BARNABÉ

 

Disciple de Jésus-Christ, et compagnon des travaux apostoliques de saint Paul. Il était natif de l'île de Cypre, et de la tribu de Lévi. Son nom signifie, le fils de consolation, ou de la prophétie. Il avait encore le nom de Joseph, ou José; et quelques exemplaires grecs au lieu de Barnabas, l'appellent Barsabas; ce qui a donné lieu à quelques-uns de le confondre avec Barsabas qui tira au sort avec saint Matthias, pour remplir la place de Judas dans l'apostolat (Ac 1 :23). On croit qu'il renonça à tous ses biens, qu'il les vendit, et en apporta le prix aux pieds des apôtres. On dit aussi qu'il avait, étudié aux pieds de Gamaliel avec saint Paul. Lorsque l'Apôtre vint à Jérusalem; trois ans après sa conversion (Ac 9 :26,27), saint Barnabé l'amena aux autres apôtres, et le leur fit connaître.

 

Cinq ans après, I'Eglise de Jerusalem ayant su le progrès que l'Evangile faisait dans Antioche, y envoya saint Barnabé (Ac 9 :22,24), qui vit avec joie les merveilles que la grace de Dieu yavait opérées. Il y exhorta les fidèles à persévérer dans le service du Seigneur ; et quelque temps après, il alla à Tharse, pour y chercher saint Paul, et pour l'amener à Antioche. Ils demeurèrent ensemble deux ans dans cette ville, où ils firent un si grand nombre de conversions, que ce fut là que les disciples commencèrent à être appelés chrétiens. Ces deux saints quittèrent Antioche en l'an 44 de J.-C. pour porter les aumônes que les fidèles, de cette Église envoyaient à celle de Jérusalem. A leur retour, ils amenèrent avec eux Jean Marc cousin de Barnabé.

 

Comme ils étaient dans cette ville (Ac 12 :1-3), le Saint-Esprit ordonna qu'on les lui séparât, et qu'on les consacrât, pour les employer à la fonction qu'il leur avait destinée. Ainsi après la prière et le jeûne, ils reçurent l'imposition des mains, et partirent d'Antioche pour aller à Séleucie. Et de là ils passèrent dans l’île de Cypre. Etant à Salamine, et y prêchant l'Evangile, ils y convertirent le proconsul Sergius Paulus ; et saint Paul frappa d'aveuglement le magicien Bar-Jésu dont nous avons parlé un peu plus haut. De Salamine, ils allèrent à Paphos, où ils s'embarquèrent, pour se rendre dans la Pamphilie. Cependant Jean Marc, cousin de Barnabé; se sépara d'eux, et se retira à Jérusalem.

 

Ils prêchèrent à Perge en Pamphilie, sans beaucoup de succès, à cause de l'endurcissement et de la malice des Juifs (Ac 13 :50-52). Ils sortirent,de la ville, secouant contre eux la poussière de leurs pieds, et vinrent à Icone, où ils firent un assez grand nombre de conversions (Ac 14). Mais les Juifs endurcis excitèrent contre eux une sédition, et les obligèrent de se retirer à Derbes, et à Lystres en Lycaonie. C'est là où saint Paul ayant guéri un homme nommé Enée, qui était boiteux dès sa naissance, les peuples de Lystres les prirent pour des dieux, et voulurent leur offrir des sacrifices disant que Barnabé était Jupiter, et Paul Mercure. Les deux apôtres déchirant leurs habits, et se jetant au milieu de la multitude, eurent bien de la peine à les empêcher de leur sacrifier.

 

Peu de temps après, il vint à Lystres quelques Juifs. d'Antioche, de Pisidie et d'Icone, qui, ayant appris à ceux de Lystres quels étaient Paul et Barnabé, et les ayant fait passer pour des perturbateurs du repos public, ils traînèrent Paul hors de la ville, le lapidèrent; et l'ayant laissé pour mort, il fut relevé par les disciples, et ramené dans la ville. Le lendemain il partit avec Barnabé, pour aller à Derbes. Enfin, après avoir de nouveau visité toutes les villes par où ils avaient passé, et où ils avaient annoncé l'Evangile ; ils revinrent à Antioche de Syrie, d'où ils étaient partis.

 

L'an 51 de Jésus-Christ ; saint Barnabé fut envoyé avec saint 'Paul d'Antioche à Jérusalem (Ac 15), à l'occasion des disputes qui s'étaient élevées sur l'observation des cérémonies légales, auxquelles les Juifs voulaient assujettir les Gentils convertis. Paul et Barnabé y assistèrent au concile de Jérusalem ; on les y reconnut pour apôtres des Gentils, et on leur recommanda seulement les pauvres de la Judée. Ils retournèrent aussitôt à Antioche, où saint Pierre, étant venu quelque temps après, et s'étant laissé aller à autoriser en quelque sorte l'observation des cérémonies de la loi par son exemple, Barnabé même se laissa emporter à cette dissimulation. Mais la liberté avec laquelle saint Paul reprit saint Pierre, corrigea bientôt Pierre et Barnabé, et ceux qui les avaient suivis en cela.-

 

Saint Paul ayant ensuite résolu d'aller visiter les églises qu'ils avaient fondées dans l'île de Cypre et dans l'Asie Mineure, Barnabé souhaita que Jean Marc les accompagnât dans ce voyage, comme il avait fait dans le premier. Mais saint Paul n'y ayant pu consentir, parce que Marc les avait quittés la première fois, les deux apôtres se séparèrent. Paul prit la route de l'Asie, et Barnabé avec Marc allèrent en Cypre. Voilà ce que l'on sait de certain sur saint Barnabé ; car on ne peut guère faire de fond sur les prétendus actes qui portent le nom de Jean Marc, ni sur sa vie, écrite par le moine Alexandre. On dit qu'il fut lapidé par les Juifs de Cypre à Salamine ; et en effet son corps fut découvert dans cette île du temps de l'empereur Zénon. Son sépulcre étant ouvert, on y trouva son corps ; et sur sa poitrine, l'Évangile de saint Matthieu, écrit en grec de sa propre main. Cela arriva vers l'an de Jésus-Christ 488. Les Grecs et les Latins font sa fête le 11 de juin.

 

Nous avons sous le nom de saint Barnabé une Epître qui a été citée par divers anciens, et qui à été mise par quelques-uns d'entre eux au rang des Ecritures canoniques. Et certes il est assez malaisé de dire qu'elle soit de saint-Barnabé, sans croire aussi qu'elle est canonique; mais l'Eglise ne l'ayant pas reçue comme inspirée, nous donne lieu de douter qu'elle soit l'ouvrage de ce saint Apôtre. Il est certain qu'elle est très-ancienne, et écrite du temps des Apôtres. Son principal objet est de prouver l'abolition de la loi par l'Evangile, l'inutilité des cérémonies légales, et la nécessité de l'incarnation et de la mort de Jésus-Christ.

 

[Clément d'Alexandrie, vers la fin du second livre des Stromates, dit que Barnabé avait été du nombre des soixante-douze disciples de Jésus-Christ. Eusèbe le confirme au chapitre XII du premier livre de son Histoire ecclésiastique, et s'appuie d'un passage du livre intitulé Hypotyposeon, de ce même Père, qui confond cet apôtre avec Joseph dit Barsabas, dont il est parlé (Act I, 22) ; et c'est sans doute sur la foi de ce Père qu'Eusèbe dit la même chose, au chapitre premier du second livre de son Histoire. Voyez au chapitre II du livre VI, le premier des anciens. Pères qui cite la lettre de cet apôtre. C'est le même Clément d'Alexandrie,dans son second livre des Stromates, au lieu déjà indiqué ; et l'endroit qu'il cite se trouve au nombre XVI de cette lettre. On peut en voir plusieurs autres endroits dans le même livre de ce Père, et dans son cinquième livre des Stidinates, et dans le second de son Pédagogue, chap. V. — Elle se trouve aussi citée par Origène, livre I Contre Celse, vers la fin, où il lui donne le nom de Catholique, c'est-à-dire qu'elle est adressée à tous les chrétiens ; et dans le troisième livre de son Périarchon, chap. II. Eusèbe, livre III de son Histoire, chap. XIX parlant des Ecritures canoniques du Nouveau Testament, met cette Epître dans une seconde classe, et au nombre de celles qui sont faussement attribuées à ceux dont elles portent le nom, ou qui ne sont point reçues de toutes les églises, mais non pas au nombre de celles qui sont ou supposées par les hérétiques, ou reconnues pour fausses et absolument apocryphes ; et ainsi ce n'est pas dans ce dernier sens, mais dans le second, que saint Jérôme (Catalog., n. 6) dit que cette lettre est entre les apocryphes, puisqu'il ajoute qu'elle peut beaucoup servir à l'édification de l'Eglise, et qu'il la croit, aussi bien qu'Eusèbe, véritablement de saint Barnabé. — Ceux qui prétendent qu'on la doit rejeter comme un ouvrage absolument supposé, disent qu'elle ne ressent point la simplicité des premiers siècles, par les allégories forcées, par des citations de passages tirés de livres apocryphes, par des morales appuyées sur les fables et les fictions des naturalistes (Voyez les chapitres VII-X); mais ils n'ont pas pris garde que les premiers Pères de l'Eglise qui ont vécu immédiatement après ces premiers temps, ont fait la même chose, ayant reçu sans trop d'examen les livres et les faits rapportés par les Juifs et par les païens, pour s'en servir contre eux à les convaincre de la vérité de ceux qui appartenaient à la religion. — Cette Epître n'a aucun titre, ni aucune adresse, ni aucune date en tête ; mais il paraît, par ce qu'elle contient, qu'elle fut écrite peu de temps après la ruine de Jérusalem (chap. XVI), qu'elle est adressée à des Juifs Hellénistes nouveaux convertis (chap. IV et XXI), mais encore un peu attachés aux cérémonies judaïques ; et c'est pour les en détacher qu'il leur explique fort exactement les sens spirituels qui étaient compris sous la lettre de la loi, et leur prouve que c'est à ces seuls sens spirituels qu'ils 'doivent s'appliquer; il ajoute à cela des préceptes pour bien vivre.

 

Il est difficile de ne pas admettre l'authenticité de l'Epître de saint Barnabé ; il est au moins probable que cet apôtre en est l'auteur. Mais quand même elle ne serait pas son ouvrage, il est un fait important qu'on ne petit ne pas reconnaître, c'est qu'elle appartient certainement aux temps apostoliques. « On suppose, dit Paley, docteur anglican, qu'elle fut écrite d'abord après la 'destruction de Jérusalem, pendant les calamités qui la suivirent, et cette lettre porte en effet le caractère du siècle auquel on l'attribue. » Il dit encore : Elle appartient certainement à cette époque. Continuons de le citer. « Dans cette Epître ; nous trouvons les souffrances du Christ, le choix et le nombre de ses apôtres, sa passion, la robe d'écarlate dont il fut couvert le vinaigre, le fiel et les outrages dont il fut abreuvé, son côté percé, le sort jeté sur sa robe (chap. VII), sa résurrection ; le premier jour de la semaine, et l'institution de ce jour comme un Mémorial de cet événement extraordinaire, son apparition après être ressuscité, son ascension. Ses miracles y sont aussi positivement rapportés dans les paroles suivantes : « Enfin, instruisant le peuple d’Israël et faisant plusieurs signes et plusieurs miracles au milieu d'eux, il leur prêchait et leur montrait le  grand amour dont il était animé pour eux (chap. V)

 

Et plus loin ce même auteur, revenant sur cette lettre, pour prouver l'authenticité des Evangiles, s'exprime en ces termes :

 

« Dans cette Epître, dit-il, on trouve ce passage remarquable : Prenons garde qu’il ne nous arrive COMME IL EST ÉCRIT : Il y en a beaucoup d'appelés ; mais peu d'élus: Nous inférons avec certitude de cette expression comme il est écrit, qu'à l'époque ou vivait l'auteur de cette Epître, existait un livre bien connu des chrétiens, faisant autorité parmi-eux, et contenant ces mots : Il y en a beaucoup d'appelés mais peu d'élus. Ce livre, c'est notre Evangile de saint Matthieu, dans lequel ces paroles se rencontrent deux fois, sans qu'on les trouve dans aucun autre livre connu de nos jours. Observons de plus sur les termes de la citation, que l'auteur de l'Epître était Juif; et que la phrase il est écrit était la formulé qu'employaient les Juifs en citant leurs Ecritures. Il n'est donc pas probable que l'auteur de la lettre eût employé cette phrase sans autre qualifi cation, en parlant de livres qui n'auraient pas eu quelque autorité de livres sacrés. Si ce passage d'un ancien écrit se fût trouvé dans une des Epitres de saint Paul, on l'aurait envisagé comme un témoignage important en faveur de l'Evangile de saint Matthieu; il faut donc se rappeler que l'ouvrage dans lequel il se trouve n'est postérieur que de peu d'années à ceux de saint Paul. — Outre ce passage, l'Epître de Barnabas en contient encore plusieurs autres dont le sens est le même que celui de divers passages de l'Evangile de saint Matthieu, et deux ou trois dans lesquels on reconnaît les mêmes expressions. Eu particulier, l'auteur de cette lettre répète ce précepte du Sauveur : Donnez à chacun ce qu'il vous demande (Mat V, 42 ). Il dit que parmi ceux que le Christ choisit pour apôtres et pour prédicateurs de son Evangile, il y eut des hommes qui avaient été précédemment de grands pécheurs, afin de montrer qu'il n'était pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence (Mt 9 :13) — Il ne serait pas impossible d'ajouter de nouvelles remarques à celles du docteur Paley. Je vais me borner à deux ou

trois. Saint Barnabé dit (chap. XIX,10): Vous ferez part au prochain de tous les biens que vous possédez, sans vous imaginer que rien vous appartienne en propre; car si vous êtes en société pour les choses incorruptibles, combien plus y devez vous être pour des biens corruptibles et périssables ! Ce qui montre qu'à l'époque où ces paroles furent écrites, les chrétiens mettaient leurs biens en commun, ainsi que nous l'apprend le livre des Actes, et ailleurs. Il dit aux fidèles (Ac 4 :15) Vous chérirez comme  la prunelle de vos yeux tous tous ceux qui  vous annnoncent la parole du Seigneur; et au prêtres (17; 18): Vous chercherez à voir les fidèles et vous vous appliquerez à les consoler par vos discours et par vos visites, mettant tous vos soins à contribuer au salut des âmes et vous travaillerez. de vos mains pour vous racheter de vos péchés. Enfin voici un texte qui prouve

la pratique de la confession à l'origine du Christianisme : Vous confesserez vos péchés, vous ne vous présenterez point devant Dieu pour le prier avec une conscience impure et souillée.

 

Les nouveaux Grecs donnent à saint Barnabé un frère nommé Aristobule dont ils racontent bien des merveilles. Ils prétendent que c’est lui dont parle saint Paul aux Romains (Ro 16 :11) mais on n'a rien de bien certain sur cet Aristobule, qui a été inconnu aux anciens, en qualité de frère de saint Barnabé.

 

On a attribué à saint Barnabé un faux Evangile, dont parle le pape Gélase dans son décret contre les  apocryphes. Cet ouvrage est perdu et on n'en connaît plus aucun exemplaire ni manuscrit, ni imprimé ; mais  les Turcs ont malicieusement composé un faux Evangile sous le nom de saint Barnabé, dans lequel ils ont fourré quantité de choses injurieuses à Jésus-Christ, et hônorables à leur faux prophète. Le manuscrit de cet oouvrage est dans la bibliothèque du prince  Eugèné. Il a été composé en arabe à ce que croit M. de la Crose, sous l'empire de l’empereur Fréderic II; qui régna depuis l'an 1211 jusqu'en 1245, et qu'ensuite il fut traduit en italien vers le milieu du quinzième siècle. On ne le trouve qu'en cette dernière langue, n'a jamais été imprimé : on croit même que le manuscrit du prince Eugène est unique.

 

Barnabé qui se dit chargé de l'écrire ; s'y donne pour un apôtre familier avec Jésus-Christ et  avec la sainte Vierge ; mieux instruit que saint Paul du mérite de la circoncision, et de l'usage qu'on doit faire des viandes accordées ou défendues aux fidèles ; on y voit que les peines infernales des Mahométans ne seront pas éternelles : Jésus-Christ n'y est appelé simplement que prophète; qu'il ne fut pas crucifié mais qu'ayant été transporté au troisième ciel, Judas le fut en sa place ; que la Vierge Marie même et les apôtres crurent que Jésus-Christ avait été mis à la croix, tant il ressemblait à Judas ; que Jésus avait obtenu la permission de venir consoler sa mère et ses apôtres ; que Dieu, pour les punir de ce que les hommes lui ont donné le nom de Dieu, a permis que jusqu'à la fin du monde il serait le jouet des hommes, qui demeurent persuadés que c'est lui, qui est mort à la croix. Voilà quel est l'ouvrage que les Mahométans. ont attribué à ce saint disciple, bien différent. sans doute de celui qui avait été proscrit par Gélase.