EPINES

 

spinoe. La couronne d'épines dont le Sauveur fut couronné dans sa passion a donné beaucoup d'exercice aux savants. Thomas Bartholin a fait sur ce sujet une dissertation, qui est imprimée avec son Traité sur la croix du Sauveur. Tous les évangélistes marquent expressément que le Sauveur fut couronné d'épines; mais ils ne disent pas de quelle sorte d'épines, ni à quelle fin on lui donna cette couronne. Il y a toute apparence que ce fut pour l'insulter et pour se railler de sa prétendue royauté; les soldats, pour joindre la douleur à l'insulte, choisirent des épines pour lui percer et déchirer la tête.

 

Mais quelle espèce d'épines choisirent les soldats pour en couronner le Sauveur? La plupart l'entendent de l'épine ordinaire rubus, qui porte un petit fruit, nominé prunelles, qui fleurit blanc, et porte des épines avec ses feuilles. Il y en a qui croient que, comme en ce pays-là les épines étaient en fleur dans cette saison, les soldats choisirent exprès des épines pour lui faire une couronne de fleurs, qui fût en même temps hérissée de pointes, afin que l'insulte ne fût pas exempte de tourments.

 

D'autres remarquent que dans la Palestine, et surtout autour de Jérusalem, on ne voit point aujourd'hui de ces épines dont on vient de parler ; mais seulement du rhammus, ou noirprun, ou bouc-épine; ainsi il ya toute apparence que les soldats prirent de cette épine, qui se trouva sous leurs mains, et que les évangélistes n'ont voulu désigner autre chose, sous le nom général d'épines.

 

Quelques autres sont pour l'acacia, parce que cet arbre est nommé épine, en Grec acanthé, sans addition.

 

D'autres se sont déclarés pour la blanche épine, ou aubépine, qui est un arbrisseau des plus communs, et armé de piquants raides et durs; ses fleurs sont blanches et odoriférantes.

 

Le jonc marin a aussi ses défenseurs. Il est muni. d'une pointe fort aiguë à l'extrémité, et on dit que les pointes de la sainte couronne, que l'on montre en différents endroits, ont beaucoup de rapport à la pointe du jonc marin. Durand, qui est un des plus anciens qui l'aient examinée (car elle avait été apportée à Paris, lui étant encore enfant), dit qu'elle était de jonc marin. D'autres qui l'ont encore examinée de nos jours, tant à la Sainte-Chapelle, qu'à Notre-Dame de Paris, où l'on en conserve une partie, sont de même sentiment. M. Baillet remarque que la sainte couronne qui se conserve à la Sainte-Chapelle de Paris, n'a plus d'épines, depuis qu'on en a arraché la dernière du temps de Louis XIII.

 

D'autres en grand nombre se sont opposés à ce sentiment, comme contraire au texte des évangélistes, qui nous ont parlé d'épines, et non de jonc marin, lequel d'ailleurs n'était pas propre au dessein des soldats, puisqu'il n'a qu'une seule pointe à son extrémité. Bartholin se joint à ceux qui sont contre le jonc marin : il cite Delrio, qui dit avoir examiné plusieurs fois la sainte couronne qui est à Paris, et en avoir vu dans plusieurs autres endroits, tant en Espagne qu'aux Pays-Bas, et ailleurs, et n'y avoir jamais rien remarqué qui ressemblât au jonc marin, mais bien à l'épine de bouc; ou noirprun, ou en général à une épine grosse et ronde. Telle est encore celle qui se conserve à Trèves, et que nous avons fait graver d'après Mazénius. Voyez-la dans sa juste grandeur sous l'article LANCE —[c'est-à-dire dans l'Atlas du Cours complet d'Ecriture sainte. Voyez aussi l'article -COURONNE D'ÉPINES, et JÉRICHO].

 

On dispute encore si le Sauveur porta sa couronne d'épines sur la croix, ou si on la lui ôta lorsqu'on le dépouilla de ses habits. Les sentiments sont partagés Sur cela; et il est impossible de les concilier, ni de terminer la difficulté, les auteurs sacrés ne nous ayant rien appris sur cela. L'histoire ancienne ne nous a rien appris non plus de la manière dont la sainte couronne s'est conservée, et est venue jusqu'à nous. Il est même assez difficile de croire que toutes épines et toutes les parties de la sainte couronne, que l'on montre en différents endroits, ne viennent que de la seule couronne du Sauveur.