BALAAM

 

BALAAM (1)

 

Prophète ou devin de la ville de Péthor, sur l'Euphrate. Moïse (Nu 22 :4) nous apprend que Balac, roi des Moabites, ayant vu la multitude des enfants d'Israël, craignit qu'ils ne se jetassent sur son pays et, ne se sentant pas assez fort pour leur résister par les armes, prit le parti d'envoyer chercher le devin Balaam, afin, qu'il les dévouât et qu'il les maudît, suivant une très ancienne superstition qui était en usage chez les païens. Il envoya donc des députés à Balaam fils de Béor, qui demeurait à Péthor sur l'Euphrate, pour le prier de venir maudire les Israélites. Les députés de Moab et de Madian partirent donc, portant avec eux de quoi payer le devin, et lui exposèrent ce qu'ils avaient commission de lui dire. Il leur répondit : Demeurez ici cette nuit, et je vous répondrai demain ce que le Seigneur m'aura dit. La nuit, le Seigneur lui apparut et lui dit : Que veulent dire ces gens qui sont venus chez vous ? Balaam répondit : Ce sont les envoyés de Balac, roi de Moab, qui me prie d'aller dévouer un peuple qui couvre toute la terre, et qui est sur les frontières de ses Etats. Le Seigneur lui dit : Gardez-vous bien d'y aller et de maudire ce peuple, parce qu'il est béni. Balaam, s'étant levé le matin, répondit aux princes de Moab et de Madian : Retournez-vous en dans votre pays, parce que le Seigneur m'a défendu d'aller avec vous. Les députés, s'en étant retournés, dirent à Balac ce que Balaam leur avait répondu.

 

Mais Balac lui renvoya d'autres députés en plus grand nombre et plus qualifiés que les premiers. Ils vinrent vers Balaam et le prièrent avec instance de venir, lui promettant de la part de Balac de le combler d'honneur et de lui donner tout ce qu'il voudrait. Mais Balaam leur répondit : Quand Balac me donnerait plein, sa maison d'or et d'argent, je ne pourrai point changer la parole du Seigneur mon Dieu pour dire plus ou moins ce qu'il ne m'aura dit. Je Vous prie donc de demeurer ici cette nuit, afin que je sache la volonté du Seigneur.

 

La nuit suivante, le Seigneur lui apparut et lui dit : Si ces hommes sont venus vous appeler, levez-vous et allez avec eux ; mais gardez-vous bien de faire autre chose que ce que je vous ordonnerai. Balaam se leva donc, prit son ânesse et alla avec !es envoyés. Mais Dieu, qui voyait les mauvaises dispositions de son coeur, entra en colère contre lui, et l’ange se mit dans le chemin pour l'empêcher d'avancer plus avant. L'ânesse de Balaam, voyant l'ange qui avait l'épée nue à la main,  se détourna du chemin et allait à travers les champs. Balaam la ramena à force de coups dans le chemin ; et l'ange lui ayant apparu de nouveau dans un chemin étroit, entre deux murailles qui enfermaient des vignes, l'ânesse se serra contre le mur et froissa le pied de Balaam. Enfin, comme il continuait à s'avancer et à frapper sa monture, l'ange lui apparut pour la troisième fois dans un lieu si étroit, qu'il n'était pas possible de se détourner ni à droite ni à gauche. Alors l'ânesse s'abattit sous les pieds du devin, sans vouloir avancer plus avant ; et comme Balaam la frappait violemment, le Seigneur ouvrit la bouche de l’ânesse, et elle dit à Balaam : Que vous ai-je fait? pourquoi m'avez-vous frappée déjà trois fois ? Balaam lui répondit : Parce que tu l'as mérité et que tu t'es moquée de moi. Que n'ai-je une épée pour te tuer I L'ânesse répondit : Ne suis je pas votre monture ordinaire ? Dites-moi si je vous ai jamais fait rien de semblable ? Jamais, lui répondit-il. [voir ci-après BALAAM, Anesse de].

 

Alors le Seigneur ouvrit les yeux à Balaam, et il aperçut l'ange qui était dans le chemin avec une épée nue, et il l'adora, se jetant le visage contre terre. L'ange lui dit : Pourquoi avez-vous battu votre ânesse par trois fois ? Je suis venu pour m'opposer à vous, parce que votre voyage est mauvais et qu'il est contraire à ma volonté ; et si votre ânesse ne s'était détournée du chemin, je vous aurais tué. Balaam répondit : J'ai péché au Seigneur, ne sachant pas que vous étiez dans le chemin ; mais à présent, s'il ne vous plaît pas que j'aille plus avant, je m'en retournerai. L'ange lui répondit : Allez avec eux, mais prenez bien, garde de ne rien dire que ce que je vous ordonnerai. Il continua donc son chemin avec les députés de Balac, et ce prince, ayant su qu'il venait, alla au devant de lui et lui dit : Je vous ai envoyé des députés pour vous prier de venir; pourquoi n'êtes-vous pas venu aussitôt? Balaam répondit : Me voilà arrivé ; puis-je dire autre chose que ce que le Seigneur me mettra dans la bouche ? Il le mena donc à la ville capitale de Moab, qui est Ar ou Kirhareseth ; et Balac ayant fait tuer des boeufs et des brebis, en envoya des présents à Balaam, et le lendemain, dès le matin, il le mena sur les hauteurs consacrées à Baal et lui fit voir de là l'extrémité du camp, d'Israël.

 

Alors, Balaam dit à Balac (Nu 23 :1, 2) : Faites-moi dresser ici sept autels ; et préparez-moi sept veaux et autant de moutons. On exécuta ce que Balaam avait dit, et on mit sur chaque autel un veau et un mouton. Alors Balaam dit à Balac : Demeurez ici auprès de votre holocauste, pendant que j'irai à l'écart pour voir si le Seigneur se présentera à moi, et je vous dirai ce qu'il m'ordonnera de vous dire. Bientôt Dieu se présenta à lui, et Balaam lui dit : J'ai dressé sept autels et j'ai mis un veau et un bélier sur chacun. Le Seigneur lui mit la parole dans la bouche et lui dit de s'en retourner. Balaam revint auprès des sept autels, où il trouva Balac avec les princes de Moab, et il leur dit : Balac, roi des Moabites, m'a fait venir d'Aram, des montagnes d'Orient : Venez, m'a-t-il dit, maudissez Jacob ; hâtez-vous, et dévouez Israël. Comment maudirai-je celui que le Seigneur n'a point maudit ? comment dévouerai-je celui que le Seigneur a protégé ? Je le verrai du haut des rochers, je le considèrerai du sommet des collines. Ce peuple habitera seul et séparé, et ne sera pas mis au nombre des autres nations. Qui pourra compter la poussière de Jacob, et qui pourra connaître le nombre de la postérité d'Israël? Que je puisse mourir de la mort des justes, et que la fin de ma vie puisse ressembler dia leur !

 

Alors Balac dit à Balaam : Que faites-vous ? je vous ai fait venir pour maudire-mes ennemis, et vous les comblez de bénédictions. Balaam lui répondit : Puis-je dire autre chose que ce que le Seigneur me met dans la bouche ? Balac lui dit : Venez en un autre lieu, d'où vous le verrez entier, car vous n'en avez vu qu'une partie, et vous le maudirez de là. Et l'ayant conduit au sommet du mont Phasga, il y érigea sept autels, et mit sur chacun un veau et un bélier, et alla à l'écart pour chercher le Seigneur. Aussitôt le Seigneur lui mit, la parole dans la bouche et le renvoya à Balac, et Balac lui dit : Que vous à dit le Seigneur ? Balaam répondit : Demeurez debout, Balac, et écoutez : Dieu n'est point comme l'homme pour mentir, ni comme le fils de l'homme, pour se repentir. Il a dit, et ne fera-t-il pas? il a parlé, et n'exécutera-t-il pas ? J'ai été amené pour maudire, et je ne puis empêcher la bénédiction. Il n'y a point d'enchantements contre Jacob ni de prestiges contre Israël. Le Seigneur leur Dieu est avec eux, et on entend dans son camp le son de la victoire de ce puissant Monarque. Dieu a fait sortir ce peuple de l'Egypte ; sa force est semblable à celle du rhinocéros. On dira dans tous les siècles à Jacob et à Israël ce que le Seigneur a fait. Voilà ce peuple ; il s'élèvera comme une lionne et il se dressera comme un lion. Il ne se couchera point qu'il ne dévore sa proie, et qu'il ne boive le sang de ceux qu'il aura tués.

 

Alors Balac dit à balaam : Ne lui donnez ni bénédiction ni malédiction. Et Balaam lui répondit : Ne vous ai-je pas dit que je ferais tout ce que Dieu m'ordonnerait ? Balac pour voir si Dieu ne lui inspirerait pas enfin quelque autre chose, le mena sur le sommet du mont Phegor, et y dressa sept autels comme auparavant ; mais Balaam ne doutant plus de la volonté du Seigneur (Nu 24 :1) n'alla pas plus loin pour former ses augures ; il se tourna du côté du désert et Commença à parler ainsi: Voici, ce que dit Balaam, fils de Béor ; voici ce que dit celui qui entend les paroles du Seigneur, qui a vu les visions du Tout-Puissant, qui est tombé, et dont les yeux se sont ouverts en tombant. (Il fait allusion à ce qui lui était arrivé lorsque son ânesse se renversa sous lui.) Que vos pavillons sont, beaux. ô Jacob ! Que vos tentes sont magnifiques, ô Israël ! Elles sont comme des vallées couvertes de grands arbres, et comme des jardins plantés sur le coulant des eaux ; l'eau coulera toujours de son seau, et sa race s'augmentera comme de grandes eaux, Son royaume sera élevé au-dessus de Gog, et sa monarchie sera augmentée. [Voyez AGAG] Dieu l'a tiré de l'Egypte, il dévorera les nations qui seront ses ennemis, il brisera leurs os et les percera de ses flèches. Il s'est couché pour dormir, comme un lion et comme une lionne ; qui osera l'éveiller? Celui qui vous bénira, sera béni lui-même ; et celui qui vous maudira, sera maudit.

 

Balac, l'entendant, se mit en colère et lui dit : Je vous ai fait venir pour maudire mes ennemis, et vous les avez bénis par trois fois ; retournez en votre pays. J'avais résolu de vous récompenser magnifiquement ; mais le Seigneur vous a privé de la récompense que je vous destinais. Balaam lui répondit : n’avais-je pas dit à vos députés que quand vous me donneriez plein votre maison d'or et d'argent, je ne pourrais outrepasser les ordres du Seigneur ? Toutefois, en m'en retournant je vous donnerai un conseil de ce que vous avez à faire, et je vous informerai de ce que ce peuple fera au vôtre dans les derniers-temps. Et reprenant son style prophétique, il continua à parler : Voici ce que dit le devin Balaam : JE LE VERRAI (ce grand Roi, ce Messie tant désiré), MAIS NON PAS SITÔT; JE LE CONSIDÉRERAI, MAIS NON PAS DE PRÉS. UNE ETOILE SORTIRA DE JACOB; UNE VERGE S'ÉLÈVERA D'ISRAËL, et elle frappera les enfants de Moab ; elle brisera les enfants de l'orgueil. L'Idumée sera sa possession, Séir sera son héritage. Il sortira des princes de Jacob, mais Séir perdra ses villes. Et jetant les yeux sur Amalec, il dit : Amalec a été le premier des peuples, mais à la fin il périra. Il regarda ensuite le pays des Cynéens, et il dit : Votre pays est fort pays, mais quand vous auriez mis votre demeure dans le roc, votre nid ne servira qu'à brûler ; et enfin Assur vous emmènera captifs. Hélas ! qui sera en vie lorsque Dieu fera toutes ces choses ? Il viendra des peuples de Macédoine, qui vaincront les Assyriens ; ils, ruineront les peuples de delà l'Euphrate, et à la fin ils périront eux-mêmes.

 

Après cela, Balaam se sépara de Balac et reprit le chemin de son pays. Mais avant que de sortir des terres de Moab, il dit à Balac et aux Madianites (Nu 24 :14 ; Mich 6 :5 ; 2Pi 2 :5 ; Jude 1 :11 ; Ap 2 :14) que s'ils voulaient se garantir des efforts des Hébreux, et même remporter sur eux quelque avantage, il fallait les engager dans l'idolâtrie et dans l'impudicité ; qu'alors abandonnés du secours de leur Dieu, ils deviendraient la proie de leurs ennemis. Ce Mauvais conseil fut suivi. Les filles moabites invitèrent les Hébreux aux fêtes de Béelphégor, et après les avoir engagés dans l'idolâtrie, ils les firent tomber dans l'impureté. Dieu ordonna que Moïse tirât vengeance de ce crime. Il déclara la guerre aux Madianites (Nu 15 :17, 18), leur tua cinq de leurs princes, avec un très-grand nombre d'autres personnes de tout âge et de tout sexe ; et Balaam fut enveloppé dans leur malheur (Nu 31 :1, 2, 7, 8). Voilà ce que l'Ecriture nous apprend de Balaam. [Voyez BALAC].

 

 

Mais les rabbins nous racontent bien d'autres particularités de sa vie et de sa personne. ils croient qu'il fut d'abord un des conseillers de Pharaon, et que, s'étant sauvé de la cour, il se retira en Ethiopie, où il se révolta et engagea dans sa révolte une ville célèbre, qu'il prétendit rendre imprenable, par les secrets de sa magie. Mais Moïse sut rendre inutiles tous ses efforts, et se rendit maître de la ville. Balaam se sauva et se retira en Arabie.

 

Quelques Hébreux le confondent avec Eliu, ami de Job ; et saint Jérôme fait mention de cette opinion dans ses Questions hébraïques. D'autres croient que c'est le même que Laban; ils lui donnent pour fils Jannès et Mambrès, fameux magiciens. Ils disent qu'il était louche et boiteux. Ils prétendent qu'il est auteur de cet endroit des Nombres où nous lisons son histoire, et que Moïse l'a insérée dans son ouvrage, de même qu'il y a inséré, par exemple, les dernières paroles de Jacob, et quelques passages du livre des Guerres du Seigneur. Quelques Pères (Origène) ont cru que les mages qui vinrent adorer Jésus-Christ à Bethléem, étaient les disciples et les descendants de Balaam, et avaient appris de lui qu'au lever d'une étoile miraculeuse, il paraîtrait un nouveau roi et le Messie dans Israël.

 

Les Mahométans tiennent qu'il était Chananéen de nation, et de la race des Enacim ou géants de la Palestine ; qu'il avait lu les livres d'Abraham, dans lesquels il avait appris le nom ineffable de Dieu, par la vertu duquel il prédisait les choses à venir, et obtenait de Dieu tout ce qu'il demandait. Les géants du pays, étonnés du grand nombre de l'armée d'Israël et des prodiges que Dieu avait faits en sa faveur, envoyèrent prier Balaam de venir maudire ce peuple. On lui porta de grands présents, et on le sollicita avec de grandes instances à venir dévouer ce peuple. Il s'en défendit d'abord avec beaucoup de vigueur, et il ne se rendit qu'aux pressantes sollicitations de sa femme, que les Chananéens avaient gagnée par leurs présents.

 

Balaam s'étant donc mis en devoir de prononcer sa malédiction contre Israël, Dieu, offensé de son procédé, lui ôta de la mémoire son nom ineffable, retira ses grâces et l'abandonna à son propre sens ; en sorte, dit Mahomet, qu'on peut le comparer à un chien qui tire toujours sa langue et montre ses dents, quand vous le quittez après l'avoir poursuivi. [Voyez ci-après BALAAM (anesse de).]

 

On demande si Balaam était un vrai prophète du Seigneur ou un simple, devin, un magicien, un diseur de bonne aventure, ariolus, ainsi qu'il est nommé dans les Nombres, (Nu 22 :5). On est partagé sur cette question. Origène dit que tout le pouvoir de cet homme ne consistait que dans la magie et dans les malédictions qu'il donnait ; parce que le démon, dont il employait le pouvoir, ne sait ce que c'est que donner des bénédictions, mais seulement maudire et malfaire. Théodoret croit que Balaam ne consultait pas le Seigneur ; mais que le Seigneur l'inspirait malgré lui, et lui mettait dans la bouche des choses qu'il n'avait nulle envie de prononcer. Saint Cyrille d'Alexandrie dit qu'il était un scélérat, un magicien, un idolâtre, un faux prophète, qui ne dit la vérité que malgré lui et contre son ordinaire. Saint Ambroise le compare à Caïphe, qui prophétisa sans savoir ce qu'il disait.

 

La plupart des commentateurs croient aussi que Balaam était un magicien et un idolâtre. Mais saint Jérôme semble avoir adopté le sentiment des Hébreux, qu'il rapporte, et qui tiennent que Balaam connaissait le vrai Dieu, qu'il lui fit ériger des autels, qu'il était un vrai prophète, quoique fort corrompu dans ses moeurs. Moïse dit expressément qu'il consulta le Seigneur (Nu 22 :8, 9, 12, 18-20)  et Balaam appelle le Seigneur son Dieu (Nu 22 :18).

 

Saint Augustin n'a osé décider cette question. Il dit que Balaam sera du nombre de ceux qui, au jour du jugement, diront à Dieu : Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en votre nom ? Ce qui insinue qu'il le croyait vrai prophète, quoique très-méchant et du nombre des réprouvés. On peut voir pour le même sentiment Tostat et les autres commentateurs.

 

 

 

BALAAM (2) (Anesse de).

 

On peut voir ci-dessus, article de BALAAM, l'histoire de ce qui lui arriva avec son ânesse, qui lui parla. Ici nous ne nous arrêtons qu'à examiner ce fait, s’il est arrivé réellement et à la lettre, comme le raconte Moïse, ou si c'est une simple allégorie, une imagination ou une vision de la part de Balaam.

 

Saint Augustin, avec le plus grand nombre des commentateurs, suppose le fait comme certain, et il le prend dans toute la rigueur de la lettre. Il ne trouve dans tout cela rien de plus surprenant que la stupidité de Balaam, qui entend son ânesse lui parler, et qui lui parle comme il aurait fait à une personne raisonnable. Ce saint croit que ce devin était accoutumé à de pareils prodiges, ou qu'il était étrangement aveuglé par son avarice, pour n'être pas arrêté par un événement si extraordinaire. Il ajoute que Dieu n'avait pas donné à l'ânesse une âme raisonnable, mais qu'il avait permis qu'elle proférât des paroles, pour reprendre l'avarice du prophète.

 

Saint Grégoire de Nysse semble croire que l'ânesse ne proféra aucune parole distincte ; mais qu'ayant seulement poussé son braire accoutumé, le devin, habitué à tirer des présages du cri des animaux et du chant des oiseaux, comprit aisément ce que son ânesse voulait lui dire par son cri. Moïse, dans le dessein de traduire en ridicule cet art superstitieux des augures et des aruspices, nous a raconté la chose, comme si véritablement l'ânesse avait proféré des paroles articulées.

 

Maimonides veut que tout ce dialogue ne soit qu'une espèce de fiction et d'allégorie, par laquelle Moïse nous a raconté comme une histoire, ce qui s'était seulement passé dans l'imagination de Balaam. D'autres ont cru satisfaire à la difficulté qui se présente naturellement à l'esprit, pourquoi Balaam, sans s'étonner, répond à sa bête, comme si elle eût été capable, non-seulement de raisonner, mais même qu'elle eût eu l'usage de la parole ; ils ont cru, dis-je, satisfaire à cette difficulté, en disant que Balaam imbu de la créance de la métempsycose, qui veut que par une révolution continuelle les âmes passent de corps en corps, de celui d'un homme dans celui d'une bête et réciproquement, selon que le sort ou leur choix en décident ; que ce prophète, dis-je, n'a pas été surpris qu'une ânesse se plaignît à lui, et qu'il a pu lui répondre et lui parler sans s'étonner.

 

Dans le système de ceux qui croient que les bêtes ont l'usage de la raison jusqu'à un certain point, la difficulté de cet endroit ne consiste pas à voir l'ânesse de Balaam se plaindre et raisonner, elle ne consiste qu'a l'entendre parler. Il n'est pas rare de voir des perroquets, des corbeaux, des pies, des geais, des sansonnets apprendre à parler, parce que leurs organes sont susceptibles de l'habitude de la parole. Mais on ne conçoit pas que l'ânesse en puisse faire de même. Toutefois les anciens n'ont pas fait difficulté d'avancer des choses aussi incroyables ; par exemple, que le serpent parla à Eve ; qu'un âne parla à Bacchus ; que les chevaux d'Achille, l'agneau de Phrixus, l'éléphant de Porus ont proféré des paroles, et ont parlé à leurs maîtres. Il faut, ou que les anciens qui nous ont raconté ces choses, les entendissent d'une manière allégorique et figurée, ou qu'ils n'eussent pas la même idée que nous avons sur l'impossibilité de ces événements.

 

L'apôtre saint Pierre (2Pi 2 :16) parle de ce fait comme d'un fait littéral et certain, et presque tous les interprètes l'expliquent de même. ll faut donc dire que c'est un fait miraculeux, par un écrivain inspiré, contre l’autorité duquel il n'est pas permis de former le moindre doute ; mais on peut chercher des moyens pour l'expliquer de la manière la plus conforme à la raison, et la plus propre à en sauver les difficultés, sans donner atteinte à la vérité de l'histoire. Or, il est très-possible à Dieu de faire proférer à' une ânesse quelques paroles articulées. La chose est miraculeuse et au-dessus de la faculté ordinaire de cet animal ; mais elle n'est pas contre les lois de la nature.

 

[Les rabbins font un grand cas de l'ânesse de Balaam. C'est, disent-ils, un animal privilégié que Dieu forma à la fin du sixième jour. Abraham se servit d'elle pour porter le bois destiné au sacrifice d'Isaac ; elle porta ensuite la femme et le fils de Moïse dans le désert. Ils assurent que cette ânesse est soigneusement nourrie et réservée dans un lieu secret jusqu'à l'avènement du Messie juif, qui doit la monter pour soumettre toute la terre. Collin de Plancy, Dict. inf.]

 

 

 

BALAAM (3)

 

Ville de la tribu de Manassé, au delà du Jourdain. Elle fut donnée aux Lévites de ta famille de Caath. (1Ch 6:70).