BEEL-PHEGOR

 

ou le dieu Phegor ou Phogor. Nous avons rapporté plusieurs conjectures sur cette fausse divinité, dans une Dissertation faite exprès, à la tête du livre des Nombres, et nous avons tâché d'y montrer que c'est le même dieu qu'Adonis, ou qu'Orus, adoré par les Egyptiens et par la plupart des peuples d'Orient. L'Ecriture dit (Nu 25 :1-3) que les Israélites étant campés au désert de Sin, se laissèrent aller à l'adoration de Béel-phégor, qu'ils participèrent à ses sacrifices, et qu'ils tombèrent dans l'impudicité avec les filles de Moab; et le Psalmiste (Ps 105 :28) racontant le même événement, dit que les Hébreux furent initiés aux mystères de Béel-phégor, et qu'ils participèrent aux sacrifices des morts. Phégor ou Péor est le même qu'Or ou Orus, en retranchant de ce mot l’article pé, qui ne signifie rien. Orus est le même qu'Adonis, ou Osiris. On célébrait les fêtes d'Adonis comme des funérailles ; on commettait dans ces fêtes mille dissolutions, 'orsqu'on disait qu'Adonis qu'on avait pleuré Aort, était vivant.

 

Origène a cru que Phégor, ou Béel-Phégor, dieu des Moabites, était le même que Priape ou l'idole de turpitude, qui était adoré principalement par les femmes, et que Moïse, craignant de souiller les oreilles des Hébreux, n'a pas jugé à propos de distinguer d'une manière plus claire de quelle sorte de turpitude il voulait parler. Saint Jérôme dit que cette idole était représentée d'une manière obscène, comme l'on a accoutumé de représenter Priape. Il croit que les hommes efféminés et les femmes qui se prostituaient en l'honneur des idoles, dont parle si souvent l'Ecriture, étaient consacrés à Béelphégor, ou à Priape. Il semble croire que cette honteuse divinité avait en la bouche ce que l'on a accoutumé de représenter dans les figures de Priape.

 

Maimonides veut qu'on ait adoré Béelphégor, en découvrant devant lui ce que l'honnêteté cache avec le plus de soin; et Salomon Jarchi, qu'on lui ait offert des excréments. Il est indubitable que Béelphégor était un dieu d'impureté : on sait avec quelle impudence les filles de Moab engagèrent les Israélites dans l'impudicité (Nu 25) ; et le prophète Osée (Os 9 :10), parlant de ce crime, dit qu'ils sont allés vers Béelphégor, qu'ils se sont égarés dans leurs actions honteuses, et ont commis des choses abominables, suivant le penchant de leur amour. . .

 

D'autres ont prétendu que Béelphégor était Saturne, divinité adorée en Arabie. L'aventure que l'on raconte de cette divinité mutilée par son propre fils, a pu donner lieu aux obscénités du culte de Béelphégor dont nous avons parlé. On pourrait encore trouver quelques marques de ressemblance entre Saturne et Loth, père des Moabites, adorateurs de Béelphégor.

 

Quelques-uns ont cru trouver dans Béelphégor le dieu que les païens ont adoré sous le nom de Crepitus ; le verbe phégor dérive d'une racine qui signifie lâcher le ventre. D'autres ont cru que les Moabites adoraient leur dieu sous le nom de Béel-réem, le dieu du tonnerre, mais que les Hébreux par dérision lui donnaient le nom de Béelphégor, le dieu Pet. Vossius croit que les Moabites adoraient le Soleil et Priape sous le nom de Béelphégor. Selden veut que Béelphégor soit le dieu Pluton. Il fonde sa conjecture sur ce qui est dit dans les psaumes (Ps 105 :28) : Ils se firent initier aux mystères de Béelphégor, et mangèrent des sacrifices des morts. Ces sacrifices sont, dit Selden, ceux qu'on faisait aux mânes pour les apaiser. Apollinaire, dans sa Paraphrase sur ce Psaume, dit que les Hébreux se souillèrent dans les sacrifices de Béelphégor, en mangeant des hécatombes immolées aux morts. On dit que Saturne mit au rang des dieux-son fils ilioth, qu'il avait eu de Rhéa, et que Moth fut adoré des Phéniciens, tantôt sous le nom de la Mort, et tantôt sous celui de Pluton.

 

Mais tous ces divers sentiments nous paraissent encore moins probables que celui que nous avons proposé et soutenu dans notre Dissertation sur Béelphégor, savoir que cette fausse divinité n'était autre qu'Adonis, ou Osiris. On peut ajouter à ce que nous en avons dit ailleurs, que, selon quelques-uns, Adonis était père de Priape; qu'on faisait des repas funéraires en son honneur, que l'on peut fort bien entendre sous le nom de sacrifices (Ba 6 :31). Si le Psalmiste (Ps 105 :28) a désigné sous un nom pluriel, comederunt sacrificia mortuorum, c'est que les sacrifices de Béelphégor n'étaient pas comme ceint des autres divinités : c'étaient des repas comme aux funérailles des morts, à la différence que souvent ceux des morts étaient accompagnés et suivis de douleur réelle et véritable, et qu'au contraire dans ceux d'Adonis, ce n'était que pleurs feintes, et véritables dissolutions. On peut voir notre Dissertation, et si l'on veut, Selden de Diis Syris, et les commentateurs sur Nu XXV.