BEDOUINS

 

Bedaouy, nom par lequel on distingue les Arabes nomades, qui vivent sous des tentes et sont errants (Voyez CÉDAR), de ceux qui ont des habitations fixes et dont les uns cultivent le sol et les autres font le commerce et se mêlent avec les étrangers. Les Bédouins passent pour être les descendants d'Ismael; ils errent avec leurs troupeaux, dans les vastes déserts de l'Arabie, de la Syrie et de l'Afrique. Ils sont en effet la preuve toujours subsistante, de la vérité d'une prophétie qui concerne Ismael et sa race, et qui fut prononcée il y a plus de quarante et un siècles. Ismael n'était pas encore né, quand l'an 2280 avant Jésus-Christ, suivant l'Art de vérifier les dates, un ange du Seigneur dit à Agar concubine légitime. (femme du second ordre) d'Abraham, les paroles que voici : Tu as conçu, et tu enfanteras un fils; tu le nommeras Ismael ..... Ce sera un homme fier et sauvage; il lèvera la main, contre tous, et tous la lèveront contre lui; il dressera ses tentes (mobiles) en face des demeures (permanentes) de ses frères. (qui ne pourront l'en empêcher. C'est par lui que) je multiplierai ta postérité, qui sera innombrable (Ge 16 :10,12). Les diverses parties de cette prophétie ont été littéralement accomplies. Les descendants d'Ismael se sont excessivement multipliés. Ils ont toujours été farouches; toujours ils ont levé la main contre tous, et tous l'ont levée contre eux. Ils sont armés contre le genre humain, dit Gibbon. Par leurs vols, leurs incursions, par toutes leurs entreprises contre leurs frères, ils excitèrent en eux une haine qui se perpétue comme ses causes. Ils, subsistent en peuple distinct, et parcourent les divers territoires que parcoururent leurs ancêtres, malgré l'inimitié qui a toujours régné entre eux et le reste des hommes. Ils ont constamment maintenu leur indépendance; et quelques efforts qu'on ait faits pour les détruire, ils dressent toujours leurs tentes en face des habitations de leurs frères.

 

Ils n'ont, dit Keith, jamais été assujettis par leurs puissants voisins, les Egyptiens, les Assyriens et les Perses. Cyrus et ses successeurs n'ont jamais pu subjuguer la nation entière des Arabes. Hérodote dit expressément que les Arabes ne furent jamais réduits par les Perses à la condition de sujets, mais qu'ils étaient considérés pareux comme des amis; et tandis que la Phénicie, la Palestine, la Syrie et les contrées voisines étaient tributaires, le territoire des Arabes restait exempt de tout tribut.

 

Alexandre-le-Grand, après avoir renversé l'empire des Perses et conquis l'Asie, préparait une expédition contre les Arabes, quand une fièvre inflammatoire le moissonna à la fleur de son âge. Les successeurs d'Alexandre essayèrent de les soumettre, mais ce fut sans succès; les Romains, devant qui tout fléchissait, ne purent jamais cependant réduire l'Arabie en province romaine. Le grand Pompée, Elius Gallus sous le règne d'Auguste, l'empereur Trajan, Sévère et plusieurs de ses successeurs, firent de vains efforts pour conquérir l'Arabie : tous échouèrent dans leurs projets après y avoir perdu beaucoup de monde.

 

Tels furent l'état et la condition des Arabes jusqu'au temps de Mahomet, qui jeta les fondements d'un puissant empire. Ils furent dès-lors, pendant plusieurs siècles, mieux connus des nations européennes sous le nom de Sarrasins. En peu d'années, ils inondèrent plus de pays et subjuguèrent plus de peuples, que n'avaient fait les Romains pendant plusieurs siècles. Après que leur empire fut dissous, et qu'ils furent réduits aux limites naturelles de leurs pays, ils maintinrent toujours leur liberté contre les Tartares, les Mamelouks, les Turcs et tous les autres ennemis étrangers. Quel que fût le conquérant de l'Asie, ils restaient toujours en dehors de ses conquêtes, continuant leurs incursions et leurs brigandages. Les Turcs sont aujourd'hui, depuis plusieurs siècles, les maures des contrées adjacentes; mais ils, ont été si peu en état d'arrêter les dépréda tions des Arabes, qu'ils ont dû leur payer une espèce de tribut annuel.

 

C'est ainsi que cette nation seule a résisté pendant quatre mille ans à la haine du monde entier. Les grands empires se sont écroulés tout autour d'eux, tandis qu'ils sont restés les mêmes, ce qui était hautement improbable dans le cours ordinaire des affaires humaines; ils sont le seul peuple, excepté les Juifs, qui ait subsisté comme peuple distinct depuis le commencement. Il se glorifient, ainsi que les Juifs, d'être descendus d'Abraham, de qui ils déclarent avoir reçu le rite de la circoncision; et il est à remarquer que c'est à l'âge de treize ans qu'ils la reçoivent; trait de ressemblance de plus qu'ils ont conservé avec leur père Ismael, qui ne fut circoncis qu'à cet âge (Ge XVII, 23).

 

Les marques frappantes de la vérité de la prophétie que ce peuple offre encore de nos jours, ne sauraient être mieux présentées que dans ce passage d'un voyageur célèbre, qui venait de visiter un camp arabe, et avait observé de près toutes les singularités qui caractérisent cette race d'hommes : « En calculant au plus bas, dit sir Robert-Porter, il doit y avoir aujourd'huivplus de trois mille ans que ce peuple a les mêmes moeurs et les mêmes usages ; vérifiant ainsi en tous points ce qui avait été prédit à Ismael..., qu'il serait dans sa postérité un homme farouche, et que ses descendants ne perdraient jamais ce caractère, quoique habitant pour toujours en présence de leurs frères ; et qu'un peuple spirituel et actif, environné depuis tant de siècles de nations policées et qui jouissent de toutes les douceurs et de tout le luxe de la civilisation, soit encore de nos jours tel qu'il s'est montré dès sa formation, un peuple de sauvages, habitant à la vue de ses frères (car nous pouvons donner ce nom à ses voisins ); que rien n'ait pu subjuguer ni le changer; il y a là en effet un miracle permanent, un de ces faits mystérieux qui établissent la vérité des prophéties. »

 

Shaw affirme des Bédouins, qu'ils ont conservé les moeurs antiques : « Quant aux manières et coutumes des Bédouins, il est à observer, dit-il, qu'ils ont conservé quantité d'usages dont il est fait mention dans l'histoire sacrée et profane ; de sorte qu'à la religion près, on peut dire que c'est encore le même peuple que passé deux ou trois mille ans. »

 

Parmi ces usages, je rappellerai celui d'exercer l'hospitalité. Les Arabes-Bédouins eux-mêmes, dit M. de Choiseul-Gouffier, toujours prêts pour le pillage, qu'aucun lien n'unit aux autres nations, qui dépouillent sans pitié les caravanes traversant les déserts, et poursuivent le voyageur fuyant à leur aspect, qui se croient le droit de reprendre par la force l'antique héritage dont ils furent, disent-ils, injustement dépouillés dans la personne d'Ismael, semblent tout-àcoup, par une étonnante opposition, oublier leur caractère pour exercer la plus noble et la plus courageuse hospitalité. Jamais aucun d'eux n'abandonnera l'étrangerqu'il aura reçu : la famille entière périra plutôt pour le défendre, pour le préserver de l'affront d'avoir laissé insulter un de ses hôtes : et à l'abri de ce titre sacré, le voyageur traversera le désert au milieu des hordes ennemies, protégé à la fois par l'honneur et la religion. Tous s'indigneraient de la seule idée de trahir le malheureux qui se serait réfugié sous leur toit, qui aurait touché le pan de leur robe.

 

M. Alexandre de Laborde rend le même hommage aux Arabes-Bédouins : « Ceux, principalement, qui habitent la lisière du désert, dit-il, sont encore tels que l’Ecriture nous peint les patriarches, avec leurs tentes, leur nombreux troupeaux, leur vie errante et leurs moeurs simples... La principale qualité Arabes à laquelle nous devons rendre hommage, est le sentiment de l'hospitalité que l'on trouve partout, comme au temps d'Abraham. Dans les moindres villages il existe une maison pour l'étranger qui arrive, et il est défrayé par la commune pendant vingt-quatre heures, sans qu'on lui demande son état ni son nom...»