BAPTEME

 

BAPTEME (1) D’EAU

 

Ce terme vient au grec, baptismos ou baptisma, qui dérive du verbe baptizo, je lave, je plonge, je baptise. Les Hébreux avaient plusieurs espèces de baptêmes ou, de purifications : quelquefois ils se lavaient tout le corps en le plongeant dans l'eau ; quelquefois ils ne lavaient que les habits ; et d'autres fois ils lavaient et le corps et les habits. Les plus superstitieux d'entre eux se lavaient les bras depuis les coudes jusqu'aux extrémités des mains lorsqu'ils revenaient de la place publique (Marc 7 :4) ou de la rue, craignant d'avoir touché quelque chose ou quelques personnes souillées. Ils lavaient aussi fort exactement leurs mains avant et après le repas. Enfin ils lavaient les meubles et les ustensiles de table et de cuisine (Marc 7 :2 ; Jn 2 :6) lorsqu'ils avaient quelque léger soupçon d'avoir été souillés par quelque accident.

 

Lorsqu'ils recevaient un prosélyte dans leur religion, ils lui donnaient la circoncision et le baptême, prétendant que ce baptême était une espèce de régénération qui faisait que le prosélyte devenait par là un homme nouveau : d'esclave, il devenait libre ; ceux qui étaient ses parents avant cette cérémonie ne l'étaient plus après. On croit que notre Sauveur fait allusion à cela, lorsqu'il dit à Nicodème que, pour devenir son disciple, il fallait naître de nouveau (Jn 3 :10).

 

Toute la loi et l'histoire des Juifs sont pleines de lustrations et de baptêmes de différentes sortes : Moïse ordonne au peuple de laver ses vêtements et de se purifier, pour recevoir la loi du Seigneur (Ex 19 :10). Les prêtres et les lévites n'entrent point la première fois dans l'exercice de leur ministère qu'après s'être lavé tout le corps dans l'eau (Ex 29 :4). Toutes les souillures légales se nettoient par le baptême, ou en se plongeant dans l'eau (Lev 13 :6, 34 ; 16 :6, 7-12 ; 11 :25-28 ; 22 :6). Il y a meme certaines maladies et certains maux naturels aux hommes et aux femmes qui passaient pour souillures et qui devaient être purifiés par le bain : l'attouchement d'un mort et l'assistance à ses funérailles rendaient impurs et demandaient des purifications (Nu 21 :24 ; 19 :14).

 

Mais ces purifications n'étaient pas uniformes : pour l'ordinaire, on se plongeait entièrement dans l'eau, et c'est la notion la plus simple et la plus naturelle du mot baptiser. Quelquefois aussi on se contentait d'un baptême par aspersion ou d'une lustration par laquelle on répandait légèrement du sang ou de l'eau lustrale sur la personne, par exemple : quand Moïse (Ex 29 :21 ; Lev 8 :11) consacra les prêtres et l'autel, lorsqu'on arrosait le tabernacle avec le sang au jour de l'expiation solennelle (Lev 16 :14, 15), ou lorsqu'il offrait le sacrifice pour le péché du grand-prêtre et de la multitude, et qu'il teignait les cornes de l'autel avec le sang de la victime (Lev 4 :32), lorsqu'on purifiait un lépreux après sa guérison (Lev 14 :7), ou un homme souillé par l'attouchement ou par la rencontre d'un mort (Nu 20 :12), on se contentait de les arroser légèrement, et par aspersion, de l'eau lustrale.

 

Lorsque saint Jean-Baptiste commença à prêcher la pénitence, il institua une sorte de baptême qu'il donnait dans les eaux du Jourdain. Il ne lui attribuait pas la vertu de remettre les péchés, mais seulement de disposer à recevoir le baptême de Jésus-Christ (Marc 1 :4, 8) et la rémission des péchés par les oeuvres de pénitence dont il voulait que cette cérémonie fût accompagnée. Il ne demandait pas une simple douleur des péchés, il exigeait des oeuvres satisfactoires et un changement de vie. Le baptême de Jean était beaucoup plus parfait que celui des Juifs, mais moins parfait que celui de Jésus-Christ. C'était, dit saint Chrysostome, comme un pont qui conduisait du baptême des Juifs à celui du Sauveur, plus élevé que le premier et plus bas que le second. Celui de saint Jean promettait ce que celui de Jésus-Christ exécutait. Après le baptême de Jean, celui de Jésus-Christ était encore nécessaire pour recevoir le pardon des péchés et la grâce sanctifiante, dit saint Augustin.

 

Quoique saint Jean n'eût pas ordonné à ses disciples de continuer après sa mort de donner le baptême de la pénitence, parce qu'il devenait inutile après la manifestation du Messie et l'établissement du baptême du Saint-Esprit : toutefois, il y eut plusieurs de ses sectateurs qui continuèrent a le donner, et qui, plusieurs années après la mort et la résurrection de Jésus-Christ, ne savaient pas même qu'il y eût un autre baptême que celui de Jean : tel était Apollon, homme savant et zélé, qui était d'Alexandrie et qui vint à Ephèse vingt ans après la résurrection du Sauveur (Ac 18 :25); il ne connaissait que le baptême de Jean, et lorsque saint Paul arriva dans la même ville après Apollon (Ac 19 :1), il y avait encore plusieurs Ephésiens qui n'avaient point reçu d'autre baptême et qui ne savaient pas même s'il y avait un Saint-Esprit que l'on reçût par le baptême de Jésus-Christ. Voyez ci-après l'article de JEAN-BAPTISTE.

 

Quant à ce dernier baptême, Jésus-Christ, envoyant ses apôtres prêcher l'Evangile par tout le monde, il leur dit (Mat 28 :16 ; Marc 16 :14) : Allez, enseignez toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit : quiconque croira et sera baptisé, sera sauvé ; mais quiconque ne sera pas baptisé, sera condamné. Le baptême est donc absolument nécessaire au salut, et c'est le premier caractère des vrais disciples de Jésus-Christ, croire et être baptisé au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Nous ne nous étendons pas sur cette matière qui n'entre qu'indirectement dans le plan de notre dictionnaire.

 

Le nom de baptême se prend assez souvent dans l'Ecriture pour les souffrances, par exemple (Marc 10 :38) : Pouvez-vous boire le calice que je boirai et être baptisé du baptême dont je dois être baptisé ? Et ailleurs (Luc 12 :50) : Je dois être baptisé d'un baptême; et combien me sens-je pressé jusqu'à ce qu'il s'accomplisse ? Expressions dont on trouve des vestiges dans l'Ancien Testament, où les eaux marquent souvent les tribulations et où l'on dit : Etre abîmé sous les eaux, ou passer de grandes eaux, pour : Etre accablé de malheurs, de disgrâces.

 

 

 

BAPTEME (2) PAR LE FEU

 

Les paroles de saint Jean-Baptiste (Mat 3 :11), qui dit que pour lui, il ne baptise que par l'eau, mais que, qui viendra après lui, baptisera par le Saint-Esprit et par le feu, nous donnent lieu d'examiner ce que c'est que le baptême par le feu. Plusieurs anciens Pères(Origène…) ont cru que tous les fidèles, avant que d'entrer dans le paradis, passeraient à travers un feu qui purifierait les souillures qui pourraient leur rester à expier. Ce sentiment est proposé, mais avec quelque différence, par la plupart des Anciens : il est fondé sur ce qui est dit dans la Genèse (Ge 3 :24) du Chérubin placé à l'entrée du paradis terrestre avec un glaive de feu, et sur ce que dit saint Paul (1Co 3 :13, 14) : Si l'on élève sur le fondement de Jésus-Christ un édifice d'or, d'argent, de pierres précieuses, de bois, de foin, de paille, l'ouvrage de chacun paraîtra enfin, et le jour du Seigneur fera voir quel il est, car il sera découvert par le feu, et le feu mettra à l'épreuve l'ouvrage de chacun.

 

D'autres (Basile, Théophile…) Pères expliquent ce feu de celui de l'enfer ; d'autres, du feu des tribulations et des tentations ; d'autres (Chrysostome), abondance de grâces; d'autres, de la descente du Saint-Esprit sur les apôtres en forme de langues de feu ; d'autres enfin ont prétendu qu'en cet endroit le nom de feu était ajouté, et qu'il fallait simplement lire dans saint Matthieu : Je baptise par l'eau ; mais celui qui viendra après moi baptisera par le Saint-Esprit. il est certain qu'il y a plusieurs xemplaires manuscrits de saint Matthieu, où l'on ne lit pas le nom de feu, mais on le lit dans saint Luc et dans les versions orientales de saint Matthieu.

 

Quelques anciens hérétiques, comme les séleuciens e les hermiens, prenaient ceci à la lettre et soutenaient que le feu matériel était nécessaire dans l'administration du baptême ; mais on ne nous dit pas ni comment, ni à quelle partie du corps ils l'appliquaient, ou s'ils se contentaient de faire passer les baptisés par dessus ou à travers les flammes. Valentin rebaptisait ceux qui avaient reçu le baptême hors de sa secte, et les faisait passer à travers le feu. Héraclion cité dans saint Clément d'Alexandrie dit que, quelques-uns appliquaient un fer rouge aux oreilles des baptisés, comme pour leur imprimer un caractère.

 

On dit que les Ethiopiens encore à présent impriment des stigmates aux enfants nouveau-baptisés, avec un fer chaud en trois endroits, savoir sur le nez, entre les yeux et sur les tempes. Le Père Eugène Royer dit qu'ils se servent pour cela d'un petit fer chaud à deux tranchants. On assure que les Jacobites, chrétiens d'Orient, impriment un fer chaud sur le front de leurs enfants, après leur avoir donné la circoncision.

 

Mais M. l'abbé Renaudot soutient que tout ce que l'on dit de ce prétendu baptême par le feu pratiqué chez les Ethiopiens est faux, et M. Ludolf avoue que ni I'Ethiopien Grégoire qu'il consultait, ni les Pères jésuites missionnaires n'en ont rien dit ; mais il remarque que les peuples d'Afrique, tant païens que mahométans, ont coutume d'appliquer un cautère à leurs enfants sur les tempes pour les préserver du catarrhe ; que quelques Ethiopiens en usent de même, que c'est apparemment ce qui a donné lieu de croire que c'était là un acte de leur religion.

 

De tout ce que l'on vient de dire, on peut inférer que l'Eglise n'a jamais approuvé ceux qui, prenant les paroles de l'Evangile à la lettre, prétendaient que le feu devait entrer dans la cérémonie du baptême de Jésus-Christ ; mais qu'elle a laissé la liberté d'expliquer ce feu, ou de l'abondance des grâces qui est répandue dans nos âmes par le baptême, ou du feu qui accompagna la descente du Saint-Esprit sur les apôtres, ou du feu des tribulations, de la douleur et de la pénitence qui doit accompagner le baptême.

 

 

 

BAPTEME (3) au nom de Jésus-Christ.

 

On a formé plusieurs difficultés sur ces paroles de saint Luc dans les Actes des Apôtres (Ac 2 :38) : Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ, pour recevoir la rémission de ses péchés. Et encore (Ac 13 :16) : Le Saint-Esprit n'était encore venu sur aucun d'eux, mais ils étaient baptisés seulement au nom de Jésus. L'on demande si l'on a jamais baptisé au nom de Jésus-Christ seul, sans faire mention expresse des autres personnes de la Trinité, et si ce baptême est valide et légitime.

Plusieurs Pères et quelques conciles ont cru que les apôtres avaient quelquefois baptisé au nom de Jésus-Christ seul; et en cela, dit saint Hilaire, on ne doit pas les accuser de prévarication, ni condamner les Écritures, comme si elles étaient contraires à elles-mêmes, en ordonnant de baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et, toutefois, nous enseignant que les apôtres ont baptisé au nom seul de Jésus-Christ. Un ancien auteur, qui a écrit contre saint Cyprien au sujet du baptême, croit que le baptême donné au nom de Jésus-Christ seul ne suffit pas, sans la confirmation, dans laquelle on reçoit le Saint-Esprit : mais aussi qu'il ne faut pas réitérer ce baptême comme nul, car l'invocation du nom de Jésus-Christ ne doit pas passer pour inutile. Saint Ambroise soutient que quand on n'exprimerait qu'une personne de la Trinité, le baptême est parfait, car, ajoute-t-il, qui nomme une personne de la Trinité, la désigne toute.

 

Le vénérable Bède, saint Bernard, le pape Nicolas Ier, les conciles de Fréjus de l'an 791,et de Nîmes de l'an 1284, Hugues de Saint-Victor, le Maître des Sentences, Pierre de Poitiers, Alexandre d'Alez, saint Thomas et plusieurs autres docteurs scolastiques, Théophylacte, Denys le Chartreux, le cardinal Hugues, croient sans difficulté que les apôtres ont quelquefois baptisé au nom de Jésus-Christ seul, et que ce baptême était bon et légitime.

 

Mais comme ce sentiment n'est fondé que sur un fait douteux et sur un texte obscur, il n'est nullement impossible que les Pères et les docteurs, et même les conciles particuliers que l'on vient de citer, ne se soient trompés, premièrement sur le fait et sur l'explication du texte de saint Luc, et ensuite dans la conséquence qu'ils en ont tirée. De plus, il est certain que les auteurs latins et les conciles que nous avons rapportés se sont principalement appuyés sur l'autorité de saint Ambroise, qui leur a paru décisive pour la validité de ce baptême. Or, on peut faire voir 1* que le texte des Actes des Apôtres n'est nullement clair pour cette opinion; 2* qu'il est par conséquent très-douteux que les apôtres aient jamais baptisé au nom de Jésus-Christ seul ; et 3* que saint Ambroise même n'est pas favorable à ce sentiment.

 

Baptiser au nom de Jésus-Christ peut signifier deux choses : ou baptiser en invoquant le nom de Jésus-Christ seul, sans faire mention expresse des autres personnes de la Trinité, ou baptiser en son nom, par son autorité, et du baptême qu'il a institué, en exprimant les trois personnes de la Trinité, comme il l'a ordonné clairement et expressément dans saint Matthieu (Mat 28 :19). Puis donc que nous tenons un texte clair et exprès, qui nous oblige de le quitter pour en suivre un autre, qui est susceptible de différents sens, qui croira que les apôtres, abandonnant la forme du baptême prescrite par Jésus-Christ, en aient institué une autre toute nouvelle sans aucune nécessité?

Le texte de saint Ambroise est encore sujet à difficulté; car 1* en plusieurs autres endroits il enseigne que le baptême n'est d'aucun mérite sans l'invocation expresse des trois personnes de la Trinité ; comment donc se contredirait-il d'une manière si évidente, en disant, comme on le prétend, que le baptême conféré au nom de Jésus-Christ seul est bon et valide ? De plus, il est très-croyable que saint Ambroise, dans l'endroit qui fait ici de la difficulté, a suivi saint Basile, à son ordinaire. Or, saint Basile a soutenu que, pour la validité du baptême, l'invocation des trois personnes de la sainte Trinité est absolument nécessaire ; car encore, dit-il, que souvent l'Apôtre ne fasse pas mention ni du Père, ni du Saint-Esprit, mais seulement du Fils, on n'en doit pas conclure qu'il les exclue : car l'invocation du nom de Jésus-Christ est une espèce de profession de foi que l'on croit toute la sainte Trinité, et le Père qui a donné l'onction, et le Fils qui l'a reçue, et le Saint-Esprit, qui est lui-même cette onction. De même, ajoute-t-il, encore que dans d'autres passages l'Ecriture ne semble faire mention que du Saint-Esprit, on n'en doit pas inférer que le baptême où l'on n'invoque que le Saint-Esprit soit parfait ; car la tradition que nous avons reçue doit demeurer inviolable. Séparer le Saint-Esprit du Père et du Fils est un attentat dangereux à celui qui baptise, et inutile à celui qui est baptisé.

 

Mais venons au passage de saint Ambroise, et voyons s'il dit ce qu'on lui impute. Il soutient que le baptême de Jean était nul, parce qu'on n'y reconnaissait ni Jésus-Christ, ni le Saint-Esprit, et que le baptême n'est ni plein, ni parfait, que quand on y confesse le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Celui qui nie une seule personne renverse tout le mystère ; et celui qui n'en exprime qu'une par ses paroles, sans toutefois nier ni le Père, ni le Fils, ni le Saint-Esprit, ne laisse pas de recevoir le sacrement de baptême plein et parfait. Dans tout cela, il est visible que saint Ambroise ne parle pas du ministre qui baptise, mais de la foi de celui qui est baptisé. Il suppose que le ministre du baptême a fait son devoir, mais il croit que celui qui nie une des personnes de la Trinité en recevant le baptême, ne reçoit pas la grâce, et que le sacrement n'est ni plein ni parfait à son égard ; et au contraire, que quand il n'exprimerait qu'une des personnes, s'il les croit toutes comme il doit, le sacrement est entier et parfait envers lui. Il en reçoit tout l'effet. Tout cela regarde uniquement celui qui a reçu le baptême.

 

Au reste, le sentiment, qui tient que le baptême doit être nécessairement conféré au nom de toute la sainte Trinité, et avec l'invocation expresse des trois personnes, et que celui où l'on n'invoquerait que l'une des trois personnes serait invalide, est celui des plus savants théologiens qui ont écrit sur cette matière.

 

 

 

BAPTÉME (4) pour les morts.

 

Saint Paul, dans sa première Epître aux Corinthiens (1Co 15 :29), s'applique à prouver le dogme de la, résurrection des morts, et, après plusieurs autres raisons, il dit : Si les morts ne ressuscitent point, que feront ceux qui reçoivent le baptême pour les morts ? On demande ce que c'est que ce baptême pour les morts ? La première pensée qui vient à l'esprit, c'est que ceux à qui saint Paul écrit se faisaient baptiser pour leurs parents où leurs amis décédés sans avoir reçu le baptême, espérant que le baptême qu'ils recevaient pour eux leur servait dans l'autre vie ; de même, à proportion que les prières et les aumônes que l'on fait peur les morts leur servent pour effacer les péchés véniels qu'ils n'auraient pas expiés, et pour hâter leur béatitude.

 

On ne prétend pas dire que l'Apôtre approuve ici cette pratique, ni qu'il autorise ces sentiments. Il suffit qu'il y ait eu des gens qui pensaient et qui agissaient selon ces principes, pour raisonner contre eux par un argument qu'on appelle ad hominem; il ne dit pas que les Corinthiens se faisaient baptiser pour les morts, mais que feront ceux qui se font baptiser pour les morts ? Comment soutiendront-ils cette pratique, sur quoi la fonderont-ils, si les morts ne ressuscitent point, et si les âmes des morts ne subsistent pas après le décès ?

 

Il n'est question que de montrer qu'en ce temps-là il y avait des personnes qui se disaient chrétiens, et qui se faisaient baptiser pour les morts, et au profit des morts, pour leur soulagement et pour leur avantage. Or, nous savons que dès le temps de la première Eptîre aux Corinthiens, c'est à dire vingt-trois ans après la résurrection du Sauveur, les hérétiques simoniens, gnostiques et nicolaïtes subsistaient, qu'ils niaient la réelle résurrection des morts, et n'en reconnaissaient point d'autre que celle qui se reçoit dans le baptême par la grâce sanctifiante.

 

On sait de plus que les marcionites, qui parurent quelque temps après, étaient dans les mêmes principes, niaient la résurrection des morts, et, ce qui est plus particulier, recevaient le baptême pour les morts. C'est ce que nous apprenons de Tertullien, lorsqu'il dit aux marcionites qu'ils ne doivent pas se prévaloir de l’autorité de saint Paul pour établir leur pratique sur le baptême qu'ils recevaient pour les morts : et que si l'Apôtre a fait mention de cet usage, ce n'est que pour prouver contre eux-mêmes la résurrection des morts. Dans un autre endroit, il reconnaît que du temps de saint Paul il y avait des gens qui recevaient un second baptême pour les morts, dans l'espérance qu'il servirait aux autres pour la résurrection.

 

Saint Chrysostome entre dans un plus grand détail ; il dit que quand il est mort parmi les marcionites quelques-uns de leurs catéchumènes, ils couchent une personne vivante sous le lit du mort, puis, s'approchant du mort, ils lui demandent s'il ne veut pas recevoir le baptême. Celui qui est sous le lit répond pour lui qu'il souhaite de tout son coeur d'être baptisé : on le baptise donc au lieu du mort, par une momerie plus digne du théâtre que d'un ministère si sacré. Saint Epiphane avance que les marcionites recevaient le baptême non seulement une fois, mais deux et trois fois, et aussi souvent qu'on le jugeait à propos ; qu'ils se faisaient baptiser au nom de ceux d'entre eux qui étaient morts sans baptême, et que ce sont ces hérétiques que saint Paul avait en vue en établissant le dogme de la résurrection dans la première Epître aux Corinthiens.

 

Le sentiment que nous venons de proposer a été suivi par les plus anciens et les plus fameux commentateurs de la première Epître aux Corinthiens, comme Hilaire, diacre, ou l'Ambrosiastes, l'auteur imprimé sous le nom de saint Anselme, Théophilacte, saint Thomas, la Glose ordinaire, Valafride Strabon, et un très-grand nombre de nouveaux. On peut voir la dissertation de Bochart sur cette matière, tom. II, Géograph., p. 1026; Daniel Grade, Dissert. sur le même sujet, Salomon Deiling, tom. Il, Observat., et notre dissertation sur ce sujet, à la tête des Epîtres de saint Paul.