PAPIER

 

papyrus. Le papyrus est une plante ou une espèce de jonc qui vient en Egypte sur les bords du Nil. Les Egyptiens s'en servaient à différents usages, comme à faire des paniers, des souliers, des habits, de petits bateaux pour voyager sur le Nil, du papier à écrire. On dit même que la partie du papyrus, qui est la plus près de la racine, est bonne à manger. Isaïe (Esa XVIII, 2) parle d'une espèce de navire ou de petite barque de papier, faite en forme de tête, où les Egyptiens mettaient une lettre, par laquelle ils donnaient avis à ceux de Biblos de la découverte de leur dieu Adonis que l'on pleurait comme mort. On l'envoyait par la Méditerranée, et on faisait accroire au peuple qu'elle arrivait en l'espace de sept jours a Biblos, sur les côtes de Phénicie, qui était à plus de quatre-vingts lieues de l'Egypte. Le terme hébreu gomé, dont se sert Isaïe, signifie un jonc, un roseau ; et Moïse se sert du même terme pour marquer la matière du petit vaisseau dans lequel ses parents l'expèsèrent au bord du Nil (Ex 2 :3) (Arca junci).

 

Quant au papier à écrire dont se servaient les anciens, et qui était fort différent de celui dont nous nous servons, il était composé des feuilles du papyrus dont nous venons de parler, d'où lui est venu le nom de papier. Voici de quelle manière on le mettait en oeuvre. Le tronc du papyrus est composé de plusieurs feuilles posées l'une sur l'autre, que l'on détachait et que l'on séparait avec 'une aiguille. On les étendait ensuite sur une table mouillée, à la longueur et largeur que l'on voulait donner à la feuille de papier. Par-dessin ce premier lit de feuilles de papier, on mettait une couche de colle très-fine, ou simplement de l'eau du Nil boueuse et échauffée sur laquelle on rangeait un second lit de feuilles de papier ; puis on laissait sécher le tout au soleil. Les feuilles les plus proches du coeur de la plante sont les plus fines et font le papier le plus estimé. On en faisait le papier fin, nommé papyrus Augusta, à cause de l'empereur Auguste. Les feuilles qui étaient immédiatement sur ces premières faisaient un papier moins fin, qui s'appelait papyrus Julia, à cause de l'impératrice Julie. Enfin l'empereur Claude en ayant inventé une manière encore moins fine, on lui donna le nom de papyrus Claudia. On peut voir cette matière traitée à fond par Guillaudinus.

 

Il y a beaucoup d'apparence que c'est le papier d'Egypte qui est désigné en quelques endroits de l'Ecriture par charta et liber, et que les volumes anciens n'étaient que de papier d'Egypte. On commença à se servir de vélin ou de parchemin assez tard. Ce furent les rois de Pergame qui le mirent en usage, y étant contraints par la nécessité : car les rois d'Egypte ayant défendu le transport du papier hors de leur pays, ceux de Pergame furent contraints de se servir de peaux d'animaux préparées pour écrire et pour composer la bibliothèque qu'ils voulaient dresser à l'imitation de celle des Ptolémées. On fit avec ces membranes des livres de deux sortes : les uns en rouleaux, faits de plusieurs feuilles cousues ensemble bout à bout et écrites seulement d'un côté; et les autres, de plusieurs feuilles liées ensemble l'une auprès de l'autre, et écrites des deux côtés, comme sont nos livres ordinaires. Je doute néanmoins que la chose soit ainsi : je ne trcuive mâle part que l'on composât de longs rouleaux de simple papier ; cette matière n'est pas assez solide ni assez ferme pour être ainsi cousue bout à bout. Il est bien plus croyable que ces rouleaux étaient faits de peaux ou de vélin, comme ils le sont encore aujourd'hui. Diodore de Sicile rapporte que les Perses écrivaient autrefois leurs registres sur des peaux, et Hérodote parle des peaux de moutons et de boucs employées par les anciens Ioniens pour écrire dessus. Les prophètes Isaïe (Esa 8 :1), Jérémie (Jer 36) et Ezéchiel (Eze 2 :9 ; 3 : 1-3) parlent expressément de ces rouleaux; le livre de la Loi que l'on trouva sous Helcias (2Ro 22 :11) était apparemment de même écrit sur du vélin, ainsi que celui dont parle Job en ces termes (Job 31 :35,36) : Qui me donnera quelqu'un pour m'entendre, afin que mon juge écrive un livre, et que je le porte sur mes épaules, et que je le mette sur ma tête comme une couronne?

 

Il faut donc dire que le roi de Pergame perfectionna simplement les peaux et qu'il les fit préparer d'une manière qui était si commode, qu'on ne se mit plus en peine d'avoir du papier d'Egypte. En effet, le vélin est d'un bien meilleur usé que le papier d'Egypte; tout ce que nous avons de plus anciens manuscrits latins ou grecs sont écrits sur du vélin; à peine reste-t-il dans les archives quelques anciens titres écrits sur du papier d'Egypte, et encore sont-ils à demi-usés et d'une caducité extrême. Vossius croit néanmoins l'usage du vélin bien plus ancien que les rois de Pergame.

 

Enfin, quant au papier dont nous nous servons aujourd'hui et qui est composé de drapeaux et de linge pourris, broyés, réduits en bouillie, et puis étendus et mis en feuilles, l'usage n'en est pas bien ancien. Il n'en est pas expressément parlé, que nous sachions, avant le temps de Pierre le Vénérable, abbé. de Cluny, qui vivait il y a six cents ans. Ainsi ce ne peut être de cette espèce de papier dont il est parlé dans l'Ecriture sous le nom de charta. On peut voir notre dissertation sur les livres anciens, qui est imprimée à la tête de notre Commentaire sur la Genèse.