder, vous n'avez pas l'amour de Dieu en vous.
6. Partout où vous
trouverez des personnes de la catégorie qui nous occupe, vous verrez qu'elles évitent
scrupuleusement tout ce qui leur semble aller à l'encontre de ce grand but.
Elles désirent
toujours éviter toute chose propre à empêcher le salut des âmes, détourner leur
attention et à les éloigner de la conversion. Quand l'on propose une chose dont
la légitimité est douteuse, la question qui, pour elles, s'élève naturellement
n'est pas : « Est-ce que Dieu le défend expressément ? » Non. La première
question qui se pose pour elles est celle-ci : « Quel effet cela peut-il
produire quant à l'avancement du règne de Dieu ? Cela tendra-t-il à empêcher la
conversion des pécheurs, à ralentir les progrès les réveils, à rejeter les âmes
dans le péché ? » S'il en est ainsi il n'y a pas besoin que les tonnerres du
.Sinaï retentissent à leurs oreilles pour leur défendre cette chose. Elles la
voient contraire à l'esprit de sainteté, contraire au grand objet qu'elles ont
en vue, cela suffit.
Comme exemple,
prenons l'oeuvre de la tempérance. Remarquons tout d'abord que ce sont les
obstacles que l'intempérance apporte à la conversion des pécheurs qui ont
déterminé à l'action les hommes excellents qui ont inauguré cette oeuvre. Et
ceux qui la continuent sont animés des mêmes sentiments. Vous ne verrez pas de
tels hommes s'arrêter et discuter à chaque pas en disant : « Boire du rhum
n'est nulle part défendu dans
Prenez donc bien note
de ceci, vous tous : celui qui désire ardemment la conversion des pécheurs n'a
pas besoin d'une défense expresse pour ne pas faire ce qu'il voit être un
obstacle à cette conversion. Il n'y a pas à craindre qu'il aille faire ce qui
anéantirait l'oeuvre à laquelle il a consacré toute sa vie.
7. Les chrétiens
de cette classe sont toujours en détresse à moins qu'ils ne voient avancer
l'oeuvre de la conversion des pécheurs.
Quand les pécheurs ne
se convertissent pas, ils disent que l'église est dans un état lamentable.
Quels que soient d'ailleurs les avantages dont cette église jouit, sa situation
financière, la popularité de son pasteur, le nombre de ses membres, etc., les
coeurs de ces justes sont angoissés à moins qu'ils ne voient l'oeuvre de
conversion se poursuivre actuellement. Ils comprennent que, sans cela, les
moyens de grâce eux-mêmes font plus de mal que de bien.
De tels chrétiens
sont un grand sujet de trouble pour ceux qui sont religieux par d'autres motifs
que l'amour. pour Dieu et pour les âmes, et qui désirent conserver toutes choses
calmes et tranquilles, marchant régulièrement selon la « bonne vieille méthode.
» Ces vrais amis de Dieu et de l'homme sont souvent désignés comme « les
esprits inquiets dans » Et remarquez cela, si une église renferme quelques
esprits semblables, le pasteur sera mal à son aise à moins que sa prédication
ne soit propre à convertir les pécheurs. Vous entendez parfois ces chrétiens
reprendre l'église et répandra leurs lamentations et leurs blâmes au sujet de
sa froideur et de sa mondanité, mais l'église réplique : « Nous n'allons pas
mal du. tout, ne voyez-vous pas combien nous prospérons ? vos récriminations
proviennent de ce que vous êtes des esprits inquiets.» En réalité, le coeur de
ces chrétiens saigne et leur âme est comme en agonie, parce que les pécheurs ne
sont pas convertis et que les âmes se précipitent dans l'enfer.
8. Vous trouverez
en eux un esprit de prière et vous les -verrez priant non pour eux-mêmes,
mais pour les pécheurs.
Si vous avez
connaissance de la teneur habituelle des prières de quelqu'un, vous pourrez
savoir par là quel est le cours de ses sentiments. Si l'on est mu surtout par
le désir d'être sauvé soi-même, l'on priera surtout pour soi-même, pour avoir
ses péchés pardonnés, pour « jouir » davantage de l'Esprit de Dieu et ainsi de
suite. Mais quant à celui qui est véritablement l'ami de Dieu et de l'homme,
ses prières. seront pour la gloire de Dieu dans le salut des pécheurs; il ne
sera jamais si abondant ni si puissant dans ses prières que lorsqu'il s'agira
de ce sujet-là. Allez dans les réunions de prières formées par de semblables
chrétiens, et vous verrez qu'au lieu de s'enfermer tous dans l'étroite sphère
de leurs propres intérêts, dépensant toutes leurs prières pour eux-mêmes et
terminant par quelques mots concernant le royaume de Christ, comme en guise
d'ornement, ils répandent, au contraire, leurs âmes en prières pour le salut
des pécheurs. Je crois qu'Il y a eu des cas où de tels chrétiens ont été
tellement possédés du désir de voir les pécheurs sauvés, tellement absorbés par
cette pensée, qu'ils ont été pendant des semaines successives sans prier pour
leur propre salut. Et si ces chrétiens prient quelque peu pour eux-mêmes, c'est
pour être revêtus du Saint-Esprit, afin d'aller à la recherche des âmes et, par
la puissance de Dieu, de les arracher du feu.
Vous qui êtes ici,
vous pouvez dire ce qui en est de vos prières ; vous pouvez dire si c'est pour
vous-mêmes que vous êtes le plus émus et que vous priez le plus; ou si c'est
pour les pécheurs.
Si vous ne connaissez
rien de l'esprit de prière en faveur des pécheurs, vous n'êtes pas de vrais
amis de Dieu et de l'homme. Quoi ! le coeur insensible quand, à côté de
vous, les pécheurs s'en vont en enfer ! Aucune sympathie pour le Fils de Dieu
qui donna sa vie pour les sauver ! Arrière toutes vos professions de foi
et toutes vos apparences de religion ! « Si quelqu'un n'a pas l'Esprit de
Christ, il n'est pas à Lui. » Qu'on ne me dise pas que des hommes sont
véritablement pieux quand leurs prières s'élèvent paresseusement et comme au
hasard ! Affaire de forme tout autant que les prières du papiste qui défile son
chapelet. De telles gens se séduisent eux-mêmes, s'ils pensent être de vrais
amis. de Dieu et de l'homme.
9. Ces chrétiens
n'ont pas besoin de demander quelles sont les choses « qu'il leur est commandé
de faire » pour conversion des pécheurs.
Quand on leur
présente un moyen qui promet du succès dans l'oeuvre de la conversion des
pécheurs, ils n'ont pas besoin, pour l'employer, que cela leur soit commandé
sous peine d'encourir quelque pénalité. Il leur suffit de connaître que ce
moyen est fait pour avancer l'oeuvre à laquelle ils ont mis leur coeur ; en ce
cas, ils l'adoptent aussitôt et le mettent en oeuvre de tout leur pouvoir. Pour
eux, la question qui se pose n'est pas tout le temps : « Qu'est-ce qui m'est
expressément commandé?. » Mais bien « De quelle façon pourrais je faire
davantage pour le salut des âmes, pour la conversion du monde à Dieu ? » Ils
n'attendent pas d'avoir un commandement exprès de
10. Un autre trait
caractéristique de ces chrétiens est la disposition à renoncer à soi-même pour
faire du bien aux autres.
Donner est une loi
que Dieu a établie d'un bout à l'autre de l'univers. Même dans le monde de la
nature; les rivières, l'océan, les nuages, le soleil, tout donne. Il en est
ainsi partout dans le royaume de la grâce. Donner est le véritable esprit de
Jésus-Christ. Jésus-Christ n'a pas cherché sa propre satisfaction, mais le bien
des autres. De même en est-il de cette classe de personnes qui nous occupe
maintenant, elles sont toujours prêtes à renoncer à elles-mêmes, à leurs joies,
leur confort et même à des choses nécessaires, dès qu'elles voient que par là
elles peuvent faire plus de bien.
11. Ces chrétiens
sont continuellement à l'affût de nouveaux moyens et de nouvelles mesures pour
faire du bien.
C'est un effet
naturel de leur continuel désir de faire du bien. Au lieu d'être satisfaits de
ce qui ne donne aucun succès, ils inventent continuellement de nouvelles
méthodes et de nouveaux moyens pour atteindre leur but. Ils ne ressemblent pas
à ceux qui sont satisfaits parce qu'ils font ce qu'ils appellent leur devoir.
Quand un homme a en vue surtout son propre salut, il se dit que pourvu qu'il
fasse son devoir, il est déchargé de toute responsabilité. Cela fait il
est content ; il se persuade qu'il est à l'abri de la colère à venir, et qu'il
a gagné le ciel en faisant ce que Dieu requérait de lui. Après cela, que les
pécheurs soient sauvés ou perdus, ce n'est pas son affaire, il n'y peut rien.
Mais pour le vrai chrétien, il ne s'agit pas tant d'éviter la colère à venir et
de gagner le ciel que de sauver les âmes pour la gloire de Dieu; et si ce
dernier but n'est pas atteint, il est dans l'angoisse. Un tel homme recherche,
invente, essaie toujours quelque nouveau moyen, quelque généreuse entreprise,
et si cela ne réussit pas, il essaie autre chose, puis autre chose encore; il
ne peut rester tranquille jusqu'à qu'il ait trouvé quelque chose qui ait du
succès dans l'oeuvre du salut des pécheurs.
12. Ces chrétiens
manifestent toujours une grande douleur quand ils voient l'église endormie et
ne faisant rien pour le salut des pécheurs.
Ils connaissent la
difficulté, l'impossibilité de faire quelque chose de considérable pour le
salut des pécheurs tant que l'église est endormie. Allez dans une église où la
plupart ne font rien pour la conversion des pécheurs et se laissent emporter
par le courant du monde, vous verrez que les vrais amis de Dieu et de l'homme y
sont navrés d'un tel état de choses. Ceux qui sont religieux d'une autre façon,
trouveront que tout va très bien et ne seront point affligés quand ils verront
ceux qui prétendent être le peuple de Dieu courir après la vanité et la folie.
Mais les chrétiens de la classe qui nous occupe auront le coeur rempli de
douleur et de détresse en voyant l'église dans un pareil état.
13. Ils souffrent
quand ils voient leur pasteur se comporter lâchement et ne point reprendre
l'église sévèrement et fidèlement à cause de ses péchés.
Les autres chrétiens de
profession veulent être bercés afin le bien dormir, ils veulent que leur
pasteur prêche des,sermons pleins de douceurs, fleuris, éloquents, des sermons
qui les flattent, sans rien d'incisif et sans puissance. Mais les chrétiens
dont nous parlons ne sont point, satisfaits à moins que le pasteur ne prêche
avec puissance et d'une manière incisive, hardiment, « reprenant, censurant,
exhortant, avec toute patience et en instruisant (2Tim IV:2). » Leurs âmes ne
sont point nourries, ni édifiées, ni satisfaites de ce qui ne saisit pas et
n'opère pas l'oeuvre pour laquelle le ministère a été institué par
Jésus-Christ.
14. Ils
soutiendront toujours un pasteur fidèle qui prêche la vérité hardiment et d'une
manière incisive.
Alors même que la
vérité qu'il prêche les atteint, personnellement, loin de s'en plaindre, ils
disent avec le Psalmiste : « Que le juste me frappe, ce sera de l'huile sur ma
tête (Ps CXLI :5). » Quand la vérité est proclamée avec puissance, leurs
âmes sont nourries et se fortifient dans la grâce. Ils prient pour leur
pasteur, ils se répandent en larmes et en supplications dans leur cabinet pour
que l'Esprit de Dieu soit toujours avec lui. Pendant que d'autres murmurent,
disputent contre lui et l'accusent d'extravagance, ils le soutiendront ; oui,
certes ! ils monteraient même sur le bûcher avec lui pour le témoignage de
Jésus. Et ce qu'ils font est basé sur la meilleure de toutes les raisons : la
prédication de leur pasteur va droit au but auquel ils ont voué toute leur vie.
15. Ils sont
particulièrement angoissés quand les pasteurs prêchent des sermons qui ne sont
pas propres à convertir les pécheurs.
Je veux dire quand le
sermon n'est pas spécialement adressé à l'église de manière à la réveiller.
D'autres peuvent approuver le sermon, le louer, ils peuvent dire: Quel beau
sermon nous avons eu! qu'il était éloquent, lucide, magnifique, sublime!
Cependant il ne leur était pas approprié puisqu'il ne tendait pas à convertir
les pécheurs. Il y a des gens qui sont grands partisans de la doctrine de l'élection
et qui ne veulent pas croire qu'un sermon soit évangélique à moins qu'il ne
contienne cette doctrine; et si cette doctrine y est, les voilà contents, que
le sermon soit propre ou non à convertir le pécheur. Mais quand un homme a mis
son coeur à la conversion des pécheurs, s'il entend un sermon qui n'est point
fait pour la produire, il a l'impression qu'il y manque la « grande chose » qui
fait le sermon évangélique. Si au contraire il entend un sermon propre à sauver
les âmes, il est alors nourri et son âme se réjouit.
Nous trouvons ici la
raison de la différence étonnante qu'il y a souvent entre les divers jugements
que l'on porte sur la prédication; et c'est ici encore que l'état spirituel de
chacun se révèle admirablement. Il est aisé, en effet, de voir, selon le
jugement que l'on porte sur la prédication, quels sont ceux qui sont remplis de
l'amour de Dieu et des âmes. Les vrais amis de Dieu et de l'homme ne voudront
pas d'un sermon qui ne sera pas particulièrement propre à sonder, à réveiller
l'église et à la porter à l'action, et qui, par conséquent, sera impuissant à
humilier et à convertir celui qui pèche.
16. Vous entendrez
toujours les chrétiens de cette classe se reprocher de ne point faire assez
pour le salut des pécheurs.
Quoi qu'ils fassent
en réalité dans ce but, il semble que plus ils font, plus ils désirent faire
encore. Ils ne sont jamais satisfaits; il n'y a jamais de bornes à leur
désir de convertir les pécheurs. Je me rappelle un homme excellent qui avait coutume
de prier pour les individus, pour les localités, pour la conversion du monde,
jusqu'à ce qu'il fût à bout de forces. Il s'écriait un jour, complètement
épuisé par la prière: « Oh ! quel feu, quelle douleur dans mon cœur ! rien
ne peut apaiser ce désir insatiable de sauver les pécheurs; mon âme défaille de
douleur. » Bien qu'il eût été plus utile que presque tous ceux de son âge, cet
homme voyait tant à faire encore, et son désir de voir les pécheurs sauvés
était si ardent, que sa constitution physique ne le pouvait supporter. « Je me
trouve, disait-il un jour, mourant du désir de posséder plus de force pour
faire davantage pour le salut des âmes. »
17. Si vous
désirez émouvoir les chrétiens de cette sorte; vous devez leur présenter des
considérations qui touchent à la gloire de Dieu dans le salut des pécheurs.
Si vous voulez les
émouvoir, présentez-leur la situation des pécheurs et montrez-leur combien ils
déshonorent Dieu ; vous verrez que cela les touchera et les enflammera bien
plus que tous les appels que vous pourriez faire à leurs craintes et à leurs
espérances. Pressez ce sujet sur leurs cœurs; montrez-leur comment ils peuvent
convertir les pécheurs : émus et palpitants ils lutteront avec Dieu dans la
prière; ils seront en travail pour les âmes jusqu'à ce qu'ils voient converties
et que Christ « l'espérance de la gloire » soit formé en elles.
Si le temps et les
forces me le permettaient, je pourrais mentionner beaucoup d'autres traits qui
caractérisent cette classe de chrétiens, les vrais amis de Dieu et de l'homme.
Mais je dois m'arrêter ici. Nous remettrons l'examen des deux autres classes
vendredi prochain, si nous sommes conservés jusque-là et si le Seigneur le
permet.
Maintenant,
appartenez-vous à cette classe des vrais amis de Dieu et de l'homme, ou ne lui
appartenez-vous pas? J'ai mentionné certains faits considérables et
fondamentaux qui indiquent le vrai caractère de ces chrétiens .en montrant
quelle est l'affaire capitale et le but suprême de leur vie. Chacun de vous
peut juger s'il se reconnaît ou non à ces traits.
Quand j'aborderai
l'autre partie de mon sujet, j'entreprendrai de décrire les chrétiens de
profession dont le zèle religieux, les prières et les efforts ont un autre but;
je montrerai leur vrai caractère et comment se révèlent leurs vrais motifs.
Et maintenant, mes
bien-aimés, je vous le demande devant Dieu, avez-vous les caractères de
l'enfant de Dieu? Est-ce que vous savez que ces caractères sont les vôtres?
Pouvez-vous dire « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime, tu
sais que je suis un de ces chrétiens-là? »
RELIGION LEGALE.
« Qui est pour
l’Eternel? » Exode 32:26.
Vous vous souvenez
que vendredi passé, en parlant sur ce texte, je mentionnai trois classes de chrétiens
de profession : ceux qui aiment véritablement Dieu et les hommes, ceux qui ne
sont mus que par l’égoïsme (ou par l’amour de soi) et ceux qui sont mus par la
pensée du qu’en dira-t-on. J’ai mentionné plusieurs des traits qui
caractérisent la première classe ; j’ai l’intention maintenant de vous en
présenter plusieurs qui caractérisent la
II°
Ceux qui sont mus par
l’amour de soi.
Je montrerai comment
le motif principal de la religion de ceux-ci se manifeste dans leur conduite.
La conduite d’un homme, en effet, révèle toujours le vrai but de sa vie ; et
son caractère correspond invariablement à ce but. Si donc, par la conduite,
vous pouvez découvrir quel est le but suprême de la vie, vous aurez aussi par
là, et d’une manière certaine, le caractère de la personne. Et, je pense qu’en
observant avec candeur et à fond la conduite de quelqu’un, vous pourrez
généralement juger de son état d’âme avec une grande certitude.
Les trois classes que
nous avons distinguées s’accordent en beaucoup de choses ; il va de soi que ce
n’est pas par l’observation de ces choses-là que vous pourrez les distinguer.
Mais il y a d’autres choses dans lesquelles elles diffèrent; et, pour un
observateur attentif, ces différences se trahiront dans leur conduite et
révéleront leur vrai caractère. Ces points sur lesquels elles diffèrent sont
ceux qui touchent aux fondements mêmes de la religion.
Je vais donc indiquer
quelques traits qui distinguent ceux qui sont mus par l’amour d’eux-mêmes, par
l’égoïsme, et chez lesquels l’espérance et la crainte inspirent tout ce qu’ils
font en fait de religion.
1. Ils font de la
religion une affaire secondaire.
Ils montrent par leur
conduite qu’ils ne regardent pas la religion comme l’affaire capitale de leur
vie, mais comme une chose subordonnée à d’autres. Ils la regardent comme une
chose qui doit venir à propos, et trouver sa place entre beaucoup d’autres; une
affaire bonne pour le dimanche, ou qui ne doit pas sortir du cabinet ou du
culte de. famille ; mais ils ne la regardent pas comme la grande affaire de la
vie. Ils font une distinction entre les devoirs religieux et les affaires, et
les considèrent comme étant d’ordre entièrement différent. Tandis que s’ils y
voyaient clair, ils comprendraient que la religion est la seule affaire de la vie,
et qu’aucune chose n’est légitime à moins qu’elle ne serve les intérêts de la
religion. S’ils . avaient des sentiments chrétiens, tous leurs actes auraient
un caractère religieux et seraient accomplis manifestement en vue d’obéir à
Dieu.
2. Ils remplissent
leurs devoirs religieux comme une tâche.
Il s’en faut que
l’amour de Dieu brûle en eux et les presse de travailler pour Lui ; ils ne
prennent pas leur plaisir dans les exercices religieux auxquels ils se sont assujettis
; et quant à la communion avec Dieu, ils n’en connaissent absolument rien ; la
prière elle-même est une tâche pour eux. Ils font leurs devoirs religieux comme
le malade prend ses remèdes, non parce qu’ils les aiment, mais parce qu’ils
espèrent en retirer quelque profit.
Et vous qui êtes ici
devant moi, trouvez-vous votre plaisir dans vos devoirs religieux ou les
accomplissez-vous parce que vous espérez en retirer quelque avantage ? Soyez
honnêtes, en cet instant, répondez à cette question en toute vérité et jugez
quel est l’état de votre âme.
3. Il est
manifeste qu’ils ont un esprit légal et non l’esprit de l’Evangile.
Ce qu’ils font en
religion, ils le font parce qu’ils sont obligés de le faire, non parce qu’ils l’aiment.
Ils ne perdent pas de vue les commandements de Dieu et y obéissent en
accomplissant leurs devoirs religieux, mais ce n’est pas qu’ils y aient mis
leur coeur. Ils se demandent toujours non pas « Comment pourrai-je faire du
bien ? » Mais « comment pourrai-je être sauvé ? » Il y a entre eux et les vrais
amis de Dieu et de l’homme la même différence qu’entre le pécheur convaincu de
péché et le vrai converti ; le premier demande : «Que dois-je faire pour être
sauvé? » et le second s’écrie : « Seigneur, que faut-il que je fasse ? » Ils
sont constamment à demander.: « Que dois-je faire pour aller au ciel ? » Et non
point : « Que puis-je faire pour y amener les autres ? » Leur grande affaire
n’est pas de sauver le monde, ruais de se sauver eux-mêmes.
4. Ils sont mus
par la crainte beaucoup plus que par l’espérance.
Ils accomplissent
leurs devoirs religieux surtout parce qu’ils n’osent pas les négliger. Ils
prennent la communion non parce qu’ils aiment à rencontrer Christ ou à
communier avec leurs frères, mais parce qu’ils n’osent pas rester à l’écart.
Ils ont peur en négligeant la cène d’encourir la discipline ecclésiastique ou
d’être damnés. Ils prient dans leur cabinet, non parce qu’ils jouissent d’être
en rapport direct avec Dieu, mais parce qu’ils n’osent pas négliger la prière.
Ils ont l’esprit servile et sont au service de Dieu comme des esclaves au
service de leur maître, avec le sentiment qu’il faut faire tant, sous peine
d’être battu. Ils ont toujours la pensée qu’il faut avoir tant de religion, accomplir
tant de devoirs religieux, sous peine d’être châtié par sa conscience ou de
perdre ses espérances. de vie à venir. Ils cheminent, en conséquence,
péniblement, laborieusement, remplissant tant de devoirs religieux, année
commune; et ils appellent, cela de la religion !
5. Leur religion
porte un caractère négatif des plus prononcés.
Ils sont satisfaits
surtout de ce qu’ils ne font rien de très mal. N’étant pas spirituels, ils
regardent la loi de Dieu surtout comme un recueil de défenses destiné à préserver
l’homme de certains péchés ; ils n’y voient, point une dispensation de la
bienveillance divine, une règle qui ne peut être accomplie que par l’amour.
Ainsi, pourvu que leur conduite soit morale, leur manière d’être sérieuse et
décente et qu’ils accomplissent la somme exigée des devoirs religieux, les
voilà contents. Leur conscience les tracasse moins au sujet des péchés
d’omission qu’au sujet des péchés de commission. Ils font une différence entre
négliger de faire ce que Dieu demande positivement et faire ce qu’il défend
expressément. Ce qu’on peut dire de mieux sur leur compte, c’est qu’ils ne sont
pas très mauvais. Ils ne semblent guère se soucier d’être utiles à la cause de
Christ. Aussi. longtemps qu’on ne peut les convaincre de quelque transgression
positive, ils sont satisfaits.
6. Leur piété
est plus ou moins stricte, suivant leurs lumières et la délicatesse de leur
conscience.
Quand leur
intelligence est éclairée et leur conscience, délicate, ils sont souvent les
chrétiens les plus rigides qu’on puisse trouver. Ils paient la dîme de la
menthe, de l’aneth et du cumin. » (Mat XXIII :23) Ils sont raides jusqu’à
la morosité. En fait de rigorisme, personne n’ira plus loin qu’eux. Ce sont de
parfaits pharisiens.
7. Plus leur
conscience est délicate, plus ils sont misérables.
En dépit de leur
rigorisme, ils ne peuvent ignorer qu’ils. sont de grands pécheurs, ce qui les
rend très malheureux, vu qu’ils ne se font pas une idée juste de la
justification ; et plus leur conscience est éclairée et délicate, plus ils sont
malheureux. Malgré la rigueur de leur piété, ils se sentent toujours au-dessous
de leur devoir, et n’ayant pas la foi que demande l’Evangile, ni l’onction du
Saint-Esprit qui apporte la paix à l’âme, ils sont toujours mécontents,
inquiets, misérables.
Beaucoup d’entre vous
peut-être connaissent de telles personnes. Il y en a sûrement ici. Ces
personnes-là n’ont, jamais su ce que c’est que de se sentir justifié devant
Dieu par le sang de Jésus-Christ ; elles n’ont jamais su ce que c’est que de se
sentir accepté et, adopté comme sien par Jésus-Christ. Elles n’ont jamais
possédé la réalité contenue dans ces paroles : « Il n’y a maintenant plus de
condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ, qui marchent non selon la
chair, mais selon l’Esprit. »
Pouvez-vous dire que
ces paroles réchauffent vôtre coeur parce que vous avez fait, en votre âme,
l’expérience de la réalité qu’elles contiennent? Ou vous sentez-vous encore
condamnés et coupables, n’ayant pas conscience du pardon de vos péchés, ne
jouissant point de la paix avec Dieu et ne sachant ce que c’est que de se
confier en Jésus-Christ ?
8. Ils sont
encouragés et réjouis quand ils lisent l’histoire des saints de l’ancien temps
qui sont tombés dans de grands péchés.
Ils se sentent, en
effet, admirablement instruits et édifiés quand les péchés du peuple de Dieu
sont remis en lumière. Ils sont alors tout réconfortés et leurs espérances se
ravivent merveilleusement. Ils ne sont point humiliés et désolés ; considérant
combien une pareille vie de péché est contraire à toute religion, ils ne se
disent point qu’il leur serait bien de tenir de tels hommes pour des saints, si
9. Moins le
prédicateur est exigeant en fait de piété, plus ils sont contents.
S’il est disposé à espérer
charitablement que presque tout le monde est chrétien, les voilà satisfaits et
ils le complimentent sur sa grande charité ; ils le louent comme un homme
excellent, charitable, etc. Il est aisé de comprendre pourquoi ces chrétiens
sont contents de cette façon d’entendre le christianisme; c’est qu’elle
concourt à les affermir dans leurs plus chères espérances ; elle les aide, en
effet, à entretenir ce qu’ils appellent leur « consolante espérance, » et cela,
bien qu’ils fassent si peu pour Dieu. Ah! qu’elle est différente la conduite de
l’homme dont le but suprême est d’arracher le monde au PÉCHÉ! Il a besoin de
voir tous les hommes devenir saints; il veut en conséquence que l’étendard de
la sainteté soit maintenu haut et ferme. Il désire que tous les hommes soient
sauvés, mais il sait qu’ils ne peuvent pas l’être à moins qu’ils ne soient
véritablement saints. Faire aller un homme au ciel en rabaissant «
charitablement ». l’idéal de sainteté que nous présente.
10. Ils
veulent qu’on leur prêche des doctrines « consolantes. »
Ils aiment qu’on leur
prêche les doctrines de la persévérance des saints et de l’élection, qu’on s’y
arrête, qu’on s’y étende et qu’on y insiste. Souvent même ils ne veulent autre
chose que ce qu’ils appellent la doctrine de la grâce; et s’ils peuvent obtenir
une prédication abstraite qui leur apporte jouissance et consolation sans
remuer leur conscience, les voilà « nourris ».
11. Ils aiment, en
effet, que leur pasteur leur prêche des sermons pour « nourrir les chrétiens. »
Comme leur grande
affaire n’est pas de sauver les pécheurs, mais d’être sauvés eux-mêmes, ils
choisiront toujours non pas un pasteur capable de prêcher convenablement la
conversion aux pécheurs, mais un pasteur qui ait le talent de nourrir l’église
avec de pures abstractions.
12. Ils mettent
une grande importance à posséder ce ils appellent une « bonne espérance. »
Vous les entendrez,
en effet, parler avec une grande solennité de l’importance qu’il y a à posséder
cette espérance. Et, qu’ils puissent la nourrir, dissipant leurs craintes, se
réjouissant en leurs coeurs, savourant leurs privilèges : cela leur suffit. Que
ceux qui les entourent soient sauvés ou non, ils s’en inquiètent peu. (Ah ! que
nous sommes loin des vrais amis de Dieu et de l’homme, oublieux d’eux-mêmes et
tout occupés à arracher du feu les pécheurs !)
Dans leurs prières de
même, ils demandent que leur assurance soit affermie, qu’ils puissent sentir
qu’ils vont au ciel, qu’ils sont acceptés de Dieu, etc., au lieu de demander
que leur foi devienne puissante et qu’ils soient remplis du Saint-Esprit afin
de délivrer beaucoup d’âmes de la mort.
13. Ils
vivent sur leurs sentiments.
Ils ajoutent beaucoup
d’importance aux émotions qu’ils éprouvent de temps à autre. S’il leur arrive
d’avoir, à l’occasion, des élans de ferveur religieuse, ils y arrêtent
complaisamment leur pensée et s’appuient longtemps sur cette preuve de leur
piété. Ces temps d’émotions religieuses entretiendront leurs espérances aussi
longtemps qu’ils en conserveront un souvenir distinct. Peu importe
qu’actuellement ils ne fassent rien pour Dieu et n’éprouvent aucun sentiment
d’amour pour lui : ils se rappellent avoir eu tels sentiments à telle époque;
cela leur suffit. S’ils ont été mêlés à des scènes de réveil et que leur
imagination ait été excitée au point de faire couler leurs larmes et de les
pousser à prier et à exhorter leurs frères, ce souvenir va nourrir leurs
espérances pendant des années. Quoique, le réveil passé, ils ne fassent rien
pour l’avancement du règne de Christ et que leurs cœurs soient aussi durs que
le roc, ils sont pleins d’assurance, et attendent patiemment qu’un nouveau
réveil vienne les pousser derechef en avant.
14. Ils
prient presque exclusivement pour eux-mêmes.
Si vous pouviez
entendre les prières qu’ils font dans le secret du cabinet vous verriez que les
huit dixièmes de leurs demandes sont pour eux-mêmes. Cela montre à quel taux
ils mettent leur propre salut en regard de celui des autres. C’est le quatre
cents pour cent, huit contre deux. Et s’ils prient dans les assemblées, il en
sera très souvent de même; à-les entendre prier, vous ne supposeriez pas qu’il
y ait sur la terre un seul pécheur allant en enfer; ils prient là comme dans
leur cabinet, à cela près qu’ils s’associent le reste de l’église en disant «
nous » au lieu de « je »
15. Dans
leurs prières ils demandent bien plutôt d’être préparés pour la mort que d’être
rendus capables de mener une vie utile.
Ils s’inquiètent bien
plus d’être préparés à mourir que d’être préparés à sauver les pécheurs autour
d’eux. S’ils demandent l’Esprit de Dieu, c’est bien plus pour qu’il les prépare
à mourir que pour pouvoir « enseigner les voies de Dieu à ceux qui les transgressent,
de sorte que les pécheurs reviennent à Lui » ainsi que le demandait le
Psalmiste (Ps 51:14,15).
Plusieurs d’entre
vous, mes frères, ne se reconnaissent-ils pas à ce trait? Leurs prières ne
sont-elles pas exactement telles que je viens de les décrire?
Un homme tout occupé
de faire du bien et de sauver les. pécheurs ne songe pas tant à se demander
quand, où et comment il mourra; il se demande plutôt comment il pourra faire le
plus de bien possible pendant sa vie. Et quant à la mort, il s’en remet
pleinement à Dieu et sans aucune crainte. Il y a longtemps qu’il a remis son
âme à Dieu, et il ne s’occupe plus que de vivre à la gloire de Christ.
16. Ils ont
plus peur du châtiment que du péché.
C’est précisément le
contraire de ce que vous remarquerez chez les vrais amis de Dieu et de l’homme
qui ont plus peur du péché que du châtiment.
Quant à ceux qui nous
occupent maintenant, ils se livrent au péché lorsqu’ils parviennent à se
persuader que Dieu leur pardonnera, ou quand ils pensent qu’ils pourront se
repentir. Ils raisonnent souvent ainsi : « Le pasteur un tel fait telle. chose,
pourquoi ne la ferais-je pas ? » Un membre de cette Eglise était moniteur dans
l’école du dimanche, mais voyant que d’autres membres qui auraient pu l’être,
ne l’étaient pas, il se dit : « Pourquoi ferais-je ce travail plutôt qu’eux ?»
et il abandonna, son groupe. Oui, c’est ici l’esprit qui anime toute cette
classe de chrétiens de nom « Les autres ne font pas ceci, ils ne font pas cela,
pourquoi me tourmenterais-je pour être meilleur qu’eux ?» Je le répète, ce
n’est pas du péché qu’ils ont peur, c’est du châtiment... Ils pêchent et ILS LE
SAVENT; mais ils se flattent d’échapper au châtiment! Qui ne voit combien cet
esprit est contraire à celui des vrais amis de Dieu dont la préoccupation
dominante est d’ôter le péché du monde? Quant à ceux-ci, l’enfer ne les effraie
pas la moitié autant que la pensée de commettre le péché.
17. Les chrétiens
qui nous occupent manifestent plus d’inquiétude au sujet de leur propre salut
qu’ils n’en ressentiraient si le monde entier allait en enfer.
Un tel homme, si son
espérance vient à faiblir, voudrait que chacun se mît en prières pour lui; il
fait grand bruit de sa personne et en préoccupe toute l’église ; lui qui ne pense
jamais à faire quelque chose pour les pécheurs qui l’entourent et qui sont
certainement dans la voie large qui mène à la perdition ! Il montre que toute
son attention est concentrée sur lui-même et que sa pensée dominante n’est
point .lu tout de chercher quelle est la plus grande somme de bien qu’il pourra
accomplir.
18. Ils aiment
mieux recevoir du bien que d’en faire.
Ici encore vous
pouvez reconnaître que de telles personnes n’ont pas l’esprit de l’Evangile ;
elles ne sont jamais entrées dans l’esprit de Jésus-Christ qui disait qu’il y a
plus de bonheur à donner qu’à recevoir. Celui qui est mu par le vrai amour de
Dieu et de l’homme jouit du bien qu’il fait au autres plus que les autres ne
jouissent en recevant ce bien. Il est réellement bienveillant, et, pour lui,
c’est une grâce que de pouvoir montrer de la bonté, son cœur ne bat que pour
cela, et lorsqu’il peut le faire, une sainte et délicieuse joie remplit, son
âme. Mais quant à l’autre classe de chrétiens, c’est tout autre chose : ils
sont plus empressés à recevoir qu’à donner. Ils désirent recevoir de
l’instruction plus qu’ils ne désirent en répandre. Ils désirent recevoir des
consolations, mais ils ne sont jamais prêts à se sacrifier eux-mêmes pour
apporter aux autres les consolations de I’Evangile. Chacun voit d’emblée
combien une telle disposition est contraire à l’esprit de l’Evangile qui trouve
son suprême bonheur à communiquer le bonheur aux autres.
Qui ne connaît ces
deux classes de chrétiens ? Les uns cherchant toujours à faire du bien, les
autres cherchant toujours à en recevoir. Les uns toujours possédés du désir de
donner, les autres toujours possédés du désir de recevoir. Ces deux caractères
sont aussi opposés que la lumière et les ténèbres.
19. Quand on
parvient à les faire prier pour la conversion des autres, ils le font en
présentant les mêmes motifs qu’ils ont eus en priant pour eux-mêmes.
Lorsque leur égoïsme
permet chez eux l’éveil d’une certaine sympathie, comme ils ont surtout peur de
l’enfer pour eux-mêmes, ils en ont peur aussi pour autrui. Le bonheur étant ce
qu’ils cherchent principalement,c’est aussi ce qu’ils demandent pour les
autres. Ils prient pour les pécheurs, poussés non par un vif sentiment de
l’horreur du péché, mais par l’horrible idée qu’ils se font des tourments de
l’enfer. Ce n’est donc pas parce que les pécheurs déshonorent, Dieu qu’ils
désirent les voir convertis, mais parce qu’ils sont en danger. Comme la raison
d’être de leur religion est d’assurer leur propre sécurité, c’est aussi la
sécurité du pécheur qui les pousse à prier pour lui. S’il n’y avait point de
danger, ils ne prieraient jamais, ni pour eux-mêmes, ni pour les autres.
Certes ! les vrais
amis de Dieu et de l’homme ressentent de la compassion pour les pécheurs, mais
ils s’émeuvent bien plus encore à la pensée de l’honneur de Dieu
compromis. Oui, ils sont plus désolés de voir Dieu outragé et déshonoré
que de voir les pécheurs aller en enfer. S’il fallait ou que Dieu fût déshonoré
à jamais ou que les pécheurs lussent jetés dans les tourments sans fin, ils
choisiraient, cette dernière alternative; cela est aussi certain qu’il est
certain qu’ils aiment Dieu par dessus tout. Les vrais sentiments de chacun se
manifestent dans ses prières. Vous les verrez donc, les vrais amis de Dieu,
considérer dans leurs prières les pécheurs comme des rebelles envers Dieu,
comme des criminels méritant la colère éternelle, comme des ennemis de Dieu et
de tout l’univers ; et tandis qu’ils sont remplis de compassion pour eux, le
feu d’une sainte indignation les embrase à la pensée de leur conduite à l’égard
du Dieu béni éternellement.
20. La classe de
chrétiens qui nous occupe est fort sujette aux angoisses du doute.
Ils sont gens à
parler beaucoup de leurs doutes. Et le détail de ces doutes forme un chapitre
considérable de leur histoire. Leur grande affaire étant la jouissance d’une
consolante espérance, dès que le doute s’empare d’eux, les voilà par terre ;
ils font alors grand vacarme de leurs doutes ; et n’allez pas à ce moment leur
demander de faire quoi que ce soit pour l’avancement du règne de Dieu : il va
sans dire qu’ils « n’y sont pas préparés. » Ah ! qu’ils sont différents ces
vrais amis de Dieu et de l’homme dont la seule pensée est de faire le bien ! Si
parfois le diable cherche à leur dire qu’ils vont en enfer, la première réponse
qui leur vient à l’esprit est celle-ci : « Eh bien ! s’il le faut !... quoi
qu’il en soit, il faut, que je tire du feu les pécheurs. » J’admets que de
vrais chrétiens puissent avoir des doutes, mais ils y seront d’autant moins
sujets qu’ils seront plus complètement consacrés à l’oeuvre du salut des
pécheurs. Il serait en effet bien difficile à Satan de troubler par des doutes
une église qui serait entièrement engagée dans cette oeuvre ; l’attention des
chrétiens y serait tout entière et les suggestions de l’adversaire n’auraient
pas de prise sur eux.
21. Leur horreur
du sacrifice va croissant avec les demandes qui leur sont adressées.
Un homme disait : «
Où veut-on en venir avec cette oeuvre de la tempérance ? Il ne s’agissait d’abord
que d’abandonner les liqueurs ; je l’ai fait et je m’en suis bien trouvé.
Ensuite on en est venu à demander l’abandon du vin ; maintenant c’est le tabac
; où s’arrêtera-t-on ? La pensée d’avoir à sacrifier d’abord ceci, puis
cela jette cette sorte de chrétiens dans une véritable détresse. Le bien
qui en résultera ne leur vient pas à la pensée, parce qu’ils ne songent qu’aux
privations à endurer.
Ces entreprises
incessantes contre le royaume des ténèbres les jettent dans la détresse parce
que leur but n’a jamais été de rechercher et d’ôter de ce monde tout ce qui
déshonore Dieu et fait du tort à l’homme. Ils sont entrés dans l’église, il se
sont revêtus du manteau de la religion, mais ils ne l’ont pas fait avec la
détermination de poursuivre ce but ; jamais ils n’ont été décidés à détruire le
péché partout et toujours, aussitôt qu’ils en auraient connaissance et autant
qu’il serait en leur pouvoir.
Ces chrétiens sont
ennuyés des demandes incessantes des collecteurs pour les missions, pour le
colportage, etc. Autrefois quand un homme riche donnait cent vingt-cinq francs
par année pour ces oeuvres, il trouvait que c’était beaucoup; mais les demandes
se sont tellement multipliées, les contributions ont tellement augmenté, que
les chrétiens dont nous parlons sont dans une anxiété continuelle « Je n’aime
pas ces collectes, » disent-ils, « je suis opposé à ce qu’on en fasse dans
l’église, cela ne fait que du mal.» Et leur bile se décharge surtout contre les
agents des sociétés religieuses.
Ils sont obligés de
donner comme les autres, afin de maintenir leur réputation, ou de ne pas perdre
leur « consolante espérance. » Et, le niveau spirituel s’étant élevé depuis
quelques années, je ne doute pas qu’ils n’aient à donner le quadruple de ce
qu’ils donnaient, il y a vingt ans, pour soutenir leur profession. Que
deviendront-ils si l’on prend tous les jours de nouvelles mesures, si l’on
entreprend tous les jours de nouvelles oeuvres?
22. Quand ils sont
appelés à renoncer à eux-mêmes pour faire du bien, au lieu d’en être contents,
ils n’en éprouvent que de la
peine.
Ils ne connaissent
rien de la joie qu’il y à renoncer à soi-même. Il ne leur entre pas dans
l’esprit que le renoncement à soi-même puisse être agréable ; que l’on puisse trouver
son plaisir et sa joie à s’oublier pour faire du bien aux autres. Ils pensent
que ce sont là, dans la religion, des hauteurs telles que personne ne les a
atteintes. Cependant le vrai ami de Dieu et de l’homme, qui ne pense qu’à faire
du bien, ne jouit jamais autant de son argent que lorsqu’il peut le dépenser
pour l’avancement du règne de Christ ; il comprend que c’est le meilleur
placement qu’il puisse trouver et c’est même avec peine qu’il se voit obligé
d’employer son argent pour autre chose, alors surtout qu’il voit se multiplier
les occasions de l’employer à faire le bien.
Je désire que vous
tous qui m’entendez soyez bien attentifs à ceci : si un homme a mis tout son
coeur à quelque chose, il lui sera fort agréable de pouvoir y consacrer son argent;
et plus il pourra retrancher d’argent aux autres choses pour le mettre à cette
chose-là, plus il sera content. Si donc quelqu’un trouve dur de donner son
argent pour l’avancement du règne de Dieu, c’est qu’il n’a point mis son coeur
à cette œuvre ; s’il l’avait fait, il donnerait avec joie. Que penseriez-vous
de celui qui, refusant de donner de son argent, se mettrait à remuer l’église
en faveur de l’oeuvre des missions, sollicitant les dons des autres quand il
n’aurait lui-même jamais donné un dollar? Il serait absolument démontré qu’il
n’a pas donné son coeur à la cause de Christ ; car s’il l’avait fait, il
donnerait pour elle son argent aussi volontiers qu’un verre d’eau fraîche ; et
plus il pourrait économiser en faveur de cette cause, plus il serait content.
23. Ils ne sont
pas de ceux qui font avancer l’oeuvre des réveils.
Ce n’est pas leur
affaire. Ils faut toujours les traîner à l’ouvrage ; et ce n’est que lorsque le
réveil est bien établi et que les émotions deviennent vives, qu’ils paraissent
s’y intéresser. Mais vous ne les verrez jamais prendre la direction de
l’oeuvre, jamais devancer les autres ; vous ne les entendrez jamais dire à
leurs frères : « Allons ! et faisons quelque chose pour le Seigneur. »
24. C’est un fait
qu’ils ne convertissent pas les pécheurs à Dieu.
Dieu peut se servir
d’eux de différentes façons pour faire du bien ; il se sert de Satan aussi ;
mais, en général, ils n’arrachent pas les pécheurs du feu ; et la raison en est
que ce n’est pas là le but de leur vie. Qu’en est-il de vous ? Avez-vous
du succès dans l’oeuvre de la conversion des pécheurs ? Y a-t-il quelqu’un qui
puisse vous regarder comme l’instrument de sa conversion ? Si vous vous étiez
véritablement donnés pour cette oeuvre, vous ne pourriez. vivre sans la faire ;
vous vous y mettriez avec un tel sérieux, avec une telle « agonie de prières »
que l’oeuvre se ferait.
25. Ils ne
manifestent pas une grande détresse à la vue du péché.
Ils ne le reprennent
pas: Ils aiment à être mêlés aux scènes dans lesquelles le péché est commis.
Ils aiment à se trouver où ils peuvent entendre des conversations vaines ; ils
aiment même à s’y joindre. Ils aiment la société mondaine, les livres mondains.
Leur esprit est mondain. Au lieu de « haïr jusqu’au vêtement souillé par la chair
(Jude 1 :23), » ils aiment à se tenir sur les confins du péché, comme
trouvaient en lui leur plaisir.
26. Ils ne
prennent que fort peu d’intérêt aux récits de réveils, de missions, etc.
Si quelque mission
est sévèrement éprouvée, ils ne s’en mettent pas en peine, ils ne le savent
même pas ; si les missions prospèrent, ils ne le savent pas non plus ;
cela ne les intéresse pas. Il en est de même pour les journaux religieux, ils
n’en lisent aucun. Ou s’ils en lisent un et qu’ils en viennent au récit d’un
réveil, ils le laissent de côté, pour courir aux nouvelles du jour, à la
polémique ou à quelque autre chose. C’est tout l’opposé des vrais amis de Dieu
et de l’homme qui aiment à suivre les progrès des réveils et qui cherchent tout
d’abord, dans les journaux religieux, si quelque réveil se montre ; et qui se
réjouissent lorsqu’il en est ainsi, et on rendent grâce et gloire à Dieu de
toute leur âme. De même. pour les missions, ces vrais amis de Dieu et de
l’homme sont de coeur avec les missionnaires et quand ils apprennent que le
Seigneur a répandu son Esprit sur une mission, le feu d’une sainte joie remplit
toute leur âme.
27. Les chrétiens
que nous considérons aujourd’hui ne connaissent qu’une religion toute négative,
légale, triste .et laborieuse, et ils ne visent pas plus haut.
L’amour de Christ ne
les contraint pas à une guerre constante contre le péché, ni une vigilance
continuelle pour faire tout le bien qui est en leur pouvoir. Ce qu’ils font est
fait uniquement parce qu’ils croient être obligés de le faire ; c’est ainsi
qu’ils se font une piété de forme, une piété où le coeur n’est pour rien, piété
sans valeur.
28. C’est à contre
coeur qu’ils prennent part à toute mesure extraordinaire que prend l’église
pour avancer le règne de Dieu.
Si l’on propose
quelque réunion prolongée, vous verrez généralement cette sorte de chrétiens
battre en retraite, faire des objections et élever toutes les difficultés
qu’ils pourront. De même pour tout effort extraordinaire que l’on proposera de
faire. Ils préfèrent toujours la « bonne vieille méthode. » Et ils sont fort
ennuyés d’avoir chaque année tant de choses à ajouter à leur religion sous
peine de voir leur espérance plus ou moins ébranlée.
29. Ils ne
jouissent pas de la prière secrète.
Ce n’est pas parce
qu’ils aiment à prier, qu’ils prient dans le secret du cabinet, muais parce
qu’ils pensent .que c’est leur devoir, et qu’ils n’osent pas le négliger.
30. Ils ne
jouissent pas de
Ce n’est pas parce
qu’elle est douce à leur âme « plus douce que le miel », qu’ils la lisent; ils
ne « jouissent » pas de cette lecture comme on jouit de ce qu’il y a de plus
exquis au monde; ils la font parce que c’est leur devoir et que l’on ne peut
pas faire profession d’être chrétien sans lire
31. Ils ne
jouissent pas des réunions de prières.
La moindre excuse les
dispense d’y aller. Ils n’y vont qu’autant que cela est nécessaire pour
maintenir leur réputation de piété ou pour maintenir leur « consolante
espérance.» Vous pourrez les y voir alors, non pas enflammés d’amour, mais
froids, distraits, tristes, joyeux seulement quand la réunion est
terminée.
32. Ils ne
parviennent pas à s’expliquer ce que pourrait bien signifier le mot de désintéressement.
Servir Dieu parce
qu’on l’aime et non en vue d’une récompense, voilà ce qu’ils ne peuvent
comprendre.
33. Leur pensée
n’est pas anxieusement rivée à cette question : « Quand donc le monde sera-t-il
converti à Dieu? »
Leurs coeurs ne sont
pas angoissés par des questions comme celles-ci : Combien de temps encore la
méchanceté prévaudra-t-elle? Quand verrons-nous ce monde méchant arraché au
péché et à la mort? Oh ! quand les hommes cesseront-ils de pécher contre Dieu ?
Ils s’occupent beaucoup plus de ces questions : Quand mourrai-je ? Quand
irai-je au ciel ? Quand serai-je délivré de tous mes soucis et de toutes mes
afflictions?
REMARQUES
1. Je crois que vous
ne m’accuserez pas d’exagération si je dis que la religion que j’ai décrite parait
être celle d’un très grand nombre de membres de l’église. Le moins que l’on
puisse dire, c’est qu’il y a grandement à craindre qu’elle ne soit la religion
de la majorité de ceux qui font profession d’être chrétiens; et il n’y a ni
méchanceté ni manque de charité à dire cela.
2. Cette religion est
radicalement fausse.
Il n’y a aucun vrai
christianisme en elle. Elle diffère du christianisme autant que le légalisme
diffère de l’Evangile, autant que les pharisiens différaient de Jésus-Christ.
Maintenant,
laissez-moi vous demander quelle est, entre les deux classes de chrétiens
décrites dans ce discours et dans le précédent, celle à laquelle vous
appartenez.
Ou est-ce que
peut-être vous n’appartiendriez ni à l’une ni à l’autre?
Il se peut qu’ayant conscience
de ne pas appartenir à la seconde, vous vous disiez que vous appartenez à la
première, quand il n’en est rien, et que vous aurez à vous reconnaître dans le
tableau que je ferai de la troisième.
Oh ! qu’il est
important que vous sachiez avec une entière certitude quel est votre vrai
caractère ! que vous sachiez si vous êtes mus en religion par le vrai amour de
Dieu et de l’homme, ou si vous n’êtes religieux qu’en vue de vous-mêmes! Oh !
quelle solennelle pensée ! ces âmes dont j’ai été le pasteur, ne seraient-elles
jamais arrivées à juger intelligemment de cette question : sommes-nous de vrais
amis de Dieu et de l’homme, ou n’en serions-nous pas? Hâtez-vous de résoudre
cette question, mes bien-aimés ! C’est maintenant le moment de le faire!
Mettez-vous au clair
sur ce point, puis allez travailler à l’oeuvre de Dieu.
« Car ils aimèrent la
gloire des hommes plus que la gloire de Dieu. » Jean XII :43.
Ces paroles furent
dites de gens qui refusaient de confesser que Jésus était le Christ, parce
qu'il était extrêmement impopulaire parmi les scribes, les pharisiens et les
principaux du peuple.
Il est clair qu'il y
a une distinction à faire entre l'amour de soi ou le simple désir de bonheur et
l'égoïsme.
L'amour de soi, qui
est tout à la fois désir du bonheur et crainte de la souffrance, est partie
essentielle de notre être ; Dieu l'a mis en l'homme lorsqu'il le créa ; et
c'est avec cet amour qu'il nous veut. Que cet amour donc obtienne satisfaction
dans les limites que lui assigne la loi de Dieu, ce n'est pas un péché ; le
péché n'apparaîtrait qu'à partir du moment où ces limites ne seraient pas
respectées.
Mais que le désir du
bonheur ou la sainte de la souffrance devienne le principe qui dirige notre vie
et que nous fassions passer notre propre satisfaction avant quelqu'autre
intérêt d'un ordre plus élevé, ce n'est plus simple amour de soi, c'est
égoïsme. L'égoïsme est la violation de la grande loi qui commande la
bienveillance désintéressée.
Vendredi dernier,
j'ai décrit cette classe de chrétiens qui, dans l'accomplissement de leurs «
devoirs religieux, » sont poussés par l'espérance et par la crainte. Ils sont
mus par l'égoïsme. Leur but suprême n'est pas de glorifier Dieu, mais
d'accomplir leur propre salut. Et lorsqu'ils font extérieurement les mêmes
choses que les vrais amis de Dieu et de l'homme dont le but suprême est de
glorifier Dieu, ils les font par des motifs entièrement différents, de sorte
que ces mêmes actes ont aux yeux de Dieu un caractère absolument différent
suivant qu'ils procèdent des uns ou qu'ils procèdent des autres.
Ce soir, je désire
indiquer les caractères qui distinguent la troisième classe de chrétiens.
III.
Ceux qui aiment la
gloire des hommes plus que la gloire de Dieu.
Je n'ai pas la pensée
que ces chrétiens aient généralement été amenés à leur profession religieuse
par le seul désir d'acquérir une réputation de piété. La religion n'a jamais
été assez populaire pour qu'on puisse faire une telle
supposition.
Il y a pourtant des
milieux où la profession de la piété n'est généralement pas mal vue, et même
peut ajouter à la considération d'un homme auprès de beaucoup de personnes.
Dans ces cas-là, les chrétiens qui nous occupent ont embrassé la foi par un
double motif: l'espoir d'assurer leur bonheur dans la vie à venir et celui
d'accroître leur réputation dans celle-ci. De sorte que beaucoup font
profession de piété ayant pour but PRINCIPAL l'approbation de leurs semblables.
S'il leur fallait perdre entièrement cette approbation, ils aimeraient mieux
abandonner leur profession chrétienne, celle-ci est donc subordonnée à leur
réputation. Bien qu'ils prétendent être de sincères chrétiens, vous pouvez
reconnaître, en examinant leur conduite de près, qu'ils ne voudraient rien
faire qui pût porter atteinte à la bonne opinion que l'on a d'eux. Ils ne
veulent pas s'exposer à la haine dont ils seraient les objets s'ils se vouaient
tout entiers à la tâche de déraciner le péché de ce monde.
Je vais maintenant
mentionner plusieurs des traits qui les distinguent; et s'il y a ici des
personnes qui appartiennent à leur catégorie, elles vont se reconnaître aux
traits que je vais indiquer.
1. Ils font ce que
faisaient certaines personnes dont parle l'apôtre Paul : « ils se mesurent
eux-mêmes par eux-mêmes, et se comparent eux-mêmes et eux-mêmes ; » aussi
n'arrivent-ils jamais à la connaissance de la vérité
Il y a un très grand
nombre de gens qui au lieu de prendre leur point de comparaison en Jésus-Christ
et de faire de
2. Ils ne songent
pas à élever le niveau de la piété autour d'eux.
Ils ne sont pas
troublés par le fait que le niveau générai de la piété est tellement bas dans
l'église, qu'il est impossible d'amener la plupart des pécheurs à la
repentance. Ils pensent qu'aujourd'hui ce niveau de la piété est assez élevé ;
du reste, quel que soit ce niveau, il les satisfait toujours. Les vrais amis de
Dieu et de l'homme se lamentent sur l'état de l'église, ils sont désolés de
voir le niveau de sa piété si bas, et ils s'efforcent de la réveiller et de
l'élever plus haut; mais les chrétiens dont nous parlons ne voient là qu'une
disposition à la critique, au mécontentement, à l'inquiétude, penchant à créer
de l'agitation et du trouble qui, disent-ils, dénote un mauvais esprit.
C'est exactement ce qui arrivait quand Jésus-Christ dénonçait les scribes, les
pharisiens et les principaux de ceux qui faisaient profession le piété. « Il a
un démon, » « Quoi ! ils dénonce. nos docteurs en théologie et tous nos hommes
les plus excellents ; et même il ose appeler les scribes et les pharisiens les
hypocrites, et il vient nous dire que si notre justice ne surpasse la leur,
nous n'entrerons point dans le royaume les cieux. Quel mauvais esprit ! » .
Une grande partie de
l'église actuelle parle de même et le même esprit que ces scribes et ces
pharisiens. Tout efforts tenté pour ouvrir ses yeux et montrer aux chrétiens
que leur vie est si misérable, si mondaine, si semblable à celle des
hypocrites, qu'il est impossible de faire avancer l'oeuvre du Seigneur, — tout
effort dans ce sens excite le blâme et l'irritation générale. « Oh ! dit-on,
quel esprit de critique ! quel mauvais esprit ! que c'est peu aimable ! que
nous voilà loin de l'esprit si humble, si doux, si bienveillant du Fils de
l'homme ! » Ils oublient que Jésus-Christ a prononcé des anathèmes à faire
trembler les collines de Juda, et cela précisément contre ceux qui avaient la
réputation d'être les plus pieux du peuple. Ils parlent exactement comme si
Jésus-Christ n'avait jamais rien dit de sévère à qui que ce soit; comme s'il
avait comblé les scribes et les pharisiens de caresses et de flatteries pour
les attirer dans son royaume. Y a-t-il donc quelqu'un qui ignore que c'était
l'hypocrisie de ceux qui professaient la religion qui soulevait son âme,
excitait son indignation et faisait jaillir ses dénonciations comme des
torrents de feu ? Il se lamentait toujours sur ceux-mêmes qui étaient placés à
la tête du peuple comme étant des modèles de piété, il les appelait hypocrites
et faisait retentir contre eux les plus terribles paroles : « Serpents, race de
vipères ! comment échapperez-vous au feu de la géhenne ! »
Quand on considère le
grand nombre de ceux qui préfèrent la gloire des hommes à la gloire de Dieu, on
ne -s'étonne pas que la vérité produise du trouble alors qu'elle est annoncée
fidèlement. On est très satisfait du niveau actuel de la piété ; l'on pense,
qu'avec tout ce. qui se fait pour les écoles du dimanche, les missions; les
traités, etc., les choses vont admirablement bien et l'on s'étonne, que
quelqu'un puisse demander davantage. Hélas ! hélas ! quel aveuglement ! On ne
paraît pas s'apercevoir, qu'avec toutes ces bonnes oeuvres, les vies de la
généralité de ceux qui font profession d'être chrétiens diffèrent presque
autant du modèle que nous avons en Jésus-Christ que les ténèbres diffèrent de
la lumière.
3. Les chrétiens
dont nous parlons font une distinction entre certaines exigences de la loi de
Dieu qui sont fortement appuyées par le sentiment public et d'autres qui ne le
sont pas.
Ils sont très
scrupuleux à observer les commandements de Dieu qui sont en faveur auprès du public,
tandis qu'ils font volontiers abstraction de ceux que le sentiment public
n'appuie pas. Les exemples en sont nombreux. Voyez comment on se conduit
l'égard de l'oeuvre de la tempérance. En ce qui la concerne, que de gens qui
font, pour obéir au sentiment public, ce qu'ils ne se résoudraient jamais à
faire. pour l'amour de Dieu ou de leurs semblables ! Ces gens ont premièrement
attendu de voir comment les choses tourneraient. Ils ne voulaient point d'abord
qu'on leur parle, d'abandonner l'usage des liqueurs fortes, mais quand ils ont
vu que cet abandon devenait populaire, et qu'ils pouvaient sans trop de peine
se contenter d'autres boissons alcooliques, ils ont renoncé à ces liqueurs.
Mais ils étaient décidés à ne pas faire plus que le sentiment public ne les
obligerait de faire. Il montrent qu'en se joignant à la société de tempérance,
leur but n'a pas été de pousser la réforme jusqu'au bout, de manière à tuer le
monstre de l'intempérance, mais bien de maintenir leur bonne réputation. « Ils
aiment mieux la gloire qui vient des hommes que la gloire qui vient de Dieu. »
Voyez encore, combien
de gens qui gardent le jour du Seigneur non parce qu'ils aiment Dieu, mais
parce que cela est respectable ! ils observent ce jour quand ils se trouvent
parmi leurs connaissances ou dans un endroit où ils sont connus ; mais dès
qu'ils sont dans quelque lieu où personne ne les connaît, ou encore dans
quelque contrée où le travail du dimanche n'est pas mal noté, ils en profitent
pour voyager ou pour faire leurs affaires ce jour-là.
Les personnes que je
décris en ce moment s'abstiennent de tous les péchés qui sont réprouvés par
l'opinion publique; mais elles se permettent beaucoup de choses tout aussi
mauvaises que l'opinion publique ne réprouve pas ; de même, elles accomplissent
tous les devoirs que sanctionne l'opinion publique, mais elles laissent de côté
les autres. Ce sont des chrétiens qui suivent le culte public du dimanche, vu
qu'il n'est pas possible de conserver sa réputation de piété sans cela ; mais
ils négligent d'autres choses que
Notre dieu, c'est la
chose à laquelle nous tenons le plus, que ce soit notre réputation, notre
bien-être, nos biens, notre respectabilité, peu importe. Quand un homme
néglige. volontairement une chose sachant qu'elle est voulue de Dieu, ou voyant
qu'elle est nécessaire pour avancer le règne de Christ, cherchez quel est le
motif de sa conduite et vous. saurez quelle est son idole. Rien de ce qu'un tel
homme peut faire ne saurait être agréable à Dieu. Toute sa religion n'est que
celle du moi. et de l'opinion publique.
S'il est avéré qu'un
homme néglige de faire une chose exigée par la loi de Dieu, parce que le
sentiment public, ne la requiert pas ; ou qu'il fait une chose contraire à la
loi de Dieu parce que le sentiment public la requiert ; il est dès lors
démontré que dans sa conduite entière son obéissance s'adresse non pas à Dieu,
mais à l'opinion publique.
Qu'en est-il de vous,
bien-aimés ? Négligez-vous habituellement quelque commandement de Dieu parce qu'il
ne serait point appuyé par le sentiment public ? Si vous faites profession
d'être chrétien, il est à présumer que vous ne négligez pas l'observation de
ceux des commandements de Dieu qui sont fortement appuyés par l'opinion
publique ; mais comment vous conduisez-vous à l'égard des autres ? N'êtes-vous
pas dans l'habitude de négliger quelque devoir ? Ne vivez-vous pas dans quelque
habitude bien vue dans le. monde et que vous savez cependant être contraire à
la loi de Dieu ? Si cela est, c'est la preuve sans réplique que vous regardez
plus à l'opinion des hommes qu'au jugement de Dieu ; en ce cas, prenez note de
votre véritable nom, écrivez HYPOCRITE.
4. A l'étranger
les gens que je décris se permettent certains péchés qu'ils ne commettraient pas
chez eux.
Maint homme,
tempérant chez lui, toastera, verre d'eau de vie en main, quand il se trouvera
à distance suffisante de sa demeure; sur le bateau à vapeur, vous le verrez à
la buvette avalant son verre de liqueur sans aucune honte. En Europe, il ira au
théâtre. Quand j'étais dans
5. Ils se
livrent au péché en secret.
A ce trait; plusieurs
personnes pourront reconnaître ce,qu'elles sont. Si vous vous livrez à quelque
péché quand vous pouvez le commettre sans qu'aucun être humain en ait
connaissance, sachez que Dieu le voit et qu'il a déjà inscrit votre vrai nom,
HYPOCRITE. Vous craignez plus de déplaire aux yeux des hommes que de déplaire
aux yeux de Dieu. Si vous aimiez Dieu par dessus tout, ce serait peu de chose
pour vous que chacun connût vos péchés, en comparaison du fait que Dieu les
connaît. Quand la tentation se présenterait, vous vous écrieriez : «
Comment pourrais-je faire une pareille chose sous le regard de Dieu ? »
6. Ils se
permettent des négligences et des omissions de devoirs qui ne risquent pas
d'être découvertes.
Il se peut qu'ils ne
commettent pas quelqu'un de ces péchés secrets particulièrement honteux dont on
parle quelquefois. Mais ils négligent des devoirs dont l'omission, si elle
venait à être connue, compromettrait leur réputation de piété. Ainsi la prière
secrète. Ils prendront la communion, — quelle communion ! — et paraîtront très
pieux le jour du dimanche et cependant, quant à la piété secrète, ils n'en
connaissent rien. - Leur cabinet de prière est inconnu de Dieu comme des
hommes. Il est aisé de voir que leur réputation est leur idole ; ils craignent
de perdre cette réputation plus que d'offenser Dieu.
Qu'en est-il de vous,
bien-aimés? Est-ce un fait que vous omettez habituellement quelque devoir
secret et que vous mettez plus de soin A accomplir vos devoirs publics que vos
devoirs privés? S'il en est ainsi, à quelle classe de chrétiens appartenez-vous
? Avez-vous besoin qu'on vous le dise ?
« Vous aimez la
gloire qui vient des hommes plus que la gloire qui vient de Dieu. »
7. Leur conscience
parait s'être formée sur d'autres principes que ceux de l'Evangile.
Leur conscience a de
la sensibilité à l'égard des devoirs imposés par l'opinion publique et n'en a
point pour les autres. Vous pouvez leur prêcher leur devoir et le leur
démontrer aussi clairement que possible, le leur faire reconnaître, et même
leur faire confesser que c'est bien là, en effet, leur devoir; ils n'en
continueront pas moins à vivre exactement comme auparavant, aussi longtemps, du
moins, que le sentiment public ne réclamera, pas l'accomplissement de ce
devoir, et que ce ne sera pas pour eux affaire de réputation. Montrez-leur un :
« Ainsi a dit le Seigneur, » faites-leur toucher au doigt que leur conduite est
opposée à la perfection chrétienne et contraire aux intérêts du royaume
de Christ, ils ne changeront pas pour. cela. Il est clair que ce n'est pas aux
exigences de la loi de Dieu qu'ils regardent, mais à celles de l'opinion
publique.
8. Ils ont,
en général une crainte excessive d'être considérés comme fanatiques.
Ils ignorent
pratiquement l'un des premiers principes de la religion, à savoir que LE MONDE
ENTIER EST MAUVAIS, que le sentiment public de ce monde est entièrement opposé
Dieu et que quiconque veut servir Dieu doit être prêt à heurter de front le
sentiment public. Leurs yeux n'ont jamais été ouverts sur ces vérités
élémentaires. — Les voies de Dieu sont diamétralement opposées à celles de ce
monde; il est en conséquence vrai, et il l'a toujours été, que « tous ceux qui
veulent vivre pieusement dans le Christ, Jésus, seront persécutés » (2 Tim
III:12). Ils seront appelés fanatiques, superstitieux, exagérés, etc., ils
l'ont toujours été et le seront toujours, aussi longtemps que le monde sera
mauvais.
Mais ces chrétiens de
nom n'iront jamais plus loin que le permettent les opinions des gens du monde.
Ils prétendent être obligés d'adopter telle ou telle façon d'agir mondaine pour
ne pas compromettre leur influence. Qu'elle est différente la conduite des
vrais amis de Dieu et de l'homme ! Leur but suprême est de renverser
l'ordre que suivent les choses de ce monde, de tourner ce monde entier sens
dessus dessous, d'amener tous les hommes à obéir à Dieu, toutes les
opinions des hommes à se conformer à la Parole de Dieu, et tous les usages
et institutions de ce monde à se mettre d'accord avec l'esprit de l'Evangile.
9. Les chrétiens
dont nous parlons sont toujours très désireux de se faire des amis des
deux côtés, du côté de Dieu et du côté du monde.
Ils prennent toujours
une voie moyenne. D'un côté, ils évitent de paraître justes à l'excès ; de
l'autre, ils évitent de paraître relâchés ou irréligieux. C'est ainsi que, dans
tous les siècles, on a pu faire profession de piété sans jamais être taxé de
fanatisme. Le niveau général de la piété est toujours si bas que la
plupart probablement dans nos églises protestantes s'efforcent de suivre une
voie moyenne entre le monde et Dieu. Ils veulent avoir des amis des deux côtés.
Ils ne veulent pas être comptés parmi les réprouvés, mais ils ne veulent pas
non plus passer pour fanatiques ou pour bigots. Ce sont des chrétiens à la
mode, des chrétiens « comme il faut. » On peut les appeler ainsi pour deux
raisons. Premièrement parce que leur façon de pratiquer la religion est
populaire, à la mode; secondement, parce qu'ils suivent en général les modes du
jour. Le but de leur religion est de ne rien faire qui soit contraire aux goûts
du monde: Peu importe ce que Dieu demande; ils sont décidés à rester prudents,
à ne pas s'attirer les censures du monde et .à ne pas offenser les ennemis de
Dieu. Ils ont évidemment plus d'égard pour les boraines que pour Dieu; s'ils
ont à choisir entre déplaire à leurs amis et à leurs voisins et offenser Dieu,
ils offenseront Dieu.
10. Ils feront
plus pour gagner les applaudissements des hommes: que pour avoir l'approbation
de Dieu.
Cela résulte du fait
déjà établi qu'ils ne veulent rendre obéissance qu'aux commandements de Dieu qui
sont appuyés par l'opinion publique. Ils refusent de pratiquer le renoncement
pour obtenir l'approbation de Dieu, mais ils pratiqueraient les plus grands
renoncements pour gagner les applaudissements des hommes. Ils ont abandonné
l'usage des liqueurs fortes parce que le sentiment public le demandait et ils
iraient jusqu'à abandonner le vin si un sentiment public assez fort leur en
faisait un devoir, mais ils ne le feraient pas auparavant.
11. Ce que les
hommes pensent d'eux les préoccupe beaucoup plus que le jugement que Dieu porte
sur eux.
Si l'un d'entre eux
est pasteur et prêche un sermon, il s'inquiète beaucoup plus de savoir ce que
le public pense de sa prédication que de savoir ce que Dieu en pense ; et s'il
a échoué ou commis quelque bévue, la défaveur des hommes est pour lui dix fois
pire que la pensée d'avoir déshonoré Dieu ou empêché le salut des âmes. Vous
pourrez faire la même observation au sujet de tout ancien ou membre d'église
appartenant à cette même classe de chrétiens ; si l'un d'eux prie ou exhorte
dans une réunion, il est plus préoccupé de savoir ce que l'on pense de lui que
de savoir s'il est agréable à Dieu.
Si un tel homme a
quelque péché secret qui vienne à être découvert,l'opprobre qui en résulte pour
lui l'attriste beaucoup plus que la pensée d'avoir déshonoré Dieu.
Quand une femme de
cette catégorie vient à l'église elle se préoccupe plus de son extérieur, de sa
toilette et de reflet qu'elle produit sur le public, que de l'état de son coeur
devant Dieu. On la verra, toute la semaine occupée à des préparatifs qui
tendent à la faire paraître à son avantage devant les hommes, le dimanche
suivant, et peut-être ne passera-t-elle pas une demi-heure dans son cabinet
afin de préparer son coeur à paraître en la présence de Dieu. Que cette
religion-là soit dépouillée de son masque et chacun voit aussitôt ce qu'elle
vaut Son vrai nom est HYPOCRISIE, personne n'en doute. De telles gens iront
dans la maison de Dieu le coeur noir comme les ténèbres de l'enfer, et tout
dans leur extérieur, jusqu'aux plus petits détails, sera décent, gracieux,
magnifique. Il faut qu'ils aient belle apparence aux yeux des hommes ; après
cela, peu leur importe l'état de cette partie de leur être sur laquelle Dieu
arrête ses regards. Que leur coeur soit noir, en désordre, souillé, ils ne s'en
mettent pas en peine aussi longtemps que l'oeil de l'homme n'y découvre aucune
tache.
12. Ils refusent
de confesser leurs péchés de la manière requise par la loi de Dieu, de peur de
perdre leur réputation.
Quand on les presse
de confesser leurs fautes plus qu'ils ne jugent convenir à leur réputation, ils
sont fort en peine sujet du tort que cela peut leur faire dans l'opinion du
public; mais que Dieu soit satisfait ou non, cela leur importe beaucoup moins.
Vous qui avez fait des
confessions de péché, sondez vos coeurs. Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus,
ce que Dieu en a pensé on ce que les hommes en ont pensé ? Avez-vous refusé de
faire la confession que Dieu demandait, parce qu'ils en coûtait trop à votre
réputation ? Dieu ne jugera-t-il pas vos cœurs? Soyez sincères et répondez à
ces questions.
13. Ils se
soumettent à des coutumes qu'ils savent préjudiciables à la cause de Christ et
au bonheur de l'humanité.
Une preuve frappante
de cette assertion est la manière dont on célèbre ici le premier de l'an. Qui
ne sait que cette profusion de vins fins et de gâteaux, ces somptueux festins,
et tout l'emploi que l'on fait de cette journée, n'est que gaspillage d'argent,
de santé et de temps, et que tout cela est fort préjudiciable à l'âme et
aux intérêts du royaume de Dieu ? Et cependant l'on suit la coutume. Mais qui
au monde osera dire que ceux qui la suivent, et qui
14. Pour obéir à
l'opinion publique ils feront beaucoup d'autres choses qui ont, même à leurs
propres yeux, un caractère des plus douteux.
Vous vous le
rappelez, je traitai ce sujet le soir du premier jour de l'an et je vous
montrai que ceux qui font une chose sans être convaincus de sa légitimité sont
condamnés devant Dieu.
15. Ils ont
souvent « honte » de leur devoir, et tellement honte qu'ils ne le font pas.
Quand quelqu'un a
tellement honte de faire ce que Dieu commande, qu'il ne le fait pas, il est
bien clair que sa réputation est son idole. Combien de gens qui ont honte de
reconnaître Jésus-Christ, honte de reprendre le péché chez. ceux qui sont haut
placés, honte aussi de le reprendre chez d'autres, honte de parler quand la
religion est attaquée ! S'ils regardaient à Dieu avant tout, le respectant et
l'honorant par dessus tout, pourraient-ils jamais avoir honte de faire ce qu'il
commande ? Si un homme voit sa femme calomniée, aura-t-il honte de la défendre?
S'il voit ses enfants insultés, aura-t-il honte de prendre leur parti ? Ou s'il
aime le gouvernement de son pays et qu'il l'entende calomnier, aura-t-il honte
de le défendre? Il se peut qu'il juge convenable de se taire pour d'autres
raisons, mais s'il est un vrai ami de ce gouvernement, il n'aura jamais. «
honte » de parler en sa faveur, où que ce soit qu'il se trouve.
Les personnes dont je
parle ne prennent pas une position franche quand elles se trouvent au milieu
des ennemis de la vérité; quand elles sont au contraire avec ses amis, elles
sont pleines de hardiesse et font grand étalage de leur courage. Cependant
vienne l'épreuve, elles vendront le Seigneur Jésus-Christ, elles le renieront
devant ses ennemis, elles l'exposeront publiquement à l'ignominie. Oui !
elles le trahiront plutôt que de reprendre le méchant, plutôt que de défendre
sa cause au milieu de ses ennemis.
16. Ces mêmes
chrétiens s'opposent à toute nouvelle lumière sur des sujets pratiques qui
menacent de leur imposer de nouveaux sacrifices.
Ils sont troublés par
toute nouvelle proposition qui risque. d'entamer leur bourse et de porter
atteinte à leur complaisance envers eux-mêmes. Vous pouvez parler longtemps,
prêcher autant que vous voudrez en faveur de votre proposition, c'est peine
perdue, il n'y a qu'un seul moyen d'atteindre cette sorte de gens, c'est de
créer un sentiment public nouveau capable d'agir sur eux. Quand, en vous
adressant à la conscience et avec la puissance que donne l'amour, vous aurez
gagné assez de membres de la communauté pour créer un fort mouvement d'opinion
en faveur de votre proposition, ils l'adopteront en effet, mais non pas
auparavant.
17. Ils sont
toujours en détresse au sujet de ce qu'ils appellent les exagérations
religieuses de notre temps.
Ils craignent que ces
« exagérations » ne détruisent l'église. Ils disent que nous poussons les
choses trop loin, que cela produira une réaction, etc. (1).
(1) Ici Finney cite
un exemple concernant la réforme de la tempérance en Amérique. Nous l'omettons,
vu que ce qu'il en dit ne s'applique évidemment pas à nos
contrées. (Trad.)
18. Tant que
des choses, des mesures, des hommes sont critiqués et impopulaires, ils s'y
opposeront ; mais que ces mêmes choses, ces mêmes mesures, ces mêmes hommes
deviennent populaires, ils en seront partisans.
Qu'un homme parcoure
les églises pour les réveiller, tant qu'il est peu connu, ils ne se font pas
faute de parler contre lui ; mais qu'il fasse son chemin, qu'il acquière de
l'influence, ils sont alors ses partisans ; ils le louent, ils le recommandent,
ils professent être ses plus chauds amis. Il en était ainsi à l'égard de
Jésus-Christ. Avant d'être conduit au Calvaire, il eut quelque popularité ;
quand il parcourait les rues, les multitudes le suivaient en criant: « Hosanna,
hosanna! » Mais remarquez-le, elles ne le suivirent pas un instant de plus que
ne dura sa popularité. Dès qu'il fut arrêté comme un criminel, elles lui
tournèrent le dos et commencèrent à crier : « Crucifie-le ! crucifie-le »
Les chrétiens dont
nous parlons sont tour à tour emportés et ramenés par le flot de l'opinion
publique; emportés par le flot de la critique et du blâme contre celui que le
sentiment public désavoue ; et ramenés à lui par le flot de la louange et des
honneurs quand le sentiment public le veut ainsi. A cela, il n'y a qu'une
exception, je veux parler du cas où ils se sont tellement avancés dans leur
opposition qu'ils ne peuvent plus battre en retraite sans se couvrir de
confusion. Dans ce cas, ils garderont le silence, jusqu'à ce qu'une autre
occasion se présente de laisser déborder un peu de l'amertume qui fermente au
fond de leur coeur.
Très souvent quand un
réveil commence dans une église, certains membres de l'église lui sont opposés.
Ce qui se passe ne leur plait pas ; ils craignent beaucoup ce qu'ils appellent
de l'excitation charnelle. Mais que l'oeuvre continue et grandisse, et peu à
peu ils semblent y entrer ; ils suivent la multitude. Si plus tard, au
contraire, le réveil commence à baisser, si l'église redevient froide, il ne se
passera pas longtemps avant qu'on voie cette classe de chrétiens renouveler
leur opposition, et plus l'église déclinera, plus ils manifesteront leur
opposition aux réveils, tellement qu'à la fin peut-être ils amèneront l'église
entière à se prononcer contre ce même réveil qui l'avait tant réjouie. C'est là
exactement la conduite qu'ont tenue certains chrétiens dans les réveils de
cette contrée-ci. Et il y a beaucoup d'exemples d'une semblable conduite.
Pleins de respect et de crainte devant l'opinion publique, ces chrétiens
s'inclinent devant le réveil quand il est dans sa puissance ; mais quand il
décline, ils montrent de plus en plus l'opposition de leurs coeurs.
Il en a été
exactement de même quant à la cause des missions. Et si celle-ci éprouvait
quelque revers assez fâcheux pour ébranler l'appui que le sentiment public lui
donne, vous verriez aussitôt la foule de ses amis qui ne paraissent qu'aux
jours du bonheur se joindre à l'opposition naissante.
19. Si l'on
propose quelque mesure à prendre pour avancer le règne de Dieu, ils se montrent
très délicats et très scrupuleux dans leur crainte que l'on ne fasse quelque
chose d'impopulaire.
S'ils habitent une
ville, ils demandent ce que les autres églises penseront de cette mesure ; et
s'il parait probable qu'elle attirera des reproches à leur église ou à leur
pasteur, soit devant le monde, soit devant les églises, les voilà dans la plus
grande anxiété. Peu importe le bien que cela pourra faire, peu importent toutes
les âmes qui pourront être sauvées, ils ne veulent, pas que l'on fasse quoi que
ce soit qui puisse porter atteinte à
20. Cette classe
de personnes n'a jamais pour but de créer un sentiment public favorable à la
parfaite piété.
Les vrais amis de
Dieu et de l'homme ont toujours pour but de former le sentiment public, de le
redresser partout où il est en faute. Ils se mettent de tout leur coeur à
l'oeuvre pour réformer le monde, pour déraciner et bannir de la terre toute
espèce de mal. Mais les personnes dont nous parlons suivent toujours le
sentiment public, ayant bien garde de s'éloigner de tout ce qui va à l'encontre
de ce sentiment, et étant toujours prêtes à gratifier du titre d'imprudent ou
de téméraire tout ce qui, homme ou chose, s'oppose au grand courant de l'opinion
publique et s'efforce de lui faire prendre une autre direction.
REMARQUES
1. Il arrive aisément
que certaines gens se savent bon gré de leurs péchés ; et en appréciant leurs
propres actes, appellent piété ce qui n'est au fond qu'hypocrisie.
Ces gens font
certaines choses qui extérieurement appartiennent à la piété et ils se
persuadent qu'ils sont pieux, quand en réalité leurs motifs ne sont tous
fausseté et corruption, pas un seul de ces motifs ne procédant d'un souverain
respect pour l'autorité de Dieu. Tout cela est rendu manifeste par le fait
qu'ils ne font rien de ce que Dieu commande à moins que ce ne soit appuyé par
le sentiment public.
Si vous n'avez pas
pour but de faire TOUT votre devoir, de rendre obéissance à Dieu EN TOUTE
CHOSE, la piété que vous prétendez avoir n'est que pure hypocrisie et péché.
contre Dieu.
2. Il y a, dans
l'église, beaucoup plus de piété apparente que de piété réelle.
3. Il y a beaucoup de
choses que les pécheurs supposent bonnes et qui sont abominables aux yeux de
Dieu.
4. Si l'amour de la
réputation et la crainte du déshonneur ne les retenaient, combien n'y a-t-il
pas de membres de l'Eglise qui se jetteraient ouvertement dans
l'apostasie !
Combien y a-t-il de
personnes ici qui savent qu'elles se livreraient ouvertement au vice, n'étaient
les barrières qu'y opposent l'opinion publique, la crainte du déshonneur et le
désir de passer pour vertueux ?
Quand une personne
pratique la vertu par respect pour l'autorité de Dieu, que le sentiment public
y soit contraire ou favorable, c'est de la vraie piété. Celui qui a d'autres
mobiles reçoit ici-bas toute sa récompense ; il agit pour acquérir
l'approbation des hommes, il l'aura ; mais s'il espère recevoir quelque
récompense auprès de Dieu, il sera sûrement désappointé. La seule récompense
que Dieu décernera à un tel homme, égoïste et hypocrite, sera la condamnation
éternelle.
Et maintenant, je
désire savoir combien d'entre vous sont déterminés à faire leur devoir, tout
leur devoir, suivant en toutes choses toute la volonté de Dieu, quel que puisse
être le sentiment public. Qui d'entre vous s'engage à prendre
Vous, chrétiens de
nom, pécheurs impénitents qui êtes ici présents, vous voyez ce que c'est que
d'être chrétien. C'est être gouverné non par le sentiment public, mais par
l'autorité de Dieu ; et cela, en TOUTES CHOSES ; ce n'est point être mu par des
espérances et des craintes, c'est vivre dans une entière consécration de sa
personne à Dieu. Vous voyez que si vous voulez être chrétiens vous devez
calculer la dépense. Je ne veux pas vous flatter, ni essayer de vous amadouer
pour vous gagner à la religion, en vous cachant la vérité. Si vous voulez être
chrétiens vous devez vous donner vous-mêmes totalement à Jésus-Christ.
Impossible d’arriver au ciel si vous vous laissez guider par le sentiment
public.
Vous demandez,
pécheurs, ce qu'il adviendra de tous ces gens qui professent la religion, et
qui se conforment au monde et aiment la gloire des hommes plus que la gloire de
Dieu. Je réponds : Ils vont, en enfer avec vous et avec tous les autres
hypocrites, c'est exactement aussi certain qu'il est certain que l'amitié du
monde est inimitié contre Dieu.
« C'est pourquoi,
sortez du milieu d'eux mon peuple et vous en séparez, et je vous recevrai, dit
le Seigneur ; je vous serai pour Père et vous serez mes fils et mes filles. Et
maintenant, qui veut le faire ? Parmi les membres de l'église, et parmi ceux
qui ne le sont pas, qui veut le faire.? « Qui est pour le Seigneur ? » Qui veut
faire cette déclaration : « Nous ne voulons pas marcher plus longtemps avec la
multitude pour faire le mal, nous sommes résolus à faire la volonté de Dieu en
toutes choses, quelle qu'elle soit et quoi que le monde puisse penser et dire
de nous. Que tous ceux d'entre vous qui veulent faire cette déclaration le
témoignent en se levant à leur place devant cette congrégation ; puis qu'ils se
mettent à genoux, pendant que nous prierons, demandant à Dieu qu'il accepte et
scelle leur engagement solennel de lui obéir désormais en toute chose, à
travers la mauvaise comme à travers la bonne réputation:
« Ne vous conformez
pas au monde. » Rom XII, 2.
Je traiterai ce sujet
dans l'ordre suivant :
I. Je montrerai quel n'est
pas le sens de notre texte.
II. Quel en est le
sens.
III. Je mentionnerai
quelques-unes des raisons de ce commandement.
IV. Je répondrai à
quelques objections.
I.
Ce commandement ne
signifie pas que les chrétiens ne doivent pas profiter des arts utiles, des
inventions qui se font dans le monde et de tous les perfectionnements qu'on y
apporte. C'est non-seulement le privilège, c'est encore le devoir des amis de
Dieu de les utiliser pour le service de leur Maître.
II.
Je veux montrer ce
que signifie le commandement donné dans notre texte.
Il veut dire que les
chrétiens sont tenus de ne point se conformer au monde dans les trois ordres de
choses que je vais mentionner. (Je n'en mentionne que trois, non qu'il n'y en
ait beaucoup d'autres dans lesquels les chrétiens ne doivent pas se conformer
au monde, mais parce que ces trois ordres de choses sont tout ce que je puis
examiner ce soir, vu le temps dont je dispose, et ensuite parce qu'il est
particulièrement nécessaire à notre époque d'appeler l'attention sur ces trois
ordres de choses-là.) Ces trois ordres de choses sont :
LES AFFAIRES,
III.
Je mentionne
quelques-unes des raisons du commandement : « ne vous conformez, pas au monde.
»
Vous ne devez
nullement agir d'après les mêmes principes, ni pour les mêmes motifs, ni par
les mêmes moyens que le monde, soit dans les affaires, soit en ce qui concerne
la mode, soit encore dans la politique. J'examinerai les raisons du
commandement à l'égard de chacune de ces trois sphères de la vie considérée
séparément :
Premièrement, à L'ÉGARD DES
AFFAIRES.
1. La première
raison de ne pas nous conformer au monde dans les affaires, c'est que le
principe du monde n'est autre qu'un égoïsme absolu.
Cela se voit partout
dans les affaires ; le monde ne connaît ici d'autres maximes et d'autres motifs
que ceux du plus pur égoïsme; il règle les affaires sans le moindre égard pour
les commandements de Dieu, sans le moindre souci pour sa gloire et sans se
préoccuper davantage du bonheur d'autrui. Les habitudes, les usages des gens
d'affaires procèdent tous d'un égoïsme extrême. Qui ne sait qu'en faisant un
marché les hommes d'affaires de ce monde consultent leur propre intérêt,
cherchent leur propre bénéfice, et non pas le bénéfice de ceux avec lesquels
ils traitent: ? Qui a
jamais vu un mondain,
homme d'affaires concluant un marché ou poursuivant une affaire quelconque en
vue de procurer du bénéfice à ceux avec lesquels il traite ? — Cela ne se voit
jamais ; c'est toujours pour son propre bénéfice - qu'agit un tel homme. Les
chrétiens peuvent-ils agir ainsi ? — Ils sont tenus d'agir par un principe tout
opposé : « Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts,
considère aussi ceux des autres (Philipp. II :4). » Ils sont appelés à
suivre l'exemple de Jésus-Christ. Jésus-Christ fit-il jamais un marché en vue
de son propre avantage ? Et ses disciples adopteraient le principe du monde, un
principe qui renferme en lui-même la « semence de l'enfer ! » Si les chrétiens
agissent de la sorte, n'est-ce pas le plus chimérique des rêves que de croire
que le monde va se convertir à l'Evangile ?
2. Ce commandement
nous est donne parce que la conformité au monde est totalement opposée à
l'amour pour Dieu et pour l'homme.
Le monde des affaires
tout entier ne reconnaît d'autre amour que l'amour de soi. Passez en revue tous
les rangs de l'armée des hommes d'affaires, depuis le marchand de sucre candi
qui dresse sa petite table au coin des rues jusqu'au plus grand négociant en
gros ou armateur des Etats-Unis, et vous verrez que le même principe les dirige
tous : acheter aussi bon marché et vendre aussi cher que l'on peut ; tout
d'abord prendre bien soin de sa propre maison. Autant que le permettent les
règles vulgaires de l'honnêteté, chercher son intérêt personnel sans se
préoccuper de l'intérêt d'autrui. qui sont étrangers à la piété reconnaîtront
que c'est bien là, en effet, le principe d'après lequel se font les affaires en
ce monde. Maintenant, que penser de ce principe? Est-il d'accord avec la
sainteté, avec l'amour de Dieu et de l'humanité, avec l'esprit de l'Evangile,
avec l'exemple de Jésus-Christ ? Peut-on tout à la fois se régler sur un tel
principe et aimer Dieu? — Impossible 1 Deux choses ne peuvent pas être plus
contraires l'une à l'autre. Les chrétiens ne peuvent donc en aucune façon se
conformer, quant aux affaires, aux maximes du monde.
3. Les règles et
les principes que le monde suit dans les affaires, sont directement opposés à
l'Evangile, à l'esprit que montre Jésus-Christ et aux enseignements qu'il donna
et que tous les siens doivent suivre, sous peine de se perdre éternellement.
Quel fut l'esprit que
Jésus-Christ montra sur la terre? Ce fut l'esprit de bienveillance et de
renoncement, l'esprit de celui qui se sacrifie pour faire du bien aux autres.
Il montra le même esprit que Dieu le Père qui trouve un bonheur infini à sortir
de lui-même et à satisfaire son coeur plein de bienveillance en faisant du bien
à ses créatures. C'est en cela que consiste la religion de l'Evangile; être
semblable à Dieu, non seulement faire le bien mais jouir de faire le bien,
trouver son bonheur à sortir de soi-même pour faire le bien d'autrui. C'est ce
qu'exprime cette parole: « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir ; » et
c'est ce qu'ordonne ce commandement: « Ne regardez pas chacun à votre propre
intérêt, mais que chacun regarde aussi à l'intérêt des autres. » Mais quelle
est la maxime du monde en fait d'affaires? Elle est : « Chacun pour soi. » Et
elle a été inventée par des gens qui étaient aussi étrangers à la connaissance
et à la pratique de l'Evangile que peuvent l'être les païens eux-mêmes. Comment
les chrétiens pourraient-ils adopter de pareilles maximes?
4. Se conformer au
monde dans les affaires c'est se mettre en flagrante contradiction arec les
engagements que l'on prend en entrant dans l'Eglise.
Quel est l'engagement
que vous prenez en entrant dans l'Eglise ? N'est-ce pas de renoncer au monde et
de vivre pour Dieu, d'être conduits par l'Esprit de Jésus-Christ, d'avoir pour
Dieu un amour suprême, de renoncer à vous-même et de vous consacrer au service
de Dieu et au bien de vos semblables? Ne faites-vous pas alors profession de ne
point aimer le monde et ses pompes, ses honneurs et ses richesses? A la table
de la communion, en recevant le corps du Sauveur rompu pour vous, ne
déclarez-vous pas les mêmes choses? Et ensuite, que faites-vous? Vous vous en
allez et vous suivez les principes et les règles de ceux dont la vie, la
volonté et le but avoués sont d'aimer le monde, de gagner le monde et de jouir
du monde! Si vous ne vous repentez, vous périrez éternellement. Les chrétiens
de profession qui se conforment au monde iront tout aussi certainement en enfer
que les pires incrédules; leur condamnation est aussi certaine que celle des
plus grands scélérats. Ils sont doublement coupables. Ils se sont engagés solennellement
devant Dieu à suivre le chemin qui mène à la vie, puis ils se sont mis, dans
leurs affaires, à suivre les principes de ce monde; il est évident qu'ils sont
de misérables parjures.
5. La conformité
au monde est si évidemment contraire aux principes de l'Evangile, que lorsque
les pécheurs la rencontrent chez ceux qui font profession de christianisme,
elle les empêche de comprendre la nature et le but de L'Evangile.
Comment, en effet, dans
de telles conditions, les pécheurs comprendraient-ils que le but de l'Evangile
est d'élever les hommes au-dessus de l'amour du monde, au-dessus de l'influence
du monde, de les placer sur un terrain plus élevé, de leur apprendre à vivre
d'après des principes totalement différents ? Comment les pécheurs
comprendraient-ils ce que sont les dispositions d'une âme toute remplie de la
vie du ciel, comment connaîtraient-ils le renoncement à soi-même, la
bienveillance, etc. ?
6. C'est cet
esprit de conformité au monde qui a chasse de l'Eglise l'amour de Dieu.
Voyez ce nouveau
converti, il est bouillant de zèle, l'amour de Dieu remplit son coeur et
s'échappe de ses lèvres en paroles de feu. Que lui importe le monde! Appelez
son attention sur ses richesses, ses plaisirs, ses honneurs, et engagez-le à
les poursuivre, vous ne réussirez qu'à exciter son dégoût. Mais mettez-le dans
les affaires, laissez-le pendant une année faire du négoce selon les principes
admis dans le monde, et vous ne reverrez plus en lui ce brûlant amour de Dieu
qui remplissait son coeur; sa religion ne sera plus pour lui qu'un devoir;
religion sèche, maigre, sans influence; tout autre chose que cet ardent amour
de Dieu qui pousse aux actes de bienveillance. J'en appelle à tout homme ici
présent, et si ma voix était assez forte j'en appellerais à tous ceux qui
professent être chrétiens dans cette ville, et je demanderais : N'en est-il pas
ainsi? Et si quelqu'un me répondait : « Non, il n'en est pas ainsi, » cette
réponse prouverait seulement que celui qui la fait n'a jamais su ce que c'est
que le feu du premier amour chez un nouveau converti:
7. Cette
conformité au monde dans les affaires est un des plus grands obstacles à la
conversion des pécheurs.
Que pensent, en
effet, les incrédules quand ils voient que ceux qui se disent chrétiens et
prétendent croire ce que
8. Une autre
raison du commandement : « Ne vous conformez pas au monde » est l'influence
salutaire, instantanée, immense, qu'auraient ceux qui professent le
christianisme s'ils se mettaient à conduire leurs affaires d'après les
principes de l'Evangile.
Voyez, en effet, ce qui
arriverait si, pendant une année, les chrétiens se réglaient dans leurs
transactions commerciales d'après les principes de l'Evangile. Le
retentissement en serait plus grand que celui du tonnerre ; le monde en serait
ébranlé. Que les incrédules voient ceux qui professent le christianisme,
consulter en toute affaire le bien de la personne avec laquelle ils traitent,
cherchant l'intérêt d'autrui autant que le leur vivant au-dessus du monde, ne
lui attribuant d'autre valeur que celle d'un instrument pour glorifier Dieu ; —
quel ne serait pas l'effet d'une conduite pareille ?
Quels effets vit-on
se produire à Jérusalem quand tous les chrétiens renoncèrent à leurs affaires
particulières pour se donner sans réserve à l'oeuvre du salut du monde ? Ce
n'étaient que quelques pêcheurs ignorants et quelques humbles femmes, mais ils
mirent le monde sens dessus dessous. Que l'Eglise fasse de même maintenant et
le monde sera couvert de confusion et accablé sous la conviction de péché. Oui
! que seulement l'église s'élève au-dessus du monde et traite les affaires
d'après les principes de l'Evangile, chacun cherchant non pas seulement ses
propres intérêts mais aussi les intérêts des autres, et l'incrédulité cachera,
sa tête, l'hérésie sera arrachée de l'Eglise et l'esprit d'amour, esprit
délicieux, béni entre tous, se répandra sur le monde comme les vagues de la
mer.
Secondement. Raisons pour fuir
toute conformité au monde EN CE QUI CONCERNE
Pourquoi est-il
commandé aux chrétiens de ne pas suivre les modes du monde ?
1. Parce qu'elles
sont diamétralement opposées à l'esprit de l'Evangile, et que les suivre, c'est
mettre son affection aux choses de la terre.
Qu'est-ce que « avoir
ses pensées aux choses de la terre » si ce n'est pas entr'autres choses suivre
la mode, qui, semblable à la marée, ne cesse son mouvement de va et vient,
changeant toujours ses formes et renouvelant sans cesse les attraits de ce
monde? Il y a de grands commerçants, des possesseurs de grandes fortunes qui se
vantent de n'avoir aucun souci de la mode; ils sont occupés de tout autre chose
et ils laissent le soin des modes à leur tailleur, c'est son affaire et l'on
compte qu'il fera tout pour le mieux. Mais représentez-vous que ce tailleur
fasse un habillement hors de mode, l'on verrait alors si ces messieurs ne font
aucun cas de la mode. et s'ils voudraient encore employer le même tailleur.
Pour le moment, il est vrai, ils ne s'occupent pas beaucoup de la mode; ils ont
de plus hautes ambitions, aussi pensent-ils que prêcher sur la mode c'est
abaisser la dignité de la chaire chrétienne. Ils oublient que pour la
plus grande partie de l'humanité, la mode est la chose essentielle. La plus
grande partie de ceux qui composent l'Eglise ne sont pas riches et ne
s'attendent pas à le devenir ; leur grande affaire c'est d'avoir un extérieur «
respectable, » et d'élever leur famille d'une manière « respectable; » ce qui
veut dire de suivre la mode. Les neuf dixièmes de la population ne regardent
jamais plus haut que cela : faire comme le monde, c'est-à-dire suivre la mode.
Pour y parvenir, aucun effort, aucun sacrifice ne leur coûte ; tout leur coeur
est là, c'est pour cela qu'ils vivent.
Le grand négociant,
l'homme opulent, le personnage important se trompent donc s'ils pensent que la
mode soit une petite chose. La très grande majorité des gens ont toute leur
attention, tout leur coeur tourné vers cet objet : dans leurs vêtements, leur
mobilier, et le reste, imiter les gens à la mode, les gens respectables, comme
on dit.
2. Se conformer au
monde est contraire à la profession chrétienne.
Quand on se joint à
l'église on fait profession d'abandonner cet esprit qui a donné naissance à la
mode. On déclare renoncer aux « pompes et aux vanités du monde, » se repentir
de son orgueil, vouloir désormais suivre celui qui fut « doux et humble de
coeur, » et vivre pour Dieu.
Après cela, que
fait-on? On suit la mode et souvent avec une ardeur extrême ; on n'acceptera
rien qui ne soit à la dernière mode; de sorte qu'une faiseuse de robes qui par
motif de conscience refuserait de suivre la mode ne pourrait pas gagner son
pain. Oui, c'est un fait, une couturière en robes ne peut trouver du travail,
même auprès des dames qui font profession d'appartenir à Jésus-Christ, à moins
qu'elle ne suive la mode dans toutes ses extravagances ; Dieu sait qu'il en est
ainsi ; et ces couturières doivent abandonner leur gagne-pain si leur
conscience ne leur permet pas de suivre tous les caprices de la mode.
3. Cette
conformité au monde dans l'obéissance à la mode est une franche et complète
approbation donnée à l'esprit du monde.
Quelle est en effet
la raison d'être de tout ce changement de décors, de tout cet éclat, de tout ce
somptueux étalage? C'est l'amour de la louange et des applaudissements. Et
quand les chrétiens suivent la mode, ils affirment par là, autant qu'il est en
eux, l'innocence de cet amour de la vaine gloire. Tout ce gaspillage d'argent,
de temps et de pensées, tout ce soin qu'on prend de la vanité, toute cette
pâture qu'on lui donne, et cet amour, cette passion. des applaudissements,
l'église innocente tout cela; elle y met le sceau de son approbation quand elle
se conforme au monde.
4. En suivant les
modes du monde les chrétiens montrent qu'ils aiment le monde.
Ils montrent par leur
conduite qu'ils aiment le monde, exactement comme les incrédules le montrent
par la même conduite. En suivant, comme eux, les modes, ils démontrent avec
évidence qu'ils sont mus par le même principe, l'amour de la mode.
5. Quand les chrétiens
de profession se conduisent ainsi, ils montrent avec la plus grande évidence
qu'ils aiment la gloire qui vient des hommes.
Ils montrent qu'ils
aiment l'admiration et la flatterie exactement comme les pécheurs. N'est-il pas
clair que c'est se mettre en contradiction avec le principe chrétien, que de
chercher ces choses mêmes qui sont l'objet de l'orgueil et la convoitise des
incrédules ?
6. Si vous vous
conformez au monde en suivant la mode, vous montrez que vous ne vous regardez
pas comme responsable envers Dieu de l'emploi de votre argent.
C'est pratiquement
méconnaître et abandonner votre vraie position, celle d'administrateur de
l'argent qui vous a été confié. En employant l'argent à satisfaire votre vanité
et vos convoitises, vous enlevez à l'épée de la vérité cette pointe qui devrait
transpercer le pécheur égoïste. Votre vie est un démenti donné à la
parole du Seigneur : « La terre est à moi avec tout ce qu'elle contient. » (Ps
L :10).
7. Vous montrez par
là que la réputation est votre idole.
Quand de toutes les
nations vous arrive ce cri des âmes qui se perdent : « passe vers nous et viens
nous secourir » et que chaque semaine vous apporte quelque appel nouveau à
envoyer l'Evangile, des traités, des Bibles, des missionnaires, à ceux qui
périssent faute de connaissance, et que vous préférez dépenser votre argent
pour suivre la mode, n'est-ce pas déclarer que la réputation est votre idole.
Supposons, pour les besoins de notre démonstration, qu'il ne soit pas défendu
par
Voici une femme dont
le mari est en esclavage. Cette femme fait tout ce qu'elle peut pour ramasser
assez d'argent pour le rachat de son mari. Elle est toujours peinant et
économisant, se levant tôt, se couchant tard, mangeant le pain de douleur,
parce que son époux, le père de ses enfants, l'ami de sa jeunesse, est dans
l'esclavage. Maintenant, dites à cette femme que c'est chose innocente pour
elle que de suivre la mode, d'avoir vêtement haute nouveauté, dernière mode,
grands étalages, comme ses voisins. Vous écoutera-t-elle ? Aura-t-elle le
moindre désir des choses. dont vous lui parlez ? — C'est à peine si elle
achètera des souliers pour ses pieds ; elle en est presque à regretter le, pain
qu'elle porte à sa bouche, tant est grand le désir qu'elle a de parvenir à son
but.
Maintenant, supposez
qu'une personne aime Dieu, les âmes des hommes et le règne de Christ,
aura-t-elle besoin d'une défense expresse de Dieu pour ne pas dépenser son
argent et son temps à suivre les modes? Non certes! elle, aurait plutôt besoin
d'un ordre positif pour s'accorder ce qui est nécessaire à l'entretien de sa
vie. Voyez Timothée, eut-il besoin d'une défense expresse pour être gardé de
trop de complaisance envers lui-même quant à l'usage du vin? Il était au
contraire si réservé, qu'il fallut une injonction formelle de la part de Dieu
pour le décider à prendre un peu de vin comme remède. Quoiqu'il fût malade, il
n'en voulait pas prendre à moins d'y être formellement autorisé de Dieu, tant
il voyait clairement les mauvais côtés de la chose. Maintenant, montrez-moi un
homme ou une femme qui suive les modes, et je vous dirai de quel esprit cette
personne-là est animée, sans m'inquiéter de la profession qu'elle peut faire.
Ne me demandez pas
pourquoi Abraham, David, Salomon, qui étaient si riches, n'employèrent pas leur
argent à l'avancement du règne de Dieu ; je vous demanderais, moi, si ces
anciens serviteurs de Dieu jouissaient de la lumière que possèdent les
chrétiens de nos jours. Savaient-ils seulement que le monde peut être converti,
ainsi que le savent les chrétiens d'aujourd'hui? Mais supposons qu'il vous soit
permis, aussi bien qu'A Abraham et à David, d'être riche et d'employer vos
richesses à faire étalage de luxe, suivant tous les caprices de la mode, qui
d'entre vous voudrait le faire, s'il aimait le Seigneur Jésus-Christ? Qui
voudrait employer son argent à des vanités de ce genre quand il pourrait
l'employer à satisfaire la passion qui ASSORBERAIT TOUT dans sa vie, celle de
faire du bien à l'âme de ses semblables?
8. En vous
conformant au monde en obéissant à la mode, vous montrez que vous ne différez
pas de ceux qui sont ouvertement impies.
Ces impies et ces
incrédules déclarés disent: « Nous ne voyons pas que ces chrétiens aiment moins
la mode que nous. » Et qui ne sait que ce scandale fait tomber beaucoup de
gens?
9. En suivant la
mode,vous tentez Dieu, vous l'engagez à vous abandonner à l'esprit de ce monde.
Il y a, à l'heure
qu'il est, beaucoup de chrétiens de profession qui ont suivi le monde et la
mode jusqu'à ce qu'enfin Dieu semble les avoir livrés à Satan pour la
destruction de la chair. Ils n'ont que peu ou point de sentiment religieux, pas
d'esprit de prière, pas de zèle pour la gloire de Dieu ou pour la conversion
des pécheurs: le Saint-Esprit semble les avoir abandonnés.
10. Vous tentez
l'Eglise, vous la poussez à suivre les modes.
Là où les anciens et
les principaux membres de l'église sont des chrétiens fashionables, ils
entraînent toute l'église après eux dans leur obéissance à la mode et chacun
les imite autant qu'il peut, jusqu'à la plus humble servante. Que seulement une
riche dame « chrétienne » vienne à l'église en costume grande mode, aussitôt
toute l'église est prise du désir de la suivre dans cette voie, fallût-il
s'endetter pour cela.
11. Vous vous
tentez vous-mêmes à l'orgueil, à la folie et à la mondanité.
Représentez-vous un
buveur corrigé qui s'entourerait de vin, d'eau-de-vie et de toutes sortes de
liqueurs enivrantes, et qui ne les quitterait pas du regard, et qui en
goûterait de temps en temps quelque peu. Cet homme-là ne se tenterait-il pas
lui-même? Et maintenant voyez cette femme qui a été élevée dans l'orgueil et la
vanité; elle s'est corrigée et a professé abandonner son ancienne vie; mais
elle garde ses ornements et continue à suivre les modes : la ramènera en
arrière, cela est immanquable. Elle se tente elle-même au péché et à la folie.
12. Vous tentez le
monde.
Vous le jetez dans
une recherche encore plus ardente et plus fiévreuse de toutes ces vanités. Le
monde a parfois des scrupules au sujet de ces choses-là ; mais, en les
recherchant avec lui et après lui, les chrétiens de profession encouragent les
mondains à se livrer tout entiers à ces convoitises qui précipitent leurs âmes
dans l'enfer.
13. En suivant la
mode, vous tentez le diable à vous tenter.
En suivant la mode,
vous ouvrez votre coeur à Satan. Après s'être donné à Dieu, vouloir suivre la
mode, c’est vouloir garder son cœur « vide, balayé et paré » pour Satan. Toute
femme qui veut suivre la mode peut en être sûre, elle aide Satan à la tenter à
l'orgueil et au péché.
14. C'est la plus
grande partie de ceux qui vous entourent que vous tentez en suivant les modes.
Il y a un petit
nombre de personnes qui se proposent comme but des objets plus considérables
que la conformité aux modes, et qui poursuivent ces objets avec ardeur. Les uns
sont engagés dans une lutte très vive pour arriver au pouvoir politique,
d'autres font tous leurs efforts pour acquérir une réputation littéraire,
d'autres pour gagner des richesses ; et les uns comme les autres ne se doutent
pas que leur coeur est attaché à la mode ; leur égoïsme se déploie sur une plus
grande échelle. Mais la plupart sont beaucoup influencés par la mode ; et pour
eux c'est une pierre d'achoppement des plus funestes que l'ardeur et la
promptitude que les chrétiens de profession mettent à suivre tous les caprices
de la mode. Ils se disent : « que signifie donc leur profession puisqu'ils
suivent les modes avec autant d'empressement que qui que ce soit ? » Ou bien
encore, ils se disent : « Il est sans doute légitime de suivre la mode, car les
chrétiens eux-mêmes la suivent tout autant que nous. »
15. Une autre
raison pour laquelle les chrétiens ne doivent pas se conformer au monde en
suivant les modes, c'est la grande influence qu'une conduite tout opposée
aurait infailliblement sur les gens du monde.
Si ceux qui font
profession d'être chrétiens montraient un complet mépris de la mode, il y
aurait là un vivant reproche et un sujet de confusion pour les gens du monde
qui les entourent ; ces chrétiens démontreraient par-là qu'ils vivent pour Dieu
et pour l'éternité. Quelle ne serait pas la puissance d'un pareil fait ! Quel
témoignage accablant il constituerait en faveur de la religion de Jésus-Christ
! L'apparente renonciation au monde faite par beaucoup d'ordres religieux, a
certainement plus fait que toute autre chose pour persuader les hommes de la
réalité de leur religion, et pour étendre cette religion dans le monde en
augmentant son influence. Supposez maintenant qu'un tel renoncement soit
sincère et cordial ; ajoutez-y par la pensée non seulement tout ce qu'il y a de
beau et d'aimable dans le caractère chrétien, mais encore toute la puissance
d'une activité pleine de hardiesse et de zèle pour arracher les âmes au péché
et les gagner à la sainteté ; quelle influence un pareil exemple
n'exercerait-il pas ! Ne serait-ce pas comme un tonnerre qui retentirait aux
oreilles du monde, et qui obligerait beaucoup de pécheurs à se réveiller et à
se tourner vers Dieu?
Troisièmement. Raisons pour fuir
toute conformité au monde EN CE QUI CONCERNE
Je veux montrer
pourquoi ceux qui professent être chrétiens sont tenus de ne pas se conformer
au monde à l'égard de la politique.
1. Parce que la politique
de ce monde est parfaitement malhonnête.
Qui l'ignore? Qui ne
sait que chaque parti cache à dessein les défauts de son propre candidat, ainsi
que les qualités du candidat du parti opposé ? Est-ce que cela n'est pas
malhonnête ? Chaque parti porte son candidat aux nues ; il en fait une
perfection et n'a qu'un but, le faire élire ; et pour cela tous les moyens sont
bons. Il est donc impossible d'être un honnête homme quand on s'inféode à un
parti. Et le chrétien pourrait agir de la sorte et garder en même temps une
conscience pure.
2. Se conformer au
monde en ce qui concerne la politique, c'est tenter Dieu.
En marchant avec le
monde dans les affaires politiques, les chrétiens commettent la faute de donner
au pays, par leur vote, des chefs qui ne craignent ni n'aiment Dieu, gens qui
bravent ouvertement ses lois, qui violent le jour du repos, qui jouent, qui
commettent adultère, qui se battent en duel, qui jurent d'une manière impie,
qui laissent les lois inexécutées quand tel est leur bon plaisir, et ne se
soucient ni du bonheur ni du malheur de leur pays, pourvu qu'ils puissent
conserver leurs places.
Oui, les chrétiens
sont responsables de ce que le pouvoir tombe entre de telles mains. Car il est
clair que là où les partis sont divisés, comme ils le sont dans ce pays, les
chrétiens sont assez nombreux pour déterminer le sens du vote. Qu'ils se
montrent résolus à ne jamais voter pour un malhonnête homme, un violateur du
sabbat, un joueur, un débauché, un duelliste, et aucun parti ne pourra proposer
de tels personnages au suffrage populaire avec quelque chance de succès. Mais
aujourd'hui on voit les partis se prêter à tout, consentir à la violation des
lois, donner pleine licence aux fureurs populaires, aux exécutions sommaires
(loi de Lynch), aux vols des malles-poste, en un mot à toute sorte d'iniquité,
pourvu qu'ils puissent porter leur candidat au pouvoir et, avec son appui,
occuper les emplois publics. J'affirme que tous les fauteurs d'un pareil
système sont de malhonnêtes gens, quelle que soit leur profession religieuse.
Et si des chrétiens s'en rendent complices, les déclarerons-nous innocents ?
3. En marchant
avec le monde dans les affaires politiques, les chrétiens contristent le
Saint-Esprit.
Demandez à un homme
politique chrétien s'il a jamais pris le Saint-Esprit pour guide et pour
compagnon dans une campagne politique. — Jamais, vous répondra-t-il. Je suis
loin de prétendre que les chrétiens doivent s'abstenir de voter et se priver de
leur part légitime d'influence sur les affaires publiques. Mais ne ils doivent
pas s'enrôler dans un parti.
4. En faisant de
la politique comme on en fait aujourd'hui, vous contribuez à saper par la base
tout ordre et tout gouvernement dans le pays.
Qui ne sait qu'en ce moment
(1) cette grande nation vacille et chancelle, parce que les lois sont violées
et foulées aux pieds et que le gouvernement ne veut ou n'ose pas s'y opposer?
soit que le magistrat ne désire pas mettre fin au désordre, soit qu'il
temporise, toujours est-il que le mal règne dans toutes les contrées de notre
grand pays ; et que celui qui fait profession d'être chrétien ne peut pas
donner son suffrage à des hommes tels que ceux qui sont aux affaires.
(1) Paroles
prononcées il y a cinquante ans. Depuis lors de grands progrès ont été
accomplis : réveils religieux, abolition de l'esclavage, etc. (Trad.).
5. Votre façon
d'agir est une pierre d'achoppement pour les pécheurs.
Que pensent les
pécheurs quand ils voient ceux qui se disent chrétiens se joindre à eux dans
les mesures politiques qu'ils prennent, et faire des choses qu'ils savent, eux,
mondains, être déshonnêtes et corruptrices ? Ils disent : « Nous savons, très
bien, nous, ce que nous faisons, nous voulons que notre parti arrive au
pouvoir, nous poursuivons notre propre intérêt, nous voulons les places, les
honneurs, la puissance, rien de plus simple. Mais ces chrétiens qui font
profession de vivre pour autre chose, pour un but plus élevé, les voilà qui se
joignent à nous et les voilà qui recherchent « des pains et des poissons » tout
aussi avidement que qui que ce soit d'entre nous ! » Les gens du monde
pourraient-ils rencontrer une pierre d'achoppement pire que celle-là?
6. Vous démontrez
aux incrédules que ceux qui professent être chrétiens sont mus par le même
esprit qu'eux.
Qui peut s'étonner
que les gens du monde soient incrédules quant à la réalité de la religion ?
S'ils ne font pas des recherches dans les Ecritures et n'apprennent pas par
elles ce qu'est la religion, s'ils se laissent conduire par ce qu'ils voient de
la conduite de ceux qui se disent chrétiens, ils doivent être. incrédules. Ils
doivent inférer de ce qu'ils voient que ceux qui professent la religion n'y
croient pas eux-mêmes. Et cette conclusion est fondée. Je suis moi-même loin
d'être sûr que le plus grand nombre de ceux qui font profession d'être.
chrétiens croient à
7. Vous montrez
que votre cœur n'est pas changé.
Qu'est-ce que le
changement du coeur? Est-ce prendre la sainte cène une fois ou deux par mois et
aller quelquefois à la réunion de prières? A-t-on le coeur changé pour cela,
quand on est tout aussi ardent que les autres à la poursuite des places et des
honneurs? Le monde serait stupide s'il croyait à un changement de coeur pour de
pareilles raisons.
8. Vous devriez
renoncer à toute conformité avec le monde à l'égard de la politique, quand ce
ne serait qu'en vue de l'influence bénie qu'une pareille conduite ne manquerait
pas d'avoir sur le monde.
Supposez un moment
que les chrétiens deviennent parfaitement consciencieux et conséquents en
matière politique et qu'ils disent d'une commune voix : « Nous n'accorderons
nos votes qu'à des hommes qui craignent Dieu et qui sont décidés à gouverner
selon la justice. » Dès ce moment, les incrédules n'oseraient plus porter comme
candidats des hommes qui ne respectent pas les lois. Loin de là. Tout candidat
devrait désormais présenter assez de garanties morales pour que l'on pût
reconnaître en lui un homme dévoué au bien du pays, décidé à encourager la
vertu, à réprimer le vice, l'injustice et le désordre, à faire en un mot tout
ce qui est en son pouvoir pour rendre le peuple heureux et SAINT. Les chrétiens
feraient ainsi honte aux politiciens malhonnêtes en montrant que le seul mobile
de toute leur activité est l'amour de Dieu et des hommes. Semblable à une vague
immense, leur influence bénie ne tarderait pas à s'étendre sur tout le pays.
IV.
J'ai maintenant à
répondre à quelques objections qui sont faites contre les principes que j'ai
avancés.
1. OBJECTIONS CONTRE
NOS PRINCIPES RELATIVEMENT AUX AFFAIRES.
1° Objection.
« Si nous ne suivons pas dans les affaires les mêmes principes que les gens du
monde, nous ne pourrons pas soutenir leur concurrence et toutes les affaires
tomberont entre leurs mains. Si, dans les achats et les ventes, nous avons en
vue le bien d'autrui, nous ne recherchons pas notre bénéfice mais celui des
gens avec qui nous traitons, nous ne pourrons jamais lutter avec les
commerçants animés d'un tout autre esprit et ils ne tarderont pas à être maîtres
de tout le commerce. »
Eh bien, soit ! Vous
pouvez trouver un moyen plus modeste de gagner votre vie, et laisser les
affaires aux gens du monde.
2° Objection.
« Mais où trouverons-nous de l'argent pour répandre l'Evangile »?
— Une église sainte
qui agirait d'après les principes de l'Evangile contribuerait plus à hâter les
progrès du règne de Dieu que ne le ferait jamais tout l'argent qu'on pourrait
trouver à New York. Donnez-moi une église sainte, une église dont la vie soit
au-dessus de ce monde, et l'oeuvre du salut avancera plus vite qu'elle ne
pourrait le faire avec tout l'argent de la chrétienté.
3° Objection.
« Il nous faut pourtant beaucoup d'argent pour former des ministres instruits.
»
— Ah ! si nous avions
des pasteurs SAINTS ce serait un avantage bien plus grand que d'avoir des
pasteurs d'une haute culture. Si le corps pastoral est assez saint, il pourra
au besoin se passer d'études si prolongées; Dieu me garde de méconnaître la
valeur des études; que les Ministres aient autant d'instruction que possible,
ils n'en auront jamais trop, pourvu qu'ils aient aussi la sainteté. Mais il est
absurde de penser qu'un corps pastoral lettré soit, comme tel, en état de
convertir le monde. Que les pasteurs aient l'esprit de prière, que le baptême
du Saint-Esprit, la « Puissance d'En Haut » soit sur eux et ils répandront
l'Evangile. Que les chrétiens vivent comme ils doivent vivre et l'Eglise
ébranlera le monde. Si seulement tous les chrétiens de New York entraient dans
cette voie, chaque navire qui quitte le port de cette grande cité en porterait
la nouvelle, les vents la disperseraient aux quatre bouts des cieux, bientôt un
esprit de réveil et de recherche du salut remplirait la terre entière, et les
conversions se multiplieraient comme les gouttelettes de la rosée du matin.
Supposons un moment
que vous abandonniez vos affaires pour vous consacrer exclusivement à l'oeuvre
de l'évangélisation. L'église l'a fait une fois, et vous savez quelle en fut la
conséquence. Quand ce petit groupe de fidèles de Jérusalem oublièrent leurs
intérêts temporels pour se donner tout entiers à l'oeuvre de Dieu, le salut se
répandit avec une rapidité merveilleuse. Je crois que si, de nos jours encore,
toute l'église chrétienne se levait, et, laissant tout le reste, marchait à la
conquête du monde, en fort peu de temps le monde se convertirait.
Au surplus, le fait
est que vous ne seriez pas obligés d'abandonner vos affaires. Si les chrétiens
voulaient s'occuper de leurs affaires dans l'esprit de l'Evangile, ils auraient
bientôt accaparé tout le commerce du monde. Que seulement les gens du monde
constatent que chaque fois qu'ils ont affaire à un chrétien, celui-ci les
traite non seulement avec loyauté, mais avec bienveillance, qu'il a égard à
leur intérêt comme au sien propre, et ils ne voudront plus guère avoir affaire
qu'à des chrétiens. Quel négociant voudra pour une affaire quelconque,
s'adresser à un incrédule qu'il sait être exclusivement préoccupé de son propre
avantage et fort capable de le tromper et de le duper, alors qu'en s'adressant
à un négociant chrétien il sera sûr d'obtenir de lui la même application et la
même bonne volonté que s'il s'agissait de ses propres intérêts? Du reste, c'est
un fait connu qu'il y a maintenant ici, dans cette ville, des marchands chrétiens
qui, grâce à leur intégrité, fixent le prix des articles dont ils sont
détenteurs. Quand des marchands viennent de l'intérieur en vue de faire des
achats dans notre ville, ils se rendent chez les marchands chrétiens dont nous
parlons, ils leur demandent quel est le prix raisonnable de chaque article, et
la réponse qu'ils reçoivent fait loi pour eux.
Quand l'homme
d'affaires suit les principes de l'Evangile, l'avantage est tout de son côté.
L'Eglise peut faire en sorte que les incrédules mêmes aient intérêt à conduire
leurs affaires d'après les vrais principes. Elle peut ainsi régler le commerce
du monde. Et malheur à elle si elle ne le fait pas !
2. OBJECTIONS CONTRE
NOS PRINCIPES RELATIVEMENT A
1° Objection.
« Est-il bon que le chrétien se singularise? »
Certainement! Les
chrétiens sont tenus de se singulariser. Ils sont appelés à être un « peuple
particulier » c'est-à-dire un peuple singulier, essentiellement différent du
reste de l'humanité. Soutenir que nous ne devons pas être singuliers c'est dire
que nous devons nous conformer au monde. « Ne sois pas singulier » signifie: «
sois semblable au monde » ce qui est juste le contraire du commandement donné
dans notre texte.
Mais la question qui
nous occupe maintenant concerne la mode dans les vêtements, les équipages, les
ameublements, etc. Ici je confesse que j'étais autrefois dans l'erreur; je
croyais et j'enseignais que le mieux pour le chrétien était de se vêtir de
manière à n'être pas remarqué, qu'il fallait suivre de loin les changements de
la mode de manière à ne pas paraître singulier. Mais j'ai vu mon erreur et
maintenant je m'étonne de l'aveuglement dans lequel j'étais. Votre devoir est
de vous vêtir avec une simplicité telle que vous montriez au monde que vous ne
faites aucun cas de la mode, que vous la négligez et la méprisez absolument. En
effet, si vous n'êtes pas singuliers, si vous ne vous séparez pas entièrement
des modes de ce monde, vous montrez que vous y attachez du prix. Vous ne pouvez
rendre un témoignage clair contre les modes du monde que par une entière
simplicité; je ne veux pas dire que vous deviez vous étudier à être singuliers;
je veux dire que vous devez rechercher la commodité et l'économie, bien qu'en
le faisant, vous puissiez paraître singuliers.
2° Objection.
Mais si nous nous habillons avec une simplicité exagérée, toute l'attention des
gens se portera sur ces détails extérieurs.
— S'il y a de la
vérité dans cette observation, c'est parce que la chose est si rare que chacun
ouvre de grands yeux quand il voit un chrétien assez fidèle à sa profession
pour ne tenir aucun compte des modes. Mais que tous les chrétiens se mettent à
en faire autant, et votre simplicité ne prouvera plus rien, sinon que vous êtes
un chrétien et que vous ne voulez pas être confondu avec les incrédules. Ne
serait-ce pas un coup porté à l'orgueil du monde, si tous les chrétiens étaient
d'accord pour rendre un témoignage pratique contre le vain étalage de son luxe?
3° Objection.
Vous mettez la religion trop haut, vous la mettez hors de la portée du plus
grand nombre. Il vaut mieux ne pas établir une distinction artificielle entre
l'église et le monde.
Cette objection est
directement contraire à la vérité. Plus vous rapprocherez l'église du monde,
plus vous affaiblirez les raisons qui devraient persuader au monde de se
convertir et de se joindre à l'église. A moins que vous ne sortiez décidément
du monde et que vous ne montriez que vous n'êtes en aucune façon des siens, à
moins que vous ne placiez l'église assez haut pour qu'il y ait une ligne de
démarcation bien tranchée entre les saints et les pécheurs, comment ferez-vous
comprendre aux incrédules la nécessité d'un changement aussi grand que la
conversion ?
4° Objection.
Mais le changement nécessaire est celui du coeur.
— Sans doute! mais ce
changement du coeur ne produira-t-il pas le changement de la vie?
5° Objection.
Vous mettrez ainsi des obstacles à ce que l'on devienne chrétien;
beaucoup de gens respectables seront dégoûtés de la religion; et s'ils ne
peuvent être chrétiens en prenant soin de leur toilette, ils se décideront tout
à fait pour le monde.
Cette objection est
aussi raisonnable que le serait la conduite d'un membre de
6° Objection.
« N'est-il pas mieux que nous n'accordions aucune attention à de pareilles bagatelles,
que nous laissions la modiste et la couturière faire comme il leur plait, et
que nous suivions les usages de la société dans laquelle nous vivons? »
Est-ce là une manière
de montrer son mépris pour modes de ce monde ? Pour montrer le dédain que vous
avez pour un usage, vous mettez-vous à l'adopter ? Est-ce une bonne manière de
montrer votre éloignement du monde que de suivie docilement ses coutumes et ses
modes? Étrange manière de raisonner !
7° Objection.
Qu'importe l'habit, si le coeur est pur. — Votre coeur peut-il donc être pur
pendant que votre conduite est mauvaise ? A tout aussi bon droit le jureur
pourrait dire : « Qu'importent les mots que je prononce, si mon coeur est pur ?
Qu'est-ce que la conduite extérieure, si ce n'est l'activité du coeur se
montrant au dehors? Si votre coeur était pur, vous ne désireriez pas suivre les
modes de ce monde.
8° Objection.
Quelle règle, quel modèle devons-nous suivre dans la confection de nos vêtements;
nous ne voyons pas l'utilité de tout ce que vous nous prêchez, ni à quoi sert
de prescrire la simplicité dans les vêtements, tant que vous ne nous donnez pas
ce modèle. »
C'est là une grande
pierre d'achoppement pour beaucoup de gens: Je trouve cependant le sujet
extrêmement simple; il est renfermé tout entier en deux règles très faciles à
entendre. La première est celle-ci : Ayez soin de n'avoir rien de commun dans
votre costume, vos ameublements, etc., avec les mobiles et les principes de ceux
qui visent à l'effet et recherchent les applaudissements des hommes.
Et voici ma seconde
règle : Consultez d'abord l'économie et ensuite la commodité. Soyez d'abord
saintement économes, c'est-à-dire épargnez tout ce que vous pouvez pour le
service de Christ ; puis, que tout soit aussi commode, convenable, que cette
économie le permettra.
9° Objection.
Prétendez-vous faire de nous tous des Quakers, et nous obliger à nous habiller
à leur manière ?
— Qui est-ce qui
ignore que la mise simple des quakers leur a conquis le respect des incrédules
les plus sérieux ? S'ils y avaient joint le zèle pour Dieu, le complet
renoncement au monde, le mépris des richesses et l'activité dévouée pour la
conversion des pécheurs que nous commande l'Evangile et enfin une vue claire du
plan du salut tel qu'il est exposé dans les Ecritures, il y a longtemps qu'ils
auraient converti le monde. Et si tous les chrétiens les imitaient quant à leur
mise simple, qui peut douter que par là la conversion du monde ne fût hâtée? Je
ne veux pas dire cependant qu'il faille adopter la coupe et la façon
particulière de leurs vêtements; je ne parle que de la simplicité de leur mise
qui ne tient aucun compte des goûts et
des modes du monde.
10° Objection.
« Faut-il être tous méthodistes? »
— Qui ne sait qu'à
l'époque où les méthodistes se faisaient remarquer par la simplicité de leurs
vêtements et par leur renoncement aux modes et aux vanités de ce monde, ils
étaient puissants auprès de Dieu par la prière, et que le monde les respectait
et les regardait comme de sincères chrétiens? Et qui ne sait que depuis qu'ils
ont mis de côté leur simplicité et qu'ils se sont conformés au monde dans leurs
vêtements et en d'autres choses encore, depuis qu'ils paraissent faire tous
leurs efforts pour s'élever eux-mêmes comme dénomination et acquérir de
l'influence dans le monde, ils n'ont plus cette puissance de la prière qu'ils
avaient au commencement ? Plût à Dieu qu'ils n'eussent jamais renversé la
muraille qui les séparait du monde! C'était un des traits les plus excellents
du Wesleyanisme que cette simplicité dans les vêtements qui distinguait les
membres de ses églises.
11° Objection.
« Un vêtement simple peut nous inspirer autant d'orgueil qu'un vêtement à la mode.
Les Quakers sont aussi orgueilleux que nous. »
— On peut abuser de
tout ce qui est bon ; mais tout le monde sait que l'abus ne condamne pas
l'usage. A ceux qui font cette objection, je poserai à mon tour la question
suivante :
Est-il bien qu'une
femme chrétienne, qui a dans son cœur la crainte de Dieu et l'amour des âmes,
néglige un moyen très efficace de montrer qu'elle est séparée du monde et de
témoigner son mépris pour ces vanités du luxe et de la mode au milieu
desquelles les impies descendent en dansant vers l'enfer?
12° Objection.
« Ce sont là de bien petites choses qui ne devraient point venir jusque dans la
chaire prendre tant de temps au prédicateur. »
Voilà une objection
faite souvent par les chrétiens mondains. Mais le ministre qui craint Dieu ne
se laissera pas arrêter par elle ; il ira de l'avant jusqu'à ce que de tels
chrétiens soient ou dépouillés et purifiés de toute conformité au monde, ou
retranchés de l'église. Ce n'est pas le vêtement comme tel, mais la conformité
au monde dans les modes et les vêtements qui est une des pierres d'achoppement
les plus funestes aux pécheurs. Comment le monde se convertira-t-il, tant que
ceux qui font profession d'être chrétiens se conforment au monde? Quel bien
cela peut-il faire de donner de l'argent pour faire porter l'Evangile aux
païens, quand chez eux les chrétiens vivent d'une pareille façon? En les
voyant, les païens ne diront-ils pas : « Quel profit peut-il y avoir à devenir
chrétiens ? Les chrétiens recherchent les vanités du
monde avec autant
d'ardeur que ceux qui n'ont aucune religion. » La grande chose, nécessaire à
l'église, c'est qu'elle rejette toute conformité au monde ; elle aura alors
pouvoir auprès de Dieu par la prière, et le Saint-Esprit descendra et bénira
ses efforts, et le monde se convertira.
13° Objection.
« Si nous nous habillons de la sorte, nous serons appelés fanatiques. »
De quelque nom que
vous nomment les impies, que ce soit fanatiques, méthodistes, ou quelque autre
nom encore, toujours est-il que vous serez connus comme chrétiens ; dans le
secret de leurs consciences les hommes vous reconnaîtront comme tels. Il n'est
pas au pouvoir des incrédules de répandre le mépris sur une église sainte qui
est séparée du monde. Qu'en était-il des premiers chrétiens ? Ils vivaient séparés
du monde et cela faisait une telle impression, que même des auteurs incrédules
disaient d'eux : « Ces gens gagnent le coeur de la masse du peuple parce qu'ils
se vouent aux oeuvres de la charité et n'ont que mépris pour les choses du
monde. » Soyez-en certains, si les chrétiens veulent vivre ainsi, l'enfer aura
beau redoubler d'efforts, la victoire sera bientôt à l'Evangile. Vague après
vague, les eaux vives s'étendront au loin sur le monde, jusqu'à ce qu'elles
couvrent les plus hauts sommets de la terre.
3. OBJECTIONS CONTRE
NOS PRINCIPES RELATIVEMENT A
1° Objection.
« En se conduisant d'après. ces principes, en refusant de s'unir au monde en ce
qui concerne la politique, nous ne pouvons avoir aucune influence sur la marche
des affaires du pays. »
— Je
réponds, premièrement : il en est ainsi maintenant. Les chrétiens, comme
tels, n'ont pas d'influence. Nous ne voyons pas qu'aucun principe chrétien soit
adopté parce qu'il est chrétien, ou parce qu'il est conforme à la loi de Dieu.
Deuxièmement. Si les chrétiens
n'ont pas d'autre moyen d'avoir de l'influence sur le gouvernement du pays que
celui de se conformer au monde dans les affaires politiques, alors, laissez les
incrédules manier les affaires et gouverner le pays à leur manière, et vous
allez servir Dieu.
Troisièmement. Mais il n'en sera
pas ainsi ; c'est précisément le contraire qui arrivera. Que seulement l'on
sache bien que les citoyens chrétiens n'aideront en aucune façon à mettre au
pouvoir des hommes sans principes ; qu'il soit bien connu que l'église
n'appuiera que des hommes ayant pour lait le bien du pays, et les partis
s'accorderont certainement pour ne jamais mettre en avant d'autres hommes que
ceux-là. De cette façon, l'Eglise exercera une légitime influence dans les
affaires politiques.
2° Objection.
« C'est faire de l'église et du monde deux camps opposés. »
— Non. Le monde est
trop égoïste pour que les partis puissent se diviser ainsi, et surtout pour que
cette division-là puisse se maintenir. Il se peut que pendant une année les
incrédules s'unissent contre l'église et laissent les chrétiens former une
petite minorité. Mais ils se diviseraient bientôt en deux camps, chacun d'eux
briguant les suffrages des chrétiens et leur offrant clos candidats pour
lesquels ils pussent voter consciencieusement.
REMARQUES
1. En ne vous
conformant point au monde, vous pouvez épargner beaucoup d'argent et l'employer
à faire du bien.
En une année,
l'église pourrait réunir ainsi, pour l'évangélisation, une somme plus grande
qu'elle n'a jamais pu le faire.
2. En ne vous
conformant point au monde, vous pourriez ainsi sauver beaucoup de temps, de ce
temps précieux que vous perdez aujourd'hui à suivre les modes du monde, à vous
conformer à ses maximes, à vous associer à ses entreprises.
3. En même temps les
chrétiens garderaient la paix de leur conscience, ils jouiraient de la
communion avec Dieu, ils auraient l'esprit de prière et seraient beaucoup plus
utiles qu'ils ne sont.
N'est-il pas temps
d'agir dans ce sens ? N'est-il pas temps qu'une église quelconque ouvre la
voie, rompant avec toute conformité au monde pour suivre l'exemple et l'esprit
de Jésus-Christ ?
Vous faites
profession de désirer la conversion des pécheurs ; mais à quoi bon les
convertir, si c'est pour qu'ils retombent dans la conformité au monde ? Frères,
je le confesse, je suis rempli de douleur en voyant la conduite, de l'église.
Où sont les résultats des glorieux réveils que nous avons eus ? Je le crois,
ces grâces que l'église a reçues pendant ces dix dernières années, c'étaient de
véritables, réveils, des effusions du Saint-Esprit. Je crois que les convertis
de ces dix dernières années sont au nombre des meilleurs chrétiens du pays ;
cependant, tout bien compté, ils ne sont, la plus grande partie d'entre eux,
qu'un déshonneur pour la religion. A quoi pourrait-il servir d'ajouter à
l'église mille membres qui seraient exactement comme ceux qu'elle a déjà ? La
religion en serait-elle plus honorable aux yeux des infidèles? Une seule église
sainte qui serait réellement crucifiée au monde, le monde étant crucifié à
son égard (Gal VI :14), ferait plus pour recommander le christianisme que
toutes les églises du pays ne le font en vivant comme. elles vivent maintenant.
Ah ! si j'avais assez de force corporelle pour m'en aller de nouveau parcourir
les églises, au lieu de prêcher encore la conversion aux pécheurs, je voudrais
travailler surtout à amener Ies églises la sainteté que réclame l'Evangile. A
quoi sert de convertir les pécheurs, pour en faire des chrétiens tels que ceux
que nous avens maintenant ? A quoi bon nous efforcer de les convertir et de
leur faire sentir qu'il y a quelque chose de réel dans la religion, pour
qu'ensuite quand ils sont en relation d'affaires avec vous, ou quand ils vous
rencontrent dans les rues, ils. trouvent dans votre exemple la réfutation
vivante de tout ce qui leur a été prêché et pour que votre conformité au monde
leur persuade qu'il n'y a rien de réel dans la religion de Jésus-Christ ?
Où trouverai-je, où
le Seigneur lui-même trouvera-t-il une église pareille à l'église des premiers
jours, une église qui veuille sortir du monde et en rester séparée, pour se
donner entièrement au service de Dieu ? Oh! si cette église-ci voulait le
faire ! Je le répète, il y a peu d'utilité à faire des chrétiens s'ils ne
doivent pas être meilleurs que ceux que nous avons. Comprenez-moi bien, je ne
dis pas que les conversions amenées par nos réveils aient été fausses, mais je
dis que ces convertis vivent de manière à être un déshonneur pour la religion.
Ils ont été tellement gâtés par les chrétiens ou prétendus chrétiens de vieille
date, que beaucoup d'entre eux font aujourd'hui plus de mal que de bien. Plus
il y a de chrétiens de cette sorte, en effet, et plus l'incrédulité trouve
matière à blâmer et à railler.
Maintenant,
croyez-vous que Dieu vous commande de ne plus vous conformer au monde ? Le
croyez-vous ? Etes-vous déterminés à obéir à ce commandement, quoi que l'on
puisse dire de vous ? Avez-vous le courage de vous séparer du monde,
voulez-vous prendre la résolution de ne plus vous laisser conduire par ses
maximes, de ne plus imiter ses pratiques, de ne plus suivre les caprices de ses
modes ? Je connais un homme qui vit ainsi, — je pourrais vous dire son nom, —
il ne fait aucune attention aux coutumes du monde; et quel en est le résultat?
Où que ce soit qu'il aille, il laisse l'impression qu'il est un chrétien. Oh !
si une église voulait agir ainsi et y mettre toute l'énergie que les hommes du
monde mettent dans leurs affaires, elle mettrait le monde sens dessus dessous.
Voulez-vous le faire ? Voulez-vous rompre avec le monde maintenant et entrer en
alliance avec Dieu ? Vous déclarez-vous décidés à être assez singuliers pour
vivre séparés du monde ; décidés à « dresser vos faces pour marcher avec une
sainte inflexibilité dans a voie du Seigneur » et lui rendre pleine obéissance,
quoi que le monde puisse dire ? L'osez-vous ? Le voulez-vous ?
«La tristesse selon
Dieu produit une repentance à salut dont on ne se repent jamais, tandis que la
tristesse du monde produit la mort.» 2 Cor. VII :10.
Dans ce chapitre,
l’apôtre Paul s’en réfère à une autre épître écrite par lui précédemment aux
Corinthiens au sujet de fautes graves qu’ils avaient commises. Il mentionne
l’effet excellent produit par cette lettre précédente; les fidèles de Corinthe
avaient été amenés à une vraie repentance : ils s’étaient attristés selon Dieu.
« Et voici, cette même tristesse selon Dieu, quel empressement n’a-t-elle pas
produit en vous ! Quelle justification, quelle indignation, quelle crainte,
quel désir ardent, quel zèle, quelle punition ! Vous avez montré à tous égards
que vous étiez purs dans cette affaire. »
Dans le verset que
j’ai pris pour texte, Paul parle de deux sortes de tristesse au sujet du péché;
l’une produit la repentance pour le salut; l’autre produit la mort. Ces deux
tristesses sont ce que l’on nomme ordinairement « la vraie et la fausse
repentance » et c’est de quoi nous parlerons ce soir.
Je désire montrer :
I. En quoi consiste
la vraie repentance.
II. A quoi on la
reconnaît.
III. En quoi consiste
la fausse repentance.
IV. A quoi on la
reconnaît.
Il est grand temps que
ceux qui font profession de piété apprennent à distinguer beaucoup mieux qu’ils
ne le font entre les différents sentiments religieux, entre les différents
états d’âme ; si l’on avait eu la lumière à cet égard, l’église ne serait pas
envahie par d’inutiles et faux chrétiens. J’ai été souvent conduit, ces
derniers temps, à rechercher pourquoi il y a tant de fausse religion et je me
suis efforcé de remonter aux causes premières de ce mal. Fait notoire et
considérable, il y a un très grand nombre de gens qui croient être religieux et
qui, à moins que
I.
En quoi consiste la
vraie repentance.
La vraie repentance
est un changement complet et de l’idée que l’on se fait du péché et des
sentiments que l’on éprouve à son égard. Le mot du texte grec traduit en
français par repentance implique cela, il signifie changement d’opinion et de
disposition. Le sentiment est un résultat de la pensée. Si l’idée que l’on se
fait du péché est juste et si elle est accompagnée du sentiment qui lui
correspond, la repentance sera vraie. L’idée que l’on se fait du péché étant
semblable à celle que Dieu en a, la tristesse selon Dieu découlera de cette
idée.
PREMIÈREMENT. Il
doit y avoir CHANGEMENT D’OPINION à l’égard du péché.
1. Changement
d’opinion sur la nature du péché.
A celui qui se repent
véritablement, le péché parait tout différent de ce qu’il est pour celui qui ne
s’est pas repenti. Au lieu de se montrer désirable et plein d’attraits, il se
montre souverainement odieux et détestable, tellement que le pénitent s’étonne
d’avoir jamais pu désirer chose pareille. Les pécheurs impénitents peuvent
comprendre que le péché causera leur ruine parce qu’il attirera sur eux le
châtiment de Dieu; mais il leur parait, en somme, désirable; ils l’aiment; ils
le caressent dans leur imagination; et s’il pouvait avoir une fin heureuse,
l’idée ne leur viendrait jamais de l’abandonner. Mais quant à celui qui se
repent, c’est tout autre chose; le péché lui apparaît dans sa propre conduite
comme absolument haïssable; « quelle chose abominable et digne de l’enfer?
s’écrie-t-il, comment ai-je pu l’aimer ? »
2. Changement
d’opinion touchant le jugement que Dieu porte sur le péché.
Les pécheurs ne
voient pas pourquoi Dieu menace le péché d’un si terrible châtiment. Ils
l’aiment tant eux-mêmes, qu’ils ne peuvent comprendre pourquoi Dieu le juge
digne d’un châtiment éternel. Lorsqu’ils sont fortement « convaincus de péché,
» ils pensent tout différemment ; l’opinion qu’ils se font du péché est alors
d’accord avec celle qu’en ont les chrétiens, et pour devenir chrétiens
eux-mêmes, il ne leur manque plus qu’une chose : un changement correspondant
dans leurs sentiments. Maint pécheur, en effet, voit que sa conduite à l’égard
de Dieu le rend digne de la mort éternelle, mais son coeur ne suit pas les
lumières de son esprit. C’est le cas des démons et des méchants qui sont en
enfer. En résumé : un changement d’opinion est indispensable à a vraie
repentance et la précède toujours. Il peut y avoir changement d’opinion sans
vraie repentance; mais il ne peut y avoir vraie repentance sans changement
d’opinion.
3. Changement
d’opinion quant aux tendances du péché.
Le pécheur doit
arriver à reconnaître que le péché ne tend qu’à le détruire ; qu’à perdre tout
homme, corps et âme, pour le temps et pour l’éternité, et qu’il est en complète
opposition avec tout ce qui est aimable et heureux dans l’univers. Il faut
qu’il comprenne qu’il n’y a pour lui d’autre remède à ce mal que le rejet
absolu, la délivrance complète de tout péché. Satan lui-même sait cela, et il
est possible que bien des pécheurs, ici, dans cette assemblée, le sachent
aussi.
4. Changement
d’opinion touchant le salaire du péché.
Le pécheur insouciant
est presque complètement dénué d’idées justes sur la rétribution que mérite le
péché. En supposant même qu’il admette en théorie que le péché mérite la
mort éternelle, il ne le croit cependant pas. S’il le croyait, il lui serait
impossible de demeurer pécheur insouciant; il serait tout au moins pécheur
angoissé. Il se trompe quand il s’imagine croire sincèrement que le péché
mérite la colère éternelle de Dieu. Mais quant à celui qui est véritablement
réveillé et convaincu de péché, il n’a pas plus de doute à cet égard qu’il n’en
a sur l’existence de Dieu; il voit clairement que le péché mérite un châtiment
éternel de la part de Dieu.
SECONDEMENT. Ce
changement d’opinion doit être accompagné d’un CHANGEMENT DE SENTIMENTS.
En toute vraie
repentance, il y a changement de sentiment à l’égard du péché sous tous les
rapports : changement de sentiment à l’égard de sa nature, changement de
sentiment à l’égard de sa relation avec Dieu, changement de sentiment au sujet
de ses tendances, changement de sentiment au sujet de la rétribution qu’il
mérite.
1. Celui qui se
repent véritablement ne voit pas seulement que le péché est en lui-même
détestable, vil, absolument exécrable; il l’abhorre réellement, il le hait du
plus profond de son coeur. On peut voir que le péché est pernicieux,
abominable, et cependant l’aimer, le désirer et lui demeurer attaché. Mais
quand on se repent véritablement, on l’abhorre de tout son coeur et l’on rompt
absolument avec lui.
2. De même, considéré
dans sa relation avec Dieu, le péché fait éprouver au pécheur repentant un
sentiment tout nouveau; et c’est là qu’est la source de ces flots de tristesse
qui envahissent parfois le coeur du chrétien à la vue du péché. Quand il le
considère en lui-même, il éprouve un sentiment d’horreur ; mais quand il le
voit dans sa relation avec Dieu, il pleure ; navré, désolé, son coeur se brise,
il se jette sur sa face et répand des flots de larmes sur ses péchés.
3. Quant aux
tendances du péché, il en est encore de même ; celui qui se repent
véritablement sent tout ce qu’elles ont de funeste. Quand il considère ces
tendances, il éprouve un désir véhément de mettre un terme au péché, d’en
sauver ses semblables et de faire reculer cette vague de mort qui s’étend sur
la terre. Plein d’une brillante ardeur, il prie, il travaille, il fait tous ses
efforts pour arracher les pécheurs du feu, pour les sauver des suites
effroyables du péché. Voir pécher les autres, c’est pour lui comme s’il les voyait
prendre un poison mortel; il ne peut faire autrement que d’élever sa voix pour
leur crier de prendre garde.
4. Enfin le pécheur
repentant sent quelle doit être l’horreur de la rétribution méritée par le
péché.
Il n’est pas seulement
intellectuellement convaincu que le péché mérite une punition éternelle, mais
il sent qu’il aurait été raisonnable et juste que Dieu le condamnât, lui
personnellement, à l’éternelle mort ; il approuve donc la sentence de mort que
la loi prononce contre sa personne et regarde comme le miracle des miracles que
Dieu puisse lui pardonner. Au lieu de trouver dur, sévère ou cruel que Dieu
envoie en enfer les pécheurs incorrigibles, il adore Dieu, le coeur rempli de
gratitude et d’étonnement de ce qu’il n’a pas été envoyé lui-même en enfer et
de ce que ce monde criminel tout entier n’a pas été depuis longtemps déjà
précipité dans le feu éternel. Que celui qui pèche soit condamné, c’est la
dernière chose au monde dont il songerait à se plaindre; et quand il songe au
salut d’un pécheur, son coeur se remplit d’un sentiment de gratitude tel qu’il
n’en a jamais connu de semblable avant d’être chrétien.
II.
Je désire montrer
maintenant quels sont les effets ou les fruits de la vraie repentance.
Et j’espère apporter
assez de lumière sur ce point pour que chacun de vous puisse reconnaître d’une
manière infaillible s’il s’est repenti ou non.
1. Si votre
repentance est vraie, vous aurez conscience qu’il s’est opéré en vous un
changement de vues et de sentiments à l’égard du péché.
Vous serez tout aussi
conscients de ce changement que vous avez jamais pu l’être de tout autre
changement qui s’est accompli en vous. En est-il ainsi? Avez-vous conscience.
qu’il y ait eu en vous changement de vues et de sentiments à l’égard du péché?
que sur ce point, les choses anciennes sont bien passées et que toutes choses
sont devenues nouvelles?
2. Quand la
repentance a été vraie, la disposition à commettre de nouveau le péché n’existe
plus.
Si vous vous êtes
vraiment repentis, vous n’aimez plus le péché; et vous pouvez constater que
vous ne vous en abstenez pas par crainte du châtiment, mais parce que vous le
haïssez.. Où en êtes-vous à cet égard? Avez-vous connaissance que votre
disposition à commettre le péché ait pris fin ? Rappelez-vous les péchés que
vous aviez coutume de pratiquer lorsque vous étiez inconvertis. Sous quel jour
les voyez-vous maintenant? Vous paraissent-ils agréables et aimeriez-vous à les
pratiquer de nouveau si vous l’osiez? S’il en était ainsi, si la disposition à
pécher était encore en vous, vous seriez seulement convaincus de péché.
Votre opinion quant
au péché a pu être changée, mais si l’amour pour votre péché d’autrefois est
encore en vous, aussi vrai que votre âme vit, vous êtes encore un pécheur
impénitent.
3. La vraie
repentance produit la réforme de la conduite.
Je crois que c’est la
vérité que Paul avait surtout en vue dans la parole de notre texte traduite par
ces mots: « la tristesse selon Dieu produit la repentance ; » le mot traduit
ici par repentance indique le changement de la conduite. S’il n’en était pas
ainsi, notre texte reviendrait à dire que la repentance produit la repentance.
Or Paul parlait, à ce qu’il me semble, d’un changement de sentiment produisant
un changement de conduite, et aboutissant par conséquent au salut. Maintenant,
permettez-moi de vous le demander, êtes-vous réellement réformés? Avez-vous
délaissé vos péchés? Ou les pratiquez-vous encore? s’il en était ainsi, vous
seriez encore un pécheur (1). Il peut y avoir eu changement dans votre esprit,
mais si le résultat n’a pas été le changement de votre conduite, la réforme
actuelle de votre vie, vous: n’avez pas connu la « repentance selon Dieu, »
celle que Dieu approuve.
(1) Dans
4. La repentance,
quand elle est vraie, produit la confession et la restitution.
Le voleur ne s’est
pas repenti tant qu’il garde l’argent qu’il a volé ; il peut être convaincu de
péché, mais il n’a pas la repentance; s’il l’avait, il s’empresserait de rendre
l’argent qui ne lui appartient pas. Si vous avez dupé quelqu’un et que vous ne
lui ayez pas rendu ce que vous lui avez pris injustement, ou si vous avez
injurié quelqu’un et que vous n’ayez pas réparé, autant qu’il est en vous, le
mal que vous avez. fait, vous ne vous êtes pas repenti véritablement.
5. La vraie repentance
est un changement permanent et de caractère et de conduite.
Notre texte dit que
c’est une repentance à salut, littéralement «changement de disposition, une
conversion à salut, dont on ne se repent point ; qu’est-ce que cela signifie si
ce n’est que cette vraie repentance est un changement si profond, si
fondamental, que celui en qui elle a eu lieu ne retourne plus jamais en
arrière? L’amour du péché a été véritablement abandonné; et le changement de
vues et de sentiments a été tel, qu’il n’y aura plus de retour à cet amour.
Mettez bien cela dans votre esprit maintenant, vous tous qui m’entendez : le
pécheur qui s’est véritablement repenti est animé de sentiments tels qu’il n’en
changera plus jamais: Notre texte dit : « repentance à salut; » dire que cette
vraie repentance conduit droit au repos du et la vraie raison en est que cette
repentance est celle dont on ne se repent jamais. »
Ici, je ne puis
m’empêcher de le remarquer, vous apercevez que la doctrine de la persévérance
des saints est vraie, et comment il faut l’entendre. La vraie repentance est un
changement de sentiments si complet, elle produit une horreur du péché telle,
que celui qui l’éprouve persévérera, cela va de soi; il n’annulera jamais sa
repentance pour retourner au péché.
III.
En quoi consiste la
fausse repentance.
La fausse repentance
est appelée mondaine, elle est une tristesse du monde. » C’est une tristesse
occasionnée par le péché, mais provenant de considérations mondaines qui sont
toutes relatives au bonheur personnel et temporel du pécheur, tout au plus à
son bonheur dans une vie future. Cette douleur-là n’a pas pour objet le péché
comme tel.
1. Elle n’est pas
fondée sur un changement d’opinion tel que celui que j’ai signalé comme
appartenant à la vraie repentance.
Le changement qui la
constitue ne porte pas sur des points fondamentaux. Vous pouvez voir les
conséquences déplorables du péché en vous plaçant à un point de vue mondain, et
en être rempli de consternation. Vous pouvez considérer qu’il porte atteinte à
votre réputation, à votre honorabilité, qu’il met en danger votre vie; que si
votre conduite cachée venait à être découverte, cela vous ferait le plus grand
tort, et tout cela peut vous remplir de frayeur et de détresse... Cette sorte
de tristesse selon le monde se rencontre très fréquemment elle a toujours pour
principe une considération mondaine quelconque (1).
(1) Pour être
complet, il faudrait ajouter que la fausse repentance peut comprendre un
changement d’opinion analogue à celui qu’on remarque dans la vraie repentance;
mais que ce changement d’opinion n’est pas suivi du changement de sentiment qui
doit lui correspondre. Voir partie I, no 2. (Trad.)
2. La fausse
repentance est fondée sur l’égoïsme.
La repentance peut n’être
qu’un vif sentiment de regret éprouvé par le pécheur au sujet de la conduite
qu’il a tenue, parce qu’il en voit les conséquences désastreuses pour lui-même
et qu’il voit que cette conduite le rend malheureux, qu’elle l’expose à la
colère de Dieu, qu’elle déshonore sa famille ou ses amis; en un mot, qu’elle
lui cause du dommage soit pour le temps, soit pour l’éternité. Or, tout cela
est pur égoïsme.
La repentance peut
être le remords de la conscience, remords rongeur, cuisant, implacable, mais
non pas vraie repentance.
Elle peut être de la
frayeur, une frayeur extrême de la colère de Dieu et des peines de l’enfer, et
cependant n’être que pur égoïsme. L’on peut être rempli de terreur à la pensée
des justes jugements de Dieu, sans avoir jamais eu en son coeur l’horreur du
péché, sans avoir jamais eu le coeur brisé à sa vue, et par conséquent sans
avoir jamais senti tout ce qu’il a de grave et d’odieux.
IV.
A quoi l’on peut
reconnaître cette fausse repentance.
1. Elle ne change
pas les sentiments.
Elle laisse indomptée
dans le coeur la disposition au péché. Les sentiments de celui qui n’a connu
que cette fausse repentance ne sont pas tellement changés à l’égard de a nature
du péché, qu’il n’éprouve encore le désir de pécher. Et s’il s’abstient de commettre
le péché, ce n’est pas à cause de l’horreur qu’il lui inspire, c’est à cause de
la crainte qu’il a des conséquences.
2. Elle produit la
mort.
Elle conduit à une
dissimulation hypocrite. Celui qui a passé par la vraie repentance veut bien
que l’on sache qu’il un pécheur et qu’il s’est repenti. Celui qui ne connaît
que la fausse repentance recourt aux excuses et aux mensonges pour couvrir ses
péchés : il a honte de sa repentance. Quand on l’appelle à venir au banc des
pénitents, il s’efforce de cacher ses péchés, il emploie toutes sortes
d’excuses pour en voiler l’énormité. Quand il parle de sa conduite passée, il
le fait toujours dans les termes les plus indulgents et les plus favorables. Il
est toujours porté à cacher ses péchés. Cette repentance conduit à la mort.
Elle fait commettre un péché pour en couvrir un autre. Et comment se
manifeste-t-elle? — Triste spectacle! Au lien de la confession nette et franche
d’un coeur ouvert et candide, vous ne trouvez qu’une sorte de verbiage insipide
et doucereux; quelque chose de froid et de forcé; minauderies, aveux faits du
bout des lèvres, qui ont la prétention d’être une confession et qui ne
confessent rien.
Qu’en est-il de vous?
Avez-vous honte que quelqu’un vienne vous parler de vos péchés ? S’il en est ainsi,
votre tristesse n’est que la tristesse du monde qui produit la mort. Qu’il est
fréquent de voir des pécheurs s’esquiver pour éviter un entretien au sujet de
leurs péchés et continuer cependant à se donner pour des âmes angoissées qui
recherchent le salut! comment peut-on espérer devenir chrétien en suivant,
cette voie-là? L’angoisse de ces âmes n’est autre que celle qui se trouve dans
l’enfer. Il n’y a pas de doute que tous les méchants habitants de l’abîme ne
désirent fuir loin des regards de Dieu. Ni angoisse, ni désir de ce genre ne se
trouvent parmi les saints dans le ciel. Leur tristesse est franche et ouverte,
intègre et cordiale. Une pareille tristesse n’est pas incompatible avec le vrai
bonheur. Les saints sont remplis de bonheur et cependant ils sont remplis d’une
tristesse non déguisée, vive et profonde au sujet, du péché. Mais la tristesse
selon le monde a honte d’elle-même, elle est vile et misérable ; elle ne
produit que la mort
3. La fausse
repentance ne produit qu’une réformation partielle de la conduite.
La tristesse selon le
monde ne réforme la conduite d’un homme que dans les choses au sujet desquelles
il a été fortement convaincu de péché. Elle ne change pas le cœur. Celui qui
n’a, connu que cette repentance évite les péchés scandaleux, ceux auxquels il a
été rendu particulièrement attentif.
Quand un nouveau
converti retombe dans le péché, cherchez-en la cause et vous trouverez qu’il
n’y a eu qu’un changement partiel dans sa conduite. Il s’est réformé en
certaines choses, mais il y a beaucoup de choses qui sont décidément mauvaises
et qu’il continue à pratiquer. Si vous faites sa connaissance intime, vous
verrez qu’au lieu d’avoir une grande crainte du péché quel qu’il soit, et
d’être prompt à découvrir en toute chose tout ce qui est contraire à l’esprit
de l’Evangile, il sera relâché dans ses vues et dans sa conduite en beaucoup de
choses, quoique strict peut-être et bien éclairé sur plusieurs points. Il n’a
pas cet éloignement pour tout péché qui caractérise le chrétien.
4. Le changement
de conduite produit par la fausse contrition non seulement est limité, mais
n’est ordinairement que temporaire.
Celui qui ne connaît
que cette fausse repentance retombe continuellement dans ses anciens péchés. La
raison en est que sa disposition à pécher n’a pas disparu ; elle n’a été que
comprimée par la crainte. Aussi, dès que la crainte s’est dissipée et que
l’espérance est revenue ; dès que le néophyte s’est trouvé dans bien vu, bien
soutenu, il est revenu graduellement en arrière. Maintenant il retourne à ses
anciens péchés. C’est ce qu’on remarque dans l’histoire du peuple d’Israël. La
vraie repentance faisait défaut ; aussi ce peuple retournait-il sans cesse à
son idolâtrie et à ses autres péchés. Les enfants d’Israël n’avaient que la
tristesse selon le monde. Il en est de même aujourd’hui partout dans l’Eglise.
Les gens sont changés pour quelque temps, ils sont reçus dans l’église, puis
ils retournent à leurs anciens péchés. Ils aiment à appeler cela : se
refroidir, rétrograder, décliner, etc., mais la vérité est qu’ils ont toujours
aimé le péché, et quand l’occasion leur en a été donnée, ils sont retournés à
ce qu’ils aimaient; comme la truie lavée est retournée se vautrer dans le
bourbier, parce qu’elle était toujours truie.
Combien je désire que
vous compreniez cela à fond ! C’est ici que se trouve la raison d’être de toute
cette vie de hauts et de bas que vous connaissez si bien. Les gens sont
réveillés, puis convaincus de péché, et peu à peu ils reprennent espoir et
s’établissent dans une fausse sécurité ; ils s’éloignent alors de plus en plus
de Dieu. Ils peuvent veiller assez sur eux-mêmes peut-être pour pouvoir rester
dans l’église, mais comme le germe du péché n’a pas été détruit en eux, ils
retournent à leurs anciennes voies. La femme qui aimait la toilette l’aime
encore et peu à peu elle retourne à ses rubans et à ses colifichets. L’homme
qui aimait l’argent l’aime encore ; bientôt il glisse sur la pente, et le voilà
qui s’enfonce de nouveau dans les affaires et poursuit les liens de ce monde
aussi ardemment qu’il l’a jamais fait vaut de se joindre à l’église.
Parcourez tous les
rangs de la société, et si vous trouvez des gens vraiment convertis, vous
verrez que les péchés qui leur étaient le plus habituels avant leur conversion,
sont ceux dont ils sont le plus éloignés. Celui qui est réellement converti est
moins exposé que tout autre à tomber dans ce qui était précédemment son péché
habituel, car il en a plus d’horreur que personne. Mais celui qui est dans
l’illusion et dont les dispositions sont mondaines a toujours la tendance à
retomber dans les mêmes péchés. Vous verrez la femme qui aime la toilette
sortir de nouveau dans toute sa gloire et briller comme elle en avait
l’habitude autrefois. La source du péché n’a pas été tarie, le coeur n’a pas
été purifié ; au contraire, l’iniquité y est toujours demeurée.
5. C’est une
réforme forcée.
La réforme de la
conduite produite par la fausse repentance est non seulement partielle et
temporaire, elle est encore contrainte et forcée; tandis que chez celui qui a
passé par la véritable repentance, cette réforme vient du coeur, de sorte que
la disposition à pécher n’est plus en lui. La promesse de
De telles personnes
ont toujours besoin d’être poussées à faire leur devoir; si vous ne pouvez pas
les y contraindre en plaçant sous leurs yeux quelque déclaration expresse des
Saintes Ecritures, elles excusent le péché, le commettent et pensent qu’après
tout il n’y a pas si grand mal à agir comme elles font. La raison en est
qu’elles aiment leur péché et que tant qu’il n’y a pas quelque commandement
formel de Dieu qui s’y oppose et qu’elles n’osent fouler ouvertement aux pieds,
elles ont la volonté de le commettre. Avec la vraie repentance, tout cela est
changé : quand une chose semble contraire à la grande loi de l’amour, celui qui
a passé par la repentance selon Dieu a horreur de cette chose et par conséquent
l’évite, qu’il y ait à ce sujet un commandement exprès ou qu’il n’y en ait pas.
Montrez-moi un homme qui se soit véritablement repenti, et je vous certifie que
cet homme-là n’a pas besoin d’un commandement exprès pour s’abstenir de
boire,de fabriquer ou de vendre des liqueurs fortes. Il voit que ces choses
sont contraires à la grande loi de la charité, aussi les abhorre-t-il, et il ne
voudrait pas plus les faire qu’il ne voudrait blasphémer, voler ou commettre
quelque autre abomination. De même, celui qui a passé par la vraie repentance
n’a pas besoin d’un : « Ainsi a dit le Seigneur » pour être gardé d’opprimer
son semblable (Allusion à l’esclavage. (Trad.)); il ne voudrait pas faire quoi
que ce soit de mal. Que tout cela est clair ! chacun aurait horreur de
semblables choses s’il s’était véritablement repenti de ses péchés.
6. Cette fausse
repentance conduit à la propre justice.
Celui qui n’a connu
que cette repentance peut savoir que Jésus-Christ est le seul Sauveur, il
peut faire profession de croire en lui et de se confier en lui seul pour son
salut, mais en réalité, il place actuellement dix fois plus de confiance, pour
son salut, en la réforme de sa conduite qu’en Jésus-Christ. S’il veut veiller
sur son propre coeur, il verra qu’il en est ainsi. Il peut dire qu’il attend
son salut de Christ, mais en fait, son espérance repose sur ses oeuvres plus
que sur l’expiation de Christ. En réalité tous ses efforts ne tendent qu’à
rapiécer sa propre justice.
7. Elle conduit à
la fausse sécurité.
On prend la tristesse
selon le monde pour la vraie repentance et l’on s’en fait un oreiller de
sécurité. C’est un fait étrange : autant que j’ai pu le voir, ceux qui ne
connaissent que cette repentance du monde tiennent pour assuré que Christ les
sauvera, parce qu’ils ont été affligés au sujet de leurs péchés, bien qu’ils
n’aient pas conscience d’avoir, jamais goûté le repos qui est en Christ. Ils
ont éprouvé de la tristesse, puis un certain soulagement ; c’est assez pour
qu’ils comptent que Jésus-Christ les sauvera, quoique leur conscience même
atteste qu’ils ne se sont jamais confiés de tout leur coeur en lui.
8. Elle endurcit
le coeur.
Celui qui n’a connu
que cette repentance du monde a le coeur endurci, et son coeur est dur à
proportion du nombre de fois qu’il s’est ainsi repenti. Si la conviction de
péché a été forte en lui, qu’il en ait éprouvé de vives émotions, et que malgré
cela, son coeur ne se soit point brisé, ni épanché au dehors, la source du
sentiment en a été de plus en plus desséchée et le coeur de plus en plus
difficile à atteindre. Prenez au contraire un chrétien réel, celui qui a passé
par la vraie repentance, chaque fois que vous lui appliquerez la vérité de
manière à l’humilier devant Dieu, il en deviendra plus doux, plus sensible,
plus tendre; il en sera tout à la fois plus ardent et, plus humble, et cela,
jusqu’à la fin de sa vie et jusque dans l’éternité. Son coeur s’accoutume à
suivre les convictions de son esprit, et il devient docile et maniable comme un
petit enfant.
Oui, c’est bien là
qu’est la véritable ligne de démarcation. Qu’un réveil se produise : vous verrez
les églises et les individus qui ne connaissent que la repentance selon le
monde s’éveiller, s’agiter un moment, puis se refroidir. Que la chose se répète
plusieurs fois, et vous trouverez que ces gens-là sont de plus en plus
difficiles à arracher au sommeil ; ils finiront par devenir aussi durs que la
pierre, de sorte que, rien au monde ne pourra les rallier de nouveau à un
réveil. Ceux qui ont passé par la vraie repentance sont entièrement différents
; qu’ils traversent plusieurs réveils successifs et vous les trouverez de plus
en plus doux, tendres, sensibles; jusqu’à ce qu’ils arrivent à un état où le
moindre appel les trouve toujours embrasés d’ardeur et prêts. à se mettre à
l’oeuvre.
La différence qu’il y
a entre ces deux classes de chrétiens est aussi grande que celle qu’il y a
entre les ténèbres et la lumière. Partout vous retrouverez cette même
différence soit entre les églises, soit entre les membres des églises.
Quant, aux pécheurs
déclarés, la loi de l’endurcissement du coeur se manifeste chez eux telle que
nous venons de la constater chez les « chrétiens » qui ne connaissent que la
repentance selon le monde. Ceux d’entre ces pécheurs qui ont vu plusieurs
réveils en viennent à se moquer de toute religion, et bien que le ciel soit
comme chargé de nuages de miséricorde au-dessus de leur tête, ils n’y font
aucune attention et rejettent tout ce qu’on peut leur en dire.
9. Elle cautérise
la conscience.
Ceux qui n’ont pas
passé par la vraie repentance courent le risque de tomber dans le désespoir
chaque fois que la vérité illumine leur esprit. Le chrétien réel pourra avoir
une conviction de péché plus forte que la leur, mais la paix remplira son coeur
au moment même où cette conviction de péché lui fera verser les larmes les plus
abondantes. Et chaque fois que cette conviction de péché se renouvellera, il
deviendra, plus vigilant, plus attentif, plus sensible, jusqu’à ce que,
semblable à la prunelle de son oeil, sa conscience soit si délicate que la
moindre apparence de mal l’offusque. Mais, quant à cette repentance qui n’est
point le renoncement du coeur au péché, elle laisse le coeur plus dur
qu’auparavant, et peu à peu, semblable au fer rouge, elle cautérise la
conscience et produit la mort.
10. Elle n’accepte
pas .Jésus-Christ comme fondement de toute espérance.
Celui qui n’a que la
repentance du monde, compte sur le changement de sa conduite, sur sa
repentance, ou sur quelque autre chose, ce qui ne le conduit pas à mettre en
Jésus-Christ cette confiance qui produit l’amour et qui pousse à travailler
sans relâche à l’avancement du règne de Dieu.
11. C’est une
repentance dont on se repent.
C’est immanquable,
ceux qui n’ont que cette repentance en arriveront peu à peu à avoir honte des
sentiments sérieux qu’ils ont eus. Ils n’oseront plus en parler, ou s’ils en
parlent, ce sera toujours légèrement et froidement. Ils se sont peut-être
beaucoup agités au moment du réveil, ils semblaient engagés dans l’oeuvre
autant que personne, souvent même on les a vus donner dans les extrêmes en tout
ce qui se faisait. Mais une fois le réveil passé, on les voit s’opposer aux
mesures nouvelles, revenir en arrière, et avoir honte de leur zèle précédent.
Il est de fait qu’ils se repentent de leur repentance.
Après que ces
personnes-là se sont jointes à l’église, elles ont honte d’être venues au banc
des pénitents. Quand le moment de la plus grande ferveur du réveil est passé,
elles commencent à parler du trop d’enthousiasme que l’on aurait eu et de la
nécessité de revenir à une « religion plus sobre et plus égale. » La raison
secrète de toute cette conduite, c’est qu’elles n’ont eu qu’une repentance dont
elles se repentent maintenant.
On rencontre parfois
des personnes qui font profession d’avoir été converties dans un réveil et qui combattent
les mesures mêmes, les doctrines et les moyens par lesquels elles font
profession d’avoir été converties. Vous ne verrez jamais cela chez le vrai
chrétien ; vous ne le verrez jamais avoir honte de sa repentance. Les émotions
qu’il a ressenties dans un réveil sont la dernière chose au monde dont il
aurait honte.
REMARQUES
1. Ce que j’ai dit a
dû mettre en évidence, pour vous, l’une des raisons pour lesquelles il y a tant
de religion intermittente dans l’église.
On a confondu la
conviction de péché avec la conversion, la tristesse selon le monde avec la
tristesse selon Dieu. Après des années d’observation, je demeure convaincu que
telle est bien la véritable cause de l’état déplorable de l’église dans tout le
pays.
2. Nous voyons ici
pourquoi tant de pécheurs convaincus de péché considèrent comme une lourde
croix le fait de devenir chrétiens.
Ils regardent comme
une grande épreuve l’obligation d’abandonner leurs péchés et leurs compagnons
incrédules, tandis que s’ils avaient la vraie repentance, ils n’auraient pas
l’idée d’y voir un sacrifice à faire. Je me rappelle les sentiments que
j’éprouvai, lorsqu’encore inconverti, je vis pour la première fois des jeunes
gens devenir chrétiens et se joindre à l’église; je pensais qu’après tout
c’était une bonne chose que d’avoir de la religion, parce que l’on sauvait son
âme et que l’on s’assurait le ciel; mais pour le présent, la conversion me
semblait être une chose fort triste, et je ne supposais pas que ces jeunes gens
pussent être heureux actuellement. Cette manière de penser est fort commune ;
on regarde la religion comme bonne en somme, bonne particulièrement pour la fin
de la vie; mais, on regarde comme impossible d’être heureux présentement dans
la piété. Tout cela vient de ce qu’on se méprend sur la nature de la vraie
repentance. On ne comprend pas que cette repentance conduit, à prendre en
horreur les choses qu’on aimait. Les pécheurs ne comprennent pas que lorsque
leurs jeunes amis deviennent de vrais chrétiens, ils ont horreur de leurs bals,
de leurs amusements et de toutes leurs folies pleines de péché, et que tout
amour pour ces choses est désormais crucifié en eux.
J’ai connu une
demoiselle qui fut convertie à Dieu et dont le père était un mondain très
orgueilleux. Elle aimait beaucoup la toilette, les leçons de danse et les bals.
Une fois convertie, son père voulut la forcer à aller aux leçons de danse. Il
l’accompagna, comme il avait coutume de le faire, et la força à danser. Mais
elle se prit à pleurer, et sa tristesse et son horreur de la danse devinrent
tels, qu’elle ne put que se retirer à l’écart et éclater en sanglots. Vous en
voyez la cause, je pense. Elle s’était vraiment repentie de toute sa vie passée
et de tous ses amusements mondains, et sa repentance était celle « dont on ne
se repent jamais. »
Quelle compassion
elle avait pour ses gaies compagnes des jours précédents ! et quelle horreur
pour leur étourdie gaîté! Combien il lui tardait que l’heure de la réunion de
prières eût sonné ; et combien grandie était la joie qu’elle y trouvait! Les
impénitents et ceux qui n’ont connu que la repentance du monde sont dans une
bien grande erreur au sujet du bonheur qu’éprouve le chrétien réel.
3. Vous voyez
maintenant ce qui en est de ces chrétiens qui regardent comme une croix
l’obligation d’être strict dans sa conduite. Ces chrétiens-là font toujours
l’apologie de leurs péchés, ils plaident toujours en faveur de certaines choses
qui ne sont pas compatibles avec un vrai christianisme. C’est ce qui montre
qu’ils aiment encore le péché, et qu’ils iront dans le péché aussi loin qu’ils
l’oseront. S’ils étaient de vrais chrétiens, ils auraient le péché en horreur,
ils se détourneraient de lui et regarderaient comme une croix d’être mis
forcément en contact avec lui.
4. Vous voyez
pourquoi il y a tant de chrétiens qui ne sont pas heureux dans leur religion.
Ils ne sont ni joyeux
ni heureux. Ils sont au contraire très chagrinés de ce qu’il y a tant de choses
qu’ils aiment et auxquelles ils doivent renoncer, ou de ce qu’ils doivent
donner tant d’argent; ils sont toujours dans l’anxiété. Au lieu de se réjouir
de chaque occasion qui leur est donnée de renoncer à eux-mêmes, au lieu de voir
avec bonheur la vérité exposée de la façon la plus évidente et la plus
incisive, c’est une grande peine pour eux qu’on leur dise quel est leur devoir,
quand ce devoir contrarie leurs inclinations et leurs habitudes. La vérité
claire et nette les jette dans la détresse. Pourquoi? — Parce qu’ils n’aiment
pas à faire leur devoir. S’ils aimaient à le faire, chaque rayon de la lumière
divine venant à l’éclairer serait pour eux le bienvenu et les rendrait de plus
en plus heureux.
Si quelqu’un fait
profession d’être chrétien et se sent gêné et malheureux parce que la vérité le
presse, et si son coeur ne cède point à cette vérité et ne s’attache point à
elle pour faire tout ce qu’elle exige, HYPOCRITE est le vrai nom de cet
homme-là. Quand vous verrez des gens qui font profession de piété être dans la
détresse comme les pécheurs angoissés, et que vous verrez leur détresse augmenter
à mesure que vous leur signalerez leurs péchés, soyez sûrs qu’ils ne se sont
jamais repentis véritablement et qu’ils n’ont point renoncé à eux-mêmes pour se
donner à Dieu.
5. Vous voyez
pourquoi beaucoup de gens qui ont fait profession d’être convertis, et qui ont
passé par une grande angoisse au temps de leur conversion, apostasient ensuite.
Ils eurent de
profondes convictions de péché et une grande détresse dans leur âme, puis ils
trouvèrent le soulagement, et leur joie fut très grande, de sorte qu’ils
jouirent pendant quelque temps d’un bonheur extraordinaire. Mais peu à peu ils
déclinèrent et enfin ils apostasièrent. Ceux qui ne font pas la distinction
convenable entre la vraie et la fausse repentance et qui pensent qu’une âme ne
peut pas être « profondément travaillée » sans l’intervention du pouvoir divin,
appellent cela « déchoir de la grâce. » Mais la vérité est « qu’ils se sont
retirés parce qu’ils n’étaient pas des nôtres. » Ils n’ont jamais eu cette
repentance qui tue et anéantit la disposition à pécher.
6. Vous voyez
pourquoi les chrétiens rétrogrades sont si malheureux.
De ce que j’ai dit
que la disposition à pécher doit être anéantie et remplacée par la disposition
contraire, vous inférerez peut-être que selon moi tout vrai chrétien est parfait.
Mais cette conclusion ne serait pas juste. Il y a une différence radicale entre
un chrétien rétrograde et un hypocrite dont la vie ne correspond pas à la
profession. L’hypocrite aime le monde et jouit du péché chaque fois qu’il en
goûte. il peut éprouver des frayeurs, des remords, de l’appréhension au sujet
des risques que court sa réputation, son honorabilité; mais en somme il jouit
du péché. Il n’en est pas ainsi du chrétien rétrograde. Il a perdu son premier
amour; puis il est tombé dans la tentation et a marché dès lors dans le péché.
Mais il n’aime pas le péché; le péché lui est toujours amer; il se sent
toujours malheureux et loin de la maison paternelle. Il est vrai qu’il n’a pas
actuellement l’Esprit de Dieu; il n’a pas non plus l’amour de Dieu actif en lui
de manière à le garder du péché; mais il sent qu’il. est un misérable, et il en
est malheureux. Il est aussi différent de l’hypocrite que possible. Quand il a
abandonné l’amour de Dieu, il a pu être livré à Satan pour un temps, pour la destruction
de la chair, afin que l’esprit pût être sauvé ; mais il ne peut plus jouir du
péché comme autrefois; il ne trouve plus aucune jouissance dans les plaisirs du
monde, comme c’était le cas avant sa conversion. Il ne pourra plus jamais «
boire l’iniquité comme de l’eau. » Mais il souffrira aussi longtemps qu’il
vivra en cet état. S’il y a, ici de telles gens ils savent tout cela.
7. Vous voyez
pourquoi des pécheurs « convaincus », mais non encore vraiment repentants, sont
effrayés à la pensée de s’engager à abandonner leurs péchés.
Ils disent qu’ils
n’osent pas promettre cela, parce qu’ils craignent de ne pas tenir leur
promesse. La raison en est qu’ils aiment le péché. L’ivrogne sait qu’il aime
les boissons alcooliques et bien qu’il puisse être contraint de tenir sa
promesse de s’en abstenir, sa passion en réclamera toujours. Ainsi en est-il du
pécheur convaincu de péché. Il sent qu’il aime le péché, que le lien qui
l’attache au péché n’a jamais été brisé, aussi n’ose-t-il pas faire de
promesse.
8. Vous voyez
pourquoi certains chrétiens de profession sont si opposés aux engagements à
prendre.
C’est toujours par la
même raison. Ils aiment tant leurs péchés, ils savent si bien que leurs coeurs
plaideront en faveur de ces péchés, qu’ils sont effrayés à la pensée de
promettre de les abandonner. Beaucoup de gens qui font profession d’être
chrétiens refusent néanmoins de se joindre à l’église. La raison secrète en est
qu’ils sentent leur coeur encore attaché au péché et qu’ils n’osent prendre les
engagements que suppose l’entrée dans l’église; ils redoutent la discipline
ecclésiastique pour le cas où ils viendraient à pécher. Ces gens-là savent
qu’ils sont des hypocrites.
9. Ceux d’entre vous
qui ne connaissent que la tristesse selon le monde peuvent maintenant voir où
est l’obstacle à leur salut, et quelle est la raison pour laquelle ils ne sont
pas convertis.
Il se peut que leur
intelligence juge si bien du péché, que si leur coeur était en harmonie avec
elle, ils seraient chrétiens. Et peut-être croient-ils que cet état de leur
pensée constitue la vraie repentance. Mais si vraiment ils avaient la volonté
d’abandonner tout péché, ils n’hésiteraient pas à en prendre l’engagement, et
ils ne craindraient pas de le faire à la face du monde. S’il y a ici des
personnes de cette catégorie, je les prie de s’approcher maintenant et de
prendre ces sièges. Si vous avez la volonté d’abandonner le péché, vous aurez
la volonté de le promettre et vous accepterez que l’on sache que vous l’avez
fait. Mais si vous résistez à votre conviction, si votre coeur se décide à
suivre vos péchés, bien que votre intelligence éclairée voie très bien ce que
vous devez faire, tremblez alors dans l’attente des choses qui doivent fondre
sur vous! Toutes vos convictions ne vous serviront de rien ; elles ne serviront
qu’à vous précipiter plus profondément dans l’enfer, parce que vous leur aurez
résisté.
Si vous avez la
volonté d’abandonner vos péchés, vous pouvez le témoigner de la façon que j’ai
indiquée. Mais si vous aimez encore vos péchés et si vous voulez continuer à
les pratiquer, vous pouvez rester sur vos sièges. Et maintenant, après nous
être levés pour la prière, dirons-nous à Dieu que ces pécheurs ne veulent pas
abandonner leurs péchés, que tout en étant convaincus qu’ils ont tort, ils
aiment leurs idoles et veulent aller après elles ? Que le Seigneur ait pitié de
ces âmes, car leur cas est affreux.
MALHONNETE DANS LES
PETITES CHOSES, MALHONNETE EN TOUT.
« Celui qui est
injuste dans les petites choses l'est aussi dans les grandes.» Luc
XVI :10.
C'est le principe que
pose Jésus-Christ, et que je me propose d'exposer en montrant successivement :
I. En quel sens
il ne faut pas le prendre.
II. Ce qu'il
signifie.
III. Je
prouverai ce qu'il affirme, à savoir que celui qui est malhonnête dans les
petites choses, n'est en réalité pas honnête du tout.
IV. Je montrerai
par quel principe agissent ceux qui, malhonnêtes dans les petites choses,
semblent être honnêtes et même religieux dans les 'grandes.
V. Je mentionnerai
plusieurs cas où l'on manque souvent de principes dans les petites choses.
I.
Le sens que je ne
donne pas au principe.
Je ne veux pas dire
que si une personne est malhonnête dans les petites choses et se fait indûment
de petits profits en de petites affaires, il soit certain que dans les affaires
de grande importance, cette personne ne se conformera pas aux règles
généralement admises de la loyauté commerciale.
Je ne veux pas dire
que si un homme commet de petits vols ou se rend coupable de légères
déprédations, il deviendra infailliblement un voleur de grand chemin. Il
pourra, en effet, avoir bien des raisons pour ne pas commettre des délits plus
graves. Je ne veux pas dire que si l'on tolère en soi des pensées impures, on
en arrivera certainement à commettre l'adultère.
Que si l'on nourrit
dans son coeur des pensées de convoitise, on ne manquera pas d'en arriver à
commettre le vol.
Que si l'on se livre
à des sentiments malveillants envers quelqu'un, on sera fatalement conduit au
meurtre. Ou que si l'on tient un de ses semblables dans l'esclavage et qu'on le
prive d'instruction et de tous les droits de l'homme, on en arrivera
certainement à commettre d'autres crimes d'une pareille énormité.
Ou encore que si
quelqu'un fait tort au gouvernement en de petites choses, comme
l'affranchissement des lettres, les droits de douane, etc., il pillera le
trésor public.
II.
Quel est donc le sens
du principe que pose ici Jésus-Christ, à savoir que si l'on est malhonnête dans
les petites choses, l'on n'est réellement honnête en rien ?
J'entends ce principe
en ce sens que si quelqu'un est malhonnête dans les petites choses, cela montre
qu'en aucune chose il n'agit par principe. Il est donc certain que ce n'est pas
la réelle honnêteté du cœur qui le conduit à agir correctement dans les grandes
choses. Il obéit à des motifs d'un autre ordre lorsqu'il paraît agir
honnêtement dans les grandes choses tandis qu'il agit malhonnêtement dans les
petites.
III.
Preuve de la vérité
du principe.
Je ne veux pas le
tenir pour accordé, malgré la déclaration formelle du Seigneur Jésus-Christ. Je
désire au contraire mentionner plusieurs considérations à l'appui. Elles ne
seront pas superflues, car on se figure généralement qu'il est possible d'être
honnête dans les grandes choses et de mériter la réputation d'honnête homme,
tout en étant coupable de malhonnêteté dans les petites choses.
1. Si un homme
était pénétré d'un profond respect pour l'autorité de Dieu, et si c'était là la
disposition habituelle de son âme, cette disposition se manifesterait tout
aussi bien dans les petites choses que dans les grandes.
J'ajoute même que
dans les petites choses, il est plus sûr encore qu'un tel homme agira
consciencieusement, parce qu'ici la tentation à s'écarter de la droite voie
sera plus faible. Qu'est-ce que l'honnêteté? Si un homme n'a pas d'autres
motifs pour agir honnêtement que l'égoïsme, le démon est aussi honnête que lui;
car je ne doute pas que le démon ne soit honnête dans ses rapports avec les
autres mauvais esprits autant que le demande son propre intérêt. Mais, est-ce
là de l'honnêteté ? — Certainement non ! Si donc un homme n'a pas de motifs
plus élevés pour agir honnêtement, il n'est pas honnête du tout.
2. Il est certain
que si quelqu'un est malhonnête dans les petites choses, ce n'est pas l'amour
de Dieu qui est le principe de ses actions.
Autrement, il
sentirait que la malhonnêteté dans les petites choses est tout aussi
incompatible avec cet amour que la malhonnêteté dans les grandes. Celle-là est
une violation de la loi de Dieu aussi réelle que celle-ci, et celui qui aime
véritablement. Dieu ne se permettra pas plus l'une que l'autre.
3. Il est certain
que celui qui est malhonnête dans les petites choses n'est pas inspiré par un
réel amour pour le prochain tel que le requiert la loi de Dieu.
S'il aimait son
prochain comme lui-même, il ne voulait pas plus lui faire du tort dans les
petites choses que dans les grandes. On s'expliquerait même mieux qu'il
dans quelque grande
chose, sous l'empire d'une puissante tentation. Rappelez-vous l'histoire de
Job. Ce patriarche aimait vraiment Dieu et vous savez quelle souffrance il
endura sans jamais vouloir prononcer un mot qui pût donner tort à Dieu. Quand
sa détresse devint intolérable et que son âme entièrement dans les ténèbres ne
pouvait trouver aucune raison à tant de souffrances; quand sa femme elle-même
osa l'inciter à maudire Dieu avant de mourir, il demeura ferme et dit :
« Tu parles comme une
femme insensée. Quoi! nous recevons de Dieu les biens et nous n'en recevrions
pas les maux! » Supposez-vous que Job aurait abandonné son intégrité en de
petites choses ou dans de petites tentations? Jamais! Il aimait Dieu.
Montrez-moi un homme qui aime aiment son prochain, vous ne le verrez pas lui
faire du tort en cédant à de légères tentations.
IV.
J'examinerai
quelques-uns des mobiles qui font agir celui qui, malhonnête dans les petites
choses, semble néanmoins honnête dans les grandes.
Au premier abord, il
semble que les faits contredisent notre texte. Jésus-Christ a dit : « Celui qui
est injuste dans les petites choses, le sera aussi dans les grandes. » Or, il y
a beaucoup de gens qui dans les petites choses manquent visiblement de
principes et qui dans les grandes semblent honorables et même pieux. Comment
expliquer cela? La contradiction disparaîtra dès que nous aurons montré qu'ici
l'honnêteté apparente dans les grandes choses s'explique par des motifs qui
n'ont rien de commun avec l'intégrité du coeur.
1. On peut agir
honnêtement dans les grandes choses par crainte du déshonneur.
On sait que certaines
petites choses peu avouables ne parviendront certainement pas à la connaissance
du public, qu'on ne fera pas du bruit pour si peu, aussi se les permet-on; mais
on se garde bien de se conduire d'une manière répréhensible en des choses plus
importantes, parce qu'on sait que cela ferait du bruit. Ce qui revient à dire
qu'une considération égoïste l'emporte sur une autre. Toujours égoïsme et non
pas honnêteté !
Un commerçant voit
qu'il se ferait grand tort s'il était malhonnête avec des hommes d'affaires,
aussi traitera-t-il honnêtement avec eux pour d'importantes sommes ; mais en de
petites choses, où il ne risque pas de compromettre sa réputation, il fera
autant de profits illicites qu'il pourra. Il paiera une couturière un peu moins
que cela n'est juste, tandis qu'il se gardera bien de tromper sur une balle de
marchandise. Quand il a affaire à un homme qui n'a ni crédit, ni rang dans la
société, il lui extorque quelques sous, vu qu'il n'y a pas là de scandale à
craindre; mais aucune considération ne le déterminera à faire un acte qui
l'exposerait au blâme et au mépris du public.
2. La crainte des
lois humaines peut porter un homme à agir honnêtement en des choses que la
loi prendrait en considération ; tandis qu'en de petites choses que la loi
dédaigne, ce même homme se permettra d'agir frauduleusement.
3. L'amour de la
louange porte beaucoup de gens à agir extérieurement d'une manière honnête,
honorable, et même pieuse, en ce qui doit, selon toute apparence, arriver à la
connaissance du public.
On retiendra
injustement quelques sous à un pauvre ouvrier sur le prix de son travail,
tandis que dans les grandes occasions, on fera montre d'une libéralité
princière. Les mêmes hommes qui font preuve de la plus sordide avarice
vis-à-vis de leurs domestiques, de leurs couturières, et autres pauvres gens
qu'ils emploient, leur disputant jusqu'au dernier centime, enverront par un
hiver rigoureux des charretées de combustibles pour les pauvres, ou donne ont
de grosses sommes d'argent aux différents comités de bienfaisance. Il est
visible qu'ils agissent par amour pour la louange, c'est-à-dire par amour pour
eux-mêmes, et non par amour pour Dieu et pour les hommes.
4. La peur de Dieu.
On sera effrayé à la pensée de la colère de Dieu, de sorte que l'on se gardera
de commettre des actes malhonnêtes de quelque importance; mais l'on sera
malhonnête en de petites choses parce que l'on suppose que Dieu ne prendra pas
garde à ces bagatelles.
5. L'homme peut
mettre un frein à ses convoitises pour obéir à un sentiment de propre
justice.
Il agira honnêtement
dans les grandes choses afin de conserver la bonne opinion qu'il a de lui-même;
tandis que dans de petites choses il agira comme un coquin.
J'ai dit en
commençant que si un homme se permet un gain déshonnête en de petites choses,
il n'en faut pas conclure que cet homme n'agira jamais avec une apparente
droiture.
6. On peut, en
effet, agir correctement dans les grandes choses sous l'empire des motifs les
plus divers.
Tel qui commet de
petits larcins peut avoir beaucoup de raisons (où l'honnêteté n'a rien à voir)
pour ne pas se livrer au brigandage sur les grands chemins et pour ne pas
pratiquer l'enlèvement des porte-monnaie dans les foules. Il peut n'avoir pas
assez de courage, ou d'adresse, ou d'énergie; il peut avoir peur de la
loi, peur du déshonneur, et bien d'autres motifs de la même espèce.
On peut tolérer
habituellement en soi des pensées impures sans arriver à commettre l'adultère.
On peut être retenu non par un principe moral, mais par la frayeur, par le
manque d'occasion, par toutes sortes de raisons. Mais il est certain que celui
qui tolère en son âme des pensées, impures, agira d'une manière impure chaque
fois qu'il n'y aura pas quelque raison étrangère à l'amour de Dieu pour l'en
détourner.
Un homme peut aimer
l'argent et ne pas voler ; mais il est animé d'un esprit qui le conduirait au
vol, s'il n'était retenu par des motifs tirés de son intérêt personnel et des
circonstances ou il se trouve.
Un homme peut être
colère et néanmoins ne jamais tuer quelqu'un dans sa colère. Mais sa haine le
conduirait au meurtre s'il n'existait pas de motif intéressé qui s'y opposât.
Un homme peut
opprimer son semblable, le tenir en esclavage, le priver d'instruction, le
forcer à travailler pour lui, sans aucun salaire; et cependant ne pas commettre
le meurtre proprement dit, ne pas aller non plus en Afrique faire la traite des
esclaves, et cela parce qu'il ne veut pas mettre en péril sa réputation et sa
vie. En effet, si pour satisfaire son orgueil et son avarice, il dépouille son
semblable de tout ce qui rend la vie désirable, ce n'est certainement pas par
principe, je veux dire par amour pour Dieu ou pour l'homme, qu'il s'abstient
d'aller plus loin dans la voie du crime.
De même, un individu
qui vole au trésor des Etats-Unis les dix-huit centimes requis pour le port
d'une lettre, ne sera pas empêché par ses principes de mettre le trésor à sec,
s'il peut le faire avec la même espérance d'impunité. Les mêmes raisons qui lui
permettent de faire l'un, lui permettront de faire l'autre.
Encore un exemple. Un
homme se rend coupable d'exagération en racontant ce qu'il a vu, ou bien il
présente les faits sous un jour qui n'est pas le vrai; et cependant il
n'oserait pas faire un grossier mensonge. Il est pourtant clair que s'il
exagère, s'il colore et dénature les faits avec l'intention de les faire
paraître autres qu'ils ne sont, il ment réellement; et il en viendra à faire de
grossiers mensonges quand son intérêt le demandera et qu'il ne sera plus retenu
par aucune autre raison que le respect dû à la vérité.
V.
Je mentionnerai
quelques cas où bien des gens sont malhonnêtes dans les petites choses, tandis
qu'ils semblent honnêtes et même pieux dans les grandes.
1. On rencontre
souvent des gens qui font preuve d'un manque de principe presque absolu en ce
qui concerne le paient de toutes sortes de petites dettes, tandis qu'ils
mettent beaucoup de soin et d'exactitude à payer les traites des banquiers et à
faire honneur à leurs affaires.
Voici par exemple un
homme qui s'abonne à un journal; le prix en est minime, de sorte que l'éditeur
ne pourrait pas envoyer un agent spécial pour recueillir le prix des
abonnements; aussi notre homme attend-il des années avant de payer le sien, et
peut-être ne le paie-t-il jamais. Ce même homme aurait remué ciel et terre
plutôt que de ne pas payer à leur échéance les traites qui lui viennent du
banquier. Et pourquoi? Parce que s'il ne les payait pas, elles seraient
protestées et son crédit en souffrirait. Mais une petite dette de quatre ou
cinq francs pour un journal n'occasionnera pas un protêt, il le sait bien,
aussi ne s’en met-il point en peine ; tant pis pour l’éditeur qui sera
dans l’embarras et qui devra faire des frais pour recouvrer son argent, ou s'en
passer! Evidemment cet homme ne paie pas les traites du banquier par vraie
honnêteté, mais uniquement par égard pour son propre crédit et pour ses propres
intérêts.
2. Voici un
industriel qui emploie des couturières et pour pouvoir vendre meilleur
marché que ses concurrents, il paie leur travail au-dessous de sa valeur.
Il est clair que cet homme n'est honnête en aucune chose; s'il semble l'être
dans ses transactions publiques, ce n'est pas lui qu'il faut en remercier, car
il ne faut pas en chercher la cause dans l'honnêteté de son coeur, mais bien
dans son intérêt.
3. Chez d'autres, l'absence
de principe se montre dans les petits vols qu'ils se permettent. S'ils sont
pensionnaires dans une maison, ils voleront du combustible, par exemple. Ils ne
veulent pas faire la dépense d'en acheter; il ne leur en faut qu'un peu pour
faire de temps en temps du feu le matin ; aussi en prendront-ils une poignée
dans la provision du voisin quand le besoin s'en fera sentir. Celui qui agit de
la sorte montre que son coeur est entièrement perverti.
Un individu était
assis dans une chambre où un monsieur avait laissé sur la table un grand verre
de vin et une cruche d'eau. Le monsieur sortit de la chambre et laissa par
mégarde la porte légèrement entre baillée; se retournant, il vit alors
l'individu qui buvait une portion du vin, puis qui, pour cacher son méfait,
achevait de remplir le verre avec l'eau de la cruche. Il est clair que cet
individu prouvait par là qu'il aimait le vin, et que son honnêteté ne
l'empêchait pas de voler; il montrait que ses principes devaient faire, de lui
un ivrogne, s'il en avait les moyens, et un voleur s'il en avait l'occasion. En
fait et en regardant au coeur, — c'est au coeur que Dieu regarde, — il était
tout à la fois un ivrogne et un voleur.
4. Bien des gens
agissent malhonnêtement à l'égard d'objets perdus par autrui, surtout quand
il s'agit de quelque objet de peu de valeur. Ils ont trouvé un canif ou un
porte-crayon peut-être, et ils ne font pas de recherches pour en trouver le
propriétaire, même quand ils ont quelque raison de soupçonner quel il peut
être. Il est clair qu'ils feraient de même pour un portefeuille plein de
billets de banque, s'il y avait chance égale de n'être pas connu. Cependant les
mêmes gens, trouvant un portefeuille contenant vingt mille francs en
billets de banque, publieront la chose dans les journaux et en feront grand
tapage, faisant profession d'être des prodiges d'honnêteté. Le tout parce
qu'ils savent bien que l'on ferait des recherches, que les billets sont
numérotés, qu'ils seraient découverts, etc. Merveilleuse honnêteté que
celle-là !
5. Beaucoup de
gens se taisent sur de petites erreurs qui sont faites en leur faveur dans
des règlements de compte, ou en changeant des valeurs, etc. Il est clair qu'il
ne manque à ces gens-là que l'occasion, avec chance d'impunité, pour commettre
des détournements beaucoup plus considérables.
6. On se permettra
de la petite contrebande; cela est fréquent. Combien de gens qui, revenant
d'Angleterre, s'arrangent pour passer en contrebande quantité de petits
articles ; ils pensent, que ce qu'ils font là n'est pas grave, vu que la somme
qu'ils économisent ainsi est petite. Mais plus elle est petite, et plus le soin
qu'ils auraient mis à la payer aurait mis en évidence leur intégrité et leur
respect pour la loi. Le fait que la tentation est petite et qu'elle est
cependant plus forte en eux que le principe de l'honnêteté, montre combien est
faible en eux ce principe. Ces mêmes gens pas seraient en contrebande un navire
s'ils pouvaient le faire avec la même facilité et la même impunité. Si l'on
peut consentir à vendre son intégrité pour une petite somme, on n'aura pas
d'objection à la vendre pour une grande.
7. On fraudera la
poste en mainte petite chose (1)
(1) Suit, dans
l'anglais, la mention d'un abus qui a disparu depuis l'invention des
timbres-poste. Supprimée ici, en conséquence: en revanche, numéros 8 et 9,
ajoutés. (Trad.)
8. Beaucoup de
gens empruntent des livres, et ne se mettent pas en peine de les rendre.
Ils n'y mettent ni soin, ni importance, ni conscience. Ils les oublient
eux-mêmes; ou bien ils pensent que le prêteur les oublie; ou bien encore, ils
pensent que s'ils ne les rendent pas, le prêteur attribuera le fait à un oubli
de leur part. Dans tous les cas, pensent-ils, les conséquences n'en sont pas
graves. Mais le principe? Votre conduite ne montre-t-elle pas qu'il n'a aucune
puissance en vous? Et s'il n'a pas de puissance dans les petites choses, est-ce
à lui que sera la puissance dans les grandes?
9. Falsifications
de marchandises.
Vin, denrées
alimentaires, lait, etc. etc. Encore ici, beaucoup de gens montrent une totale
absence de principe. Un peu d'eau dans le lait, peu de chose, disent-ils. — Peu
de chose? Cependant vous cherchez à en mettre le plus que l'on peut, en mettre
sans s'attirer du désagrément. Vous en mettez donc autant que vous pouvez. Et
pourquoi? Parce que votre propre intérêt, votre égoïsme le veut ainsi,
D'autre part, il est
vrai, vous en mettez peu, peu en comparaison de ce que, matériellement, vous
pourriez mettre encore. Mais si, à ce point de vue, vous en mettez peu, à quoi
le devons-nous? Pas à vos principes assurément; mais à votre crainte de la
police et de tous les ennuis que l'indignation de vos clients pourrait vous
susciter, à votre crainte du déshonneur et de la ruine de votre industrie,
c'est-à-dire encore une fois à votre propre intérêt, à votre égoïsme.
L'égoïsme est donc ici
le seul principe. C'est lui qui vous fait mettre une si forte proportion d'eau
et c'est encore lui qui s'oppose à ce que cette proportion soit plus forte. Si
vous n'avez en ces petites choses d'autre principe que l'égoïsme, comment
peut-on supposer que ce soit l'amour de Dieu et des hommes qui vous inspire en
des choses plus considérables?
REMARQUES
1. L'état réel du
coeur de l'homme se manifeste souvent avec plus d'évidence dans les petites
choses que dans les grandes.
A cet égard, les hommes
sont souvent dans une grande erreur; ils pensent que leur honnêteté dans les
grandes choses prouve l'honnêteté de leur coeur, en dépit de la déloyauté dont
ils font preuve dans les petites choses. C'est pourquoi ils ne manquent pas
d'être sur leurs gardes dans les grandes choses, tandis qu'ils sont pleins
d'insouciance dans les petites; c'est ainsi qu'ils manifestent le véritable
état de leur coeur. Ils ne voient pas que leur honnêteté dans les grandes
choses découle d'un principe mauvais; qu'elle procède du DÉSIR DE PARAÎTRE
honnête et non pas de
Vous êtes, par
exemple, employé au service d'autrui et vous ne vous faites aucun scrupule de
flâner de temps en temps, quand votre maître n'y est pas. Dans ces moments-là
vous abandonnez le travail ou vous le faites mal, ce que vous ne feriez pas
sous les yeux de votre maître. L'homme qui agit de la sorte est complètement
(1) malhonnête et ne mérite aucune confiance; il prendrait de l'argent dans la
bourse de son maître s'il n'était pas retenu par la crainte d'être découvert ou
par tout autre motif également égoïste. On ne pourra se fier à lui que dans les
circonstances où son intérêt exigera de lui une conduite honnête.
Ceux qui, le sachant
et le voulant, rapportent inexactement dans leurs conversations les faits
qu'ils connaissent, seront faux témoins devant les tribunaux quand ils y seront
poussés par l'intérêt et que l'impunité leur sera assurée. Ils ne disent jamais
la vérité parce qu'elle est la vérité; ils ne la disent pas parce qu'ils
l'aiment. N'ayez jamais confiance en eux.
Ceux qui sont impurs
dans leurs paroles, le seront dans leur conduite, moyennant opportunité et
impunité. Tenez à distance tout homme et toute femme qui se permettra des
discours impurs, ne fût-ce qu'en conversant avec ceux de son sexe. Ceux qui
sont chastes par principe n'auront pas moins d'éloignement pour les paroles
impures que pour les actes impurs. Ils auront, en horreur « même la tunique
souillée par la chair. »
(1) Complètement, dit
Finney; peut-être n'en sera-t-il pas ainsi aux yeux des hommes, qui regardent
aux apparences; mais il en sera ainsi aux yeux de Dieu qui regarde au coeur; il
en sera ainsi en réalité. (Trad.)
2. Quiconque se livre
volontairement à un péché quelconque montre par là qu'il ne s'abstient pas des
autres péchés parce qu'ils sont des péchés.
S'il haïssait le
péché comme tel, il ne se livrerait pas plus à un péché qu'à un autre. Si quelqu'un
s'en va choisir parmi les péchés évitant l'un, pratiquant l'autre, il est
évident qu'il ne s'abstient d'aucun péché par haine du péché ou par respect
pour l'autorité de Dieu (1).
(1) Nous omettons
ici, à propos de l'oeuvre de la tempérance, une remarque qui, à sa place en
Amérique, ne le serait pas parmi nous. (Trad.)
3. Celui qui pour
gagner de l'argent vend des liqueurs enivrantes et présente à sou prochain la
coupe qui va ruiner son corps et son âme; consentirait à vendre son semblable
comme esclave, s'il y trouvait son bénéfice et sa convenance, et s'il pouvait,
le faire avec impunité.
Si l'égoïsme est si
puissant en lui, qu'il puisse consentir à donner des liqueurs fortes à son
prochain, afin d'en retirer de l'argent, l'égoïsme seul, sous quelque autre
forme venant à prévaloir sur l'amour de l'argent, pourra l'empêcher
d'assassiner son prochain ou de le vendre comme esclave. Il peut aimer assez sa
réputation, craindre assez les pénalités de la loi humaine, ou redouter assez
la destruction de sa propre âme pour renoncer à commettre un pareil crime; mais
ce n'est certainement pas le principe de l'amour de Dieu et des hommes qui l'en
préservera.
4. Celui qui tient
dans l'esclavage quelques-uns de ses semblables, afin de parvenir à ses fins
égoïstes, réduirait en esclavage beaucoup d'autres personnes et même tout le
monde, si ses intérêts le demandaient et s'il avait pour cela les facilités
qu'il a eues à l'égard des esclaves qu'il possède déjà.
Si un homme s'empare
des droits d'un seul de ses semblables, il n'aura aucune répugnance à s'emparer
des droits de tous les hommes, s'il peut le faire avec la même impunité. Celui
qui dépouille un homme noir de sa liberté et en fait un esclave, ne se fera
aucun scrupule de réduire en esclavage un homme blanc, s'il rencontre pour cela
des circonstances également favorables. Celui qui soutient que le travailleur
noir du sud doit être tenu en esclavage, soutiendrait une thèse semblable, s'il
l'osait, afin de réduire en esclavage les travailleurs blancs du nord; il se
servirait pour cela des mêmes arguments; il dirait que la paix et l'ordre
l'exigent et que les travailleurs s'en trouvent beaucoup mieux quand ils ont un
maître qui prend soin d'eux. Le fameux argument biblique, lui aussi, se
trouverait aussi bon en faveur de l'esclavage des blancs qu'en faveur de
l'esclavage des noirs; il faudrait seulement avoir assez de puissance pour le
traduire par des faits. Il est clair que celui qui détient, son prochain comme
sa propriété, pourra de même le prendre comme sa propriété, s'il peut le faire
avec la même impunité. En principe, les deux choses sont parfaitement
identiques. Ce ne sont donc point leurs principes qui empêchent les
esclavagistes de faire, en Afrique, le métier de voleurs d'hommes ou de faire
la guerre afin de réduire en esclavage les libres travailleurs du Nord.
5. Celui qui ne veut
pas renoncer à lui-même dans les petites choses afin d'avancer le règne de
Dieu, ne serait pas prêt à endurer la persécution pour la cause de Dieu.
Il est clair que ceux
qui ne peuvent renoncer à leur confort ne voudraient ni du fouet ni du
bûcher. Peut-être cependant que si la persécution venait à sévir, quelques-uns
l'endureraient à cause des louanges qui leur en reviendraient; ils se
piqueraient d'honneur et tiendraient à montrer leur vaillance. Il y a
naturellement chez l'homme un esprit de résistance qui est souvent réveillé par
la lutte et qui est capable de lui faire accepter le bûcher plutôt que de céder
en un seul point. Toujours est-il que ce n'est pas le vrai amour pour la cause
de l'Evangile qui pousse un homme à endurer la persécution, alors qu'il ne veut
pas renoncer à lui-même dans les petites choses pour le même motif.
6. Les petites
circonstances manifestent souvent le véritable état du cœur.
Si nous voyons
quelqu'un être malhonnête dans de petites choses, nous en conclurons
naturellement qu'il le serait encore plus dans de grandes choses si les
circonstances étaient également favorables.
Si vous trouvez une
personne qui, par vanité, porte de petits ornements, vous pouvez être sûr que
le coeur de cette personne-là est encore mauvais. Si une telle personne le
pouvait, elle s'adonnerait tout entière à la vanité; elle le ferait
certainement, si elle n'avait pas d'autres considérations pour la retenir que
le respect pour l'autorité de Dieu et l'honneur de la religion. Vous avez tous
les jours dans les rues l'occasion de faire de semblables réflexions. Vous y
voyez des hommes portant leurs manteaux très soigneusement arrangés sur leurs
épaules, de manière à en montrer le velours ; des femmes faisant balancer dans
l'air les plumets de leurs chapeaux..... Il est étonnant de voir de combien de
façons l'orgueil et la perversité du coeur se montrent dans les petites choses.
Vous dites que ce sont
de petites choses; je le sais, et c'est précisément parce que ce sont de
petites choses que je les mentionne. C'est parce qu'elles sont petites qu'elles
montrent si clairement le vrai caractère des gens. Si l'orgueil n'était pas si
profondément enraciné, il ne se montrerait pas en ces petites choses. Si un
homme pouvait s'accorder la satisfaction d'habiter dans un palais et de vivre à
l'avenant, on s'étonnerait moins qu'il succombât à une tentation si forte; mais
quand sa vanité se montre dans les plus petites choses, il est évident qu'elle
possède son. âme entière.
Qu'il est important
de connaître tout cela et de rester dans la vigilance, l'oeil ouvert sur les
petites choses, de manière à savoir réellement ce que l'on est aux yeux
de Dieu !
Qu'il est important
de garder la plus stricte honnêteté de manière à ce qu'elle règle la conduite
dans les plus petites choses aussi bien que dans les grandes ! C'est
quelque chose de si beau que de voir un homme agissant dans les petites choses
avec le même soin, la même conscience, la même droiture que dans les choses de
la plus grande importance! Tant que ceux qui font profession de piété ne
cultiveront pas cette honnêteté en toutes choses, ils seront un opprobre pour
la religion.
Quel immense gain ne
serait-ce pas pour la cause du Seigneur, si ceux qui font profession d'être
chrétiens voulaient montrer une entière honnêteté, une entière pureté en toutes
choses, vis-à-vis de tout le monde, de manière à rendre la religion
recommandable aux yeux des incrédules! Qu'il est fréquent de voir ceux-ci fixer
leur regard sur quelque petite infidélité du chrétien et s'étonner de
rencontrer semblable chose dans la vie de celui qui prétend avoir la crainte de
Dieu ! C'est un sujet constant de reproches adressés à la religion que toutes
ces petites malhonnêtetés dont se rendent coupables beaucoup de ceux lui la
professent. Le méchant ne manque pas de raisons pour croire que ces chrétiens
de nom sont dénués de tout principe d'honnêteté, que la religion qu'ils
professent n'est bonne à rien et qu'il ne vaut pas la peine de l'acquérir.
De quelle utilité
peut-il être que cette dame parle de religion à sa servante inconvertie, quand
celle-ci sait fort bien que sa maîtresse n'hésiterait pas à tromper et à
tricher en quantité de petites choses? Ou à quoi servirait-il que ce marchand
parlât à ses commis du salut de leurs âmes, tant qu'ils le voient peu
consciencieux dans les petites choses, malgré tout le soin qu'il a de conserver
les apparences de l'honnêteté dans des affaires plus considérables et mieux
connues du public? Les exhortations de cet homme-là feraient plus de mal que de
bien.
SE BIEN
CONNAÎTRE
Chacun de nous est tenu de connaître le véritable
état de son âme.
« Examinez-vous vous-mêmes, pour savoir
si vous êtes dans la foi; éprouvez-vous vous-mêmes. » 2 Cor XIII :5.
En parlant sur ce texte, je me propose
de montrer :
I. ce qu'il demande,
II. la nécessité de faire ce qu'il
demande,
III. la possibilité de le faire,
IV. la manière de l'accomplir,
V. plusieurs points sur lesquels on est
tenu de s'éprouver soi-même.
I
Ce que demande notre texte.
Il veut que nous connaissions notre propre
coeur, que nous fassions ce qui est nécessaire pour nous éprouver nous mêmes et
arriver à connaître le vrai état de notre âme devant Dieu. Il ne nous demande
pas de mettre à l'épreuve notre force ou notre connaissance, mais notre
caractère moral. Il veut que nous sachions ce que Dieu en pense, s'il nous
tient pour des saints ou pour des pécheurs, et que nous ayons ainsi la
certitude ou que nous sommes héritiers du ciel ou que nous le sommes de
l'enfer.
II
La nécessité de cet examen.
1. Sans lui la paix n'est pas
possible.
On peut être dans une apathie plus ou
moins grande, mais l'apathie n'est pas la paix, loin de là. Il n'y a que bien
peu de chrétiens de profession, bien peu d'auditeurs de l'Evangile qui puissent
rester longtemps dans cette apathie et se garder de toute anxiété à la pensée
de l'incertitude dans laquelle ils sont à l'égard de leur âme et de leur
destinée éternelle. Je ne parle pas des hypocrites qui ont cautérisé leur
conscience, ni des moqueurs qui peuvent avoir été abandonnés de Dieu. Mais,
mettant à part ces deux classes de gens, je dis qu'un homme ne peut être en
paix jusqu'à ce que la question indiquée par mon texte soit résolue pour lui.
2. Si ce point n'est pas réglé,
l'entière loyauté chrétienne n'est pas possible non plus.
Un homme qui ne sait pas où il en est au
point de vue spirituel, n'est pas parfaitement honnête dans sa religion. S'il
fait profession d'être chrétien sans être sincèrement persuadé qu'il l'est, qui
ne voit qu'il y a là un manque de loyauté? Un tel homme est au fond à demi
hypocrite. Quand il prie, il est toujours dans le doute; il ne sait pas si ses
prières sont agréables à Dieu, comme lui étant adressées par un de ses enfants.
3. Avoir cette vraie connaissance de
soi-même est indispensable pour être utile.
Si quelqu'un en est réduit à agiter
constamment en son esprit cette question : « Suis-je un chrétien ? » et à
regarder sans cesse à l'état de son âme, se demandant avec angoisse quel il peut
être; il est impossible qu'il n'y ait pas là un grand obstacle au bien qu'il
pourrait faire. Si, quand il parle aux pécheurs, il n'est pas certain de n'en
être pas un lui-même, il ne peut pas les exhorter avec cette assurance et cette
simplicité qu'il aurait s'il sentait ses pieds sur le roc. C'est une idée chère
à beaucoup de gens, qu'il est bon pour les saints d'être toujours dans
l'obscurité, afin d'être gardés dans l'humilité. Comme si c'était un sujet
d'orgueil pour un enfant de Dieu de se savoir enfant de Dieu ! Au contraire,
une des plus puissantes considérations qu'il y ait au monde pour le garder de
déshonorer Dieu est de savoir qu'il est son enfant. Aussi longtemps qu'un homme
est dans l'incertitude à cet égard, il ne peut avoir qu'une faible foi et son
utilité ne peut être grande.
III
Il nous est possible de connaître quel
est le véritable état de notre âme.
C'est, l'idée favorite de beaucoup de
gens, qu'en ce monde nous ne pouvons jamais savoir avec certitude quel est
l'état de notre coeur devant Dieu. Des personnes dont le nombre est étonnamment
grand semblent se faire une vertu de tous les doutes qu'elles ont sur leur état
spirituel. Depuis des siècles on regarde assez généralement comme un indice
fâcheux qu'un chrétien de profession ne soit pas rempli de doutes. On y voit,
en effet, presque une preuve certaine qu'il ne connaît pas son propre coeur.
Une des questions qui sont posées partout aux candidats à l'admission dans les
églises, est celle-ci: « Avez-vous quelque doute quant à l'état de votre âme ?
» Si le candidat répond : « Oh! oui, j'ai beaucoup de doutes, » on est
satisfait, on y voit une preuve de spiritualité, de connaissance profonde de
soi-même et surtout d'humilité. S'il n'a point de doutes, on est persuadé qu'il
n'a qu'une connaissance très superficielle de son propre coeur et n'est
probablement qu'un hypocrite. A l'encontre de tout cela, je maintiens que le
devoir prescrit dans notre texte est un devoir praticable, et que les chrétiens
peuvent se soumettre eux-mêmes à une épreuve telle qu'elle les amènera à la
connaissance certaine de leur véritable état.
1. C'est ce qui ressort avec évidence
du commandement donné dans notre texte : « Examinez-vous vous-mêmes, pour
savoir si vous êtes dans la foi ; éprouvez-vous vous-mêmes. » Y a-t-il
quelqu'un qui puisse croire que Dieu nous demanderait de nous examiner
nous-mêmes et de reconnaître quel est notre vrai caractère, quand il saurait
qu'il est impossible que nous y arrivions jamais?
2. Nous avons, pour nous éprouver nous-mêmes,
le de tous les instruments, la conscience.
Votre conscience prononce avec la plus
haute certitude possible sur toits les faits qui répondent à la grande question
: « Quel est mon état devant Dieu? » Nous pouvons, nous devons avoir, quant à
cette question, a même certitude qu'au sujet de notre existence. Car le
témoignage de notre conscience existe; il est continuellement devant nous,
indépendamment même de notre volonté. Il suffit que nous fassions attention
pour arriver à être sûrs de notre état spirituel, comme nous sommes sûrs de
notre existence personnelle.
3. Dieu nous donne des occasions si
fréquentes de montrer par nos actes ce qui est dans notre coeur, que
l'ignorance de notre état intérieur ne peut être attribuée qu'à la négligence.
Si nous vivions enfermés dans des
cachots et que nous n'eussions aucune occasion d'agir, de mettre en oeuvre ce
qui, est caché dans nos coeurs, nous ne serions pas autant à blâmer pour ne pas
nous connaître nous -mêmes. Mais Dieu nous a placés exprès dans cette vie et
dans telles et telles circonstances pour que nous puissions, comme il le
disait à Israël, nous éprouver nous-mêmes, connaître ce qui est dans
notre propre coeur, et voir si nous voulons garder ses commandements.
Les circonstances si diverses où nous
sommes placés ne peuvent manquer de faire impression sur notre esprit et de
nous amener ù sentir et à agir d'une manière ou d'une autre. Ce sont là autant
d'occasions de nous connaître nous-mêmes.
4. Nous avons de plus une règle
parfaite qui nous permet de constater quel est notre véritable caractère.
La loi de Dieu nous donne la vraie
pierre de touche qui nous permet d'apprécier l'état de notre coeur ; elle est
la règle infaillible et invariable par laquelle nous devons lieus juger
nous-mêmes. Nous pouvons apporter nos sentiments et nos actions à sa lumière,
les comparer avec ses exigences, et connaître ainsi quelle est leur valeur aux
yeux de Dieu, car Dieu nous jugera par cette même règle.
5. Nos circonstances sont telles que
l'illusion quant à l'état de notre coeur ne peut s'expliquer que par un manqué
de droiture.
Celui qui se fait illusion sur lui-même
n'est pas seulement insouciant et négligent, il est décidément peu sincère. Il
doit être possédé par l'orgueil, aveuglé par la volonté propre, autrement il
saurait qu'il n'est pas ce qu'il fait profession d'être. Les circonstances qui
l'appellent à se juger lui-même sont si nombreuses et si variées, que son
illusion ne peut être qu'aveuglement volontaire. S'il n'avait jamais eu
l'occasion d'agir, si jamais aucune circonstance n'avait éveillé de sentiments
en lui, on comprendrait qu'il ne se connût pas lui-même. Une personne qui
n'aurait jamais vu un mendiant, pourrait n'être pas capable de dire quels
seraient ses sentiments à la vue d'un mendiant. Mais faites en sorte que cette
personne rencontre des mendiants chaque jour, et si elle ne se rend pas compte
des véritables dispositions de son coeur à l'égard des mendiants, alors qu'elle
y est invitée, il y aura là mauvaise volonté de sa part.
IV.
Quelques remarques quant à la manière de
s'examiner soi-même.
I. - CONSEILS NÉGATIFS. COMMENT IL N'Y
FAUT PAS PROCÉDER.
1. Il n'y a pas à attendre que
l'évidence se produise d'elle-même.
Beaucoup de gens semblent attendre dans
une attitude passive que la lumière se fasse pour eux et leur montre, s'ils
sont chrétiens ou non. Ils attendent que certains sentiments leur viennent.
Peut-être prient-ils pour cela, et prient- ils même avec ferveur ; puis ils
espèrent que tels ou tels sentiments viendront leur montrer avec une évidence
entière qu'ils sont en état de grâce. Souvent ils refusent d'agir (dans le
domaine religieux) jusqu'à ce que clarté leur soit accordée ; ils demeurent
assis dans une inaction absolue, attendant, attendant toujours qu'un jour
ou l'autre l'Esprit de Dieu vienne les tirer du bourbier où ils restent
stupidement plongés. Ils peuvent attendre ainsi jusqu'au jour du jugement : ils
ne recevront jamais l'Esprit de cette façon-là.
2. Il ne faut pas songer non plus
à produire d'une manière directe et artificielle les sentiments qui apporteront
la réponse désirée.
L'esprit de l'homme est ainsi constitué
que ce n'est pas en s'efforçant d'avoir des sentiments qu'il réussira à en
avoir. Nous aurions beau faire pour cela les plus grands efforts; ces efforts
seraient contraires à toute bonne philosophie, ils seraient totalement
absurdes. Il faut présenter à notre esprit l'objet capable d'éveiller en nous
l'émotion ou le sentiment. Tant que notre esprit est occupé de nos
propres efforts, le sentiment ne peut pas se produire. Nous devons donc oublier
nos sentiments et nos efforts et contempler l'objet propre à éveiller en nous
les sentiments que nous devons avoir, et ces sentiments se produiront. Mais
quant à vouloir produire directement en soi le sentiment, autant vaudrait
s'efforcer de voir en fermant les yeux ou dans une chambre obscure. Comme il
n'y a dans la chambre obscure aucun objet propre à éveiller en nous le sens de
la vue, nous aurions beau faire tous nos efforts pour voir, nous ne verrions
rien. Si le regard de l'âme se fixe sur elle-même et s'occupe à observer
l'émotion intérieure, l'émotion aussitôt cesse d'exister, parce que l'attention
est détournée de l'objet qui l'a produite.
3. Vous ne serez jamais éclairé sur
votre situation, en perdant votre temps à vous lamenter sur l'état de votre
cœur.
Beaucoup de gens perdent leur temps à
gémir : « Hélas je ne sens rien, je ne puis rien sentir, mon coeur est si dur! »
Et peut-être s'efforcent-ils de produire en eux des sentiments. C'est aussi
philosophique que s'ils essayaient de voler dans les airs. Tant qu'ils sont là
à ne rien faire, à se lamenter et à s'occuper de la dureté de leur coeur, ils
sont la risée du démon. Représentez-vous un homme qui s'éloigne lui-même du feu
et qui se lamente au sujet du froid qu'il ressent; les enfants mêmes riront de
lui.
II - CONSEILS POSITIFS. COMMENT IL FAUT
Y PROCÉDER.
1. Si vous désirez connaître les
vraies dispositions de votre coeur à l'égard d'un objet, fixez votre attention
sur cet objet.
Si vous voulez éprouver l'excellence de
votre vue, vous vous appliquez à regarder un objet ; si vous voulez éprouver
votre ouïe, vous vous appliquez à discerner des sons. Et si vous éloignez les
objets capables d'agir sur les autres sens, de manière à ce que votre attention
se porte aussi fortement que possible sur celui que vous voulez éprouver,
l'épreuve que vous en ferez sera d'autant plus parfaite. La multiplicité dés
objets distrait l'esprit. Quand nous portons notre attention sur quelque objet
propre à éveiller nos sentiments, il est impossible que nos sentiments ne
s'éveillent pas. Notre âme est ainsi faite que dans ces conditions elle ne peut
pas ne pas sentir. Il n'est pas nécessaire pour cela, de s'arrêter et de se
demander : « Est-ce que je sens? » Si vous mettez votre main près du feu, vous
n'avez pas besoin de vous poser cette question : « Est-ce que j'éprouve la
sensation de la chaleur ? » Vous savez d'une manière immédiate que vous avez
cette sensation. Si vous passez votre main rapidement au-dessus de la lampe, la
sensation de chaleur pourra être si légère que vous n'y ferez pas attention ;
mais elle n'en sera pas moins réelle, et vous en aurez conscience si votre
attention est assez éveillée. De même, les sentiments qui naissent dans notre
coeur peuvent être si faibles ou passer si rapidement, qu'ils n'occupent pas
notre pensée, en ce cas nous ne nous en rendons pas compte ; mais ils n'en sont
pas moins réels. Mais tenez votre main sur la lampe pendant une minute, et la
sensation que vous éprouverez vous forcera bien de vous en rendre compte,
quelles que soient dit reste vos autres préoccupations.
Si donc notre attention est fixée sur un
objet propre à éveiller nos sentiments, il est impossible que ces sentiments ne
se produisent pas à quelque degré ; et si notre attention est intense, il est
impossible que ces sentiments ne soient pas tels que nous ayons conscience de
leur existence. Ces principes nous montrent comment nous pouvons faire
l'épreuve de notre coeur et connaître l'état réel de nos sentiments à l'égard
de quelque objet. Il s'agit seulement de fixer notre attention sur l'objet
jusqu'à ce que nos émotions soient telles que nous ayons conscience de leur
existence.
2. Soyez bien assuré que l'objet sur
lequel vous portez votre attention, et à l'égard duquel vous voulez éprouver
les dispositions de votre cœur, est une réalité.
Il y a dans le monde une très grande
quantité de religion imaginaire ; et ceux qui ont cette religion-là se figurent
qu'elle est réelle. Ils but de beaux sentiments, leur âme est parfois très
émue, et leurs sentiments correspondent à l'objet qu'ils contemplent. Mais
voici la cause de l'illusion : l'objet qu'ils contemplent est imaginaire.
Ce n'est pas que le sentiment soit faux
ou imaginaire il est réel. Ce n'est pas non plus qu'il ne corresponde pas à
l'objet contemplé ; il lui correspond parfaitement. Mais, je le répète, cet
objet est une fiction.
L'on s'est formé de Dieu, de
Jésus-Christ et du salut des notions tout à fait fausses ; et les sentiments
que l'on éprouve pour ces objets imaginaires sont analogues à ceux que l'on
devra éprouver pour les objets réels. C'est ainsi que l'on se trouve adorer un
faux dieu, un dieu que l'on s'est fait soi-même. C'est là une cause de beaucoup
d'espérances trompeuses et de beaucoup de professions mensongères il n'y a pas
à en douter.
V.
Je dois mentionner maintenant quelques
objets au sujet desquels nous sommes tenus de mettre à l'épreuve les
dispositions de notre coeur.
1. Le péché, non pas nos péchés
particuliers, mais LE péché, le péché considéré comme outrage à Dieu.
Si vous trouvez en vous un vif sentiment
de réprobation pour le péché, ne vous hâtez pas de conclure que votre coeur
soit dans un état satisfaisant. Ce sentiment de réprobation pour le péché est
inhérent à la nature de tout être intelligent. Tous les êtres intelligents
l'éprouvent quand ils considèrent le péché d'une manière abstraite, sans qu'il
ait aucun rapport avec leur satisfaction égoïste. Il n'y a pas de doute que le
démon ne l'éprouve. En effet, tant que le péché est considéré en lui-même,
d'une manière abstraite, nous pouvons être assurés que Satan ne
l'approuve pas plus que ne fait l'ange Gabriel. Il blâme les pécheurs et condamne
leur conduite partout où il n'a aucune raison égoïste pour prendre plaisir à ce
qu'ils font. Sur cette terre, vous trouverez souvent chez le méchant une grande
horreur pour le péché ainsi considéré. Et même, vous n'y trouverez pas un seul
méchant qui ne condamne le péché et qui ne l'ait en aversion, quand il
l'envisage abstraitement. L'homme est ainsi constitué que le péché est
contraire à sa raison et à sa conscience ; toutes les puissances de son âme se
révoltent à la vue du péché ; il ne prend plaisir en ceux qui commettent
l'iniquité que tans le cas où il a quelque raison égoïste de s'applaudir du
péché qu'ils commettent. Cette répulsion abstraite pour le péché est, chez
l'homme, naturelle, universelle et nécessaire.
Mais quelle différence entre la répulsion
pour le péché considéré abstraitement et cette aversion du cœur pour le mal qui
est fondée sur l'amour de Dieu ! Si un jeune homme souffre d'une mauvaise
action comme d'un outrage fait à son père, c'est tout autre chose pour lui que
de sentir qu'une action est mauvaise en soi. Il n'éprouve pas seulement un
sentiment d'indignation à l'égard d'un acte mauvais, il éprouve encore cette
douleur toute particulière qui provient de l'amour qu'il porte à son père. Il
en est de même pour celui qui aime Dieu : il ne désapprouve pas seulement le
péché comme mauvais en soi, il ressent encore à son égard un sentiment de
douleur mêlée d'indignation, parce qu'il voit en lui un outrage à Dieu.
Si donc vous voulez savoir quels sont
vos sentiments à l'égard du péché, demandez-vous ce que vous ressentez quand
vous êtes parmi les pécheurs et que vous les voyez
violer la loi de Dieu. Que
ressentez-vous quand vous les entendez prendre le nom de Dieu en vain, quand
vous les voyez violer le jour du Seigneur, s'enivrer, mentir, ou médire ?
Eprouvez-vous les sentiments qu'avait le Psalmiste lorsqu'il écrivait: « J'ai
considéré les transgresseurs et mon coeur a été rempli de douleur parce qu'ils
n'observent pas ta parole. » « Des ruisseaux d'eau coulent de mes yeux parce
qu'ils ne gardent pas tes commandements. » « J'ai été saisi d'horreur parce que
le méchant oublie ta loi ? »
2. Vous devez mettre à l'épreuve les
dispositions de votre coeur à l'égard de vos propres péchés.
Considérez vos péchés passés,
rappelez-vous votre conduite d'autrefois et sachez si vous la condamnez de tout
votre coeur, sachez si cette vie loin de Dieu vous remplit d'horreur et de
dégoût. Vos sentiments sont-ils ceux d'un fils affectionné qui se rappellerait
ses désobéissances envers un père bien-aimé ? C'est une chose que d'avoir la
ferme conviction que votre conduite précédente était mauvaise ; et c'est une
autre chose que d'avoir en outre une douleur profonde parce que cette Conduite
offensait Dieu. Il y a peu de chrétiens probablement qui n'aient pas jeté un
regard en arrière, avec une profonde émotion, sur leur conduite envers leurs
parents, et qui n'aient pas repassé en leur esprit nombre de désobéissances et
de torts de toute espèce dont ils se sont rendus coupables à leur égard. Ceux
qui l'ont lait n'ont pas seulement désapprouvé fortement leur conduite passée,
ils ont encore ressenti une douleur profonde, de sorte qu'ils ont eu peine à
retenir leurs larmes et que peut-être même ils n'ont pu s'empêcher d'éclater en
sanglots. Voilà la vraie repentance à l'égard d'un père. La repentance envers
Dieu est de même nature et son degré d'intensité correspond à celui de
l'attention qui s'est portée sur les péchés passés.
3. Vous devez vous rendre compte de
ce que sont vos sentiments à l'égard des pécheurs inconvertis.
Pour cela, rendez-vous au milieu d'eux,
entretenez-vous avec eux au sujet de leurs âmes, avertissez-les, écoutez ce
qu'ils disent, examinez quels sont leurs sentiments, apprenez à connaître
l'état réel de leur coeur, et vous saurez aussi quels sont vos sentiments à
l'égard des inconvertis. N'allez pas vous enfermer dans votre cabinet et vous
efforcer d'imaginer un pécheur impénitent. Votre imagination pourrait, en
effet, se faire une représentation qui éveillerait vos sympathies et vous ferait
pleurer et prier; mais cela ne prouverait rien. Allez plutôt auprès des
pécheurs, apportez-leur votre coeur, mettez-le en contact avec le leur,
raisonnez avec eux, exhortez-les, mettez au jour la vanité de leurs objections,
leur obstination, leur manque de sincérité, et priez avec eux si vous le
pouvez. Vous ne pourrez pas faire cela sans éveiller en vous des émotions ; si
vous êtes un chrétien, ces expériences éveilleront en vous un mélange de
douleur, de compassion et d'indignation, comme nous le voyons en Jésus-Christ,
et elles ne vous laisseront aucun doute sur les dispositions de votre. coeur
envers les pécheurs.
4. Vous devez sonder les dispositions
de votre esprit l'égard de Dieu.
Fixez fortement vos pensées sur Dieu. Ne
vous mettez pas à imaginer un Dieu selon la folie de votre cœur ; ne cherchez à
vous représenter quelque apparence ou quelque figure ; mais prenez
5. A l'égard de Jésus-Christ.
Vous êtes tenus de savoir si vous aimez
le Seigneur Jésus-Christ ou non. Passez en revue les circonstances de sa vie et
voyez si elles vous apparaissent comme des réalités ; considérez ses miracles,
ses souffrances, sa perfection morale, sa mort, sa résurrection, son ascension,
son intercession actuelle à la droite du trône de Dieu. Et voyez si vous croyez
à toutes ces choses. Sont-elles des réalités pour vous ? Quels sentiments
éprouvez-vous quand vous les considérez? Quand vous pensez à Jésus, à sa mort
expiatoire, à son pouvoir et à sa volonté de sauver, si ces choses sont des
réalités pour vous, vous éprouverez des sentiments dont vous aurez conscience
et au sujet desquels il ne vous sera pas possible de vous méprendre.
6. A l'égard des chrétiens.
Si vous désirez savoir si vraiment vous
aimez les chrétiens, ne laissez pas courir vos pensées jusqu'aux extrémités de
la terre ; mais fixez votre attention sur les chrétiens qui vivent auprès de
vous et voyez si vous les aimez, si vous désirez leur sanctification, si
vraiment vous avez un grand désir de les voir croître dans la vie spirituelle,
si votre coeur les porte avec foi au trône de la grâce, demandant -à Dieu de
les combler de bénédictions.
7. A l'égard des réveils.
Si vous désirez connaître les vraies
dispositions de votre coeur à l'égard des réveils, lisez ce qui se rapporte aux
réveils et fixez votre attention sur ce sujet; il ne se peut pas que vous
n'éprouviez des sentiments qui dénoteront le véritable état de votre coeur.
Vous pourrez faire de même à l'égard des
païens, des esclaves, des ivrognes; de même encore à l'égard de
d'autre voie pour connaître l'état de
votre coeur que de fixer votre esprit sur ces réalités, jusqu'à ce que les
sentiments qui s'élèveront en vous deviennent assez forts pour qu'il ne vous soit
pas possible de vous méprendre sur leur nature.
Si vous trouvez de la difficulté à fixer
suffisamment votre attention sur ces objets pour que le sentiment se produise,
cela vient d'une ou de deux raisons: ou votre esprit est absorbé par d'autres
objets religieux ; ou, distrait et léger, il erre d'un bout du monde à l'autre.
J'ai connu quelques chrétiens qui étaient dans le premier cas; ils étaient en
grande détresse parce qu'ils ne pouvaient pas, sur quelques points
particuliers, sentir autant qu'ils le jugeaient nécessaire. Il s'agissait
surtout de leurs péchés. Or, j'ai constaté à ce sujet, que l'on peut être en un
tel travail pour les pécheurs, que l'on peut être tellement absorbé par la
prière en leur faveur, tellement occupé du ministère à poursuivre auprès d'eux,
qu'il faut un effort pour penser à sa propre âme de manière à sentir
profondément en ce qui la concerne. Celui qui, en cet état, se mettra à genoux
afin de prier au sujet de ses propres péchés, verra aussitôt l'image de tel
pécheur au salut duquel il travaille se présenter si fortement à son esprit
qu'il lui sera difficile de prier pour lui-même. Mais ce ne sera point un
mauvais signe quant à son état spirituel. Si, par contre, vos pensées errent
d'un bout du monde à l'autre, se portant sur mille sujets divers, de sorte que
vous ne puissiez pas arriver à des sentiments assez profonds pour pouvoir
discerner leur vrai caractère; si par exemple vous ne pouvez attacher votre
attention sur quelque sujet biblique propre à éveiller vos sentiments; faites-vous
alors violence, fixez vos pensées avec une énergie désespérée sur l'objet qu'il
vous importe de consirer, et persévérez jusqu'à ce que vos sentiments
s'éveillent. Vous pouvez commander à vos pensées ; Dieu vous a donné pouvoir
sur votre propre esprit ; et par ce moyen vous avez pouvoir sur vos sentiments.
Apportez-y une absolue ;résolution et vous arriverez au but.
REMARQUES
1. Etre actif dans la piété est une
condition indispensable pour arriver à se connaître soi-même.
Jamais personne n'arrivera à connaître
le vrai état de son coeur à moins qu'il ne soit actif, travaillant à accomplir
les devoirs de la religion. Un homme qui vivrait enfermé dans son cabinet, ne
connaîtrait pas l'état réel de ses sentiments à l'égard de ceux qui sont au dehors.
De même, vous ne saurez jamais quelle est votre véritable disposition à l'égard
des pécheurs, avant d'être allé vers eux et de vous
être mis à l'oeuvre pour les sauver.
On s'enferme chez soi, puis
l'imagination excite tels ou tels sentiments ; mais ces sentiments sont
trompeurs : ils ne sont pas produits par des réalités.
2. A moins que l'on n'éprouve son coeur
en le mettant en contact avec des réalités, on vit constamment dans l'illusion.
Représentez-vous un individu qui
s'enferme dans un cloître, qui se sépare absolument du monde de la réalité,
pour vivre dans le monde de l'imagination. Cet homme-là deviendra un être tout
d'imagination. De même en est-il chez tous ceux qui ne mettent pas leur esprit
en contact avec la réalité. De tels gens s'imaginent aimer l'humanité et
cependant ils ne font pas de bien; ils s'imaginent avoir en horreur le péché et
cependant ils ne font rien pour le détruire. Combien de gens qui se trompent
eux-mêmes en excitant leur imagination au sujet des missions, par exemple? rien
de plus commun on se fait une grosse provision de sentiments, puis l'on tient
des réunions de prières pour les missions, quand en réalité on ne fait rien
pour sauver les âmes. Des femmes dépenseront une,journée tout entière en
réunions de prières pour la conversion du monde, tandis que dans leur
cuisine se trouve une servante inconvertie à laquelle elles ne diront pas un
mot de toute une journée, de tout un mois peut-être, afin de l'amener au salut
! On préparera une assemblée publique pour discourir sur les sentiments
qui doivent nous animer envers les païens, tandis qu'on ne fait aucun effort
direct pour sauver les pécheurs qui nous entourent. Fiction, imagination que
tout cela! Il n'y a aucune réalité dans une religion de cette espèce. Si l'on
avait un réel amour pour Dieu et pour les âmes, une réelle piété, on ne serait
pas beaucoup plus ému par la peinture que l'imagination se fait des païens que
par la vue des misères morales dont ou est entouré.
Et s'il en est ainsi chez beaucoup de
chrétiens, ce n'est pas que leur attention ne soit pas tournée du côté des
pécheurs qui. les entourent. Au contraire, ils entendent leurs imprécations
profanes ; ils voient leur violation du jour du Seigneur et leurs autres vices
; ils ont la réalité toute nue chaque jour devant les yeux. Si ce spectacle
n'éveille en eux aucun sentiment, c'est en vain qu'ils prétendent avoir pour
les païens les sentiments que Dieu demande. Prenez ce même individu si plein de
généreuses sympathies pour les païens, et placez-le aux Iles des Amis ou
ailleurs, loin des fictions de son imagination, en face de la nue et froide
réalité du paganisme, et tous ses beaux sentiments auront disparu. Il pourra
écrire à ses compatriotes des lettres décrivant les abominations que commettent
ces païens, mais tous les sentiments qu'il avait au sujet de leur salut se
seront évanouis.
Il y a des gens qui discourent sur le
salut des païens et qui n'ont jamais converti une âme dans leur propre pays ;
soyez-en sûrs, tout ce qu'ils disent est pure imagination. S'ils ne travaillent
pas à propager les réveils dans leur propre pays où ils comprennent la langue
de tous et ont un accès direct et facile auprès de leur prochain, beaucoup.
moins encore travailleraient-ils à réveiller les âmes en pays
païen.
Il faut que les églises comprennent cela
et qu'elles s'en souviennent lorsqu'elles choisissent tels ou tels hommes pour
porter le message du salut aux païens. Elles doivent savoir que si la réalité
toute nue n'excite pas, dans notre pays, un homme à l'évangélisation, cet
homme serait un type de missionnaire dont le diable ne ferait que rire, y en
eût-il un million d'exemplaires.
Beaucoup de gens se font la même
illusion au sujet des réveils. Voici, par exemple, M. N. qui est un grand
ami des réveils. Mais remarquez-le, il s'agit toujours des réveils d'autrefois,
ou des réveils en principe, ou des réveils qui ont lieu à l'étranger, ou encore
des réveils à venir. Mais quant au réveil présent, celui au milieu duquel il se
trouve, il doute toujours de son existence. Il lira l'histoire des réveils du
temps du président Edwards, celle des réveils d'Ecosse ou du pays de Galles et
il en sera tout, enthousiasmé ; il s'en délectera. Vous l'entendrez prier. « O
Seigneur ravive ton oeuvre! ô Seigneur donne-nous de pareils réveils !
donne-nous un temps de Pentecôte où nous puissions voir des milliers d'âmes
se convertir en un jour !
Mais transportez-le dans la réalité des
choses, et vous verrez qu'il n'y aura jamais aucun réveil auquel il puisse
prendre quelque intérêt. Il est amateur des fictions et des rêves de son
imagination ; il crée tout un état de choses qui excite ses émotions ; mais la
simple réalité des choses ne l'amène jamais à donner sa coopération à l'oeuvre
des réveils.
Aux jours de notre Sauveur, les Juifs
disaient, et croyaient sans doute, qu'ils avaient en horreur la conduite de
ceux qui avaient persécuté les prophètes. « Si nous avions vécu au temps de nos
pères, disaient-ils, nous n'aurions pas participé au meurtre des prophètes. »
Ils s'étonnaient, sans doute, que l'on eût été assez méchant pour commettre de
semblables crimes. Mais ils n'avaient jamais vu de prophètes ; tout cela
n'existait pour eux qu'en imagination. Dès que le Seigneur Jésus-Christ
apparut, lui le plus grand des prophètes, lui vers qui toutes les prophéties
convergeaient, ils le rejetèrent aussitôt et le mirent à mort avec autant de
froide cruauté que leurs pères avaient jamais pu en avoir.
« Comblez la mesure de vos pères, disait
Jésus-Christ, afin -que vienne sur vous tout le sang juste qui a été versé sur
la terre. »
Constamment, et dans tous les âges,
l'humanité s'est éprise des fictions qu'enfante son imagination, et ces
fictions l'ont toujours précipitée vers sa ruine. Voyez les universalistes. Ils
imaginent un Dieu qui sauvera tout le monde, à n'importe quelles conditions, et
un ciel on il y aura place pour tous; puis ils aiment le Dieu et le ciel qu'ils
ont imaginés et peut-être qu'en y pensant ils pleureront d'attendrissement.
Leurs sentiments, en effet, sont souvent profonds, mais ils sont trompeurs,
parce qu'ils sont produits non par la vérité mais par une fiction.
3. Plus vous sortirez de vous-mêmes, de manière à ce que vos oeuvre