BABYLONE

 

BABYLONE (1)

 

La ville de Babylone, capitale de Chaldée, fut bâtie par Nemrod, à l'endroit où la tour de Babel avait été commencée. Elle fut capitale de l'empire de Nemrod (Ge 10 :10). Ainsi, l'on ne peut mettre en doute son antiquité. Les profanes, qui ne connaissaient point l'histoire des Juifs, en ont attribué la fondation au fils de Bélus, qui vivait deux mille ans avant Sémiramis. D'autres en attribuent la fondation à Bélus l'Assyrien, père de Ninus: d'autres à Sémiramis. Marsham en recule le commencement jusqu'au temps de Nabonassar. Mais l'opinion la plus suivie et la mieux fondée est que Nemrod la fonda, que Bélus l'augmenta et que Sémiramis y fit tant de grands ouvrages et l'orna en tant de manières, que l'on peut dire qu'elle en est la fondatrice, avec autant de raison que l'on dit que Constantin est fondateur de Constantinople.

 

L'Ecriture parle de Babylone en une infinité d'endroits, surtout depuis le règne d'Ezéchias, qui fut visité, après sa maladie, par les ambassadeurs de Mérodac-Baladan, roi de Babylone (2R 20 :12). Isaïe, qui vivait dans le même temps, parle très-souvent des maux que les Babyloniens devaient faire dans la Palestine, de la captivité des Hébreux, de leur retour de Babylone, de la chute de cette grande ville et de sa prise par les Perses et les Mèdes. Les prophètes qui ont vécu après Isaïe, comme Jérémie, Ezéchiel et Daniel, qui ont vu le règne de Nabuchodonosor, les derniers malheurs de Jérusalem et la désolation du royaume de Juda, sont encore plus occupés de la grandeur de Babylone, de sa cruauté et des maux dont Dieu la devait accabler.

 

Les auteurs sacrés en parlent comme d'une des plus grandes et des plus puissantes villes du monde (Da 4 :27) N'est-ce pas là cette grande Babylone que j'ai bâtie dans la grandeur de ma puissance et dans l'éclat de ma gloire? disait Nabuchodonosor. Bérose et Abydène attribuent à ce prince les murs de Babylone et ces prodigieux jardins soutenus sur des voûtes, que d'autres ont attribué à Sémiramis. Quant à la grandeur et à la hauteur des murs de Babylone, les historiens ne sont pas d'accord entre eux. Clitarque, cité dans Diodore de Sicile, leur donne trois cent soixante-huit stades de tour; Quinte-Curce, soixante mille pas; Hérodote, trois cent quatre-vingts stades ; Ctésias, dans Diodore de Sicile, trois cent soixante stades (44 600 pas, environ 15 lieues) ; Strabon, trois cent quatre-vingt-cinq. Quinte-Curce et Strabon leur donnent soixante-cinq pieds de haut et trente-deux de large; mais Pline et Solin les font de deux cents pieds de haut et de cinquante de large. Quinte-Curce dit qu'on fut un an à bâtir ces murs et qu'on en faisait un stade par jour, c'est-à-dire cent vingt-cinq pas; mais Bérose et Abydène nous apprennent que tout cet ouvrage si merveilleux fut exécuté en quinze jours.

 

Quoique la monarchie de Babylone soit peut-être la plus ancienne du monde, supposé, comme nous l'avons dit, que Nemrod ait commencé à régner à Babylone, on ne voit pas toutefois, ni dans l'Ecriture ni dans les profanes, que cet empire ait eu de grandes suites. Du temps d'Abraham, nous remarquons un roi de Sennaar (Ge 14 :1, 2). Babylone était dans le pays de Sennaar; mais on peut douter que le roi de Sennaar fût roi de Babylone, et quand il l'aurait été, la figure qu'il faisait dans l'armée de Codorlahomor, où il n'était que comme auxiliaire ou comme prince ligué, n'en donne pas une fort haute idée.

 

Jules Africain dit qu'Evéchoüs, qui est apparemment le même que Jupiter Belus, commença à régner sur les Chaldéens deux cent vingt-quatre ans avant les Arabes, c'est-à-dire l'an 2952 de la période Julienne, du monde 2242, du temps du patriarche Isaac, 1762 avant notre ère vulgaire. Les Arabes ayant déclaré la guerre à Chinizitus, roi de Babylone, le dépouillèrent de ses Etats, et Mardocentès y régna en sa place, l'an de la période Julienne 3176, du monde 2466, avant notre ère vulgaire 1538, et avant Bélus l'Assyrien, deux cent seize ans, vers la quarantième année de Moïse;

 

Bélus l'Assyrien commença à régner à Babylone l'an de la période Julienne 3392, du monde 2682, avant l'ère vulgaire 1322, du temps de Samgar, juge d'Israël. Bélus eut pour successeurs Ninus, Sémiramis, Ninyas et les autres, dont on trouve les noms dans les listes ordinaires. Tous ces princes sont inconnus dans l'Ecriture; au moins sous le nom de rois de Babylone. Ninus fonda (An de la période Julienne 3417, du monde 2737, avant l'ère vulgaire 1267) l'empire d'Assyrie, selon Hérodote, et cet empire subsista dans la haute Asie pendant cinq cent vingt ans. Durant cet intervalle, la ville et la province de Babylone étaient gouvernées par un satrape, envoyé du roi d'Assyrie. De tout le grand nombre de monarques assyriens régnant à Ninive, l'Ecriture ne nous parle que de Phul, qui fut apparemment père de Sardanapale, le dernier des monarques d'Assyrie, successeurs de Ninus.

 

Sous le règne de ce dernier, l'an de la période Julienne 3966, du monde 3257, Arbaces, satrape des Mèdes, et Bélésus, autrement Baladan (2R 20 :12) ou Nabonassar, satrape de Babylone, s'étant révoltés contre Sardanapale, l'assiégèrent dans Ninive, l'obligèrent à s'y brûler avec tout ce qu'il avait de plus cher et de plus précieux, et partagèrent sa monarchie; en sorte qu'Arbacès mit les Mèdes en liberté et que Bélésus fonda le royaume de Babylone. Ninus le jeune, appelé dans l'Ecriture (2R 15 :29) Téglathphalassar, régna à Ninive, et continua la succession des rois d'Assyrie mais dans un royaume bien moins étendu. Il eut pour successeurs Salmanasar, Sennachérib et Assaradon, dont les noms ne sont que trop célèbres dans les livres saints par les maux qu'ils ont faits aux Hébreux.

 

Bélésus ou Baladan, roi de Babylone, fut père ou aïeul de Mérodach-Baladan, qui envoya visiter Ezéchias après le miracle de la rétrogradation du soleil (2R 20 :12), arrivée au temps de sa guérison. On ignore les noms et les actions de ses successeurs, mais on sait qu'Assaradon, roi d'Assyrie, conquit le royaume de Babylone (Esa 23 :13), et qu'il le posséda lui et ses successeurs Saosduchin et Chinaladan, autrement Sarac, jusqu'à ce que Nabopolassar, satrape de Babylone, et Astyages, fils de Cyaxares, roi de Médie, se soulevèrent contre Chinaladan, le tuèrent, se partagèrent ses Etats et ruinèrent entièrement l'empire d'Assyrie, l'an du monde 3378, de la période Julienne 4088, avant l'ère vulgaire 626.

 

Nabopolassar fut père du grand Nabuchodonosor, destructeur de Jérusalem et le plus magnifique roi de Babylone que nous connaissions: Nous avons vu que quelques auteurs lui attribuent les grands ouvrages dont d'autres font honneur à la reine Sémiramis. Evilmérodach succéda à Nabuchodonosor et Balthasar à Evilmérodach. Les auteurs profanes parlent assez différemment des successeurs de Balthasar et d'Evilmérodach, mais Daniel (Da 5 :31) nous dit expressément que Darius-le-Mède succéda à Balthasar, et Cyrus à Darius-le-Mède, nommé autrement Astyages.

 

Les successeurs de Cyrus sont connus : Cambyse, les sept Mages, Darius, fils d'Hystaspe, Xerxès, Artaxerxès à la longue main, Xerxès II, Secundianus ou Sogdianus, Ochus, autrement Darius-Nothus, Artaxerxès-Mnémon, Artaxerxès-Ochus, Arsen, Darius-Condomanus, qui fut vaincu par Alexandre le Grand, l'an de la période Julienne 4383, du monde 3673, avant l'ère vulgaire 331.

 

Les Pères grecs, en suivant le texte des Septante, dans (Esa 10 :9), ont cru que la tour de Babel avait été bâtie à Chalannée. Voici comme ils lisent : « N'ai-je pas pris le pays qui est au-dessus de Babylone et de Chalannée, où la tour fut bâtie ? » au lieu que l'Hébreu porte : Calanné, ou Calno, « n'est-elle pas comme Carchernis ? Amatih n'est-elle pas comme Arphad, et Samarie comme Damas ? » n'ai-je pas réduit toutes ces villes sous mon obéissance ? Ainsi, on ne peut tirer aucun avantage de ce passage des Septante pour fixer le lieu où la tour de Babel fut construite. On ne peut guère douter que ce ne soit ou au dedans ou fort près de l'ancienne Babylone.

 

Les Perses attribuent àThahamurath, un de leurs plus anciens monarques, la fondation de Babylone et de Ninive. Ce prince laissa à ses sujets une entière liberté de conscience, de sorte que, sous son règne, l'idolâtrie s'étendit en plusieurs branches et se répandit dans tout l'Orient; ce que quelques-uns entendent du temps qui précéda le déluge, et revient à ce que dit Moïse, que, du temps d'Enos, on commença à profaner le nom de Dieu, en le donnant aux idoles (Ge 4 :26), selon l'Hébreu. En effet, plusieurs Orientaux veulent que Malaléel, fils de Caïnan, ait fondé cette ville avant le déluge ; niais la plupart tiennent que Nemrod fut le principal auteur de la construction de la tour de Babel ; et voici comme ils tournent la chose à leur manière, qui tient toujours un peu du miraculeux : Nemrod ayant remarqué qu'Abraham était sorti sain et sauf du feu où il l'avait fait jeter, dit à ses courtisans : Je veux monter au ciel pour y voir ce Dieu si puissant qu'Abraham nous prêche. On eut beau lui remontrer que cette entreprise était impossible, il ordonna qu'on lui bâtit une tour la plus élevée qu'on pourrait. On y travailla trois ans, et Nemrod étant monté au sommet de cet édifice, fut surpris de voir que le ciel lui paraissait dans une aussi grande distance qu'auparavant. Ce qui augmenta sa surprise, c'est que le lendemain on lui donna avis que sa tour était renversée. Il commanda qu'on lui en bâtit une autre plus haute et plus solide que la première ; mais elle eut le même sort que celle qu'on avait élevée d'abord. Enfin, il résolut de se faire porter au ciel par quatre oiseaux monstrueux nommés Kerkès. Ces oiseaux le promenèrent quelque temps dans les airs, et enfin ils le jetèrent par terre contre une montagne, qui fut ébranlée de sa chute. Fables.

 

Un voyageur allemand, nommé Ranwolf, qui passa, en 1574, par l'endroit où était l'ancienne Babylone, parle ainsi des ruines de cette fameuse ville « Le village d'Elugo est situé où était autrefois Babylone de Chaldée. Le port en est à un quart de lieue; on y aborde pour aller par terre à la fameuse ville de Bagdad, qui en est à une journée et demie à l'orient, sur le Tigre. Le terroir est si sec et si stérile qu'on ne le peut pas labourer, et si nu que je n'aurais jamais pu croire que cette puissante ville, autrefois la plus superbe et la plus fameuse du monde; et située dans le pays fertile de Sennaar, eût pu y avoir été, si je n'avais vu par la situation et par plusieurs antiquités d'une grande beauté, quoique entièrement négligées, qui se voient là autour, qu'elle y était assurément. Premièrement, par le vieux pont de l'Euphrate, dont il reste encore quelques piles et quelques arches de brique, si fortes que c'est une merveille... Tout le devant du village d'Elugo est la colline sur laquelle était le château. On y voit encore les ruines de ses fortifications, quoique démolies et inhabitées. Derrière, et assez près de là, était la tour de Babylone... On la voit encore, et elle a une demi-lieue de diamètre; mais elle est si ruinée, si basse et si pleine de bêtes venimeuses qui ont fait des trous dans ces masures, qu'on n'en ose approcher d'une demi-lieue, si ce n'est deux mois de l'année en hiver, que ces animaux ne sortent point de leurs trous. Il y en a surtout une espèce que les habitants appellent églo dans la langue du pays, qui est le persan, dont le poison est fort subtil : ils sont plus gros que nos lézards. »

 

On peut comparer à ce que dit ce voyageur la description que fait Isaïe de l'état où doit être réduite Babylone après sa chute (Esa 13 :19, 22). Ainsi Babylone, la gloire des royaumes et l'excellence de l'orgueil des Chaldéens, sera comme quand Dieu détruisit Sodome et Gomorrhe : on ne l'habitera plus, l'Arabe n'y plantera plus ses lentes, les pasteurs même n'y parqueront pas. Les bêtes sauvages du désert y auront leur repaire, leurs maisons seront remplies de dragons, les autruches et les boucs (ou les satyres) y feront leurs demeures, les chats-huants y hurleront dans ses châteaux, et les oiseaux de mauvais augure dans leurs maisons de plaisance.

 

Or voici qu'elle était Babylone dans son plus grand éclat, soit qu'elle fût l'ouvrage de Sémiramis ou de Nabuchodonosor, car les anciens ne conviennent pas entre eux sur cet article. Nous tirerons principalement celle description d'Hérodote, qui avait été sur les lieux et qui est le plus ancien auteur qui ait traité cette matière. La ville était carrée, de cent vingt stades en tout sens, c'est-à-dire de quinze milles, ou de cinq lieues en carré, et de tour, en tout, quatre cent quatre-vingts stades, vingt lieues. Ses murs étaient bâtis de larges briques cimentées de bitume, liqueur épaisse et glutineuse qui sort de terre en ce pays-là, qui lie plus fortement que le mortier et devient plus dure que la brique, à laquelle elle sert de ciment. Ces murs avaient 87 pieds d'épaisseur, 350 de hauteur et 480 stades de circuit. Ceux qui ne leur donnent que cinquante coudées de hauteur en parlent selon l'état où ils étaient après Darius, fils d'Hystaspe, qui, pour châtier la révolte des Babyloniens, fit raser leurs murailles à la hauteur dont nous venons de parler.

 

La ville était environnée d'un vaste fossé rempli d'eau et revêtu de briques des deux côtés. La terre qu'on avait tirée en les creusant avait été employée à faire les briques dont les murs de la ville étaient bâtis : ainsi, par l'extrême hauteur et épaisseur des murailles, on peut juger de la grandeur et de la profondeur du fossé. Il y avait cent portes à la ville, vingt-cinq de chacun des quatre côtés. Toutes ces portes étaient de bronze massif avec leurs dessus et leurs montants. Entre deux de ces portes étaient trois tours de distance en distance, et trois entre chaque angle de ce grand carré, et ces tours étaient élevées de dix pieds plus haut que les murs, ce qu'il faut entendre seulement des lieux où les tours étaient nécessaires : car la ville, étant environnée en divers endroits par des marais toujours pleins d'eau, qui en défendaient l'approche, elle n'avait pas besoin de tours de ces côtés-là; aussi leur nombre n'était que de deux cent cinquante, au lieu que, s'il y en avait eu partout, le nombre en aurait été beaucoup plus grand.

 

A chaque porte répondait une rue, de manière qu'il y avait en tout cinquante rues, qui allaient d'une porte à l'antre, qui se coupaient à angles droits, et dont chacune avait quinze milles ou cinq grandes lieues de long et 150 pieds de large. Il y avait quatre autres rues qui n'étaient ornées de maisons que d'un côté, étant bordées de l'autre par les remparts. Elles faisaient le tour de la ville le long des murailles et avaient chacune deux cents pieds de large. Comme les rues de Babylone se croisaient, elles formaient six cent soixante-seize carrés, dont chacun avait quatre stades et demi de chaque côté, ce qui faisait deux milles et un quart de circuit. Ces carrés étaient environnés, par dehors, de maisons hautes de trois ou quatre étages, dont le devant était orné de toutes sortes d'embellissements ; l'espace intérieur était occupé par des cours ou des jardins.

 

L'Euphrate coupait la ville en deux parties égales du nord au midi. Un pont d'une structure admirable, d'un stade ou 125 pas de long, et de trente pieds de large, donnait la communication d'une partie de la ville à l'autre; aux deux extrémités du pont étaient deux palais : le vieux au côté oriental du fleuve, et le neuf au côté occidental opposé. Le premier contenait quatre des carrés dont on a parlé, et l'autre en occupait neuf. Diodore donne au premier 30 stades de tour et au second 60. Le temple de Bélus qui était proche du vieux palais, remplissait un autre de ces carrés. La ville entière était située dans une vaste plaine, dont le terroir était extrêmement gras et fertile. Nous avons donné le plan de cette fameuse ville, d'après le P. Kircher (voyez l'atlas). Pour la peupler, Nabuchodonosor y transporta une infinité de peuples captifs du nombre de ceux qu'il avait subjugués. Les livres saints nous racontent plusieurs détails de la captivité des Juifs à Babylone.

 

Nous avons déjà parlé ci-devant du temple de Bélus que plusieurs confondent à tort avec la tour de Babel Voyez [BABEL, BABYLONE et BEL]. Nous parlerons ailleurs de la statue que Nabuchodonosor fit élever dans la campagne de Dura en la province de Babylone. Il nous reste à dire un mot de ces fameux jardins suspendus, qui passaient pour une des merveilles du monde. Ils contenaient un espace de quatre cents pieds en carré ; au dedans de cet espace s’élevaient ces fameux jardins, composés de plusieurs larges terrasses posées en amphithéâtres, et dont la plus haute plateforme, égalait la hauteur des murs de Babylone, c’est à dire avait trois cent cinquante pieds de haut. On montait d’une terrasse à l’autre par un escalier large de dix pieds; toute cette masse était soutenue par de grandes voûtes bâties l’une sur l’autre, et fortifiées d’une muraille de vingt-deux pieds d’épaisseur, qui l’entourait de toutes parts; sur le sommet de ces voûtes on avait posé de grandes pierres plates de seize pieds de long et quatre de large.


On avait mis par-dessus une couche de roseaux enduits d’une grande quantité de bitume, sur laquelle il y avait deux rangs de briques liées fortement ensemble avec du mortier. Tout cela était couvert de plaques de plomb, et sur cette dernière couche était posée la terre du jardin. Toutes ces précautions avaient été prises pour empêcher que l’eau et l’humidité ne perçassent point et ne s’écoulassent à travers les voûtes. On y avait amassé une si grande quantité de terre, que les plus grands arbres pouvaient y prendre racine. On y voyait tout ce qui peut contenter la vue et la curiosité en ce genre de très—beaux et de très—grands arbres , des fleurs, des plantes, des arbustes; sur la plus haute des terrasses il y avait un aqueduc dans lequel on tirait l’eau du fleuve, apparemment par une pompe, et de là on arrosait tout le jardin. On assure que Nabuchodonosor entreprit ce fameux et admirable édifice, par complaisance pour son épouse Amytis, fille d’Astyage, qui, étant native de Médie, avait conservé beaucoup d’inclination pour les montagnes et les forêts.


L’Ecriture, en aucun endroit, ne fait mention de ces fameux jardins, mais elle parle des saules qui étaient plantés sur les bords des ruisseaux de Babylone, ou de la Babylonie, auxquels les prêtres ou les lévites, ministres du temple du Seigneur, avaient suspendu leurs instruments de musique pendant leur captivité (Ps 137 :2).  Et Isaïe voulant parler en style prophétique de la captivité où les Moabites devaient être réduits par Nabuchodonosor, dit (Esa 15 :7) qu’ils seront conduits à la vallée des saules. Ailleurs (Esa 21 :1) le même prophète, décrivant les maux que Babylone devait souffrir de la part de Cyrus, donne à cette ville le nom de désert de la mer. Et Jérémie (Jer 51 :36, 42) : Je dessècherai la mer de Babylone, et je tarirai ses sources. Et encore : Elle a été inondée des eaux de sa mer, ses flots l’ont toute couverte. Et Mégasthène assure que Babylone était bâtie dans un lieu qui était auparavant tellement rempli d’eau, qu’on l’appelait la mer.

 
Voici ce qu’Isaïe a prophétisé contre Babylone (Esa 13 :1, 2) Levez l’étendard sur la montagne couverte de nuages, sur la Médie, ce pays de montagnes; haussez la voix, étendez la main, et que les princes entrent dans la ville, qu’ils se rassemblent pour marcher contre Babylone. J’ai donné mes ordres à mes troupes, j’ai fait venir mes guerriers; déjà les montagnes retentissent du bruit de la multitude, on entend la voix comme de plusieurs rois et de plusieurs nations réunies ensemble Poussez des cris et des hurlements, parce que le jour du Seigneur est proche. Les coeurs des Babyloniens seront brisés de douleur, ils se fondront de découragement, ils se regarderont l’un l’autre avec étonnement, leurs visages seront comme brûlés par le feu. Je viendrai venger les crimes que les Babyloniens ont commis contre le reste du monde, je ferai cesser leur orgueil, et j’humilierai leur insolence; l’homme sera plus précieux (et plus rare) que l’or. Babylone sera comme un daim qui s’enfuit, et comme une brebis égarée. Quiconque se trouvera dans ses murailles sera mis à mort, et ceux qui se présenteront pour la défendre, seront passés au fil de l’épée. Leurs enfants seront écrasés contre la pierre à leurs yeux; leurs maisons seront pillées et leurs femmes violées. Je susciterai contre eux les Mèdes, qui ne chercheront point l’argent, et ne se soucieront point de l’or. Cette grande Babylone, cette reine entre les royaumes du monde, sera détruite, comme le Seigneur a ruiné Sodome et Gomorrhe. Elle ne sera plus jamais habitée, et ne se rebâtira plus dans la suite des siècles, etc. Voyez aussi (Esa 14 ; 21 ; 45-48 ; Jer 50 ; 51 ; Ez 21 :30-32)etc…


Les prédictions des prophètes contre Babylone s’accomplirent par degrés. Bérose raconte que Cyrus, s’étant rendu maître de cette ville, en fit démolir les murailles extérieures, parce que la ville lui parut trop forte, et qu’il craignait qu’elle ne se révoltât. Darius, fils d’Hystaspe, ayant pris Babylone, en fit rompre les portes, et réduisit les murs à la hauteur de cinquante coudées, pour châtier l’orgueil de cette ville. Alexandre le Grand avait conçu le dessein de la rétablir, mais sa mort précipitée l’en empêcha, et ses successeurs le négligèrent. Séleutus Nicator, un des successeurs d'Alexandre, ayant bâti Séleucie sur le Tigre, le voisinage de cette dernière place, dont Séleucus voulait faire une grande ville, dépeupla insensiblement Babylone. Strabon assure que de son temps, c'est-à-dire sous l'empire d'Auguste, Babylone était presque entièrement déserte. Il lui applique ce qu'un ancien poète avait dit de Mégalopolis, qu'elle n'était plus qu'un grand désert. Diodore de Sicile, qui vivait dans le même siècle, assure qu'il n'y avait plus qu'une petite partie de la ville d'habitée.

 

Pausanias, qui vivait dans le second siècle de l'Eglise, dit qu'elle n'avait plus rien que de vastes murailles. Théodoret remarque que de son temps elle n'était plus habitée que de quelques Juifs. Eusèbe, écrivant sur le chapitre XIII d'Isaïe, dit que de son temps elle était entièrement déserte, ainsi que le témoignaient ceux qui venaient de ces quartiers-là. Enfin saint Jérôme, sur ce même chapitre XIII d'Isaïe, raconte, sur le témoignage d'un religieux Elamite, qui demeurait à Jérusalem, que les rois de Perse se servaient de Babylone comme d'un grand parc, dans lequel ils nourrissaient grand nombre d'animaux sauvages pour la chasse. Benjamin de Tudèle, Juif du douzième siècle, dit qu'il trouva Babylone entièrement ruinée, et qu'on y remarquait encore les ruines du palais de Nabuchodonosor, duquel on ne pouvait approcher à cause des serpents qui y étaient en très-grande quantité. Depuis ce temps, les vestiges de cette superbe ville sont tellement effacés, qu'on ne sait pas même au vrai où elle était autrefois. Ainsi ceux qui confondent la ville de Bagdad avec l'ancienne Babylone, sont dans une erreur grossière.

 

[ M. Raoul-Rochette, professeur d'archéologie asiatique à la Bibliothèque royale, a consacré, en 1835, plusieurs de ses leçons à décrire les ruines de Babylone. Nous allons en donner ici une analyse faite par M. Thomassy et insérée dans l'Université Catholique, tome IV.

 

« Au village nommé Iscandéria, commencent les monceaux de briques babyloniennes. Mais Babylone est plus loin, séparée de ce lieu par trois canaux, dont l'un dut être le fossé de cette capitale. A mesure qu'on s'en approche, on voit les monceaux de briques de son enceinte qui s'élèvent et s'exhaussent, non plus isolés, mais fermant au contraire des chaînes de collines qui indiquent la suite et l'ancien emplacement des maisons et des palais. Des vallées étroites, profondes et sinueuses les séparent et donnent la direction des rues. Et partout, sur une surface dont ne peut embrasser l'étendue, c'est un
chaos semblable d'excavations et de hauteurs, seuls restes qui indiquent, de nos jours,l'antique capitale d'Assyrie. C'est là, sur ces masses énormes de terres et de briques, qu'il faut reconstruire par la pensée, et à l'aide des débris que nous ont fait connaître les voyageurs, les remparts, les habitations et les monuments merveilleux de Babylone, qui furent un objet d'étonnement pour l'antiquité, et d'incrédulité pour les temps modernes. L'histoire nous apprend que ses remparts avaient 365 pieds d'élévation, et qu'ils firent toujours l'orgueil de ses habitants. Darius en réduisit la hauteur à 150 pieds, pour punir une de ses révoltes et l'asservir en l'abaissant. Ce qui reste des murailles ne peut donner aucune idée de ce qu'elles furent jadis ; toutefois l'énorme tranchée qu'on voit à leurs pieds et qui a dû se combler à mesure, en recevant tous leurs débris, permet de concevoir les récits des historiens. Quant à la forme de ces remparts, nous en trouvons le modèle sur des médailles. Ils étaient crénelés et portaient le symbole du lion terrassant le taureau, et l'image de Jupiter de Tarse, qui était le dieu Bel des Assyriens. Les médailles où ils sont représentés, rares et non moins précieuses par leur travail que par leur ancienneté, furent frappées bien avant Alexandre. Dans l'intérieur des remparts, l'impression générale que l'aspect des ruines de Babylone a laissée à tous les voyageurs, est celle d'un site couvert d'énormes monticules dont chacun renferme des amas de briques, vieux débris de palais à l'état de décombres. Vers l'occident, c'est-à-dire sur la rive droite, de l'Euphrate, un monument se fait tout d'abord remarquer : c'est la plus haute et la plus auguste des antiquités de la terre, nommée, dans le langage de la contrée, Birs-Nemrod, ou le palais de Nemrod, à un mille du fleuve et dans l'enceinte de la ville. Il est difficile au voyageur de l'examiner dans toutes ses parties, et à l'imagination de lui restituer ses formes primitives. Les Juifs d'aujourd'hui l'appellent la prison de Nabuchodonosor. La description la plus parfaite en a été donnée par M. Bignon. C'est une ruine oblongue irrégulière, et dont la base a 2082 pieds. Strabon ne donnant que 20 pieds de moins à celle du temple de Bélus, rien ne s'opposerait, à la rigueur, à ce qu'on y reconnût ce monument ; car, il serait très-possible que la chute des décombres eût augmenté la largeur de la base de manière à satisfaire à la différence des mesures; mais ce n'est point là une raison suffisante pour confondre les deux monuments. La hauteur du Birs-Nemrod est irrégulière, ayant 200 pieds d'un côté et 190 de l'autre; sur le sommet, ou voit plusieurs terrasses de constructions qui s'élèvent en retraite et forment amphithéâtre de chaque côté ; enfin, au troisième étage de cette espèce de tour, qui dut en avoir huit, on trouve des murailles solides et intactes dans leur parement intérieur, qui ont 35 pieds d'élévation. D'énormes monceaux de briques couvrent la base de ce monument, qui ne peut être que l'ancienne tour de Babel: et ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que ces briques sont toutes vitrifiées, comme si elles avaient été soumises au feu le plut actif et le plus violent. Ce fait, de la plus haute importance, est garanti par tous les voyageurs, et leurs témoignages sont unanimes à cet égard. On ne peut donc le nier ; mais comment l’expliquer ? Quelle cause trouver à ce désastre étonnant et terrible qui se révèle dans cette effroyable accumulation de masses vitrifiées ? Les voyageurs qui les ont observées, ont cru devoir attribuer au feu du ciel une destruction qui a laissé des ruines aussi extraordinaires; Toujours est-il qu’un feu prodigieusement actif a pu seul les vitrifier comme on peut le juger d'après les fragments que possède le cabinet des antiques, à la Bibliothèque royale, et d'après ce qui résulte des observations faites sur les lieux par des hommes éclairés et dignes de foi, sans liens de communication entre eux, et dont le témoignage par conséquent doit être admis dans toute sa valeur.

 

Mais il ne suit pas de ce grand fait, qui est unique dans les antiquités du monde et qui n'appartient qu'à Babylone, que cette pyramide si informe, et dont la hauteur était prodigieuse, soit à la fois, comme l'ont pensé les voyageurs ker Porter et Rich, la tour de Babel, fondée par Nemrod, et le temple de Bélus, qu'on croit y avoir été construit plus tard par Nabuchodonosor: Ces deux monuments durent être séparés ; car la tour de Babel resta inachevée et ne put se transformer en temple de Bélus, qui était couronné à son faîte, et qui fut observé par Hérodote, Ctésias et les écrivains compagnons d'Alexandre. La confusion de ces deux monuments est une erreur de ker Porter, de Rich et de la plupart des voyageurs ; car, dans le témoignage des lieux, comme dans le souvenir de l'histoire, rien ne prouve que le Birs Nemrod soit à la fois la tour de Babel et le temple de Bélus.

(Note : Pour démontrer, dit M. de Paravey, que le Birs Nemrod, dont les murs sont renversés et vitrifiés par les feux célestes, répond bien exactement et bien certainement à l'ancien emplacement de Babel, on peut faire les rapprochements suivants. Le Pentateuque samaritain appelle LILAQ l'ancienne Babel. Or, non loin de cette tour de Nemrod, et dans l'enceinte même de Babylone, il existe encore une petite ville nommée        HILLAH ou HILACQ ou ILAQ ; ce qui est évidemment l'antique nom samaritain LILAQ. Ce nom est encore conservé dans le non, d'IRAK-ARABI, ou l'Irak des Arabes, l'Irac civilisé, donné à la Babylonie, comme l'a observé M. Raoul Rochette, dans une de ses leçons sur les ruines de Babylone. [Voyez ACHAD, ci-dessus.] Le nom d'Irac-Araby, était donné à la Babylonie pour la distinguer de l'Irac de la Perse, IRAC-ADJEMI, ou l'IRAC DES ÉTRANGERS. Cette remarque est d'une haute importance pour l'étude des langues orientales. En effet, ces noms nous prouvent que, conformément aux traditions bibliques et historiques, la civilisation eut pour centre, après le déluge, la Babylonie et l'Arabie, et non l'Inde, et encore moins la Chine, comme l'ont prétendu quelques auteurs. Il nous serait facile de prouver qu'à l'époque où la Babylonie était déjà fort avancée en civilisation, la Chine avait à peine des habitants.)

 

Si de la rive droite de l'Euphrate, nous passons à la rive gauche de ce fleuve qui traversait Babylone, comme la Seine traverse Paris, nous trouvons les huit quais superbes, qui embellissaient la ville et la défendaient contre les inondations : le palais royal, divisé en deux parties qui communiquaient entre elles par des galeries souterraines, et qui se trouvaient chacune dans une moitié de la Ville; les jardins suspendus de Sémiramis, qui furent admirés comme une merveille de l'ancien monde, et une multitude d'autres monuments dégradés par les siècles, méconnaissables sur leur ancien emplacement, occupent, d'après le récit de M. Raimond, jusqu'à une étendue de dix-huit lieues de pays. Ainsi se trouvent confirmées, par les observations modernes, les récits d'Hérodote que les savants et les hommes de cabinet ne peuvent plus désormais tarer d'exagération.

 

Au centre de Babylone, sur les rives du fleuve, deux ouvertures indiquent l'emplacement du fameux pont de Sémiramis, qui joignait entre elles les deux moitiés de la ville. Ce pont occupait sur le fleuve une largeur de deux cent vingt mètres ; les débris de ses arches sont en briques cuites au four, et l'on y a vu les crampons de bronze qui les liaient les unes aux autres. C'était par-dessous ce pont, et sous le lit du fleuve, qu'avaient été construits les vingt-cinq passages souterrains qui donnaient communication aux deux palais placés à chaque tête du pont, sur chaque côté de l'Euphrate. C'était un tunnel asiatique, comme celui de la Tamise à Londres, mais dont la supériorité prodigieuse sur l'admirable travail de l'industrie anglaise rappelle une des merveilles de la puissance assyrienne. Ce que les historiens, et entre autres Diodore de Sicile, en avaient rapporté, avait été mis au nombre des fables. Aujourd'hui le tunnel de Londres fait concevoir la possibilité d'un travail semblable sur de plus vastes proportions, et justifie pleinement les témoignages de l'histoire.

 

Mais nous voici sur une place magnifique, d'où l'on aperçoit les ruines du temple de Bélus et des monceaux de briques, de bitume, de tuiles et de poterie mêlés confusément, comme dans tous les édifices de Babylone. On distingue quatre grandes masses ; la première, aujourd'hui nommée la colline de Amram, offre une ligne immense d'édifices défigurés ou brillants encore, les poteries vernissées et les verres émaillés de l'industrie babylonienne ; la seconde masse a une forme à peu près carrée, et chaque face est de 700 mètres de largeur ; la construction en est parfaite, son parement intérieur est revêtu de briques cuites au four et couvertes de lettres cunéiformes.

 

L'ensemble et la distribution des parties indique une bâtisse supérieure à toutes celles de Babylone, également remarquable par la masse, la perfection et la beauté de la matière, qui forme sans doute les principales causes de sa ruine et de sa dégradation actuelle ; car c'est le plus vaste magasin de briques qui se trouve à Babylone ; c'est une immense carrière ouverte à qui veut y prendre des matériaux de construction, et toutes les générations y sont allées puiser, sans méthode, sans plan et sans but ; chacune selon ses besoins ou ses caprices. De là, les excavations irrégulières, les crevasses, les cavernes qu'on rencontre çà et là et qui permettent difficilement de parcourir cet édifice, bouleversé de fond en comble et presque méconnaissable; mais cependant on peut trouver des marbres, des tuiles émaillées ou vernissées, dont l'éclat, conservant une fraîcheur admirable, nous donne une idée des richesses de Babylone et rend témoignage à la vérité de l'histoire.

 

L'abbé de Beauchamp a rapporté de ses missions quelques fragments de ces briques coloriées, et l'on y remarque le jaune et le bleu, si en usage dans les peintures babyloniennes. Or, quand on pense que le sol est tout semé de pareils débris, et qu'on ne peut faire un pas sans fouler ces riches émaux incrustés sur des briques ou des tuiles, on conçoit alors la splendeur de ces anciens édifices, tous revêtus en dehors et à l'intérieur de brillantes peintures, dont nous retrouvons la réminiscence et de faibles vestiges sur les cylindres antiques.

 

Ces détails caractéristiques des ruines du second monument, parmi les quatre que nous avons mentionnés, suffiraient pour indiquer que c'était le temple carré de Bélus, au sommet duquel s'élevait la célèbre tour où les prêtres du dieu pouvaient se livrer à l’observation des astres. Mais une découverte importante confirme cette présomption. M. Rich pratiqua une fouille dans un lieu où la tradition locale disait être une idole enfouie, et il parvint à découvrir ce que les habitants croyaient être une idole et qui n'était qu'un lion en granit, ancien symbole de la puissance assyrienne. Un monument unique de l'art primitif fut ainsi retrouvé ; mais qui le croirait ? il ne tarda pas à être livré à la destruction ; car, lorsque M. Mignan passa par ce même lieu, en 1827, il eut la douleur de trouver le lion mutilé, et sa tête avait été brisée par des vandales modernes. En dédommagement, il fit une nouvelle découverte et qui vient, comme la première, à l'appui de l'opinion de M. Raoul-Rochette, sur la position du temple de Bélus. C'est qu'à peu de distance du lion, il découvrit un débris aux formes colossales, une statue dorée, longue de neuf pieds, sculptée en granit, et portant tous les caractères d'un monument de la plus haute antiquité. Voilà donc deux débris éminemment précieux, uniques dans l'histoire des monuments babyloniens ; et il est à jamais regrettable que le monde savant de l'Europe n'ait pu se les procurer ; car un grand échantillon serait nécessaire pour bien apprécier l'art qui nous occupe, et de petits cylindres, seuls restes que nous possédons, ne peuvent pas donner une base toujours sûre à des observations archéologiques.

 

Après le temple de Bélus, vient un troisième monument, où il est impossible de ne pas reconnaître les fameux jardins suspendus de Sémiramis. Il est construit en amphithéâtre de chaque côté et s'élève avec des terrasses ou retraits, forme de construction propre à l'Asie et qu'on retrouve partout dans l'Inde. Ces terrasses étaient soutenues par des galeries, et se dominaient les unes les autres, de manière que le plan de la dernière terrasse, d'après Clésias et Diodore, s'élevait de cinquante coudées au-dessus du sol. Elles reposaient les unes sur les autres, appuyées sur des pilastres cubiques, hauts de seize pieds, creusés à l'intérieur et remplis de terre pour nourrir les racines des arbres. On a trouvé quelques-uns de leurs débris, qui ont pleinement justifié cette forme que leur avaient attribuée les historiens. Le plafond des terrasses se composait de roseaux cimentés avec du bitume : par-dessus étaient des briques également cimentées; et le tout, recouvert de plomb, supportait la terre végétale des jardins suspendus. On y arrivait d'étage en étage à l'aide des machines mues par l'eau de l'Euphrate. Et ces escaliers mobiles, dont nous ne pouvons nous faire une idée, mais qui indiquent un prodigieux développement d'industrie, devaient être en rapport avec toutes les merveilles de ces lieux enchantés.

 

Tel était le jardin suspendu de Sémiramis ou le Paradis de Babylone, car ce mot est une émanation de l'antiquité asiatique. Paradeiso est une expression grecque empruntée à l'Asie. Or, le témoignage des historiens a été confirmé par l'observation des voyageurs, M. Rich et M. Raimond, son traducteur. Ils ont remarqué les passages souterrains, et parmi les débris accumulés, ils ont retrouvé des plaques de granit et même de plomb qui ne pouvaient appartenir qu'aux plafonds des galeries.

 

Les habitants de la contrée donnent encore de nos jours, à ce monument, le nom de Palais. Cet écho des anciennes traditions porte à croire, en effet; que c'était là le palais des rois d'Assyrie. Une particularité, digne d’attention et garantie par tous les voyageurs, ne doit pas être omise : c'est l'existence d'un arbre qui, d'après les mêmes traditions Iocales, portait des fleurs dans l'antiquité et a été préservé de la destruction, afin que le voyageur pût y attacher son cheval. Or, cet arbre, dont il ne reste que la moitié du tronc, et qui ne conserve qu'une faible végétation à l'extrémité des branches, est d'une espèce étrangère au pays, et a été reconnu par les naturalistes comme une variété de l’Inde, inconnue au climat de Babylone. Ne serait-ce pas là un débris vivant du paradis babylonien, un des arbres qui ornaient le jardin suspendu, ou du moins un rejeton des racines primitives ? Ce qu'on ne peut du moins révoquer en doute, c'est l'existence de ce phénomène Végétal sur les ruines de Babylone ; car il est attesté par tous les voyageurs qui, à diverses époques, ont visité le troisième monument que nous venons de décrire.

 

Le quatrième. monument, situé plus au nord, est une masse non moins gigantesque que les trois premières, mais beaucoup plus informe et amoncelée, sens dessus dessous, expression qui convient plus ou moins, mais sans exception, à tout le reste de Babylone. Son état de décomposition le rend impossible à décrire, et dans la confusion des lieux, les témoignages des historiens nous manqueraient pour nous servir de guide.

 

Tel, est le coup d'oeil général des ruines actuelles de Babylone. Mais veut-on savoir pourquoi nous possédons si peu de ses monuments ? pourquoi nous n'avons pu retirer de ses débris que quelques fragments de briques et quelques cylindres de métal ? c'est que la désolation en éloigne tous les habitants de la contrée, la désolation qui semble un caractère aussi distinctif que providentiel de cette antique cité ; Elle n'est plus aujourd'hui, et depuis bien des siècles, qu'un repaire de bêtes féroces : Le lion, le chakal, les hiboux, les scorpions, tout ce que la nature a produit d'animaux hideux et malfaisants s'y trouve réuni et semble vouloir habiter sans partage, ces lieux déserts ; c'est à la lettre, l'accomplissement de la prédiction de l'Ecriture. On n'y trouve nul abri, nul asile ; les voyageurs effrayés ne les parcourent jamais qu'avec méfiance, et plusieurs, en pénétrant dans des souterrains, ont couru le risque d’y être suffoqués par l'odeur qu'y avait laissée le lion.

 

Babylone, jadis capitale du plus vaste empire du monde, semble aujourd'hui frappée de malédiction : son nom est un nom de terreur pour les habitants du désert ; c'est l'effroi des nations ; et les caravanes s'éloignent d'elle avec précipitation pour éviter jusqu'à l'aspect de ses ruines. »]

 

 

 

BABYLONE (Observations astronomiques faites à)

 

On a toujours beaucoup vanté l'antiquité de ces Observations. Les Babyloniens comptaient quatre cent soixante-treize mille ans depuis les observations de leurs premiers astrologues, jusqu'à l'arrivée d'Alexandre-le Grand. Cicéron met un compte rond : quatre cent soixante-dix mille ans. Pline, de la manière dont M. périzonius et le P. Hardouin l'ont corrigé, porte qu'Epigène donnait à ces observations sept cent vingt mille ans, et que Bérose et Critodème, qui sont ceux qui leur donnent moins d'antiquité, avouent pourtant que ces observations allaient à quatre cent quatre-vingt mille ans. Ce nombre d'années est excessif, et va non seulement beaucoup plus loin que le déluge, mais aussi que le commencement du Monde marqué par Moïse. Si les Babyloniens avaient eu véritablement une telle antiquité, ne nous serait-il rien resté de leur ancienne histoire ? Josèphe dit que Bérose convenait avec Moïse, dans ce qu'il disait de la corruption des hommes et du déluge. Et Aristote, curieux de savoir la vérité de ce que l'on publiait sur ces observations, écrivit à Callisthène de lui envoyer ce qu'il trouverait de plus certain sur cet article parmi les Babyloniens. Callisthène lui envoya des observations célestes de mille neuf cent trois ans, à commencer dès l'origine de la monarchie de Babylone, jusqu'à Alexandre. Et les imprimés de Pline au lieu des sept cent vingt mille ans d'Epigène, n'en portent que sept cent vingt ; et au lieu des quatre cent quatre-vingt mille que l'on veut faire dire à Bérose et à Critodème, ils n'en lisent que quatre cent quatre-vingts. Mais sans vouloir défendre la leçon ordinaire de Pline, qui véritablement paraît fautive, nous ne pouvons admettre le sentiment de ceux qui donnent aux Chaldéens une si haute antiquité. Elle est démentie par les livres saints, qui sont d'une autorité infiniment supérieure. La supputation même de Callisthène paraît un peu enflée ; car, selon notre Chronologie, nous ne comptons depuis Nemrod et la tour de Babel, jusqu'au règne d'Alexandre à Babylone, qu'environ dix-huit cents ans. [Voyez BEL, notre addition, § V et CHALDÉENS].

 

 

 

BABYLONE d'ÉGYPTE (2)

 

Diodore de Sicile en rapporte l'origine au temps de Sésostris. Il dit que des captifs, amenés de Babylone par ce prince, se fortifièrent dans cet endroit et y bâtirent une ville du nom de leur première patrie. Ctésias, cité dans le même Diodore, raconte que les Babyloniens étant venus en Egypte avec Sémiramis y avaient fondé Babylone ; mais Josèphe est bien plus croyable, lorsqu'il dit que cette ville ne fut bâtie que du temps de Cambyse, et qu'elle doit son origine à quelques Perses, à qui ce prince donna ce terrain et à qui il permit de s'y établir. Quelques nouveaux critiques ont prétendu que c'était de Babylone d'Egypte, que saint Pierre avait écrit sa première Epître. Nous avons réfuté ce sentiment dans une dissertation particulière à la tête du dernier tome de notre Commentaire. [Voyez CAIRE]